Docteur Bréhima BERIDOGO, anthropologue - sociologue et

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0
MINISTERE DE LA PROMOTION
DE LA FEMME, DE L’ENFANT
ET DE LA FAMILLE
REPUBLIQUE DU MALI
Un Peuple – Un But – Une Foi
***********
***********
Direction Nationale de la Promotion
De la Femme
***********
Projet de Renforcement des Capacités
Des Organisations Féminines du Mali
RECOFEM
MLI 126
Etude sur la Participation des Femmes à la Vie Publique au Mali
Contraintes et stratégies pour améliorer la situation.
Docteur Bréhima BERIDOGO, anthropologue - sociologue et
Mme Diarra Afoussatou THIERO, Magistrat
Rapport final
RECOFEM
Cité des coopérants Français-Sogoniko
Tel :(223)2208042 ; Fax : (223)2208044
E-Mail :[email protected]
Bamako Mali
Février 2006
1
Table des matières
Table des matières
Liste des sigles et abréviations
Avant propos
Introduction
Tableau I. Taille et caractéristiques de l’échantillon selon les régions
I.
Etre femme au Mali : les causes de la discrimination
1.1.
Les causes sociales
1.2.
Les causes culturelles
1.3.
Les causes économiques
1.4.
Les causes liées aux traditions politiques maliennes
1.5.
Les causes psychologiques
1.6.
Les causes liées aux violences faites aux femmes et
particulièrement Le harcèlement sexuel
II.
Enjeux ou problématique de la participation de la femme à la
vie publique
III.
Bref rappel historique de l’implication de la femme dans la vie
publique : Première République, Deuxième République et Transition
3.1. La Première République : 1960 – 1962, la Commission Sociale
des Femmes
Tableau II. Les femmes élues sous la 1ère République
3.2. La deuxième république : 1968 – 1991, L'UNFM (Union
Nationale des Femmes du Mali)
Tableau III. Les femmes élues sous la 2ème République
3.3. La période de la Transition 1991 – 1992 : Le ministère de la
santé publique, de l’Action sociale et de la Promotion Féminine, le
Secrétariat d’Etat chargé de la Promotion Féminine
IV. La Troisième République et la femme (1992)
4.1. Les textes élaborés, les actes posés et le cadre institutionnel mis
en place par l’Etat pour la promotion de la femme
4.1.1. Les textes
4.1.2. Le cadre institutionnel mis en place pour une plus grande
implication de la femme dans la vie publique
4.2. Les actions menées par la société civile pour l’implication de la
femme dans la vie publique
4.3. Etat des lieux de l’implication des femmes dans la vie publique
4.3.1. Les femmes dans la fonction publique
Tableau IV. Répartition du personnel de la fonction publique selon
les catégories et le sexe en 2002
Tableau V. Répartition du personnel de la fonction publique selon
les catégories et le sexe en 2004
4.3.2. Les femmes dans les instances civiles de décision
Tableau VI. Les femmes dans les instances civiles de décision
4.3.3. La femme dans la société civile
4.3.3.1. Bref rappel historique
4.3.3.2. L’implication de la femme dans la vie publique à travers la
société civile sous la Troisième République
4.3.4. La femme et l’économie
1
4
6
7
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2
4.3.4.1. La femme chef d’entreprise
4.3.4.2. La femme et le crédit
4.3.4.3. Autre secteur important : le foncier
4.3.5. La femme et la prise de décision
4.3.5.1. Dans la communauté (famille, quartier, village)
4.3.5.2. Le rôle de la femme
4.3.5.3. Le statut de la femme
4.3.5.4. Le changement d’attitude des hommes
4.3.6. La femme et le politique
4.4. Les insuffisances de la troisième république
4.4.1. Généralités
4.4.2. L’insuffisance de l’engagement citoyen des associations et
organisations féminines
4.2.3. L’affaiblissement de la volonté politique des autorités de la
Troisième République
4.4.4. L’inégalité de rémunération entre homme et femme
4.4.5. La figuration dans les instances dirigeantes des associations
mixtes
4.4.6. Les stéréotypes dont sont victimes les femmes qui arrivent à
transcender la discrimination
4.4.7. Les résistances de certains hommes et de certaines
communautés face au changement
4.4.8. Des biais provoqués par l’assistance au développement
4.4.9. L’insignifiance du nombre de femmes élues
4.5. Les obstacles à la participation de la femme à la vie publique
4.5.1. Les obstacles liés aux causes sociales de la discrimination
4.5.2. Les obstacles liés aux causes culturelles de la discrimination
4.5.3. Les
obstacles liés aux causes économiques de la
discrimination
4.5.4. les obstacles liés aux traditions politiques du Mali
4.5.5. Les obstacles liés aux causes psychologiques la discrimination
4.5.6. Les obstacles d’ordre juridique à la promotion de la femme
V. Les stratégies pour une plus grande participation de la femme à
la vie publique
5.1. Les stratégies féminines d’ascension sociale et les facteurs de
réussite recensés sur le terrain
5.1.1. Les stratégies d’ascension politique
5.1.1.1. Les leaders de longue date
5.1.1.2. Les associations, une rampe de lancement politique
5.1.1.3. Le soutien de l’entourage
5.1.1.4. La combativité de la femme, le corps à corps et la
mobilisation des troupes
5.1.1.5. Des solutions spécifiques sur le plan politique
5.1.2. Les stratégies économiques, le crédit
5.2. Propositions de stratégies
5.2.1. Les stratégies face aux causes sociales de la discrimination
5.2.2. Les stratégies face aux causes culturelles de la discrimination
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60
60
60
3
5.2.3. Les
stratégies face aux causes économiques de la
discrimination
5.2.3.1. Généralités
5.2.3.2. Stratégies spécifiques par rapport à l’accès des femmes aux
moyens et facteurs de production (terre, eau, intrants, matériel agricole,
techniques et technologie appropriée)
5.2.3.3. Stratégies spécifiques pour l’entrepreunariat féminin
5.2.4. Les stratégies face aux traditions politiques du Mali et à la
faible proportion de femmes élues
5.2.4.1. Accroître la représentation féminine
5.2.4.1.1. Des stratégies applicables par le Ministère de la Promotion
de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et de ses démembrements
ainsi que des ONG et associations féminines
5.2.4.2. Agir sur les systèmes électoraux
5.2.5. Les
stratégies face aux
causes psychologiques la
discrimination
5.2.6. Stratégies dans le domaine juridique
5.2.7. Stratégies face aux violences et particulièrement au
harcèlement sexuel
5.2.8. Un outil incontournable pour la mise en œuvre des
stratégies : les mass médias
5.3. Recommandations
5.3.1. Agir sur les bases juridiques de l’égalité
5.3.2. Agir sur la participation politique
5.3.3 Respecter le principe de l’égalité au sein des partis politiques
5.3.4. Déterminer des objectif et fonctions des branches féminines
des partis politiques
5.3.5. Prendre des dispositions pour assurer la participation aux
activités du parti
5.3.6. Prendre des dispositions pour assurer une répartition
équitable des responsabilités au parlement
Conclusion
Annexe 1 Bibliographie
Annexe II Les termes de références
Annexe III Offre technique
Annexe IV : Les femmes à l’Assemblée nationale sous la troisième
république
Annexe V : Bref aperçu de la biographie de quelques premières
femmes impliquées dans la gestion de la vie publique
61
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4
Liste des sigles et abréviations
ADEMA
Alliance pour la Démocratie au Mali
AFIMA
Association des Femmes Ingénieurs du Mali
AFEM
Association des Femmes Educatrices du Mali
AJM
Association des femmes juristes
AMSOPT
Association Malienne pour le Suivi et l’Orientation des
Pratiques Traditionnelles
APAC
Association des Professionnels Africains de la Communication
APAF Muso Appui à la Promotion des Aides Familiales
Danbé
APCAM
Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali
APDF
Association pour le Progrès et la Défense des Droits de la
Femme
APE
Association des Parents d'Elèves
ARFPE
Association Régionale des Femmes pour la Paix et l’Education
ASACO
Association de Santé Communautaire
AVOM
Association des Veuves et Orphelins du Mali
BEC
Bureau Exécutif Central
CADEF
Comité d’Action pour la Défense des Droits de l’Enfant et de la
Femme
CAFO
Coordination des Associations et ONG Féminines
CCA-ONG Conseil de Concertation et d’Appui aux ONG
CCIM
Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali
CEDEF
Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de
Discriminations à l’Egard des Femmes
CESC
Conseil Economique, Social et Culturel
CESCOM
Centre de santé Communautaire
CMDT
Compagnie Malienne pour le Développement des Textiles
CNDIFE
Centre National de Documentation sur la Femme et l’Enfant
CNID
Comité National d’Initiative Démocratique
CNID-FYT Congrès National d’Initiative Démocratique Faso Yiriwa Ton
COFEM
Collectif des Femmes du Mali
CRES
Centre Régional pour l’Energie Solaire
CTSP
Comité de Transition pour le Salut du Peuple
DAF
Direction Administrative et Financière
DNFP
Direction Nationale de la Fonction Publique
EDS-III
Enquête démographique et de Santé III
FELASCOM Fédération Locale des Associations de Santé Communautaire
FNUAP
Fonds des Nations Unies pour la Population
IEC
Information, Education, Communication
IFMST
Incitation des Jeunes Filles vers les Matières Scientifiques et
Techniques
MOPOD
Mobilisation des Populations pour la Décentralisation
ODEF
Observatoire des Droits de la Femme et de l’Enfant
OMS
Organisation Mondiale pour la Santé
PARENA
Parti pour la Renaissance Nationale
PNUD
Programme des Nations Unies pour le Développement
PSP
Parti Progressiste Soudanais
5
RDS
RECOFEM
Rassemblement pour la Démocratie et la Solidarité
Projet de Renforcement des Capacités des
Organisations
Féminines du Mali
RPM
Rassemblement Pour le Mali
SECO-ONG Secrétariat de Coordination des ONG
UDD
Union pour la Démocratie et le Développement
UDPM
Union Démocratique du Peuple Malien
UFSF
Union des Femmes du Soudan Français
UGTAN
Union Générale des Travailleurs d'Afrique Noire
UNAFEM
Union Nationale des Associations des Femmes Musulmanes
UNFM
Union Nationale des Femmes du Mali
UNICEF
Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
UNIFEM
Fonds des Nations Unies pour la femme
URD
Union pour la République et la Démocratie
US-RDA
Union Soudanaise, section du Rassemblement Démocratique
Africain
WILDAF
Women In Law and Development in Africa
6
Avant propos
Si la participation des femmes au travail en dehors des tâches ménagères
connaît une progression normale, linéaire, il y a toujours des différentiations
sexuelles iniques de travail à l’intérieur des administrations et des
organisations. Aussi, constate-t-on, la concentration des femmes dans
certaines branches d’activités publiques comme privées, dans des postes
moins importants, moins prestigieux et moins rémunérés. La participation
féminine dans les niveaux de décision reste relativement faible surtout pour
des postes importants ou de commandement, malgré les nouvelles lois prises
en leur faveur dans la plupart des pays, voir page 24 à 28.
Cette situation se retrouve même dans les pays considérés comme pionniers.
Ainsi, plus de la moitié des femmes en France et au Canada sont des
employées, mais seulement 7 à 8% sont dans des postes de directions
importantes1.
Cette configuration est plus prononcée en Afrique subsaharienne. Si on peut
considérer comme notable la transformation des rôles des femmes, cette
transformation reste limitée en ce qui concerne les postes exécutifs
(commandement ou responsabilité). Depuis, les stratégies définies tout au
long de la Décennie des Nations Unies pour la femme à Mexico (1975), à
Copenhague (1980), Nairobi (1985) et enfin à Beijing (1995), on ne cesse de
proposer des stratégies pour sortir d’une vision étriquée des relations femme
et pouvoir de décision ou femme et participation à la vie publique. Malgré tout,
les femmes restent concentrées aux niveaux plus ou moins subalternes. La
Déclaration et le Programme d’Action adopté par la conférence Mondiale sur
les droits de l’homme en juin 1993, à Vienne, rappellent que « les droits
fondamentaux des femmes et des fillettes font inaliénablement, intégralement
et indissociablement partie des droits universels de la personne. L’égale et
pleine participation des femmes à la vie politique civile, économique et
culturelle, aux niveaux national, régional, et international, et l’élimination
totale de toutes les formes de discriminations fondées sur le sexe sont des
objectifs prioritaires de la communauté internationales2 »
De même, on tiendra compte des principes édictés par la Charte Africaine
des Droits de l’homme et des peuples, de la charte internationale des droits
de l’homme et aux deux pactes internationaux relatifs, l’un aux droits civils
et politiques et l’autre aux droits économiques, sociaux et culturels.
Mais, il reste bien entendu que la référence est la CEDEF (Convention sur
l’Elimination de toutes les Formes de Discriminations à l’Egard des Femmes)
qui renforce les dispositions de la charte et des autres instruments
internationaux pour l’abolition des discriminations à l’endroit des femmes
dans les domaines aussi différents et complexes que la famille, le travail,
l’école ou le champ politique. Enfin, la même convention préconise l’adoption
par les Etats et les Communautés de dispositions appropriées pour que
l’égalité de droit se transforme en égalité de fait.
1
Nations Unies : Rapport sur la condition de la femme au Canada, 2004
Discrimination à l’égard des femmes et le comité, série Droits de l’Homme, Fiche d’information n°22,
Campagne mondiale pour les droits de l’homme, Centre pour les droits de l’homme, N°4, Génève et New York,
1995, p. 1
2
7
Introduction
En Afrique, et particulièrement au Mali, la grande masse des femmes a
toujours été économiquement active. Elles participent aux divisions
traditionnelles du travail basées sur le sexe et l’âge, notamment au sein des
familles paysannes et artisanales.
Suite à l’occupation coloniale et aux politiques post-coloniales de
développement, ces modes de vie traditionnels ont commencé à se
transformer. La colonisation va ainsi créer une nouvelle forme de
marginalisation et de dépendance de la femme avec la fonction de ménagère :
« C’est aussi, depuis, que la fonction et le statut de ménagère ont un contenu
précis avec les épouses de certains salariés qui, en dehors du travail de
ménage (cuisine, lessive, soins aux enfants, etc.), n’apportent aucune
contribution à l’obtention des moyens d’existence.3 » Ce phénomène s’est
progressivement étendu à la quasi-totalité des femmes citadines.
Mais par la suite, des questions de nécessité économique vont obliger ces
ménagères à travailler en dehors de la famille. Aussi, l’expansion de
l’éducation scolaire, la montée des nouvelles valeurs (démocratie, liberté,
égalité) associées depuis une décennie aux mouvements démocratiques et
populaires vont d’une part, créer un noyau de femmes accomplies et d’autre
part, accentuer la revendication de l’exigence d’un traitement des femmes
sur le même pied d’égalité que les hommes.
Sur un autre plan, au Mali les femmes ont toujours été des actrices
importantes du développement socio-économique à travers l’histoire de par
leur participation à tous les changements positifs majeurs intervenus dans
la vie de la nation.
Paradoxalement, la place qui leur est faite dans l’exercice des responsabilités
et de la prise de décision dans la conduite des affaires publiques tant au
niveau local, régional que national demeure très limitée. Il en est de même
au niveau communautaire.
Les différentes associations qu’elles eurent à créer furent, jusqu’à une date
récente « prises en otage par les hommes qui les utilisaient comme
propagandistes, car conscients de leur capacité de mobilisation et de
diffusion de l’information4. »
Par ailleurs, il s’avère qu’à cause du poids des travaux domestiques, du
faible accès à l’éducation formelle et non formelle, du manque de confiance
en elle-même, les femmes ont des difficultés à se forger une place de choix
dans la vie publique, notamment dans l’arène politique. Celles qui sont
instruites et qui ont confiance en elles-mêmes, sont confrontées à des
pesanteurs socioculturelles au niveau de leur famille, de leurs partis
politiques, de leurs communautés.
3
Béridogo Bréhima : « Le régime des castes et leur dynamique au Mali », Recherches Africaines, annales de la
Faculté des Lettres, Langues, Arts et Sciences Humaines, N°00, p 21, 2002, Université de Bamako
4
Nadio Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda,
Bamako, 1997, p. 20
8
Malgré toutes ces réticences certaines femmes accèdent à des postes de
hautes responsabilités, mais très souvent au prix d’énormes sacrifices, de
concessions et compromis particuliers auxquels les hommes sont rarement
soumis.
Ces constats suscitent chez de nombreux observateurs soucieux des
conditions et du statut des femmes des interrogations relatives aux causes
de cette discrimination, à l’évolution de la situation et aux voies et moyens
pour une plus grande implication de la femme dans la vie publique. C’est la
raison pour laquelle le RECOFEM a commandité la présente étude pour
avoir des réponses à ces interrogations. Ce faisant, les objectifs de l’étude
sont les suivants :
Objectif général :
Contribuer à l’amélioration de la participation des femmes à la vie publique
au Mali
Objectifs spécifiques :
- Procéder à une analyse de la situation de la femme au Mali après les
évènements de mars 1991 et à l’avènement du multipartisme.
- Disposer des données statistiques désagrégées sur la situation des
femmes dans le domaine concerné.
- Identifier les obstacles à la participation des femmes à la vie publique
au Mali.
- Proposer des mesures pour assurer l’égalité des chances dans l’accès
des hommes et des femmes aux postes de responsabilité et aux
opportunités de prises de décisions pour une participation effective et
efficiente des femmes à la vie publique au Mali.
Comme Résultats attendus :
- Des données quantitatives sur la situation socio-économique des
femmes et notamment leur niveau de participation à la vie publique
durant les dix dernières années sont disponibles.
- Une analyse objective de la problématique de la participation de la
femme à la vie publique est disponible.
- Les acquis, les obstacles et les enjeux liés à la participation des
femmes à la vie publique sont identifiés.
- Des mesures sont recommandées pour de meilleures chances pour les
femmes d’accéder à la vie publique.
La Méthodologie de l’étude
Cette étude, de nature qualitative et quantitative, a procédé par un travail de
recherche documentaire et une enquête de terrain
A) La recherche documentaire :
Elle a consisté à analyser la documentation disponible, relative d'une part
à la participation de la femme à la vie publique de manière générale et de
manière particulière au Mali et d'autre part aux conditions vie de la femme
9
dans les localités étudiées. Ont, particulièrement, été exploités en plus des
ouvrages édités et des mémoires d’étudiants, les documents :
du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille,
des associations et ONG (Centre Djoliba, APDF, CAFO, AJM, etc.) ;
des Nations Unies et
des différentes conférences mondiales sur les femmes (Nairobi, Mexico,
Arusha, etc.).
B) Les Outils de recherche :
L'enquête a utilisé l’observation et l'entretien semi-directif sous-tendu par un
guide d'entretien pour la collecte des données de terrain.
Les histoires de vie ont aussi été utilisées pour comprendre les
cheminements individuels, les obstacles spécifiques (sacrifices, concessions,
compromis, etc.) qui se dressent devant certaines femmes pour accéder à des
postes de haute responsabilité.
La collecte des données quantitatives s’est surtout faite avec l’exploitation
des documents des institutions et structures étatiques et non étatiques.
C) L’enquête de terrain
a) Les sites :
Elle s’est effectuée dans le district de Bamako et les régions de Kayes,
Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal auprès des institutions et
structures sociales étatiques et non étatiques et de personnes ressources.
b) Le personnel pour mener l’étude :
Le travail de terrain a été supervisé par deux consultants. Ils avaient à leur
disposition sept (7) enquêteurs ayant, chacun au moins, une maîtrise en
sciences sociales et maîtrisant la langue de la localité de l’enquête.
c) L'échantillon :
La taille totale de l’échantillon est de 309 individus se répartissant dans une
fourchette de 63 à 24 enquêtés par région. C’était un échantillonnage par
quota basé sur les variables de diversité socioculturelle selon les régions et
socioprofessionnelle et de sexe à l’intérieur des sites. Pour ce qui concerne la
diversité socioprofessionnelle, l’enquête a pris en compte l’exercice des
postes de responsabilité à partir des nominations et des élections, la
participation à la vie publique dans le cadre des professions libérales, de la
société civile, etc. Quant à la variable sexe, c’est 60% de l’échantillon, soit
185 femmes et 40% de l’échantillon, soit 124 hommes auprès desquelles
l’enquête s’est menée. Et les femmes se répartissent entre les catégories de
femme élue, chef d’entreprise, responsable d’association ou d’ONG, simple
citoyenne, responsable administratif, etc. Le tableau ci dessous donne un
aperçu de la répartition de l’échantillon selon les régions.
10
Tableau I. Taille et caractéristiques de l’échantillon selon les régions
Mopti Tombo Gao Kidal Ba Total
Kayes Sikas Ségou
Région
so
catégories
Femme élue (maire,
adjointe, conseillère,
député)
Homme élu (maire,
adjointe, conseillère,
député)
Femme Chefs
d’entreprise
Femme Responsable
d’association
Simple citoyenne
Autorité traditionnelle
Responsable de parti
Responsable
administratif
Responsable
banque/caisse crédit
Association mixte
ma
ko
uctou
5
7
5
4
5
1
0
3
30
4
6
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4
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2
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9
2
3
2
2
3
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7
6
8
12
7
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5
5
56
4
3
5
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0
0
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3
3
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0
3
4
2
2
5
4
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32
36
5
7
7
0
3
2
2
5
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4
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7
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2
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0
24
1
38
2
28
1
25
2
19
34 309
L’enquête s’est donc menée à l’intérieur des sites auprès :
• des associations et ONG féminines luttant pour une plus
grande implication de la Femme à la vie publique ;
• des institutions de la République : Assemblée nationale, haut
conseil des collectivités, des ministères, de certaines
administrations, etc. ;
• de l’autorité traditionnelle : chefs traditionnels, chefs
religieux ;
• de responsables de partis politiques et de certains de leurs
militants ;
• de femmes occupant ou ayant occupé de hautes
responsabilités au niveau des structures étatiques, de
l’assemblée nationale, de la société politique (les partis
politiques) de la société civile ou des professions libérales. En
dehors des leaders, des femmes ayant pignon sur rue au
niveau des professions libérales ont, aussi, été interrogées.
Partout, la taille de l’échantillon a été fixée en fonction du
nombre de femmes par secteur.
Selon les sites :
Dans les chefs-lieux de région retenus les données disponibles ont été
collectées sur toute la région et des cercles représentatifs sur le plan
socioculturel ont été choisis pour cerner les spécificités locales.
A Kayes, ont été retenus les cercles de Kita à dominance ethnique malinké
et de Nioro à dominances ethniques Soninké, peul et maure.
11
A Sikasso, l’enquête s’est menée dans les cercles de Bougouni à dominance
ethnique bambara, de Sikasso et Kadiolo à dominances ethniques Sénoufo et
de Yorosso à dominances ethniques Minianka et Bwa.
A Ségou, ce sont les cercles de Ségou et San à dominance ethnique bambara
et de Tominian à dominance ethnique Bwa qui ont été retenus.
A Mopti, ont été retenus les cercles de Bandiagara à dominance ethnique
Dogon, de Mopti et Ténenkou à dominance ethnique Peulhe.
A Tombouctou, l’enquête s’est menée dans les cercles de Tombouctou à
dominance ethnique Sonrhaye, arabe, Touarègue et maure, de Diré et de
Gourma-Rharous à dominance ethnique Sonrhaye
A Gao, elle a eu lieu dans le cercle de Gao à dominance ethnique Sonrhaye
A Kidal, ont été retenus le cercle de Kidal, les communes de Kidal et de
Essouk et le cercle de Tessalit où dominent les Touarègue.
A Bamako : l’enquête s’est menée dans les 6 communes du District surtout
au niveau des mairies, institutions de la République, des services publics,
des états-majors des partis politiques et de ceux des associations et ONG,
etc.
D L’analyse des données :
Après la collecte des données, il y a eu d’abord une compilation des données
selon les régions et ensuite une comparaison des données des différentes
régions pour dégager les constantes et les différences. Ensuite un rapport
provisoire a été déposé. Celui-ci a été critiqué et corrigé par le comité de suivi
du Recofem et c’est sur la base de ces critiques et corrections que le présent
rapport définitif a été élaboré.
E Chronogramme et durée de l'étude
L'étude a duré quarante cinq (45 jours) dont quinze jours (15) d'enquête de
terrain, soit du 17 novembre au 31 décembre 2005.
12
I.
Etre femme au Mali : les causes de la discrimination
Le Mali est caractérisé par une diversité tant sur le plan géo-climatique que
socioculturel. Il s’en suit que face à toute situation on se retrouve avec un
fond commun et des spécificités selon les aires socioculturelles.
Le rôle et l’image de la femme peuvent ainsi, différer selon qu’elle sera en
milieu sédentaire ou nomade, soit qu’elle appartienne à l’aire culturelle
mandingue, sonrhaye, touarègue, Sénoufo, etc.
Mais quel que soit le cas de figure, les causes essentielles de la
discrimination sont en relation avec les cultures et traditions des différentes
communautés et peuvent s’analyser en termes de causes sociales,
culturelles, économiques et psychologiques.
1.1.
Les causes sociales
Une des causes de la discrimination dans la participation à la vie publique
dont est victime la femme est la forme de l’organisation sociale traditionnelle
et le mécanisme de fonctionnement des institutions sociales traditionnelles.
Ainsi, le processus du mariage et le type de résidence, (la résidence
patrilocale) contribuent à affaiblir la femme. Celle-ci quitte seule son groupe
de naissance pour se retrouver dans celui de son époux. La mobilité, dont
elle est victime, fait qu’elle se retrouve chaque fois dans un nouveau milieu
déjà organisé pour la gestion de la société par les hommes.
Il y a, ainsi, une ségrégation dans l’accès à la direction de la famille et à celle
des autres structures de la communauté. Et, « quel que soit son âge, son
degré d’instruction, ses qualifications professionnelles ou toutes autres
capacités, elle ne peut jamais pénétrer le cercle du pouvoir traditionnel : chef
de famille, de quartier, de village, de canton, de terre, des eaux, du culte, etc.
Même les familles monoparentales dirigées par des femmes en milieu urbain
sont perçues comme des anomalies passagères, des situations transitoires.
La femme est sensée assurer un intérim en attendant que son fils
grandisse. 5» C’est ce qui faisait dire au 3ème adjoint du maire de Tessalit que
« nous acceptons tout pour ce qui concerne les femmes sauf leur donner le
fauteuil (la chefferie) ».
Donc, poids social, réticence des hommes et particulièrement du mari,
surcharge du calendrier de travail, tâches ménagères découlant de la
division sociale du travail, les préjugés, les stéréotypes, tels sont les
principaux obstacles qui découlent des causes sociales de la discrimination
des femmes.
5
Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé, Fatoumata Siré Diakité
: Les violences faites aux femmes et aux filles avec identification des axes prioritaires d'intervention à court,
moyen et long terme de lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles, Ministère de la promotion de la
Femme, de l’Enfant et de la Famille, rapport définitif Février 2002, p 47
13
1.2.
Les causes culturelles
L’idéologie traditionnelle et la religion musulmane œuvrent à écarter la
femme de la vie publique, à faire d’elle un être résigné. Ainsi, selon la
tradition, la femme se résigne, pas pour elle-même, mais pour assurer un
bon avenir à ses enfants. Leur succès, leur ascension sociale sont
proportionnelles au degré de résignation de leur mère. C’est ce que traduit
cet adage Bambara : « muso tøgø ye muñu ani sabali. Ni ma cë tønnøn dun, i
na dën tønnøn dun » : La femme est synonyme de résignation. En observant
cette attitude si elle ne jouit pas des profits qu’elle est en droit d’attendre de
son époux, elle jouira de ceux de ses enfants.
Selon Simone de Beauvoir6, « l’éternel féminin » c’est l’homologue de l’ « âme »
noire… les vertus du « bon noir » à l’âme inconsciente, enfantine, rieuse, du
Noir résigné et (…) la femme « vraiment femme », c’est-à-dire frivole, puérile,
irresponsable, la femme soumise à l’homme.
Mais, toujours selon elle, « On ne naît pas femme, on le devient », ce qui
signifie que si la femme est souvent reléguée au second rang il s’agit là d’un
fait de culture, le résultat d’une évolution historique, et non d’un fait de
nature.
Ce passage du roman de Sembène Ousmane, Les bouts de bois de Dieu,
résume l’idéal de femme selon la majorité des cultures soudano sahéliennes
Assitan était une épouse parfaite selon les anciennes traditions
africaines : docile, soumise, travailleuse, elle ne disait jamais un mot plus
haut que l’autre. Elle ignorait tout des activités de son mari, ou du moins,
faisait semblant de les oublier. Neuf ans auparavant, on l’avait mariée à
l’aîné des Bagayoko. Sans même la consulter, ses parents s’étaient
occupés de tout. Un soir son père lui apprit que son mari s’appelait
Sadibou Bakayoko et deux mois après on la livrait à un homme qu’elle
n’avait jamais vu.
Le mariage avait eu lieu avec toute la pompe nécessaire dans une famille
d’ancienne lignée, mais Assitan ne vécut que onze mois avec son mari ;
celui-ci fut tué lors de la première grève de Thiès. Trois semaines plus
tard elle accouchait d’une fillette. De nouveau, l’antique coutume disposa
de sa vie ; on la maria au cadet des Bagayoko : Ibrahima. Celui-ci adopta
le bébé et lui donna ce nom étrange : Ad’jibid’ji. Assitan continua d’obéir.
Avec la fillette et la grand’mère Niakoro, elle quitta Thiès pour suivre son
mari à Bamako. Elle fut aussi soumise à Ibrahima qu’elle l’avait été à son
frère. Il partait tous les jours, il restait absent des mois, il bravait des
dangers, c’était son lot d’homme, et de maître. Son lot à elle, son lot de
femme était d’accepter et de se taire, ainsi qu’on le lui avait enseigné.
Sembène Ousmane : Les bouts de bois de Dieu, Paris, Editions Presses
Pocket, in Desalmand, 1977, p. 14.
6
De Beauvoir Simone : Le deuxième sexe, Paris, Gallimard, 1949
14
De cette situation découlent un statut et des rôles spécifiques qui réservent
une place inférieure à la femme.
Les différentes communautés lui accordent peu de droits à l’instruction.
Ainsi, quand elle est scolarisée, les tâches ménagères laissent peu de place à
la jeune fille pour réviser ses cours à la maison. Il s’en suit souvent une
situation de plus grande déperdition scolaire et de moins bonne performance
par rapport aux garçons. Certaines voient leur scolarité interrompue à cause
des mariages précoces. La conséquence est un fort taux d’analphabétisme
au niveau des femmes. « Selon l’EDS-III, 80,0% des femmes maliennes n’ont
aucun niveau d’instruction. Elles sont 11,3% au primaire, 4,9% au secondaire
et 3,8% au niveau supérieur 7» L’analphabétisme est l’un des principaux
obstacles de la participation de la femme à la vie publique.
Par ailleurs, généralement, la femme se cache derrière l’homme qui décide en
ses lieu et place. C’est ce qui explique une partie de l’histoire de vie de cette
femme, aujourd’hui chef d’entreprise à Sikasso : « j’étais monitrice de jardins
d’enfants. Mais mon mari ne voulant pas de ce travail, j’ai abandonné pour me
reconvertir dans la santé. Toujours opposé au fait que je sois une femme
salariée, il m’intima d’abandonner ce métier. Je me suis entêtée, il y a eu des
altercations entre nous. Mais comme il était soutenu par mon père, j’ai fini par
céder. »
Comme l’époux de cette femme, ce notable de Bougouni dit : « Je suis contre
le voyage des femmes. J’ai eu à interdire le commerce interurbain à une de
mes épouses. Elle s’est entêtée, mais elle a fini par trouver la mort au cours
d’un de ses voyages ».
Les tâches ménagères, en lui laissant peu de temps, constituent un obstacle
à son épanouissement dans l’arène politique. C’est pourquoi cette
responsable d’association disait :
Du côté des hommes il y a souvent des problèmes par le fait que ce ne sont
pas tous les hommes qui acceptent les sorties successives des femmes. Même
si le mari accepte au départ, il finira par s’énerver à cause des mauvaises
langues. C’est la même situation au niveau de la famille. Quand on a un bébé
sous la main et qu’on se trouve convoquée pour une formation pour toute une
journée, les bonnes ne pourront jamais tout faire. C’est pourquoi au retour des
réunions, les prises de bec avec les époux sont fréquentes. »
Marginalisation des femmes par le système patrilinéaire, faible niveau
d’instruction, analphabétisme, crise de compétence, etc. sont les principaux
obstacles qui découlent des causes culturelles de la discrimination des
femmes.
1.3. Les causes économiques
Dans presque toutes les communautés maliennes, la femme est victime d’un
certain nombre d’interdits ou est exclue de certaines activités économiques par
les coutumes et les traditions. En pays Bambara, dans certains villages
aucune exploitation féminine agricole n'est autorisée en saison des pluies.
7
Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille : Politique et plans d’action pour la
promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, 2002 – 2006, p 21
15
C’est par exemple le cas des villages de « Mounzou, Monzombala, ... dans la
région de Koulikoro. Il arrive aussi que certains chefs de famille n'autorisent que
l'aviculture à leurs femmes... Quand l'élevage des ruminants leur est autorisé,
traditionnellement, les mâles reviennent à l'homme (époux ou chef de famille).
Celui-ci en contrepartie a en charge la garde du bétail (fourniture de cordes,
surveillant, ...).8
Traditionnellement, la coutume dispense ou exclut la femme sonrhaye de
certains travaux physiques comme l’exploitation agricole. Elle en profite pour
l’exclure aussi des questions foncières. C’est ce qui faisait dire à un enquêté à
Gao que, quand il est question de terre, la femme n’est pas concernée. Et c’est
ce qui entraînait aussi cette réplique d’un homme à Tombouctou (Kabara) lors
d’une répartition de casiers agricoles quand les ingénieurs voulurent servir en
priorité les associations de femme : « ne nous parlez pas de servir les femmes
en premier lieu ; ici, nous sommes entre hommes. Les femmes sont à la maison
dans les cuisines ». Et la résistance fut telle que les femmes n’eurent que les
parcelles restantes après que les hommes eurent été servis.
En zone rurale et urbaine, les marchés sont animés par les femmes, où elles
constituent la majorité des commerçants. Mais sur le plan de l’occupation de
l’espace, elles sont sous les hangars ou au soleil sur les trottoirs, les
couloirs, les devantures des magasins, etc. Ceux qui sont dans les boutiques
sous les ventilateurs ou les climatiseurs sont généralement des hommes. A
ce niveau, la discrimination est relative à la propriété et aux conditions de
travail.
Si cette marginalisation économique se traduit par une exclusion de la femme
de la gestion de la vie publique dans les communautés, elle va aussi se
traduire par une accentuation de la pauvreté féminine, une faiblesse des
capacités économiques de la femme. Et celle menant des activités politiques va
donc se trouver handicapée aux moments des compétitions politiques. Car
pour l’instant, le succès des candidats est beaucoup plus fonction de leur
libéralité à l’endroit des électeurs que de leur programme politique comme
nous le confirmait le maire de Mopti : « ce sont celles qui sont brillantes et
ayant plus de moyens qui ont pu se faire élire. Il ne faut pas non plus oublier
qu’à Mopti la question de pouvoir n’est pas un petit jeu. Donc, celui qui veut
s’en mêler doit vraiment s’armer davantage et le moyen financier est une arme
redoutable qu’il ne faut pas oublier. Or, rares sont les femmes qui veulent
investir dans la politique. »
Des causes économiques de la discrimination des femmes découlent des
obstacles dont les principaux sont les difficultés d’accès au crédit et aux
autres facteurs de production, la pauvreté, le manque de moyens financiers
pour faire campagne au moment des élections, etc.
1.4 Les causes liées aux traditions politiques maliennes
Au Mali, il existe une perception négative du politique. Faire de la politique
revient à mentir, ruser, duper l’autre. Tout ce qui est « polotiki moko » acteur
8
Béridogo Bréhima : « Femmes rurales et innovations techniques : cas du Projet Moulin au Mali », in Bulletin
de l’APAD (13), p. 51 - 61.
16
politique ou « politiki kuma » propos de l’acteur politique doit être pris avec
de sérieuses réserves. Cette situation est exprimée dans le monde des ONG
en terme de « politique politicienne ». Selon une étude menée par Kadidia
Dabo, dans le cadre de l’élaboration de son mémoire de maîtrise, « une
femme honnête et sérieuse ne peut faire de la politique car la politique est l’art
de nager dans l’eau sale, or une femme est censée éduquer les enfants, par
conséquent, elle doit être exemplaire, toujours présente dans la famille au lieu
de passer son temps entre les différentes réunions politiques. 9»
Ce faisant, certains hommes refusent de laisser leurs femmes s’approcher de
l’arène politique. Les acteurs qui ont intériorisé cette perception n’hésitent
devant aucun moyen pour écarter leurs adversaires et particulièrement les
femmes qui ont moins d’expérience politique et plus de difficultés pour
constituer leurs dossiers.
C’est aussi cette perception du politique qui fait dire à cette conseillère
municipale de Bougouni que « certaines femmes pensent que nous avons reçu
beaucoup d’argent sans leur en donner. La politique est aujourd’hui synonyme
de commerce ». Une autre affirma que son échec s’explique par la
démobilisation de ses troupes lasses d’attendre leur part du gâteau.
Donc perception négative du politique et manque de motivation des femmes
à militer dans des partis politiques, inexpérience politique des femmes,
discrimination des femmes au moment de l’élaboration des listes de
candidature (mauvais rang sur les listes), difficultés dans la constitution des
dossiers de candidature (absence d’état civil), méconnaissance des textes
(lois électorales, charte des partis, etc.), intrigues, manipulation, tels sont
les principaux obstacles qui découlent des causes liées aux traditions
politiques maliennes.
1.5.
Les causes psychologiques
A Ménaka, lors des dernières élections communales, une femme avait été
élue conseillère communale. Elle a purement et simplement refusé d’exercer
la fonction sous la pression des hommes. L’éducation traditionnelle et
l’éducation religieuse font que la femme manque de confiance en elle-même
et en ses sœurs. L’aliénation qui en découle l’incite à penser comme la
majorité des hommes que la gestion de la vie publique est du ressort de
l’homme. Celles qui en sont victimes, la majorité, vont donc développer une
certaine inhibition par rapport à la gestion de la vie publique et
particulièrement par rapport à la conquête du pouvoir. C’est pourquoi Dabo
dit que « les femmes elles-mêmes ne se font pas confiance. Il y a beaucoup de
femmes qui préfèrent être coiffées par des hommes que par leur semblable10 ».
Par rapport au pouvoir traditionnel, cette aliénation empêche la femme de
mener un quelconque combat pour pénétrer ce cercle du pouvoir, le
vestibule comme l’atteste cette femme de Bougouni : « il y a des préalables à
9
Dabo Kadidia : La femme dans l’arène politique malienne, cas de la commune III du District de Bamako,
mémoire de maîtrise, Université de Bamako, FLASH, DER des Sciences sociales, section socio-anthropologie,
2001 – 2002, p. 33.
10
Dabo Kadidia: op. Cit. p. 34
17
maîtriser avant d’entrer dans un vestibule ; ces préalables, la femme ne les
connaît pas. »
Ce complexe s’exprime aussi par rapport à l’utilisation des facteurs de
développement mis à la disposition de la femme. C’est le cas par exemple
dans des villages bénéficiaires du Projet MOPOD dans les communes rurales
de l’ancien arrondissement de Sanankoroba où une évaluation à miparcours faisait le constat suivant : « On constate jusqu’à présent une
certaine timidité des femmes pour profiter des droits qui leur sont consentis.
Dans certaines localités, elles ne prennent pas tout le montant du prêt qui leur
est accordé et certaines n’investissent pas le peu qu’elles prennent dans des
activités génératrices de revenus11 ». La présidente de l’Association pour la
promotion économique de la femme (APEF) de Mopti exprime la même
situation en ces termes : « Nous sommes entrain de les sensibiliser pour
qu’elles prennent des crédits pour leurs activités mais elles refusent par peur.
Voilà des obstacles que nous rencontrons car, à présent, elles n’arrivent pas à
se défaire de l’image d’être inférieures » .
Le problème est, aussi, abordé sous l’angle de la rétention de l’information,
résultat d’un déficit démocratique dans le fonctionnement des associations
en général et des associations de femme en particulier :
« Aujourd’hui je peux dire que les présidentes de toutes les associations de la
commune sont vraiment celles qui ont connu une ascension ces dix dernières
années. Mais le problème est qu’elles veulent rester les seules maîtres du jeu
en barrant la route aux autres femmes. Car, c’est elles qui maîtrisent toutes
les informations, c’est elles qui participent à tous les séminaires et ateliers
dans la région aussi bien qu’à Bamako. Si vous voyez une d’entre elles laisser
aller une autre membre de son bureau dans un atelier, c’est qu’elle est
malade. Dans ces genres de conditions je ne vois pas comment les autres
femmes vont émerger ».
La peur d’échouer, le manque de confiance des femmes en elles-mêmes, le
complexe d’infériorité, le manque de solidarité entre les femmes, les effets de
l’éducation traditionnelle, l’esprit d’adversité et de clan, le manque
d’agressivité, tels sont les principaux obstacles qui découlent des causes
psychologiques de la discrimination des femmes.
1.6. Les causes liées aux violences faites aux femmes et
particulièrement Le harcèlement sexuel
C’est « une forme de violence que subissent des femmes se trouvant sous
l’autorité d’un homme dont la décision est déterminante pour leur sort. Il
s’agit donc de la sexualité monnayée, imposée à la femme en échange de
l’emploi, de l’évaluation professionnelle ou scolaire. Ce harcèlement peut
prendre la forme d’un chantage : menaces proférées à l’endroit de la femme
relatives au blocage de la promotion professionnelle, à la perte de l’emploi, à
l’échec scolaire, etc. Les femmes usagers du service public peuvent subir,
elles aussi, le harcèlement sexuel ; que leur font subir des hommes dont
l’avis ou la décision est déterminante pour la résolution du problème auquel
11
Koch Robert et Béridogo Bréhima : Projet MOPOD II, Revue opérationnelle, rapport final, Agence
Canadienne de Développement International, Janvier 2002, p 16
18
elles sont confrontées : magistrat, douanier, agents des services de sécurité,
etc.
C’est ce que confirment les témoignages ci-dessous :
-
-
« La violence dans le cadre de ma profession concerne surtout le
harcèlement sexuel, j’ai même dû changer de poste pour cela ».
(secrétaire de direction, Niamakoro, Bamako, 36 ans)
« Des rapports sexuels sont proposés aux femmes aux postes de douane
en échange de l’exonération des marchandises. Certaines les acceptent,
d’autres les refusent ». (commerçante, Bamako, 42 ans)12 »
Le harcèlement sexuel au niveau des services publics est un obstacle à
l’épanouissement des femmes. Il porte atteinte à leur dignité et favorise la
résistance des époux à l’implication de leurs époux dans la gestion de la vie
publique.
En conclusion, une plus grande implication de la femme dans la gestion de
la vie publique exige des solutions aux obstacles découlant des différentes
causes de la discrimination dont les femmes sont victimes :
12
Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé,
Fatoumata Siré Diakité op. cit. p. 13 - 14
19
II. Enjeux ou problématique de la participation de la
femme à la vie publique
La problématique de la participation de la femme à la vie publique et en
particulier à la prise de décision n’inclut pas seulement la vie politique. Elle
ne doit donc pas se limiter à la seule perspective féministe de quête de
pouvoir politique par les femmes mais s’inscrire dans le cadre plus vaste du
rôle que les femmes peuvent et doivent jouer dans les structures de prise de
décision, dans toutes les sphères de la société au niveau de la famille, au
sein des organisations professionnelles ou syndicales, sociales, au niveau
des instances locales, régionales et nationales comme au sein des partis
politiques.
La participation de la femme à la prise de décision a un rôle positif dans la
gestion de la société. C’est une exigence démocratique, une question de
justice et d’équité, une garantie de prise en compte des besoins, intérêts et
aspirations de l’ensemble des populations ainsi que des besoins spécifiques
des femmes.
La participation de la femme à la prise de décision à tous les niveaux
est une exigence démocratique.
Si nous admettons que les sociétés démocratiques sont fondées sur le
principe de l’égalité, de la participation et de la représentation à part entière
de tous les citoyens dans la vie de la nation, la faible participation ou la nonreprésentation des femmes à la prise de décision concernant la vie de la
nation est un déficit démocratique et une violation des principes
démocratiques et des droits humains des femmes. Si les femmes au Mali
représentent plus de 51% de la population, il est contraire à la justice et à
l’équité de les tenir à l’écart de la définition des priorités et des choix qui
affectent la vie de toute la nation.
La participation des femmes à la prise de décision garantit une
meilleure prise en compte des problèmes de l’ensemble de la population
pour les raisons suivantes :
- les priorités sont mieux définies parce qu’elles prennent en compte les
préoccupations, les besoins et intérêts des femmes et des hommes ;
- les solutions sont plus adaptées parce qu’elles apportent des réponses
aux problèmes de l’ensemble de la population ;
- les questions spécifiques des besoins concernant les femmes sont
mieux identifiées et prises en compte.
C’est pourquoi, la prise en compte des aspirations de l’ensemble de la
population crée plus d’harmonie et contribue à la paix sociale tant au niveau
de la Nation que des organisations et de la collectivité au niveau local aussi
bien qu’au niveau régional.
20
²III. Bref rappel historique de l’implication de la
femme dans la vie publique : Première République,
Deuxième République et Transition :
3.1. La Première République : 1960 – 1962, la Commission Sociale des
Femmes
Les activités féminines, sous la Première République, ont été prises en
charge par le parti au pouvoir, l’Union Soudanaise, section du
Rassemblement Démocratique Africain (US-RDA). Cette prise en charge se
faisait à travers les comités de femmes qui, à l’image du parti, quadrillaient
le pays. La gestion des questions féminines était confiée à une structure
appelée « Commission Sociale des Femmes ». Elle fut créée en 1962 et avait
un pouvoir d’orientation et de contrôle sur le mouvement féminin à travers
tout le pays. En plus de cette commission, l’ensemble des services
concourait à la définition et à la mise en œuvre de la politique de promotion
de la femme.
C’est la Commission Sociale des Femmes qui a été la première structure
nationale à initier la rupture avec les aspects rétrogrades du statut
traditionnel de la femme. C’est ce statut qui a amorcé le processus de
l’émancipation de la femme. Elle a à son actif le code de mariage et de la
tutelle qui, à l’époque, a été considéré comme un texte révolutionnaire à
cause des droits qu’il accordait, pour la première fois, aux femmes maliennes
et de la rupture d’avec certaines coutumes comme la répudiation, le mariage
forcé, etc., dans le domaine du statut de la femme.
La commission Sociale des Femmes a été aussi très active sur le plan
international. Elle a été cofondatrice de la Panafricaine des femmes avec des
actrices comme Madame Aoua Kéïta, Mme Attaher Jeannette, Mme Sow
Aïssata Coulibaly, Mme Aïssata Berthé, etc. (voir biographie en annexe V)
Malgré l’engagement des femmes dans la lutte pour l’indépendance du Mali
et malgré le bilan positif de la Commission Sociale des Femmes, très peu
d’entre elles s’engagea dans l’arène politique en vue de postes électifs car
« pour les esprits de l'époque, le pouvoir est essentiellement masculin et les
femmes qui s'impliquent en politique ne doivent pas concurrencer les
hommes mais leur apporter leur soutien 13». C’est ce qui peut expliquer en
partie la faible présence féminine à l’Assemblée Nationale comme le confirme
le tableau ci-dessous.
13
Nadio Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la décentralisation, ENSUP,
DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, p. 22
21
Tableau II. Les femmes élues sous la 1ère République (sources :
Répertoire des Femmes élues du Mali)
Législative
Années
Nombre de députés Prénom et nom Circonscri
ption
électorale
Total femmes %
femme
Assemblée
1959
80
législative de
la République
Soudanaise
1ère législative 1960–1964 80
2ème législative 1964-1967 80
1
1,25
Aoua Kéïta
Bamako
1
2
1,25
2,50
Aoua Kéïta
Aoua Kéïta
Namissa Touré
Bamako
Bamako
Bamako
3.2. La Deuxième République : 1968 – 1991, L'UNFM (Union
Nationale des Femmes du Mali)
Lorsque l’armée a pris le pouvoir en 1968, elle a suspendu la constitution et
interdit toutes les activités politiques. La conséquence a été l’interdiction de
l’Union Soudanaise RDA et de sa Commission Sociale des Femmes. Dans le
domaine de la promotion de la femme on voit pour la première fois la
nomination d’une femme au gouvernement, Moussomakan dite Inna
Sissoko, comme secrétaire d'Etat. Il faut attendre 1974 pour voir sur le plan
institutionnel la gestion des problèmes des femmes confiée à un Secrétariat
d’Etat aux Affaires Sociales dont la disparition a coïncidé avec la création de
l’UNFM (Union Nationale des Femmes du Mali) affiliée au parti unique de
l’époque, l’UDPM (Union Démocratique du Peuple Malien).
L'UNFM (Union Nationale des Femmes du Mali) s’était définie comme « une
organisation unique de toute femme qui en accepte les statuts, sans
distinction de race et de religion » (article 1er). Elle s’était donnée comme
mission de « tisser de solides liens d’amitié et de fraternité entre les femmes
de toutes couches sociales du pays, pour la protection de l’enfant, la défense
des intérêts de la femme et de la famille, pour une participation pleine et
plus efficace des femmes à la revalorisation des programmes de
développement politique, économique, social et culturel » (article 2)
L’UNFM a représenté le Mali dans les grandes conférences internationales
sur la femme en 1975 (Mexico), en 1978 (Addis-Abeba) en 1985 (Nairobi).
En 1976, après la Conférence de Mexico, le gouvernement a mis en place,
parallèlement à l’UNFM, un organe technique qui avait pour mission
d’exécuter les recommandations de la Conférence de Mexico.
Malheureusement, cette commission a fonctionné tant bien que mal jusqu’en
1988, à cause de la réticence de l’UNFM qui entendait garder le monopole de
la question de la promotion de la femme au Mali.
Le bilan de l’UNFM a été une amélioration de la condition de la femme,
surtout de la femme rurale, à travers plusieurs projets qu’elle a mis en
œuvre (centre d’alphabétisation, sensibilisation contre les pratiques
coutumières néfastes comme l’excision, etc.) Elle a fait de la sensibilisation
22
pour le planning familial, créé des centres de promotion des femmes, inciter
d’avantage les femmes à participer à la vie politique pour accéder aux postes
de décision politique. Elle a été, par la suite, détournée de ses programmes
pour ne véhiculer que les mots d’ordre du parti unique qui l’avait
complètement embrigadée. C’est ce qui fit que de nombreuses femmes,
surtout, des intellectuelles, s’en éloignèrent. Il faudra attendre les
événements de Mars 1991 pour assister à la naissance de véritables
associations de femmes, relativement indépendantes.
Pour ce qui concerne l’implication des femmes dans la vie publique, au
niveau du pouvoir exécutif, quatre (4) femmes occuperont des postes
ministériels ; au niveau des hautes instances politiques, trois (3) autres
siégeront successivement au BEC (bureau exécutif central) du parti unique
UDPM (Union démocratique du peuple malien), ce qui faisait une (1) femme
sur dix huit (18) au B E C.
Quant au pouvoir législatif, de deux (2) députés sur quatre vingt deux (82)
pendant les premières législatures, les femmes passeront à cinq (5) sous la
quatrième législature comme nous le confirme le tableau ci-dessous.
Tableau III. Les femmes élues sous la 2ème République
Répertoire des Femmes élues du Mali)
Législative Années
Nombre de
Prénom et nom
députés
(sources :
Circonscri
ption
électorale
Total femmes %
fem.
1979-1982 82
1ère
législative
2
2,43 - Sy Sokona Diabaté
- Diarra Diagoussa Sidibé
Commu
ne V
Ségou
1982-1985 82
2ème
législative
2
2,43 - Diarra Diagoussa Sidibé
Ségou
3ème
1985-1988
82
N’diaye
Coulibaly
3
législative
4ème
législative
Korotoumou
Sikasso
3,65 - Diarra Diagoussa Sidibé Ségou
N’diaye
Korotoumou Sikasso
Coulibaly
- Dicko Massaran Konaté
1988-1991
82
5
6,09 - Diarra Diagoussa Sidibé
N’diaye
Korotoumou
Coulibaly
- Dicko Massaran Konaté
N’diaye
Korotoumou
Traoré
- Sacko Alima Coulibaly
Kati
Ségou
Sikasso
Kati
Sikasso
Niono
23
3.3. La période de la Transition 1991 – 1992 : Le ministère de la
santé publique, de l’Action sociale et de la Promotion Féminine, le
Secrétariat d’Etat chargé de la Promotion Féminine
En tant que groupe social, les femmes ont été en première ligne dans le
combat pour la démocratie autant que les étudiants ou les associations
politiques mixtes, CNID et ADEMA. Ce faisant, elles vont bénéficier de
certaines retombées positives du changement. Ainsi, après l’ère de la
Commission Sociale des Femmes dans les années 60, la période de la
transition a été celle d’une autre rupture avec les aspects rétrogrades du
statut traditionnel des femmes. En, effet, pour la première fois, on a vu
des femmes occuper des postes jusqu’ici réservés aux hommes dans les
faits comme les postes de gouverneur, d’ambassadeur et les premiers
responsables de certains ministères considérés comme stratégiques
(ministère du plan, de l’économie rurale, etc.). C’est aussi, sous la
transition qu’il y a eu des textes comme l’ordonnance n°92-024/CTSP du
12 mai 1992 traitant la femme salariée sur le même pied d’égalité que son
homologue homme. Depuis, la femme mariée salariée n’est plus
considérée comme célibataire sans enfant.
Par ailleurs, les autorités de la Transition ont dans un premier temps
confié la Promotion de la Femme au Ministère de la santé. En octobre
1991, ce Ministère a organisé le premier Forum National des Femmes qui
a regroupé environ 200 femmes (rurales et urbaines) venant de toutes les
régions du Mali. Il a permis de faire une analyse approfondie de la
situation de la femme à tous les niveaux. Le forum a permis de mieux
définir les orientations et a formulé les recommandations d’ordre général
et sectoriel.
Le Secrétariat, bien qu’il ait été éphémère, a, cependant, organisé en
janvier 1992 un atelier sur la Définition de la Politique de Promotion de la
Femme.
24
IV. La Troisième République et la femme (1992)
Ici, il s’agit de la Troisième République en tant que période avec sa
composante pouvoir, société politique, société civile, population, etc. Une
de ses caractéristiques a été la volonté politique de faire de la promotion
de la femme une des priorités du gouvernement. La tâche lui a été
relativement facilitée d’une part, par le contexte international de l’époque
qui était favorable à l’implication de la femme dans la vie publique et
d’autre part, par le degré de maturité des femmes maliennes, qui, après
avoir tiré le bilan des expériences des première et deuxième Républiques,
n’entendaient plus servir un parti ou un responsable politique mais
plutôt la cause des femmes. Par ailleurs, grâce à la reforme de l'éducation
de 1962, la décennie précédant la naissance de la Troisième République
verra le Mali doté d’un échantillon diversifié de femmes qualifiées issues
de la filière universitaire. Le développement de l'instruction, fruit de la
scolarisation de masse, va favoriser un éveil de conscience véritable.
L’avènement du pluralisme politique va donc, favoriser la création de
diverses d’associations. Celles-ci vont se fédérer ou constituer des
réseaux (CAFO, Réseau des Femmes Africaines Ministres et
Parlementaires, Groupe PIVOT – Droit et Citoyenneté des Femmes, etc.)
ou intégrer et animer des réseaux mixtes de la place (CCA-ONG, SECO
ONG, Yiriba Suma, les différents Groupes PIVOT, etc.) pour chaque fois
exprimer leur point de vue et poser les exigences des femmes. Ainsi, le
pouvoir va élaborer un certain nombre de textes, mettre en place un
cadre institutionnel pour une plus grande implication de la femme dans
la vie publique.
4.1. Les textes élaborés, les actes posés et le cadre
institutionnel mis en place par l’Etat pour la promotion de
la femme
4.1.1. Les textes
Les textes ci-dessous élaborés sous la Troisième République contribuent
à lutter contre les discriminations dont sont victimes les femmes et ils
contribuent, ainsi, à mieux les impliquer dans la gestion de la vie
publique. Il s’agit essentiellement de :
- La tenue du Forum National des Femmes en octobre 1991 ;
- L’élaboration de stratégies d’intervention pour la promotion de la
femme en 1992 ;
- La constitution du Mali, promulguée le 25 février 1992, pose de
manière claire le principe de l’égalité et de la non-discrimination dans
ses articles 1 à 21 et assure à l’homme et à la femme les mêmes droits
et libertés individuelles dans tous les domaines ;
- L’adoption en 1992 d’un code de commerce supprimant l’autorisation
du mari pour l’exercice, par la femme mariée, d’une activité
commerciale ;
25
La signature de l’ordonnance n°92-024/P-CTSP du 12 mai 1992
relative à l’impôt sur les traitements en salaire des femmes salariées
dans le but de réduire la pression fiscale sur les femmes en raison du
nombre d’enfants ;
- La ratification du protocole facultatif relatif à la CEDEF en septembre
2000 ;
- L’adoption en août 2001, d’un nouveau Code Pénal avec des
infractions nouvelles se rapportant à la promotion des femmes,
notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le trafic
des enfants, etc.
- La création du Programme National de lutte pour l’abandon de la
pratique de l’excision en 2002 ;
- Le projet de réforme du droit de la famille et des personnes en vue de
l’abrogation des dispositions discriminatoires contre les femmes
contenues dans le Code du Mariage et de la Tutelle, de la parenté et de
l’alliance y compris en matière successorale et de donations en 2002 ;
- La mise en place de la commission paritaire Association, ONG et
Gouvernement pour la promotion de la femme ;
- La sensibilisation des décideurs politiques sur l’approche genre ;
- Les mesures discriminatoires positives et les mesures spéciales pour
les femmes dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’emploi
et du social.
Il convient de s’arrêter sur un certain nombre de domaines et de textes pour
une meilleure appréciation.
-
Dans le domaine de l’éducation plusieurs mesures ont été adoptées en
faveur des filles parmi lesquelles on peut citer :
La création de la cellule de scolarisation des filles (décision
N°882/SG-EB du 24 octobre 1992) ;
Le respect de la parité entre les deux sexes dans le
recrutement au premier cycle, directive du département ;
L’introduction de l’économie familiale, l’éducation à la vie
dans le programme du premier cycle de l’enseignement
fondamental ;
L’abrogation de la mesure d’exclusion sanctionnant les
jeunes filles tombées en état de grossesse (cas d’inaptitude
physique) : lettre circulaire N°00034 du 1er février 1993 du
Directeur National de l’Enseignement Fondamental ;
L’abrogation de l’arrêté n°1695 réglementant les études au
niveau de l’Enseignement Secondaire Général depuis 1984
jusqu’en 1993 qui sanctionnait d’exclusion pour
inaptitude physique les filles en état de grossesse au
niveau du lycée. Actuellement, elles sont ajournées et
l’année de la grossesse n’est pas comptabilisée dans la
scolarité ;
L’arrêté
n°95-25447/MFAAC-MESSRS-MEB
du
25
novembre 1995 autorisant l’accès des filles au prytanée
militaire ;
26
L’élaboration et la mise en œuvre des curicula niveau 1 et
2 dans le Cadre du Programme et Investissement du
Secteur de l’Education (PISE). L’aspect le plus important
est la prise en compte des préoccupations des garçons et
des filles de manière à faire disparaître les stéréotypes ;
La bonification de un point pour les filles dans le cadre de
l’attribution des bourses scolaires : relecture du décret
N°00-307/PRM du 14 juillet 2000, portant réglementation
des bourses d’études attribuées par l’Etat ; l’arrêté
N°2223/ME-MEF du 11 août 2000, fixant les critères
d’attribution des bourses d’études par l’Etat et les
conditions d’accès à l’aide sociale ;
L’acceptation des filles qui se marient en cours de
scolarité au niveau de l’enseignement secondaire ;
La formation en genre des concepteurs des manuels
scolaires, formation en genre des enseignants ;
La sensibilisation en genre à tous les niveaux ;
La mesure la plus récente est la dérogation spéciale aux
critères d’orientation des élèves dans l’enseignement
secondaire en faveur des filles de 18 ans redoublantes, qui
ont été orientées.
Etc.
Dans le domaine de l’emploi, en plus de l’ordonnance n°92-024/P-CTSP
du 12 mai 1992, ci-dessus mentionné, on peut noter :
La non-rupture du contrat pour cause d’absence pendant
le congé de maternité et la non-réduction des
rémunérations ;
La bonification de service d’une année pour chacun des
enfants que la femme a en charge ;
La bonification de 10% lorsque la femme, mère de trois (3)
enfants vivants, quitte sa fonction sans avoir droit à une
pension ;
Le droit à la protection spécifique pour l’exercice de
certains travaux par la femme (le travail de nuit, les
travaux souterrains de mines) ;
L’anticipation de l’âge de la retraite d’une année pour
chaque enfant né.
On peut dire que ces mesures ont porté fruit, si on s’en tient aux chiffres des
tableaux IV et V de la page 30, où l’on constate que les écarts entre hommes
et femmes en terme de chiffres ont tendance à se réduire.
Dans le domaine de l’accès des femmes au foncier14
Aujourd’hui, tous les verrous juridiques ont sauté et la femme a le droit
d’accéder à la terre.
Au Mali, les principes juridiques qui régissent l’accès de la femme rurale à la
terre et aux ressources naturelles doivent être recherchés dans les textes
14
Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille, Programme d’Appui à la Promotion des
Femmes : Niveau actuel d’accès des femmes rurales à la terre, Août 2001, p.9 - 10
27
relatifs à la gestion foncière, à la gestion des ressources naturelles et des
textes de la décentralisation. Il s’agit donc de :
le code domanial et foncier (CDF) dans la rédaction que lui
a donnée la loi n°8691/AN-RM du 1er août 1986 ;
la loi n°95-004/AN-RM du 18 janvier 1995 fixant les
conditions de gestion des ressources forestières ;
la loi n°95-003/AN-RM du 18 janvier 1995 portant
organisation de l’exploitation du transport et du commerce
du bois ;
la loi n°031/AN-RM du 20 mars 1995 fixant les conditions
de gestion de la faune sauvage et de son habitat ;
la loi n°032/AN-RM du 20 mars 1995 fixant les conditions
de gestion de la pêche et de la pisciculture ;
la loi n°90-17/AN-RM du 27 février 1990 fixant le régime
des eaux ;
la loi n°91-04/AN-RM du 23 février 1991 fixant les
conditions de protection de l’environnement et du cadre
de vie ;
les ordonnances n° 98-27/P-RM en date du 25 août 1998
portant respectivement création de la Direction Nationale
de la Protection de la Nature et de la Direction Nationale
de l’Assainissement et du contrôle des pollutions et des
nuisances ;
les textes sur la décentralisation, notamment :
• la loi n°93-008/AN-RM du 11 février 1993
déterminant la libre administration des collectivités
territoriales et ses textes modificatifs subséquents ;
• la loi 95-034/AN-RM du 12 août 1995 portant code
des collectivités territoriales en République du Mali
• le décret n°95-210/P-RM du 30 mai 1995
déterminant les conditions de nomination et les
attributions des représentants de l’Etat au niveau
des collectivités territoriales ;
• la loi n°96-050/AN-RM du 16 octobre 1996 portant
principe de constitution et de gestion du domaine
des collectivités territoriales ;
les textes organiques des zones aménagées, notamment,
• le décret 94-157/P-RM du 13 avril 1994 fixant
l’organisation de la gérance des terres aménagées du
Périmètre Agricole de Baguinéda ;
• l’ordonnance n° 91-049/P-CTSP du 21 août 1991
portant création de l’Office Riz Ségou ;
• l’ordonnance n° 91-050/P-CTSP du 21 août 1991
portant création de l’Office Riz Mopti ;
• le projet de règlement intérieur des périmètres
irrigués de Gao en date du 16 novembre 1996 ;
• le règlement intérieur des périmètres agricoles
féminins de Niéna ;
28
•
les textes sur les structures du MDRE : les lois
n°96-053, n°96-054 et 096-055 en date du 16
octobre 1996 portant respectivement création de la
Direction Nationale de l’Appui au Monde Rural
(DNAMR),
de
la
Direction
Nationale
de
l’Aménagement et de l’Equipement Rural (DNAER) et
de la Direction Générale de la Réglementation et du
Contrôle du secteur du Développement Rural ainsi
que les textes d’application de ces lois.
En conclusion, sur le plan des textes de lois, il apparaît de manière
incontestable qu’un effort a été fait par les autorités. Mais l’application de
ces textes, leur diffusion et leur intériorisation par celles pour lesquelles ils
ont été élaborés est un autre problème.
4.1.2. Le cadre institutionnel mis en place pour une plus grande
implication de la femme dans la vie publique
Ont été mis en place par la Troisième République, le commissariat à la
promotion de la femme et le Ministère de la Promotion de la Femme, de
l'Enfant et de la Famille.
Le Commissariat à la Promotion des Femmes a été créé par décret n°93119/PM-RM, du 04 mai 1993, rattaché à la primature. Il était dirigé par une
femme qui avait rang de ministre. La politique de promotion de la femme
était définie par le premier ministre lui-même. La commissaire était chargée
de l’assister et avait pour mission de l’informer sur la situation de la femme,
de faire des études, de conseiller le premier ministre et de coordonner les
actions des différents intervenants. Ainsi donc, la question de la promotion
de la femme devenait une mission de service. Le commissariat était une
administration de mission. L’inconvénient était que la commissaire ne
participait pas directement aux prises de décisions au plus haut niveau
puisqu’elle ne siégeait pas au Conseil des Ministres. Pour accomplir les
missions qui lui étaient confiées, la commissaire
disposait des
collaborateurs au niveau central, les Ministères et dans les Régions. Pour la
coordination des acteurs des différents intervenants deux structures avaient
aussi été créées. Ce sont : le Comité Interministériel pour la promotion des
femmes et la Commission Paritaire Gouvernement – Associations – ONG
pour la promotion des femmes, chacune avec des missions bien définies. Le
Commissariat à la Promotion des Femmes a élaboré un certain nombre de
documents qui vont jouer un rôle important dans le processus d’implication
de la femme dans la gestion de la vie publique. Il s’agit de :
- les Stratégies d’Intervention pour la Promotion des Femmes en 1992 ;
- le document sur la situation des femmes et celui sur la situation des
femmes rurales en préparation de la conférence de Dakar et de Beijing
sur les femmes ;
- le plan d’action pour la promotion de la femme1996-2000.
Le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille :
On voit apparaître pour la première fois dans la nomenclature
29
gouvernementale, un Ministère de la Promotion de la Femme, de l'Enfant et
de la Famille crée par décret n°97-282/P-RM du 13 septembre 1997.
Ce Ministère a pour mission de :
- élaborer et mettre en œuvre les mesures devant assurer le bien-être de
la Femme, de l’Enfant et de la Famille ;
- assurer une meilleure insertion économique, sociale et culturelle des
femmes et des enfants par la prise en charge de leurs besoins
spécifiques ;
- promouvoir les droits de la femme et de l’enfant et de veiller à leur
respect ;
- veiller à ce que le cadre familial demeure un cadre d’équilibre dans les
relations sociales.
Pour ce qui concerne son organigramme, ce ministère, outre le Secrétariat
général et le cabinet, s’est doté des services centraux, régionaux et subrégionaux de promotion de la femme, de l’enfant et de la famille : la direction
nationale de la promotion de la femme et la direction nationale de la
promotion de l’Enfant et de la famille. Il comprend également des services
rattachés :
- le centre national de documentation et d’information sur la femme
(CNDIF), créé par l’ordonnance n°01-013-PRM du 26 février 2001. Il
comprend trois (3) départements : la Documentation, l’Observation de
la condition de la Femme et le département de l’Information, de
l’éducation et de la communication.
- Une quinzaine de Programmes et Projets : Programme de Lutte contre
la Pratique de l’Excision, Projet d’Appui à la Promotion de la Femme et
à l’Allègement de la Pauvreté, Projet Promotion du statut de la Femme
de l’Equité et du Genre, Projet Développement de l’Entreprenariat
féminin dans le domaine agroalimentaire, Projet d’Appui à la Lutte
contre les Pratiques préjudiciables à la Santé de la Femme et de
l’Enfant, les centres d’auto promotion des femmes, etc.
Le Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille a mis
en place des Conseillers Genre et Développement et des points focaux au
sein des départements ministériels qui ont pour mandat de :
• s’assurer de la prise en compte de l’approche genre dans les
programmes et projets de développement ;
• désagréger les données dans leur domaine d’activité ;
• former les cadres des départements ministériels concernés en
approche genre ;
• veiller à la prise en compte systématique du genre dans
l’élaboration des projets.
Le cadre institutionnel mis en place par le gouvernement est renforcé par la
présence d’une société civile féminine forte comprenant des organisations
syndicales féminines et des organisations socioprofessionnelles.
4.2. Les actions menées par la société civile pour l’implication de la
femme dans la vie publique
30
Ce sont, en fait, les associations féminines qui sont à la base du cadre
institutionnel ci-dessus mentionné. En effet, c’est à la suite d’un atelier
financé par le PNUD que des recommandations ont été faites dans ce sens.
Ces associations ont aussi participé à l’élaboration de la plate-forme
nationale pour le Mali, à côté du Commissariat à la Promotion de la Femme.
Elles ont pris part en 1994, à la 5ème Conférence Régionale des Femmes
africaines tenue à Dakar, auprès du Gouvernement et en 1995, à la
Conférence Mondiale sur la Femme à Beijing. Ensuite, elles ont participé à
l’identification et à l’élaboration du premier Plan d’Action 1996 – 2000 sur la
mise en œuvre des recommandations de Beijing.
En 1996 (juillet-août) à la faveur des échéances électorales de 1997, la
Coordination des Associations et ONG Féminines (CAFO) avec l’appui
financier de l’ambassade des Pays-Bas a organisé un séminaire intitulé
« Préparation des Femmes Candidates en vue des Prochaines Echéances
Electorales Politiques et Syndicales », pendant cinq semaines au CRES, qui a
regroupé près de deux cents (200) femmes des Associations et partis
politiques. Les thèmes développés étaient relatifs au :
- Régime politique malien
- Démocratie et Gouvernement ;
- Mécanismes d’accès aux Responsabilités ;
- Les élections et leur surveillance ;
- Préparation des Elections et Management de la Campagne électorale15.
On peut affirmer sans risque de se tromper que ce séminaire, premier du
genre, a été déterminant pour la plus grande participation des femmes aux
instances politiques et au gouvernement.
A la suite des élections communales de 1998 la CAFO a aussi procédé à la
formation des conseillères municipales pour mieux les préparer à leurs
responsabilités, sur financement de l’Ambassade des USA.
Par ailleurs, sous la Direction du Ministère de la Promotion de la Femme, de
l’Enfant et de la Famille, le deuxième plan d’Action 2002-2006 a été élaboré
sur la base d’un diagnostic participatif, à travers des ateliers régionaux et
national
Dans le but d’inciter les filles à s’orienter vers les matières scientifiques et
techniques, l’Association des Femmes Ingénieurs du Mali (AFIMA) organise le
concours « Incitation des Jeunes Filles vers les Matières Scientifiques et
Techniques » (IFMST). Pour l’organisation de cette activité, l’Association
bénéficie de l’appui de la Fondation Pathfinder de Cheick Modibo Diarra et
du Ministère chargé de l’Education.
Aussi, un travail d’une importance capitale est mené à la base, dans les
villages par les ONG et associations, qu’elles soient féminines ou mixtes.
Selon le document de présentation de la CAFO, ce travail porte sur le
plaidoyer/lobbying, l’IEC : Information, Formation, Communication, l’Appui
– conseil : la facilitation et la médiation, la mobilisation sociale :
conscientisation, sensibilisation, etc.
15
Coordination des Associations et ONG féminines (CAFO) : Séminaire de Préparation des Femmes Candidates
en vue des Prochaines Echéances Electorales Politiques et Syndicales, Bamako, juillet – août, 1996.
31
Le bilan de la Troisième République est donc, à l’actif de l’autorité politique
et de la société civile et particulièrement de sa frange féminine
32
4.3. Etat des lieux de l’implication des femmes dans la vie
publique
4.3.1. Les femmes dans la fonction publique
Bien que la population malienne soit composée de plus de 51% de femmes,
les fonctionnaires maliens eux, en 2002 et en 2004 étaient en majorité,
constitués d’hommes.
79% d’hommes contre 21% de femmes en 2002 et 75,46% d’hommes contre
24,54% de femmes en 2004. En 2002, ce pourcentage baissait en dessous de
10% au niveau du sommet de la hiérarchie, 9,8% de femmes dans la
catégorie A. Mais en 2004, la barre de 10% était dépassée pour atteindre les
12%. Et ce n’est qu’au bas de l’échelle, la catégorie C, qu’elles constituent
plus du tiers des effectifs, 35,58% en 2002 et 37% en 2004.
De l’analyse de ces chiffres, il ressort que l’inégalité est là en terme absolu.
Mais, en pourcentage, la situation des femmes s’est améliorée entre 2002 et
2004, les écarts ayant tendance à se réduire.
Tableau III. Répartition du personnel de la fonction publique selon les
catégories et le sexe en 2002 (source : DNFP)
Hommes
Femmes
Total
Catégories
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
Catégorie A
7355
90,12
806
9,8
8161
Catégorie B2
13928
77,32
4084
22,68
18012
Catégorie B1
2732
66,13
1399
33,87
4131
Catégorie C
3540
64,42
1895
35,58
5435
Autre personnel 8788
84,72
1584
15,28
10372
Total
36433
79
9768
21
46111
Tableau IV. Répartition du personnel de la fonction publique selon les
catégories et le sexe en 2004 (source : DNFP)
Catégories
Hommes
Femmes
Total
Effectif
%
Effectif
%
Effectif
Catégorie A
8955
88
1212
12
10167
Catégorie B1
3041
63
1786
37
4827
Catégorie B2
13281
75,47
4317
24,53
17598
Catégorie C
3293
62,50
1976
37,50
5269
Total
28570
75,46
9291
24,54
37861
4.3.2. Les femmes dans les instances civiles de décision
Sous la Troisième République, la femme est plus présente dans les instances
de décisions que sous les Républiques précédentes. Cependant, malgré la
volonté politique des autorités de la Troisième République, non seulement la
parité homme / femme n’est pas encore atteinte mais des perspectives sont
loin de se dessiner pour le long terme si l’évolution continue à ce rythme. En
effet, les femmes représentent à peine 1% des maires en 2005, soit, sept (7)
maires femmes sur 703 ; 6,53% des conseillers communaux, 10% des
33
députés, 18,51% des ministres, 2% des préfets, etc. Dans un passé assez
récent, une femme a occupé le poste de Directeur national des impôts et une
autre celui
de directeur régional de la douane à Sikasso (2002).
Actuellement, à part les deux directrices d’académie de Bamako, la directrice
régionale de l’environnement à Mopti, et les directrices régionales de la
promotion de la femme, il n’y a pas de femme directrice régionale au niveau
des services déconcentrés de l’Etat. Et en dehors des porte-feuilles
ministériels la plus haute responsabilité administrative occupée par une
femme est la fonction de Médiateur de la République. On peut aussi noter la
présence de trois (3) femmes magistrats à la Cour Constitutionnelle et sept
(7) femmes magistrats à la Cour Suprême. Sur les sept (7) femmes trois (3)
sont présidentes de chambres (1ère chambre civile, chambre sociale, chambre
criminelle, deux (2) sont présidentes de section, la section administrative et
la section judiciaire) et une vient d’être récemment nommée Avocat Général
sur les trois que comptent la Cour Suprême. Sur les trois secrétaires
généraux que la Cour Suprême a connu depuis l’indépendance, deux (2) ont
été des femmes.
Dans les services militaires et paramilitaires, en 2000, il y avait trois (3)
femmes lieutenant-colonel et deux (2) commandants dans l’armée. Dans la
police il y avait trois (3) contrôleurs généraux de police sur 39 hommes.
Dans les ambassades et services consulaires, en 2000, il y avait deux (2)
femmes ambassadeurs sur 20, sur six (6) consuls généraux, il n’y avait
aucune femme et il y avait 5 conseillères d’ambassades sur 46. En 2005, le
nombre de femme ambassadeur est passé à deux (2.
Le tableau ci-dessous récapitule la situation à partir de 1991.
Tableau VI. Les femmes dans les instances civiles de décision
(sources : Répertoire des Femmes élues du Mali et 2ème, 3ème et 4ème
rapports périodiques du Mali sur la mise en œuvre de la Convention sur
l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des
Femmes pour la période 1990 - 2002)
Période Postes/structures
Femme
Homme
Total
Total
%
Total %
1991CTSP
3,85
1992
Bureau exécutif (CTSP)
1
25
76,15 26
Délégation spéciale
2
11,76
17
88,24 19
er
1 ministre
0
0
1
100
1
Ministre
3
20
15
80
18
Directeur de cabinet
0
0
18
100
18
Chef de cabinet
0
0
18
100
18
Gouverneur
1
12,5
8
87,5 9
Commandant
0
0
46
100
46
ème
3
République
1992
Député
3
2,59
113
97,41 116
1997
Maire com. urbaine
0
0
19
100
19
er
1 ministre
0
0
1
100
1
Ministre
6
27,27
16
72,73 22
Médiateur République
1
100
0
0
1
34
1997
2002
juin
2002
Directeur
de
cabinet/Secrétaire Général
1
4,35
22
95,65 23
Chef de cabinet
Haut-Commissaire
Délégué
du
gouvernement / cercle
Cour constitutionnelle
Membre du CESC
Cour suprême
APCAM
CCIM
2
0
0
10
0
0
18
9
46
90
100
100
2
3
22,22
6
7
47
87,78 9
94
50
Député
Maire com. urbaine
Maire com. Rurale
Conseiller communal
1er ministre
Ministre
Médiateur République
Secrétaire Général
Chef de cabinet
Haut-Commissaire
Délégué
du
gouvernement / cercle
Cour constitutionnelle
Membre du CESC
Cour suprême
Haut
conseil
des
collectivités
APCAM
CCIM
18
0
5
424
0
4
1
0
2
0
0
12,24
0
0,73
4
0
20
100
0
11,11
0
0
129
19
677
10116
1
16
0
20
18
9
49
87,76
100
99,27
96
100
80
0
100
88,89
100
100
3
3
33,33
6
44
9
76,67 47
6
8,70
63
91,30 69
1
13
3,22
5,41
30
227
96,78 31
94,59 240
Député
Maire com. urbaine
Maire com. Rurale
Conseiller communal
1er ministre
Ministre
Médiateur République
Secrétaire Général
Chef de cabinet
Haut-Commissaire
Préfet/ cercle
Cour constitutionnelle
Membre du CESC
Cour suprême
Haut
conseil
des
collectivités
15
0
5
424
0
4
1
0
4
0
1
3
3
10,20
0
0,73
4
0
16,67
100
0
16,67
0
2
33,33
6,38
132
19
677
10116
1
20
0
28
20
9
48
6
44
89,80
100
99,27
96
100
83,33
0
100
83,33
100
98
66,64
93,62
6
8,70
63
91,30 69
20
9
16
147
19
682
10540
1
20
1
20
9
49
147
19
682
10540
1
24
1
28
24
9
49
9
47
35
2004
APCAM
CCIM
1
13
3,22
5,41
30
227
96,78 31
94,59 240
Député
Maire com. urbaine
Maire com. Rurale
Conseiller communal
1er ministre
Ministre
Médiateur République
Secrétaire Général
Chef de cabinet
Conseiller technique
Chef de DAF
Attaché de cabinet
Chargés de mission
Haut-Commissaire
Préfet/ cercle
Cour Constitutionnelle
Membre du CESC
Cour Suprême
Haut
conseil
des
collectivités
APCAM
CCIM
15
1
6
704
0
5
1
0
3
19
2
2
14
0
1
3
8
10,20
5,56
0,87
6,53
0
18,51
100
0
12,5
13,57
7,14
7,14
16,87
0
2
33,33
11,76
132
18
675
10073
1
22
0
28
25
121
26
26
69
9
48
6
60
89,80
94,44
99,13
93,47
100
81,49
0
100
87,5
86,43
92,86
92,86
83,13
100
98
66,64
88,24
6
8,70
63
91,30 69
2
13
5,40
5,41
35
227
94,60 37
94,59 240
147
19
682
10777
1
27
1
28
24
140
28
83
9
49
9
68
4.3.3. La femme dans la société civile
4.3.3.1. Bref rappel historique
La société civile féminine vers la fin de la période coloniale
Dans la dernière décennie de la période coloniale, Il y eut d'abord le
mouvement des femmes illettrées et ensuite celui des femmes lettrées.
Certaines femmes créèrent un syndicat apolitique, l'intersyndicale des
femmes travailleuses, en 1956. Présidé par Awa Kéïta, il avait comme
secrétaire générale Astan Coulibaly et comptait dans le bureau Sira Diop et
Rokiatou Sow. Awa Kéïta représenta le syndicat au congrès constitutif de
l'Union Générale des Travailleurs
d'Afrique Noire (UGTAN) en 1957.
JEMANGELEN, une association de femmes fut créée en 1956 sous l'égide de
madame Audibert, secondée par madame Thiam Fanta Diallo.
Toutes ces associations ont d’abord été plutôt orientées vers le social que
vers le politique. Elles ont, cependant, su améliorer les conditions de vie des
femmes sur le plan économique et social par la création d’ateliers de
couture, de centres de santé... Par la suite, « pour les besoins de la lutte
36
anti-coloniale, les organisations féminines fusionnent en 1957 pour former
l’Union des Femmes du Soudan Français (UFSF) 16».
Ces associations de femmes ont combattu les inégalités du système colonial.
Elles se sont résolument engagées dans les partis existants et ont contribué
à la sensibilisation et à la mobilisation des masses autour de leurs leaders
respectifs.
La société civile féminine sous la Première République
Ainsi, lors de l’accession du Mali à l'indépendance, les femmes constituaient
déjà une force non négligeable, même si sur le plan politique elles étaient
maintenues dans une situation de subordination. Car, elles faisaient
beaucoup plus figure d'animatrices, grossissant les rangs des électeurs, que
de responsables.
L’engagement des femmes ne s’est donc pas traduit par une forte présence
féminine dans les instances de décision à tous les niveaux. Ainsi, il n’y avait
qu’une seule femme députée sur quatre-vingt (80). Il a par contre permis
l’adoption de textes législatifs en leur faveur. A ce niveau, pour la première
fois, la constitution de 1960 interdisait toute discrimination fondée sur le
sexe et accordait à tous les citoyens les droits civiques. Le code du mariage,
lui, exigeait le consentement de la femme au mariage, accordait à la femme
le droit de demander le divorce, le droit à la garde des enfants et à une
pension alimentaire.
La société civile féminine sous la Deuxième République
La société civile féminine comme la société civile dans son ensemble, a été
bâillonnée sous la Deuxième République. C’est ainsi que pour la défense des
intérêts des femmes travailleuses, une commission, dirigée par Fatou Tall
Souko, avait été créée ; mais, elle sera dissoute en 1974 avec la création de
l'UNFM (l'union Nationale des Femmes du Mali). D’autres femmes tenteront
de contourner la situation en créant des associations mixtes : organisations
non gouvernementales (ONG), associations d'ordre humanitaire. Seules ont
pu survivre comme associations ou ONG féminines l’APAC (Association des
Professionnels Africains de la Communication), une association de femmes
professionnelles de la communication), l’AJM (l’Association des Femmes
Juristes) et le CADEF (Comité d’Action pour la Défense des Droits de l’Enfant
et de la Femme).
4.3.3.2. L’implication de la femme dans la vie publique à travers la
société civile sous la Troisième République
La femme dans le secteur associatif : ONG et Associations
Depuis les événements de mars 1991, la disparition de l’UNFM a été le fait
catalyseur de la détermination des femmes à s’investir dans les actions de
promotion pour elles-mêmes. Elles se sont engagées dans la création et
l’animation de nombreuses associations et ONG. Elles trouvèrent dans
l’association le cadre juridique le plus approprié pour gérer leurs activités.
16
Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing,
rapport national, Beijing + 5, juin 2000, p.15.
37
Ainsi, a-t-on vu à la veille de la conférence nationale (1991) surgir une
multitude d’associations féminines. Ces associations ont fait l’objet de
plusieurs études intéressantes qui ont fait apparaître les difficultés d’en
dresser une typologie significative. Mais l’examen quotidien de ces
associations permet de distinguer, selon leur composition sociale ou selon
leur objet social les types suivants d’association :
- les associations féminines à caractère politique : ce sont des
appendices des partis politiques, mais, elles poursuivent de façon
autonome un but politique et sont composées et dirigées par des
femmes. Ce sont les branches féminines des partis politiques.
- Les associations et ONG : Elles sont des acteurs de promotion
féminine. Ayant pour la majorité une vocation de prestataire de
services, de conseil et d’assistance, elles s’occupent essentiellement :
o des droits de la femme : diffusion et défense des droits de la
femme et formation, etc. C’est le cas de l’AJM, de l’APDF, du
CADEF, de l’ODEF, etc.
o de la santé : sensibilisation et éducation des femmes, lutte
contre les IST/SIDA, utilisation des méthodes de planning
familial,
hygiène,
eau,
assainissement,
lutte
contre
l’excision, etc. C’est le cas du CADEF, de l’AMSOPT, etc.
o d’activités économiques : maraîchage, artisanat, couture, etc.
o de l’épargne - crédit : création et gestion de petites caisses
d’épargne – crédit, etc.
o de la religion : éducation religieuse comme l’UNAFEM
o du domaine humanitaire : soutien et assistance aux femmes
en situation critiques comme les veuves ou les handicapés. C’est
par exemple, le cas de l’AVOM, de l’association des femmes
handicapées.
Les ONG, qu’elles soient féminines ou mixtes, évoluent pour la plupart en
milieu rural et péri-urbain. Leurs domaines d’intervention sont généralement
définis par leur statut et leur objet social. Pour une meilleure synergie entre
les actions, elles ont été amenées à s’organiser en collectifs (CCA-ONG,
SECO-ONG, COFEM, CAFO, Groupes PIVOT sectoriels, Confédérations et
Syndicat, etc.
La société civile féminine a mené des actions relatives à :
- le retour de la paix au nord et au maintien de la paix sociale et de la
sécurité sur toute l’étendue du territoire;
- l’information et la sensibilisation ;
- la formation des leaders religieux, des praticiens du droit, des décideurs
politiques, des forces de l’ordre, des agents de santé sur la CEDEF et les
droits de la femme ;
- la création des centres d’écoute et d’assistance judiciaire en faveur des
femmes démunies ;
- la tenue de séminaires-ateliers et organisation de conférences sur les
droits de la femme, la participation à la vie publique et le renforcement du
rôle économique de la femme ;
38
-
la publication d’un livre sur la situation de la femme au Mali, intitulé
« Livre Blanc » sur les femmes en 2000 par l’Association pour le Progrès et
la Défense des Droits des Femmes (APDF), du Guide Juridique sur les
droits de la femme par l’Association des Juristes Maliennes (AJM) en
2000 et le Guide sur les aides familiales en 2002 par l’association APAFMuso Dambé, etc.
La femme dans la résolution des conflits sociaux : guerres, grève, etc.
Il convient de s’arrêter sur le rôle joué par les organisations féminines dans
le retour de la paix au nord du Mali et dans le maintien de la paix sociale sur
toute l’étendue du territoire. En effet, pendant la rébellion, les femmes ont
créé le Mouvement National de la Paix. Elle regroupait les femmes de toutes
les communautés et elle a participé à toutes les rencontres sur le terrain.
Parallèlement, elle a sillonné la zone du conflit pour discuter avec les
différentes communautés. Ultérieurement, furent créées les associations
« Taganik » et l’association des femmes pour l’initiative de la paix. Les femmes
de Gao, elles, ont créé une association dénommée mouvement de la paix.
Une fois, la paix revenue, elles lui donnèrent le nom d’Association Régionale
des Femmes pour la Paix et l’Education (ARFPE). Actuellement, cette
association joue un rôle très important à Gao et à Tombouctou dans le
combat pour la scolarisation des filles et la résolution des conflits
interethniques. Elle s’occupe aussi des femmes victimes des conflits par la
traduction devant les tribunaux des auteurs de vol, de viol et de meurtre de
femmes. Au nord, la CAFO est impliquée dans la lutte contre la prolifération
des armes légères. ARFPE et CAFO ont participé à la résolution du conflit
Kunta / Arabe.
Les Associations de Mères d’Elèves (AME) luttent non seulement pour la
scolarisation des filles mais aussi pour le maintien de la paix dans l’espace
scolaire. A Kabara (Tombouctou) les associations féminines, à tour de rôle,
veillent sur l’école. Elles sont tenues de mentionner et de chercher à
connaître les raisons de l’absence d’un élève aussi bien que de celle d’un
maître d’école.
Ailleurs, les femmes ne sont pas en reste. Elles ont contribué à calmer la
fronde scolaire des années 90. Partout, elles sont sollicitées pour la
médiation lors des grèves dans les écoles et les conflits sociaux, intra et
interethniques. C’est ce que confirme la présidente de la CAFO de Mopti : « à
deux reprises, nous avions été sollicitées par la mairie et le Gouvernorat pour
parler aux enfants qui étaient en grève à cause de leur problème de CAR. Nous
avions pu résoudre cette crise. »
Dans le même sens le maire de Bougouni affirme « lors des grèves scolaires,
les deux coordinations d’associations féminines (CAFO et 3 P) se sont
impliquées pour mettre fin au conflit »
Maïmouna Mariko, femme leader de Bougouni, elle, confie que : « suite à un
conflit entre les ouvriers et la direction de la mine d’or de Morila, nous sommes
parvenues à faire baisser la tension ».
A Kidal, les femmes se sont impliquées pour trouver une issue à la grève des
commerçants en 2002
39
Sur le plan national, et particulièrement à Bamako, la CAFO depuis sa
création a toujours servi d’interface entre le mouvement scolaire et le
gouvernement. C’est dans ce cadre qu’elle a suivi le cahier de charge de
l’AEEM jusqu’à la signature entre les différentes parties du protocole « Pour
une Ecole Apaisée ». Pour le maintien de la paix et la prévention des conflits,
la CAFO interpelle chaque fois le gouvernement quand elle pressent des
conflits. Elle s’intéresse aussi aux conflits de la sous-région.
Elle a, ainsi, offert ses services aux femmes ivoiriennes en leur faisant
bénéficier de l’expérience malienne de résolution des conflits armés et en
leurs donnant aussi 45 jours de formation en juin 2002. En avril 2003, une
cellule CAFO a été installée à Abidjan pour contribuer au retour de la paix
en Côte d’Ivoire. Elle a aussi servi de médiateur entre les autorités
nigériennes et les associations féminines nigériennes qui connaissent
beaucoup de problèmes en relation avec certaines interprétations de l’islam
dans ce pays.
Ces différentes actions menées par la société civile féminine malienne ont
contribué au retour et au maintien de la paix au Mali. Elles ont contribué à
élever le niveau de conscientisation de certaines structures et autorités
publiques ainsi que des leaders religieux et communautaires sur les droits
des femmes et la nécessité de leur prise en compte dans le développement
économique social et culturel du pays.
Cependant, il convient de noter que ces différentes actions de formation et
d’information n’ont pas suffisamment atteint les populations rurales et par
ailleurs, les associations et ONG sont limitées dans leurs interventions par
l'extrême faiblesse de leurs capacités institutionnelles et financières
4.3.4. La femme et l’économie
Les femmes jouent un important rôle socioéconomique dans l’économie
nationale à travers les activités de production, de conservation, de
transformation, de promotion, d’échange et de consommation. Selon le
Rapport National sur la situation des femmes au Mali , 4ème Conférence
Mondiale sur les Femmes, 1995, les femmes assurent plus de 70% de la
production alimentaire17.
Au sud, elles participent à tous les stades de la production agricole depuis
les semis jusqu’aux récoltes.
Au nord, c’est la démocratie qui, à travers les associations, va permettre
l’implication des femmes dans l’agriculture. Exclues auparavant des travaux
champêtres et de la question foncière, aujourd’hui beaucoup d’associations
féminines de Gao et de Tombouctou ainsi que des femmes individuellement
ont leur périmètre maraîcher et leur casier rizicole.
Par ailleurs, on ne voyait pas auparavant de femme sonrhaye sur la place du
marché avec des marchandises. Mais avec la multiplication des périmètres
17
Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing,
rapport national, Beijing + 5, juin 2000, p. 48
40
maraîchers suite à la prolifération des associations, elles sont obligées d’y
venir pour la commercialisation de leur production.
La situation est plus timide en milieu nomade où les femmes dans certaines
localités, comme à Ber, ne sont pas encore impliquées dans l’agriculture.
Mais le changement perceptible est celui de leur attitude par rapport à
l’éducation des filles et la fréquentation des centres de santé (consultation et
vaccination).
Il en est de même en milieu semi-nomade peulh. C’est ce qui faisait tenir ces
propos à cet administrateur : Pour ce qui concerne le cercle de TENINKOU,
elles tentent de changer. Et à travers ce qu’elles voient à la télé, elles essayent
de s’organiser de plus en plus mais leur action reste encore très timide par
rapport aux autres femmes de ce pays. Elles ont vraiment besoin d’être
épaulées dans leurs efforts. Sinon, le constat est vraiment amer puisque même
si le changement est amorcé, le rythme est très lent.
Partout, l’accès des femmes à l’équipement agricole est très timide.
Exceptionnellement, il leur arrive d’être équipé par un projet ou une
structure de développement comme en 2000 à Kadiolo où la CMDT à travers
Kafojiginew les a équipées en âne et en charrette.
Beaucoup d’associations, par le canal de la micro finance ou de l’épargne
solidaire et des tontines, permettent à leurs adhérentes de faire le petit
commerce.
Initialement présentes dans le secteur rural et l’informel, les femmes
commencent à investir de nouveaux domaines comme l’entreprise y compris
le BTP (bâtiment et travaux publics).
4.3.4.1. La femme chef d’entreprise
Dans ce secteur, les femmes ne sont pas encore nombreuses. Mais le
phénomène en tant que tel importe beaucoup plus que le nombre. Car c’était
un secteur réservé aux hommes.
Une étude18 commanditée par le Ministère de la Promotion de la Femme, de
l’Enfant et de la Famille a recensé 631 femmes entrepreneurs, réparties
entre 16 domaines que sont : les femmes experts comptables agrées (5),
responsables de bureau d’ingénierie conseil (2), architectes (5), avocates (17),
notaires (7), gérantes d’officines (pharmacie humaine ou vétérinaire) (58),
hôtelières et restauratrices (15), commerçantes (228), des bâtiments et
travaux publics (11), prestataires de services (21), coiffeuses (2), teinturières,
couturières (67), du secteur agroalimentaire (157), des médias (6), des
cabinets d’études et de recherches (5), des nouvelles technologies de
l’information et de la communication (6).
Sur le terrain on a été frappé par « Fatim Construction » et THT construction
à Tombouctou et Kadidia Ascofaré à Goudam dans le BTP.
Dans beaucoup de localités, elles sont aujourd’hui dans le commerce de gros
et font de l’importation et de l’exportation. D’autres possèdent des camions
pour le transport et d’autres de petites entreprises.
18
Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la famille, Centre National de
Documentation et d’Information sur la Femme et l’Enfant, avec l’appui financier de l’USAID :
Répertoire des femmes entrepreneurs du Mali, Bamako, Imprim color, sans date d’édition.
41
Une d’entre elles de Gao dit que « si je suis arrivée à faire beaucoup de choses
c’est grâce à la démocratie. J’ai mon centre d’alphabétisation, ma garderie
d’enfant, mon périmètre maraîcher, mon ONG. Avant ce n’était pas possible.
Tout était aux mains de l’Etat. »
Une autre de la commune rurale de Koury affirme « mon activité principale
est le transport. Je me suis d’abord débrouillée pour avoir le prix d’une
« Toyota hiace, aujourd’hui, je possède un véhicule 10 tonnes et une
remorque »
Le maire de Bougouni affirme : « D. C. possède trois (3) véhicules 10 tonnes,
B. K. deux (2) véhicules 10 tonnes, S. D. plusieurs villas et M.M. une
pharmacie clinique vétérinaire.
Et contrairement à un certain nombre d’années, un peu partout, on retrouve
des femmes « visibles » en première ligne. Le plus important ici n’est pas le
nombre mais le phénomène, le processus engagé.
4.3.4.2. La femme et le crédit :
La micro-finance, c’est la banque des pauvres disait un administrateur. De
manière générale, les femmes n’ont pas accès au crédit classique pour un
certain nombre de raisons dont, essentiellement, l’information et le manque
de garantie (les données indispensables pour couvrir les risques que court la
banque). Aussi, aucune banque n’a une ligne de crédit, sur fonds propre,
destinée aux femmes. Il leur arrive de gérer des fonds de l’Etat ou d’autres
organismes de développement pour le compte des femmes, sur la base du
système des caisses d’épargne et de crédit.
Ces plaintes résument le ressentiment général recensé à travers tout le
territoire par rapport au crédit classique. C’est ainsi que la présidente de
l’association des vendeuses de poisson de Mopti dit : « Finalement, nous
avions compris que ces gens là ne veulent pas nous aider mais plutôt nous
créer d’autres problèmes. Car, comment peut-on comprendre que pour nous
aider, ils nous imposent des garanties de terrain ou des sommes que nous ne
possédons pas. Souvent, ils nous parlent aussi des délais qui sont difficiles à
tenir. Ils oublient que chez-nous les femmes n’ont pas de terrain »
Cette responsable d’ONG à Bandiagara renchérit dans ce sens :
« A Bandiagara les femmes n’ont pas du tout accès aux crédits puisqu’elles
n’ont pas les fonds de garantie que réclament les structures de micro-crédits.
Comment comprendre qu’on puisse exiger des garanties à des gens qui n’ont
même pas à manger. Elles n’ont aucune économie et les conditions d’accès les
empêchent d’avoir des crédits.
Sur un autre plan, la Fédération des Associations des Femmes
commerçantes et entrepreneurs du Mali estime que 50.000 ou 100.000
francs ne permettent pas à une femme de s’enrichir. Le montant appauvrit
plutôt les femmes. Sur son instigation, un consultant canadien, en faisant le
tour des banques de la place a constaté que parmi les bénéficiaires de crédit
il n’y avait pas de femme bénéficiaire d’un engagement de plus de dix
millions de francs CFA.
Pour contourner la difficulté, les caisses d’épargne et de crédit passent par le
système de crédit avec caution solidaire. Le prêt est accordé par le canal de
l’association. Mais à ce niveau les sentiments sont mitigés. Tandis que
42
certaines se plaignent des conditions d’octroi, d’autres se félicitent de cette
possibilité offerte par la démocratie.
Ces propos résument les griefs à l’endroit du crédit aux femmes au Mali :
« Il faut revoir les conditions d’accès et les intérêts des crédits selon les
réalités des localités. Puisque j’ai vu un exemple où la personne m’a dit qu’elle
n’avait même pas fini de s’approvisionner qu’on est venu demander de
rembourser ses crédits et avec un intérêt. Souvent, il y a des femmes qui
disent que KONDO JIGIMA leur demande de déposer le 1/3 de ce qu’elles
veulent demander. Et ces femmes disent que si elles avaient ces 1/3 elles
n’allaient jamais se rendre au Kondo-jigima ».
Certaines ont préféré contourner les structures formelles.
« Finalement, la solution a été qu’au lieu d’aller prendre le crédit avec les
conditions difficiles des caisses, nous avons préféré faire des cotisations
mensuelles. Et à la fin de chaque mois, la somme collectée est partagée entre
les 10 femmes de chaque groupement formé. Après un mois d’activité, l’argent
est remboursé avec un petit intérêt acceptable pour tous. Ces petits intérêts
sont utilisés pour l’achat de nos petits équipements. Avec cette stratégie, les
femmes disent : « nous préférons nous enrichir au lieu d’enrichir la banque» »
Désespérées d’autres femmes recourent à l’usure :
« Nos activités ne peuvent pas aller sans l’argent et les commerçants qui nous
prêtent cet argent le font avec des intérêts qui ne nous permettent pas d’avoir
quelque chose pour nous-mêmes. Ils le font généralement avec un intérêt de 30
à 50% et après la vente du poisson nous nous retrouvons avec une somme
dérisoire. C’est pour éviter ces choses que désormais, nous avons décidé de
faire une cotisation hebdomadaire de 500 francs au sein de l’association.
Nous rassemblons 500 000 à 600 000 francs que nous partageons entre 5 ou
6 femmes et remboursable en deux semaines avec un intérêt de 5000 francs.
Ainsi, chaque deux semaines, 5 à 6 femmes de l’association peuvent échapper
à ce problème de crédit avec les commerçants. Pour le moment, c’est la seule
solution que nous avons trouvée.
Par contre beaucoup d’autres affirment que la micro-finance leur a été d’une
grande utilité. Ainsi, l’association des femmes de Kadiolo (AFK), dans la
région de Sikasso, a obtenu un crédit pour équipement en 1999. Il a servi à
l’achat de charrue et de bœufs de labour au profit de femmes en situation
difficile. Le maire de Koury ainsi que Ami Touré dite Ami Lomé, chef
d’entreprise à Koury, expliquent l’ascension sociale des femmes du cercle de
Yorosso par l’accès au crédit et la bonne gestion.
4.3.4.3. Autre secteur important : le foncier
Malgré tous les textes, ci-dessus mentionnés, élaborés par la Troisième
République en faveur de la femme, en milieu rural, elle demeure toujours
généralement, exclue de la gestion du foncier.
43
A part quelques exceptions comme le pays Dogon et le pays Sonrhaye, la
femme accède traditionnellement à la terre même si c’est par le canal de sa
famille conjugale ou de sa famille d’origine.
Mais en pays Dogon et Sonrhaye, on constate une évolution avec la création
des associations féminines comme ci-dessus mentionné.
Une responsable d’ONG mentionne des difficultés rencontrées à Bandiagara.
« Elles se battent en permanence pour avoir des terres mais la terre est une
question très difficile en pays Dogon. Pour le moment, la seule faveur qu’elles
ont pu trouver est le « prêt » pour faire des activités de maraîchage. Et même à
ce niveau, il y a encore des problèmes car, à chaque fois que le maraîchage
commence à réussir, les propriétaires de terre leur retirent la parcelle. C’est
pourquoi, nous nous sommes dit qu’il faut changer la situation. »
Pour contourner ce genre de problème beaucoup de partenaires des localités
posent comme condition de la collaboration, la sécurisation foncière pour les
associations féminines.
Mais pour ce qui concerne les terres aménagées de l’Etat, la femme, dans les
principes, y accède sans aucun problème. On constate leur présence à
l’Office du Niger, à l’Office Riz Ségou, à l’Office Riz Mopti, au niveau du
Périmètre de Réhabilitation de Baguinéda, etc.19
4.3.5. La femme et la prise de décision
Du point de vue du droit positif, les textes fondamentaux recèlent très peu
de dispositions discriminatoires à l’endroit des femmes quant à leur
participation à la vie publique et à la prise de décision. Mais force est de
constater que les croyances, les us et coutumes, l’ignorance des femmes de
leur droit, la mauvaise interprétation des textes et l’insuffisance de moyen
d’information et de diffusion des textes constitue des obstacles à la
jouissance effective des droits des femmes. Malgré ces constats, depuis
1992, il est certain qu’on a assisté à une amélioration du positionnement
publique des femmes qui se traduit par :
- leur prise de conscience face leur situation, leur mobilisation pour
défendre leurs intérêts, la prolifération des structures de regroupement de
femmes (Associations, ONG, Groupes PIVOT, etc.) ;
- l’accès à l’information, la sensibilisation, la formation, l’incitation, l’appui
apporté aux femmes par le gouvernement, les Associations et ONG, les
partis politiques, etc.
- la proposition de quota par certains politiques, 30% de présence de
femmes sur les listes électorales,
- etc.
Par ailleurs, à d’autres niveaux, on peut faire les constats suivants :
4.3.5.1. Dans la communauté (famille, quartier, village)
Dans de nombreuses localités maliennes, il était, auparavant, rare de voir
des femmes dans une assemblée d’hommes. Avec la création des partis
19
Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de mondiale de Beijing,
rapport national, Beijing + 5, juin 2000, p.49 - 50.
44
politiques et des associations de femmes suite à l’avènement de la
démocratie, les femmes ont été obligées de se retrouver dans de nouveaux
espaces pour la défense de leurs intérêts. Elles assistent donc aux réunions,
s’expriment et revendiquent leur « part ». « Dans les bureaux, nous avons,
maintenant, plus que le poste de secrétaire à la promotion féminine » disait
l’une des femmes rurales.
Une femme de Sanankoroba, cercle de Kati : C’est avec l’arrivée de Suco et sa
formation que je travaille avec les hommes. Sinon, avant, je n’avais même pas
le droit de les regarder ou de les approcher.
Une autre de Mopti affirme « Il y a eu beaucoup de changements mais ce qui
m’a paru fondamental a été surtout le changement des mentalités. Avant
l’avènement de la démocratie, les femmes n’acceptaient jamais de participer
aux réunions des hommes et même celles qui participaient n’osaient pas
prendre la parole en public. Mais de nos jours, ces choses ont complètement
changé. De plus en plus, elles comprennent qu’elles sont utiles et qu’elles sont
aussi membres à part entière de la communauté. De plus, plusieurs femmes
aiment participer aux élections mais elles sont généralement confrontées à des
problèmes de moyen. »
Une autre affirme : « toutes les femmes de la ville de Bandiagara se trouvent
dans des associations. Avant la démocratie je n’avais jamais entendu qu’une
femme cherche à être maire ou député. C’est pour quoi certains disent que la
démocratie n’est venue que pour les femmes. »
Elles sont, donc partout, conviées aux réunions relatives au développement.
Ainsi, le 24 novembre 2005, elles ont remis en cause la composition du
bureau de la mutuelle de Gao. Et à Kabara, face aux positions
intransigeantes des hommes par rapport aux questions de développement,
elles ont décidé de s’exprimer désormais. « Quand il a été proposé de
construire un marché ici, les hommes ont affirmé qu’ils préféraient le curage
du fleuve, c’était le curage ou rien d’autre. Ces fonds ont été utilisés pour
construire un marché dans une autre localité. Depuis, nous avons décidé de ne
plus nous taire. Ainsi en 2004, des partenaires ont proposé des séances
d’alphabétisation aux femmes. Mais les hommes leur ont posé comme
préalable la construction d’une salle d’alphabétisation. Quand les négociations
étaient sur le point d’échouer nous sommes intervenues pour leur signifier que
nous avons une salle disponible pour les séances d’alphabétisation. Cela a
créé des problèmes entre nous et les hommes mais ils se sont décantés par la
suite. Les hommes savent que c’est grâce à nous les femmes que Kabara reçoit
beaucoup de choses »
Le maire de Mopti : « Pas plus tard que la semaine dernière nous étions en
session pour signer une convention relative à l’emploi des jeunes avec l’APEJ.
Les femmes membres du conseil municipal ont contesté cette convention dans
son contenu pensant quelle n’était pas favorable aux jeunes. Ceci nous a
amenés à une suspension de séance et la provocation d’une autre réunion.
45
Finalement, nous avions tous trouvé que les femmes avaient raison et des
modifications ont été apportées au document »
Un administrateur à Téninkou : « Lors de la dernière assemblée tenue à
l’occasion du lancement de la campagne agricole, les nouvelles associations
de femmes ont suggéré qu’on leur donne des parcelles pour leur maraîchage.
Ce fait est nouveau puisque nous sommes en milieu Peul où les femmes ne
s’intéressent pas à l’agriculture. Mais il me semble quelles veulent imiter les
associations de femmes quelles voient à la télé. »
A Kidal, c’est un projet de pisciculture qui avait été proposé par les
« développeurs » à cause du manque de poisson. Les autorités locales
l’avaient accepté mais ce sont les femmes qui ont soutenu qu’il valait mieux,
d’abord, avoir de l’eau potable avant de penser au poisson. Et c’est ainsi que
l’adduction d’eau a été substituée à la pisciculture. A Kidal, toutes les
femmes qui ont connu une ascension sociale ces dix dernières années dans
le domaine de l’économie, environ une dizaine, sont toutes membres du
Bureau des Opérateurs économiques.
Cependant, partout, la femme est jusqu’ici, exclue de la gestion du pouvoir
traditionnel. Seuls deux cas ont été recensés au cours de l’enquête : une
femme est, présentement, conseillère du chef de quartier Sossokoïra de Gao.
Elles étaient deux sur un total de cinq conseillers avant que la deuxième ne
décède. A Tessalit, selon le préfet, une femme du nom de Zeinab Wallet Taki,
a, actuellement le statut de conseillère. Et jusqu’ici, nulle part, aucun village
ne se fait représenter par une femme à moins qu’il ne s’agisse d’une question
exclusivement réservée aux femmes comme le disait le maire de Mopti, ou
que la convocation ne l’ait exigé.
4.3.5.2. Le rôle de la femme :
On constate un changement positif au niveau du rôle de la femme, tant dans
sa perception que dans son exercice ; surtout, là où elle n’avait que la
fonction de ménagère cloîtrée dans la maison. C’est ce qu’exprimait, ainsi,
une responsable d’association de Tombouctou : « auparavant, nous étions à
la maison pour faire de la vermicelle, le ménage et nous occuper des enfants.
Aujourd’hui, nous faisons toujours de la vermicelle, mais une vermicelle de
meilleure qualité grâce à nos associations. Nous apportons notre contribution
aux dépenses du ménage y compris les frais de scolarisation des enfants »
Une autre renchérissait en ces termes « Si les hommes nous laissent sortir
c’est parce que nous rapportons quelque chose à la maison »
Le 3ème adjoint du maire de Tessalit disait « elle ne se limite plus à organiser
ce que le mari apporte mais elle apporte elle-même des ressources »
4.3.5.3. Le statut de la femme
L’image de la femme s’améliore et sa personnalité s’affirme comme nous le
confirment ces propos ci-dessous.
46
« L’avènement de la démocratie a vraiment été d’un élan décisif pour
l’émancipation de la femme au Mali et surtout au niveau de la région de Mopti.
C’est grâce à elle que les femmes ont, pour la première fois, réclamé leur droit
au Mali. Désormais nous n’avons plus peur de nous exprimer devant les
hommes qu’ils soient des autorités ou pas. Nous ne sommes plus comme des
moutons qui ne font que suivre les hommes. C’est d’ailleurs pourquoi mes
camarades de l’association m’ont demandé de me présenter pour les élections
communales. Et jusqu’à présent certaines n’ont pas encore compris pourquoi je
n’ai pas passé. »
« La démocratie a eu un impact considérable puisque qu’aujourd’hui les
mariages forcés ont fortement diminué. Et surtout au niveau des camps
militaires, les femmes sont moins battues grâce aux sensibilisations.
Aujourd’hui les hommes ont vraiment compris que les femmes leur sont plutôt
complémentaires. »
« J’ai été choisie pour former une délégation avec deux hommes pour aller
soumettre nos problèmes au président de la République » nous affirmait une
responsable d’association de Kabara (Tombouctou)
« Je n’avais jamais vu d’association de femmes à Téninkou avant la
démocratie. Personnellement j’ai été mariée en 1985 et j’ai fait plus de 10 ans
sans sortir. Je ne savais rien de ce qui se passait dans la ville. C’est avec la
venue de la démocratie que nous avions tous commencé à sortir. Et
aujourd’hui ce sont les hommes même qui poussent les femmes à adhérer aux
associations. Cela montre à mon avis que le changement est vraiment venue
grâce à la démocratie ».
Partout, selon les enquêtés, il y a des femmes dont les noms sont connus de
tous, même des petits enfants comme le disait une femme à Goudam.
Dans aucune localité, rien ne se fait à l’insu des femmes chefs d’entreprises,
des responsables des grandes associations des localités, CAFO, APDF,
Association Régionale des Femmes pour la Paix et l’Education, etc. Elles sont
conviées aux réunions et consultées par les responsables de l’administration,
les élus et même les chefs traditionnels. Même dans les familles on sent un
léger changement. Une plus grande contribution de la femme aux charges du
ménage entraîne obligatoirement une autre perception et par rapport à
certains problèmes ; les hommes sont obligés de se comporter autrement
4.3.5.4. Le changement d’attitude des hommes
Suite à la « sortie des femmes sur la place publique » ouverte par la
démocratie, des hommes ne leur ont pas facilité la tâche. Il y a des leaders
religieux qui ont organisé des prêches contre les associations un peu
partout. Ils ont condamné la micro finance, ils se sont opposés à l’attribution
de casiers rizicoles et de périmètres maraîchers aux femmes. Mais grâce à la
sensibilisation et aux succès remportés par les associations, beaucoup de
chefs religieux et chefs traditionnels sont revenus à de meilleurs sentiments.
Certains d’entre eux sont revenus voir les femmes qu’ils fustigeaient en vue
47
d’apporter un appui aux femmes de leur entourage, d’autres passent par ces
mêmes femmes pour accéder à la micro finance ou aux intrants agricoles
(Gao et Tombouctou).
C’est ainsi qu’une d’entre elles disait : « On ne m’a pas consultée au sujet du
choix de mon mari, mais ça ne se passera pas comme ça avec ma fille »
Selon le Maire de Mopti « Aujourd’hui il n’est pas rare d’entendre que les
hommes n’ont plus la maîtrise de leur famille. A ce niveau, l’exemple frappant
est la question de mariage. Avant, on ne demandait pas du tout le point de vue
de la femme. Mais aujourd’hui qui ose faire marier sa fille sans son
consentement s’il ne veut pas se faire humilier. »
La présidente de la CAFO de Mopti confirme « Actuellement tous les chefs de
famille ont peur d’accorder la main de leur fille sans l’accord de leur femme »
Dans le même sens une responsable d’ONG de Bandiagara tient ces propos :
« C’est maintenant que les femmes ont commencé à imposer le mariage civil
aux hommes en milieu Dogon avec la prolifération des mairies. Elles exigent
aussi des extraits de naissance à leur enfant. Avant la démocratie, elles ne
connaissaient même pas ces choses. Elles étaient à la merci des hommes qui
les mariaient et les divorçaient sans raison et sans droits. Très souvent, elles
étaient mariées de force mais maintenant ce n’est plus le cas. »
4.3.6. La femme et le politique
Avec l’avènement de la démocratie, les femmes ont aussi investi l’arène
politique. Certaines d’entre elles ont pu se faire élire comme conseillère
municipale, maire, député, etc. Et parmi les élues, 21 femmes conseillères
sont 1ères adjointes des maires, 23 sont 2ème adjointes, les 3ème adjointes
sont au nombre de 56, 5 sont 4ème adjointes et 2 femmes sont 5ème adjointes.
Selon le maire de Mopti, « avant dix ans, aucune femme de Mopti n’avait pu
se faire élire dans le conseil communal qui était seulement considéré comme
l’affaire des hommes. Mais au premier mandat communal, il y avait trois
femmes et dans ce deuxième mandat, il y a eu quatre femmes. Et si la
situation continue ainsi, les femmes seront désormais nombreuses dans le
bureau communal. »
48
4.4. Les insuffisances de la Troisième République :
Comme ci-dessus mentionné, il s’agit de la Troisième République perçue en
tant que période.
4.4.1. Généralités :
Malgré l’existence d’un cadre institutionnel assez fourni, on constate un
certain nombre d’insuffisance dont :
- La non-visibilité des actions du département de la Promotion des
Femmes dans les départements sectoriels ;
- Le manque de moyens financiers des services régionaux et subrégionaux de promotion de la femme, de l’enfant et de la famille pour
soutenir les candidatures féminines et les femmes élues en matière de
formation ;
- Le manque de synergie dans les actions des différents acteurs :
Associations et ONG féminines, ministère de la promotion de la femme
- Non fonctionnalité du cadre de concertation entre les départements en
charge des femmes et les organisations féminines ;
- La faiblesse du niveau de leadership féminin ;
- La non-professionnalisation des Associations et ONG féminines ;
- La non-maîtrise du concept genre par les dites associations ;
- La méconnaissance des outils de travail tel que les mécanismes
institutionnels en place pour promouvoir les femmes ;
- La faiblesse du dialogue inter-acteur ;
- Des vides et lacunes juridiques ;
- Omission
de
l’entrepreunariat
féminin
sur
le
plan
institutionnel contrairement au Bénin, Togo, Nigeria, Sénégal, etc. où
il existe en plus du Ministère de la femme, un ministère des femmes
entrepreneurs ;
- Les difficultés d’accès au crédit et l’inexistence de lignes de crédit pour
les femmes et particulièrement pour les femmes chefs d’entreprise ;
- Le bas niveau du capital des femmes entrepreneurs : Selon la
Fédération des Associations des Femmes commerçantes et
entrepreneurs du Mali, il n’y a pas de femme milliardaire ou dont le
fonds de commerce atteint les centaines de millions ;
- Les difficultés d’accès au foncier et surtout de participation à sa
gestion
- Les femmes insuffisamment représentées dans les instances de
décision (gouvernement, assemblée nationale, conseil communal, les
cabinets, etc.)
- Le manque de volonté politique à traduire les discours en actes
concrets.
4.4.2. L’insuffisance de l’engagement citoyen des associations et
organisations féminines
Si les associations et organisations féminines sont dynamiques et engagées
pour l’amélioration des conditions d’existence de leurs adhérentes, il n’en est
49
pas de même pour ce qui concerne l’engagement citoyen. Le travail pour la
bonne gouvernance, la moralisation du politique en vue de campagnes
électorales sur la base d’idéaux et de projets de société est très peu ou pas
entrepris. Elles n’arrivent pas à faire pression sur les instances de décision
pour accélérer le changement. Ainsi, des conventions internationales
ratifiées par le gouvernement n’arrivent pas à être traduits en textes de loi
par l’Assemblée nationale comme le Protocole sur les droits des femmes en
Afrique.
4.2.3. L’affaiblissement de la volonté politique des autorités de la
Troisième République.
Contrairement à la période de la transition et des premières heures de la
Troisième République, on ne sent plus la même ferveur pour la cause de la
femme. En janvier 2006, les femmes attendaient toujours l’adoption du
projet de réforme du droit de la famille et des personnes en vue de
l’abrogation des dispositions discriminatoires contre les femmes contenues
dans le Code du Mariage et de la Tutelle, de la parenté et de l’alliance y
compris le vide en matière successorale et de donations.
4.2.4. L’inégalité de rémunération entre homme et femme
Une étude commanditée par la Fonction Publique sur l’égalité de
rémunération entre les hommes et les femmes dans le secteur moderne au
Mali, a abouti notamment à la conclusion qu’au sein de la Fonction
publique, les écarts de salaire par catégorie sont au maximum de 11% et les
femmes gagneraient en moyenne 30% de moins que les hommes.
Dans les principes, il n’y a pas de discrimination au niveau de la base
indiciaire, mais dans les faits, malgré la signature de l’ordonnance n°92024/CTSP du 12 mai 1992 relative à l’impôt sur les traitements en salaire
des femmes salariées, ce sont les hommes qui touchent les allocations
familiales et qui bénéficient des déductions d’impôt relatives au nombre des
enfants.
4.4.5. La figuration dans les instances dirigeantes des associations
mixtes.
S’il arrive aux femmes de s’imposer dans la communauté, de peser sur les
décisions, il arrive aussi qu’elles soient totalement exclues de certaines
instances, marginalisées dans d’autres ou être « instrumentalisées ». C’est ce
que nous confirment ces quelques propos recueillis sur le terrain :
Ainsi, cette responsable d’association de Bougouni affirme avoir été
incapable de se faire élire au bureau de la FELASCOM (Fédération Locale des
Associations de Santé Communautaire). « aucune femme n’a pu se faire élire
au sein du bureau ».
La présidente de l’association des femmes de Kadiolo (AFK) affirme que : « il y
a des femmes dans des associations mixtes. Mais elles font de la figuration
car elles sont minoritaires, 2 femmes pour 20 hommes. Ces deux femmes ont
50
pu intégrer le bureau de l’APE suite à notre insistance. Elles ne sont même pas
informées de la tenue des réunions ».
Cette conseillère communale de Zantiébougou dans le cercle de Bougouni
dit avoir découvert qu’elle était membre du CESCOM, ou avoir vu son nom
sur la liste des membres du bureau du CESCOM, lors d’une étude qui lui
avait été confiée sur la faisabilité d’une mutuelle de santé.
Selon la présidente des femmes commerçantes et entrepreneurs du Mali, au
niveau de la Chambre d’industrie et de commerce, il n’y a qu’une seule
femme sur dix neuf (19) élues. Au moment des élections, les autres étaient
d’office exclues par les critères que les candidats devaient remplir : 5 ans
d’ancienneté au niveau du quitus fiscal et du paiement de la patente.
Le combat reste, donc, toujours d’actualité pour la participation aux prises
de décision même au niveau des structures modernes pour le
développement.
4.4.6. Les stéréotypes dont sont victimes les femmes qui arrivent à
transcender la discrimination :
Les femmes qui vont surmonter les obstacles découlant de
discriminations vont être victimes de stéréotypes ainsi que leurs époux.
ces
Ainsi, à Kadiolo, seront traités de : « bajanbilamuso », chèvre en divagation »
les femmes commerçantes, et de « musocèkanfola », femme au discours
d’homme, la femme actrice politique.
Dans le même sens, selon une responsable d’association de Bougouni :
« Toutes les femmes qui ont connu une certaine ascension sociale sont soit des
veuves, soit des femmes plus influentes et plus importantes économiquement,
plus dynamiques et populaires que leurs maris. Tout mari qui dispose d’une
certaine assise économique et financière n’acceptera pas que sa femme
participe aux réunions. Toutes nos conseillères sont des épouses d’hommes
mous »
4.4.7. Les résistances de certains
communautés face au changement
hommes
et
de
certaines
Dans la commune rurale d’Essouk, région de Kidal, une femme, Nina Wallet
Intallou avait été élue maire lors des élections communales de 1997. Mais,
elle n’a jamais pu exercer la fonction. Des hommes s’y sont opposés. Selon
un responsable de parti politique d’Essouk « l’islam n’interdit pas aux
femmes l’ascension, mais il y a des limites. Une femme ne doit pas exercer des
fonctions de chef suprême, gouverneur, député, maire »
Selon une femme chef d’entreprise « l’aspiration à devenir maire, député,
conseillère communale, c’est effectif dans les autres régions mais à Kidal, c’est
encore un rêve ».
51
Selon une autre de la commune d’Essouk, elles se sont battues pour
Madame le maire mais que celle-ci a fini par capituler : « elle a cédé le
fauteuil aux hommes ».
Dans la commune rurale de Djabigué dans le cercle de Nioro du Sahel, une
autre femme avait été élue maire lors des élections communales de 1997.
Elle a exercé la fonction avec deux autres qui lui servaient d’adjointes. Elles
ont, toutes trois, été réélues comme conseillères communales. Mais ce sont
leurs époux qui ont mené campagne pour qu’elles ne retrouvent pas leurs
postes de maire et d’adjointes.
Toujours par rapport à ce problème de pouvoir une responsable
d’association et secrétaire général des femmes de la section ADEMA de
Bougouni rapporte qu’elles ont été exclues des listes présentées aux
élections municipales sous le prétexte que : « nous sommes des logées,
nourries et par conséquent, nous ne devons pas avoir trop de prétentions.
Et cet homme de Kidal se plaint du changement en ces termes « les coutumes
voient que le Pouvoir, les ONG, les Bailleurs de fonds sont tous tournés vers
les femmes et par conséquent, se détournent de la « main forte des femmes »,
c’est-à-dire les hommes. La femme à elle seule, même savante et riche ne peut
prendre les charges et les initiatives des hommes… Les changements, ils
doivent être poursuivis, mais attention à la marche, au rythme.»
A l’extrême sud à Kadiolo, un notable fait des récriminations identiques :
« quand une femme arrive à émerger sur les plans économique et politique on
pense qu’elle échappe au contrôle de son mari. Elle devient une « proie facile »
pour les agents au niveau des postes de contrôle.
Je n’ai jamais vu ni entendu parler d’une femme chef de village ou conseillère
d’un chef de village. Je pense que ce n’est même pas faisable. Ce ne serait
même pas un bon signe pour notre société. »
Pour ce qui concerne la poursuite du changement, le notable estime que « la
femme est devenue le centre d’intérêt du pouvoir. L’image de la femme a
évolué car ses préoccupations sont prises en compte. Un ministère a été créé
uniquement pour sa promotion. Alors ! Qu’est-ce que vous voulez de plus ? »
Donc, malgré les progrès accomplis, du travail reste encore à abattre pour la
conservation des acquis et l’aplanissement de certains obstacles de grande
importance.
4.4.8. Des biais provoqués par l’assistance au développement.
Toutes les femmes ne sont pas conscientes de la situation de marginalisation
ou n’ont pas foi aux solutions qu’on leur propose.
C’est pourquoi selon cette responsable « grâce aux débats dans les réunions,
les femmes savent quels rôles jouer dans les familles et dans la vie publique.
Malheureusement, elles ne s’investissent pas tant qu’elles ne voient pas
immédiatement leur intérêt matériel. Il y a un réel problème d’investissement
52
personnel de la part de nos femmes. Par exemple, après les actions
d’assainissement, elles emportent le petit matériel : protège-nez, savon, balai,
etc. En tout cas, le petit intérêt est là dû peut être à la pauvreté, à
l’analphabétisme, à l’éducation … »
Une autre renchérit : « ce sont les ONG qui ont gâté les femmes. Tant qu’il n’y
a pas de perdiem et de restauration les femmes ne participent pas aux
réunions ni aux formations… Quand on parvient à avoir un financement, elles
ne se soucient pas de l’exécution correcte dudit projet mais proposent plutôt
qu’on partage l’argent. »
Dans le monde du développement certains acteurs sont sans scrupules et
profitent de la « question femme » pour s’enrichir. C’est ce qui faisait dire à la
présidente des vendeuses de poissons de Mopti que les obstacles qu’elle
rencontre sont entre autres son analphabétisme, les retards que certains de
ses membres accusent dans les cotisations, les mensonges des ONG et
certaines personnes qui prétendent les aider et le manque d’appui à
l’association.
Et la présidente de la CAFO de la même localité avait parmi ses suggestions :
Que les bailleurs potentiels essayent de traiter directement avec les
associations de femmes au lieu de donner les financements aux ONG
4.4.9. L’insignifiance du nombre de femmes élues :
Les femmes n’occupent pas les premières places dans les instances
dirigeantes des partis. Le seul président femme de parti est celui du parti
écologiste. Dans les capitales régionales seul l’UDD est coiffée par une
femme à Gao.
Aussi, comme ci dessus mentionné, il y a peu de femmes élues. Au niveau
des élections communales et municipales, cette situation s’explique par leur
position sur les listes de candidature. Celles qui ont pu être élues l’ont
souvent été au prix d’efforts indescriptibles comme nous le confirme ces
discours ci-dessous.
Selon une conseillère de Mopti, pour avoir une bonne position sur la liste
« les choses n’ont pas été du tout faciles et cela pour deux raisons : la première
était que certains cadres du Parti me considéraient comme un leader arriviste
et la seconde était le problème de ma position au niveau de la liste. Au niveau
du comité qui était chargé d’élaborer cette liste, la stratégie était : deux
hommes et ensuite une femme. C’était ce qui était le principe, mais dans la
pratique, la situation a été inversée par le fait que le premier nom de femme
qui était le mien s’est finalement retrouvé à la 6eme position. Or, le parti ne
prenait que 5 noms par quartier pour former la liste des candidats. De plus,
certains voyaient mal ma troisième position ... Alors le combat était engagé.
J’ai immédiatement remué mon électorat qui était surtout composé des femmes
et des jeunes du quartier, ce qui a provoqué un bruit terrible au niveau du
quartier puisque les gens étaient très énervés par la nouvelle. Cette situation a
53
entraîné de multiples réunions au niveau de la section entre mes supporteurs
et mes adversaires du parti. Et finalement mon nom a quitté de la 6ème position
pour se retrouver à la 4ème position et la liste a été déposée devant moi à
l’administration. C’est ainsi que j’ai été élue comme conseillère »
La même situation s’est reproduite à Bandiagara et on peut la caractériser
en terme de « Pérégrination d’une femme pour conserver sa place sur la
liste »
« Lorsqu’on est venu en discussion pour adopter ces principes (présence des
femmes sur la liste) avec les autres partis de l’alliance, il y a eu deux nuits
blanches de discussions sans qu’on ne puisse trouver un accord. Car, le
problème principal de tous les hommes et même de ceux qui étaient dans mon
parti était qu’ils pouvaient accepter que je sois parmi les 3 premiers noms mais
pas en tête de liste ; de laisser la tête à un homme pour l’harmonie des choses.
Après les multiples conseils des vieux, j’ai accepté de céder les deux premières
places de la liste de l’alliance à deux hommes et la liste a été formée vers 23
heures, tard dans la nuit, et devaient être déposée le matin.
Mais c’est après avoir quitté la réunion que les autres partis de l’alliance ont
corrompu l’homme qui me secondait dans mon parti pour prendre ma place et
me mettre jusqu’à la 9ème position. L’acte a été si choquant pour certains,
qu’une personne de l’autorité dont je préfère taire le nom m’a envoyé
quelqu’un à 3 heures du matin pour m’informer de la situation. C’est ainsi que
mon mari m’a réveillé en me disant ceci : « lève toi car, on vient de m’informer
qu’on a fait déplacer ton nom jusqu’en 9ème position ».
Aussitôt, je me suis levée, mon bébé au dos pour aller réveiller tous ces
responsables au cœur de la nuit. Toute la ville de Bandiagara était sur pied
derrière moi en me soutenant. C’est après avoir pris peur que ces hommes
ont reconnu leur fait et on s’est réuni encore pour reprendre la liste en vue de
remettre mon nom à sa place vers 6 heures du matin. La liste a été déposée à
8 heures du matin. Après les élections nous nous sommes aussi associés avec
les indépendants pour faire le bureau communal. C’est ainsi, que le maire est
un « indépendant » et l’UDD a eu la 1ère adjointe en ma personne. »
En effet, il ressort de tous les entretiens que la place accordée aux femmes
sur les listes de candidature aux élections communales est d’une importance
capitale pour l’implication des femmes dans la vie publique. L’important
n’est pas le nombre de femmes candidates mais la position des candidates
sur les listes. Souvent ce sont les partis de moindre importance qui
accordent les premières places aux femmes. Par exemple à Gao les femmes
les mieux placées occupaient la 1ère au niveau de l’UDD, la 4ème au niveau du
RDS et la 5ème au niveau de l’URD. Cependant aucune de ces femmes n’a été
élue. Dans la commune rurale de Téninkou, la tête de liste du CNID-FYT
était une femme et le PARENA accordait la troisième place à une autre, mais
aucun de ces partis n’y a un conseiller communal. La seule femme
conseillère est du PSP et elle affirme s’être maintenue à cette position grâce à
son oncle.
Au sujet du mauvais positionnement des femmes sur les listes, les propos de
la Présidente de la coordination de l’association des femmes de Camps sont
54
édifiants : « c’est mon parti qui a été en tête mais je n’ai pas passé. Ils ont
finalement dit que toute la liste ne pouvait pas être élue. Donc, cela veut
simplement dire qu’ils avaient mis mon nom jusqu’en bas de la liste. Pourtant
mon nom était au départ à la 4ème place sur la liste. C’est au moment des votes
qu’on s’est rendu-compte qu’ils m’avaient mis en 16ème position. Cependant,
c’est grâce à ma candidature que toutes les femmes des quatre Camps
militaires de Sévaré ont voté. Mais ce qui est sûre, c’est que les choses ne se
passeront pas comme ça la prochaine fois. »
La présidente de la CAFO de Mopti va dans le même sens : « Nous sommes
même associées aux élections mais à ce niveau, les hommes nous trichent en
mettant toujours les noms des femmes en bas de la liste. »
A la question pourquoi ne vous êtes-vous pas battues pour changer cette
situation elle répondit : « Les partis politiques ne font jamais les listes le jour ;
de plus, ils ne font que les modifier. Pensez-vous qu’il est facile de les suivre
dans tout ce processus »
Quelquefois, c’est le nom qui disparaît carrément de la liste comme à
Bougouni, ainsi que l’atteste cette femme « J’ai fourni toutes les pièces, mon
dossier était sans reproche, j’étais l’unique femme et 2ème de la liste. A ma
grande surprise mon nom ne figurait pas sur la liste quand elle a été
proclamée.
Ces propos et problèmes dénotent de la présence de beaucoup d’obstacles
dont les solutions seront déterminantes pour une plus grande implication de
la femme de la gestion de la vie publique.
55
4.5. Les obstacles à la participation de la femme à la vie
publique.
Des causes de la discrimination découlent des obstacles à l’intégration de la
femme dans la vie publique. Une typologie des obstacles donne la situation
ci-dessous
4.5.1. Les obstacles liés aux causes sociales de la discrimination
-
Le poids social ;
le refus des maris : c’est l’époux d’une ancienne femme maire qui s’est
opposé à sa reconduction à Nioro comme maire ;
La réticence des hommes à permettre aux femmes d’effectuer des
déplacements lors de la campagne électorale ;
La surcharge du calendrier de travail, les tâches ménagères ;
La situation matrimoniale des femmes ;
L’insensibilité des décideurs par rapport aux questions « genre ».
4.5.2. Les obstacles liés aux causes culturelles de la discrimination
-
L’analphabétisme ;
le faible niveau d’instruction ;
la marginalisation des femmes par les hommes ;
le manque de sensibilisation des femmes pour soutenir leurs paires ;
la crise de compétence ce qui entraîne la rareté de candidature valable
l’incompétence de certaines femmes déjà en poste, élues ou nommées.
4.5.3. Les obstacles liés aux causes économiques de la discrimination
-
la féminisation de la pauvreté (manque de propriété pour la garantie);
le manque de moyens financiers pour faire campagne au moment des
élections ;
les difficultés et conditions d’accès au crédit et aux autres facteurs de
production.
4.5.4. Les obstacles liés aux traditions politiques du Mali
-
La perception négative du politique et le manque de motivation des
femmes à militer dans des partis politiques ;
l’inexpérience politique des femmes ;
la discrimination des femmes au moment de l’élaboration des listes de
candidature (mauvais rang sur les listes) ;
les difficultés dans la constitution des dossiers de candidature
(absence de pièces d’état civil)
56
4.5.5. Les obstacles liés aux causes psychologiques la discrimination
-
La peur d’échouer ;
Le manque de confiance des femmes en elles-mêmes ;
le complexe d’infériorité ;
le manque de solidarité entre les femmes ;
les effets de l’éducation traditionnelle ;
l’esprit d’adversité et de clan ;
le manque « d’agressivité ».
4.5.6. Les obstacles d’ordre juridique à la promotion de la femme
Eu égard aux vides et lacunes juridiques relevés dans les insuffisances de la
Troisième République on peut parler d’obstacles juridiques à l’implication de
la femme dans la gestion de la vie publique. Les obstacles d’ordre juridique à
la promotion de la femme et les aspects de leurs conditions politique,
économique, et sociale sont étroitement imbriqués. D’ailleurs, on se sert
souvent des lois existantes qui confèrent de la légitimité aux pratiques en
vigueur dans les domaines économique, politique et social pour établir une
discrimination contre les femmes.
Un autre problème non moins important est la méconnaissance des textes,
conventions, lois par certains décideurs.
4.5.7. Les obstacles liés aux violences faites aux femmes dont le
harcèlement sexuel
-
frein à l’épanouissement des femmes sur le lieu de travail,
dignité bafouée ;
résistance des époux à l’implication de leurs époux dans la gestion de
la vie publique.
Les stratégies pour une plus grande implication de la femme dans la vie
publique doivent trouver des solutions ou des esquisses de solution à ces
obstacles.
57
V. Les stratégies pour une plus grande participation
de la femme à la vie publique.
Malgré les discriminations dont les femmes sont victimes et les différents
obstacles qui se dressent devant elles, certaines femmes accèdent à des
postes de hautes responsabilités. Quelles sont les stratégies qu’elles
adoptent ? Le présent chapitre va d’abord récapituler les stratégies
constatées sur le terrain et ensuite faire des propositions pour une plus
grande implication de la femme dans la vie publique.
5.1. Les stratégies féminines d’ascension sociale et les
facteurs de réussite recensés sur le terrain
Les causes de l’ascension sociale et les stratégies, sans s’exclure, diffèrent
d’une femme à l’autre et d’un domaine à l’autre. Les domaines, ici, abordés,
sont le politique et l’économie, notamment le crédit.
5.1.1. Les stratégies d’ascension politique
De manière générale, sur le plan politique, on constate que certaines, de
longue date, sont des leaders dans leur milieu, d’autres se sont servis des
associations comme rampe de lancement, d’autres se sont, non seulement,
engagées dans l’action politique mais se sont aussi battues à l’intérieur de
leur parti pour émerger. L’entourage, l’époux, les parents, les amis, etc. a
été d’un grand secours pour certaines d’entre elles.
5.1.1.1. Les leaders de longue date
Des entretiens, il ressort que certaines femmes ont, de tout temps, mené les
« troupes ». Elles n’ont pas attendu la démocratie pour se battre. Ceci est
attesté par les propos de cette conseillère municipale de Mopti : « Mon
expérience politique n’a pas commencé à mon avis avec les partis. Car, depuis
mon jeune âge, j’étais déjà responsable de mes camarades d’âge à
Mossinkoré. En plus, je participe très activement à toutes les cérémonies
d’ordre social (baptême, décès, mariage, etc..) qui se passent au niveau de
mon quartier »
Les propos de la 3ème adjointe au maire de Téninkou vont dans le même
sens: Déjà, dans l’enfance, j’étais la cheftaine de mes camarades au niveau
de notre quartier. Après, j’ai aussi dirigé une association qui s’appelait
muniadé / Sawraadé (patience et tolérance). Je suis aussi la Secrétaire
générale de l’APDF. C’est de là, au moment des élections communales, que
certaines femmes sont venues me voir pour que j’accepte d’être candidate».
Quant au 1er conseiller du maire de Mopti il estime : « qu’à chaque époque de
la vie d’une nation, il y a des femmes influentes, quelle que soit la forme de
cette influence. Pour moi, celles qui sont aujourd’hui influente ne le sont en fait
que par rapport à une question de génération. Donc, qu’on ne le voit pas
58
forcement comme les conséquences de Mars 91 même si cet événement a
aussi été déterminant dans l’ascension de certaines. »
Le maire Bandiagara va dans le même sens en affirmant que : « A vrai dire il
y en avait quelques unes bien avant l’avènement de la démocratie mais c’est
avec elle que la situation a pris tant d’ampleur. »
On peut donc affirmer qu’un des facteurs de réussite de ces femmes est leur
personnalité forgée sur leur caractère et leur détermination.
5.1.1.2. Les associations, une rampe de lancement politique :
Les associations ont permis à certaines femmes d’émerger. Certaines, sans
arriver à se faire élire, se sont fait connaître à travers tout le Mali et parfois à
l’extérieur. C’est le cas des femmes des associations pour la paix à Gao.
La plupart des conseillères communales dirigent des associations ou des
ONG comme nous le confirme celles-ci :
Une conseillère de Mopti « dans le cadre des associations je dirige plusieurs
groupements qui sont très actifs dans la ville. Nous intervenons dans le cadre
de l’accès de la femme au crédit et dans l’assainissement de la ville ».
Une conseillère de Sikasso : « je dispose de plus de 100 groupes de femmes
dans le quartier. Je suis membre de l’APAC (Association des Professionnels
Africains de la Communication), présidente de l’association cèsiriton,
secrétaire à l’information de la CAFO et secrétaire à la communication du
syndicat des commerçants détaillants ».
Rares sont les femmes qui arrivent à se faire élire sans le soutien des
associations féminines dont elles sont, souvent, les principales animatrices.
5.1.1.3. Le soutien de l’entourage
Dans la notion de poids social comme obstacle à l’implication de la femme
dans la vie publique on peut noter une certaine hostilité de son entourage
immédiat. Mais quand celui-ci a une attitude favorable, on assiste
généralement à l’émergence de la femme. C’est pourquoi, dans certaines
localités, des femmes qui ont connu une ascension sociale ont affirmé
qu’auparavant les époux les empêchaient de sortir mais qu’aujourd’hui, c’est
le contraire ; ils les poussent « à sortir » pour adhérer aux associations.
Sur un autre plan, une élue de Bandiagara affirme : « Pour moi, la politique
est devenue comme une sorte d’héritage car, mon père a été le premier député
de Bandiagara… Par la suite, certains de ses amis m’ont montré que je dois
impérativement venir pour la revanche en parachevant l’œuvre que mon père
avait entreprise pour la ville de Bandiagara. Ainsi, après de multiples débats
dans ma famille d’origine et au niveau de mon mari, j’ai fini par adhérer à
l’idée. »
La seule conseillère communale Téninkou abonde dans le même sens :
« C’est mon oncle qui était aussi membre du parti qui m’a aidé à imposer mon
59
nom en tête de liste. Et j’ai posé comme condition pour rester dans le parti
qu’on laisse mon nom en 3ème position ».
5.1.1.4. La combativité de la femme, le corps à corps et la mobilisation
des troupes
Sur le terrain, il a été constaté que les femmes qui ont émergé sont avant
tout des battantes. Et les autres facteurs favorables comme la démocratie,
les bonnes dispositions de l’entourage… ne sont venus que compléter leur
ardeur à la tâche. On a même souvent vu l’entourage hostile au départ pour
se rallier par la suite à la cause des femmes comme dans l’accès au foncier à
Tombouctou.
Il transparaît du discours du maire adjoint de Bandiagara, voir ci-dessus,
page 51 :
- des qualités de la candidate :
o la forte capacité de négociation et de mobilisation ;
o la résistance physique (passer des nuits blanches de
négociation, se réveiller à 3 heures du matin et veiller jusqu’à 6
heures) ;
o l’absence de complexe d’infériorité face aux hommes ;
o la vigilance ; elle a été plus vigilante que la présidente des
femmes des camps de Mopti qui ne s’est rendue-compte qu’elle
avait été déplacée de la 4ème place à la 16ème que le jour du vote ;
o la combativité ;
- Le soutien de l’époux et de sa famille d’origine ;
- L’opposition de certains hommes à l’injustice ;
- L’adversité de certains hommes y compris ceux qui sont du même
camp, du même parti qu’elle.
Ce discours prouve que la question de la discrimination a plusieurs faces et
qu’il faut élaborer plus d’une stratégie pour surmonter tous les écueils.
5.1.1.5. Des solutions spécifiques sur le plan politique :
Des femmes ont constitué une liste composée exclusivement de femme dans
le cercle de Bandiagara comme le confirme le maire de Bandiagara :
D’ailleurs dans le cercle, il y a eu un phénomène nouveau dans ce domaine
qui a eu lieu à KINDJE (une autre commune du cercle) où les femmes ont
déposé une liste entièrement composée des femmes. Elles ont même été 3ème et
cela est une situation qui nous a fait peur ».
Mais n’est-il pas mieux de lutter contre les causes de la discrimination en
cherchant à surmonter les différents obstacles.
60
5.1.2. Les stratégies économiques, le crédit
Ci-dessus, il a été question de l’association des vendeuses de poissons de
Mopti qui dotait, à tour de rôle, leurs adhérentes d’un capital de 500.000
francs toutes les deux semaines.
Mais la Fédération des Associations des Femmes Commerçantes et
Entrepreneurs du Mali a pu mieux faire. Avec un appui d’un million de
dollar canadien obtenu de la coopération canadienne, elle a pu acquérir
environ 1500 parcelles avec titre foncier, soit, 740 à Dialakorobougou et 750
à Safo. Ces parcelles sont cédées à 600.000 francs CFA aux femmes pour
leur servir de garanties dans le cadre de l’accès au crédit classique dans les
banques.
61
5.2. Propositions de stratégies
Comme ci-dessus mentionné, la situation que vit la femme n’est pas de
l’ordre de la nature mais de la culture. C’est une forme de l’organisation
sociale à un moment donné de l’histoire à laquelle il est possible de
substituer une autre à un autre moment donné. Donc, face aux obstacles,
des solutions sont possibles à court, moyen ou long terme.
5.2.1. Les stratégies face aux causes sociales de la discrimination
Contre la plupart des obstacles, toutes les couches de la société ont besoin
d’information et de sensibilisation. Il en est ainsi pour les pesanteurs
sociales, les habitudes séculaires, les réticences des époux, etc.
Une plus grande implication de la femme dans la vie publique exige un
changement des mentalités, des valeurs, des idéaux et des mœurs. Défendre
l’idée que les femmes doivent avoir un rôle égal à celui de l’homme est une
démarche qui contribue à améliorer la situation des femmes en politique.
Mais, il faut savoir qu’elle s’inscrit dans le moyen et long terme, car la
culture d’une société évolue lentement.
La surcharge de l’emploi de temps de la femme a été identifiée de longue date
comme un des obstacles majeurs à l’émancipation de la femme. Il s’agit donc
de l’alléger à court, moyen et à long terme, de procéder à une socialisation
des tâches ménagères comme dans les pays développés.
Contre la figuration et pire, l’absence des femmes à des niveaux de décision,
il faut favoriser la représentation des femmes en nombre et en qualité dans
les instances de décision.
Il faut institutionnaliser aussi le poste de conseiller Genre dans les
départements ministériels en modifiant le texte sur la composition des
cabinets ministériels.
Il faut enfin renforcer la communication entre le Ministère de la Promotion
de la Femme, de l’Enfant et de la Famille et les conseillers Genre.
5.2.2. Les stratégies face aux causes culturelles de la discrimination
L’analphabétisme, le faible niveau d’instruction, la crise de compétence qui
entraîne la rareté de candidature valable, ont été considérées comme des
causes culturelles de la discrimination dont les femmes sont victimes.
Face à ces obstacles, il y a lieu de :
- renforcer les programmes en cours de scolarisation des filles ;
- élaborer une politique nationale d’éducation des femmes ;
- rendre
plus
fonctionnelles
les
programmes
et
méthodes
d’alphabétisation des femmes en les adaptant à leurs préoccupations
et aux objectifs d’une plus grande implication des femmes dans la
gestion de la vie publique ;
- élaborer une politique nationale de formation des femmes ; à propos, il
convient de saluer les projets d’ouverture de centre de formation
féminin à Bourem, Ségou et Bougouni et demander leur extension à
toute l’étendue du territoire en vue d’une meilleure insertion des
jeunes filles dans le processus de développement.
62
A ce niveau aussi, la sensibilisation doit être menée pour une évolution des
mentalités en vue de mettre fin à la marginalisation des femmes par les
hommes et pour un soutien des femmes à leurs paires.
5.2.3. Les stratégies face aux causes économiques de la discrimination
5.2.3.1. Généralités
- La lutte en cours contre la pauvreté doit être poursuivie ainsi que les
programmes de lutte contre le VIH/SIDA ;
- Intensifier la vulgarisation technique agricole et pastorale auprès des
associations et groupements féminins ;
- Promouvoir les activités génératrices de revenus ;
- Lutter contre la sécheresse et la désertification ;
- Développer l’hydraulique rurale, la politique des retenues d’eau en
zone rurale ;
- Promouvoir les technologies de transformation et de valorisation des
produits locaux ;
- Développer les circuits de commercialisation ;
- Mettre en place un mécanisme spécial de crédit pour les femmes sur la
base de l’évaluation de l’expérience malienne en matière de microfinance ;
- Accorder des avantages fiscaux et douaniers aux femmes
entrepreneurs durant une certaine période de démarrage ;
- Inciter le recrutement des femmes salariées par les entreprises par
l’octroi d’avantages fiscaux et douaniers ;
- Intensifier la formation et le recyclage des travailleurs féminins en vue
d’augmenter leur performance ;
- Encourager les travailleurs domestiques féminins à s’organiser au sein
d’associations pour défendre leurs droits et intérêts et les informer sur
leurs obligations :
- Réglementer les horaires de travail des travailleuses de l’informel pour
dégager un temps de loisir et de repos
5.2.3.2. Stratégies spécifiques par rapport à l’accès des femmes aux
moyens et facteurs de production (terre, eau, intrants, matériel
agricole, techniques et technologie appropriée)
- Prendre des dispositions pour un meilleur accès des femmes aux
moyens de production surtout le foncier (programme d’aménagement
des terres, programmes d’équipement en milieu rural)
- Donner par exemple 30 à 60% des terres aménagées aux femmes
5.2.3.3. Stratégies spécifiques pour l’entreprenariat féminin
Le Mali doit s’inspirer des exemples des pays du golfe du Bénin comme le
Nigeria, le Bénin et le Togo et plus près de chez nous le Sénégal. A défaut,
d’un ministère de la femme entrepreneur, il pourrait créer une Direction
nationale de la femme entrepreneur dont la mission serait la promotion de
63
l’industrie et de l’entreprise féminine, en prenant entre autres comme
mesures :
- La création d’un fonds de garantie pour l’entreprenariat féminin en vue
de faciliter son accès au crédit. Par rapport à cet aspect, il s’agirait
pour l’Etat ou tous ceux intéressés par une plus grande implication
des femmes dans la gestion de la vie publique de compléter l’initiative
en cours de la Fédération des Associations des Femmes
Commerçantes et Entrepreneurs du Mali, doter les femmes
entrepreneurs d’un titre foncier ;
- Le financement de l’industrie féminine et l’octroi d’un taux de
bonification ;
- L’accord
d’avantages
fiscaux
et
douaniers
aux
femmes
entrepreneurs durant une certaine période de démarrage (5 à 10 ans) ;
- L’appui des femmes dans la création de micro-entreprises ;
- La formation des femmes entrepreneurs en gestion, comptabilité et
marketing.
5.2.4. Les stratégies face aux traditions politiques du Mali et à la faible
proportion de femmes élues
Cet aspect concerne toute la classe politique et même toutes les couches de
la nation. Le Mali a besoin d’autres mœurs politiques, il a besoin de faire de
la politique autrement comme dirait certains. Une lutte doit être menée
contre l’achat des consciences.
Le ministère de la promotion de la femme et les Associations et ONG
féminines ne doivent pas attendre la veille des élections pour faire du
lobbying. Ce travail doit s’insérer dans un vaste plan d’action et les
candidates doivent être « fabriquées » comme certains pays « fabriquent » des
athlètes.
5.2.4.1. Accroître la représentation féminine
5.2.4.1.1. Des stratégies applicables par le Ministère de la Promotion de
la Femme, de l’Enfant et de la Famille et de ses démembrements ainsi
que des ONG et associations féminines
• Fabriquer les leaders et renforcer les capacités de celles
qui le sont déjà :
-
-
-
s’appesantir sur la formation politiques des femmes leaders
Identifier des femmes acceptées par leur communauté, des femmes à
travers lesquelles la communauté se reconnaît comme celles qui
parlent de leurs expériences ci-dessous ;
Préparer ces femmes bien avant les élections en les dotant des
capacités nécessaires aux « gagnantes » : combativité, forte capacité de
négociation, résistance physique, absence de complexe d’infériorité
face aux hommes, etc.
Préparer l’entourage de la femme, lui inculquer de l’ambition pour leur
femme, sœur et fille ;
64
-
Soutenir les femmes candidates ;
Se fixer des objectifs par localités (régions, cercles, communes).
Les femmes ci-dessous qui parlent de leurs expériences peuvent servir de
modèles en vue de l’identification de candidates pour les futures élections :
Une conseillère communale de Bandiagara
« Je pense que j’ai eu beaucoup de faveurs : d’abord l’image de ma famille, les
appuis et les relations que j’ai nouées avec les femmes, les jeunes et les
différents arrondissements du cercle. Il y aussi ce que les gens évoquent
beaucoup à Bandiagara mon caractère social. »
1- Pouvez vous nous détailler un peu ce dernier point ?
« C’est difficile de parler de sois-même mais les amis de mon mari, ceux de
mon père et de ma mère m’ont toujours dit que je suis leur fierté. Ce que je
sais est que je respecte tout le monde, ma maison aussi bien que mes biens
sont à la disposition de tout le monde. Ce comportement m’a été si bénéfique
que le jour où j’ai été élue, tous les amis de mon père se sont regroupés pour
aller saluer ma mère.
« Et j’ai été personnellement très touchée lorsque après mon investiture, l’imam
de la ville m’a tenu ces propos : « je ne suis pas dans les conditions requises
pour prendre ta main et te féliciter mais tu as toutes mes bénédictions pour ton
élection ».
« Je me rappelle aussi des propos d’une vieille ŋamakala le jour de mon
investiture : « C’est aujourd’hui et à travers toi que les femmes de Bandiagara
ont su quelles sont capables ». Ces propos m’ont beaucoup fait pleurer car,
c’était pour la première fois qu’une femme devenait maire à Bandiagara.
Une conseillère municipale Mopti : je participe très activement à toutes les
cérémonies d’ordre social (baptême, décès, mariage, etc..) au niveau de mon
quartier. A ce sujet, je possède un magasin de location de chaise mais je n’ai
jamais accepté de louer mes chaises pour des cas de décès. Et surtout lorsqu’il
s’agit d’un décès de femmes, j’ajoute d’autres appuis en plus des chaises que
je donne gratuitement. Je fais partie de la plus grande association féminine de
mon quartier qui s’appelle BENKADI. Je suis présidente d’un G I E qui
s’appelle « SUGU- JEYA » qui est délégateur de gestion du marché de
SAKARAWEL (le petit marché de la commune de Mopti).
A mon avis c’est mon investissement social et économique au niveau du
quartier qui m’a surtout favorisé car, pour que ma candidature soit officialisée,
ce sont les femmes du quartier qui se sont réunies pour me pousser à faire la
compétition avec les hommes. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné l’audace.
• Dégager un programme pour les femmes élues et les
candidates malheureuses.
Une fois, la femme élue, elle doit servir de « modèle », c’est-à-dire que ses
actes doivent contribuer à briser les résistances et inciter ses paires à
s’engager dans l’action politique. Ce faisant, il ne s’agit pas seulement de les
65
faire gagner mais de les accompagner le long de leur mandat en vue de la
période du bilan, les prochaines élections. Elle contribuerait ainsi dans le
changement des mœurs politiques en faisant sa campagne sur la base d’un
bilan et non par achat de consciences (distribution de pagnes, de sel, de
billets de banques, etc.).
Aussi, comme le proposait une candidate malheureuse de Bougouni, pour
éviter le sentiment de frustration et de découragement de la gente féminine,
les structures soucieuses de l’implication de la femme dans la gestion de la
vie publique doivent maintenir aussi le contact avec celles qui n’ont pas été
élues en vue des futures échéances.
5.2.4.2. Agir sur les systèmes électoraux
A ce niveau, il s’agit de faire des innovations dont l’imposition de quotas de
femme, des mesures incitatives pour le bon positionnement des femmes sur
les listes, la désignation de femmes à des postes électifs. Pour ce qui
concerne le bon positionnement des femmes, il est possible qu’il y ait un
classement en quinconce selon le sexe (un homme, ensuite une femme)
pour les 5 ou 6 premiers noms de la liste. Ce classement est beaucoup
plus avantageux que le quota.
• l’imposition par la loi de quotas :
Applicables à tous les partis politiques, les syndicats, les postes
administratifs, l’imposition du quota qui est une passerelle obligatoire pour
les femmes doit être limitée dans le temps et évaluée. Mais, il doit indiquer le
seuil minimum de représentation des hommes et des femmes dans les
différentes instances de décision.
• Les quotas volontaires :
Ce sont les partis, les syndicats ou autres organisations qui modifient leur
règlement pour instituer une proportion minimale de femmes candidates
• L’incitation au quota :
Des mesures incitatives peuvent être proposées aux partis qui s’imposent
une proportion minimale de femmes candidates ou qui mettent un minimum
de femme en bonne position sur les liste : par exemple, deux hommes
ensuite une femme pour les dix premiers noms comme dans certains pays
ou que le 2ème de chaque liste soit une femme. L’observation de ces
dispositions par un parti serait récompensée par une contribution des
pouvoirs à son budget de campagne.
• Réserver un certain nombre de sièges aux femmes
Dans ce système, les femmes peuvent être élues ou désignées.
• Développer les concepts de parité et de partenariat
La convergence des efforts de toutes les composantes de la société étant
indispensable pour affronter et régler les problèmes auxquels la société est
confrontée, l’accent devrait être mis sur deux concepts complémentaires, à
savoir, celui de parité qui traduit le fait que les capacités de l’un et l’autre
sexe sont différentes mais néanmoins égales, et celui de partenariat qui
montre qu’une dynamique créative peut s’instaurer entre l’homme et la
femme pour affronter efficacement les problèmes de la communauté. Nous
suggérons donc la parité comme stratégie à long terme.
66
5.2.5. Les
stratégies
discrimination
face
aux
causes
psychologiques
de
la
Ici, aussi, l’information et la sensibilisation seront les premières armes. Des
slogans et des modules de formations doivent être préparés pour combattre
la peur de l’échec, le manque de confiance en soi, le complexe d’infériorité et
aussi la misogynie de la femme et le manque de solidarité entre femmes.
L’information sur les femmes promues au niveau du gouvernement et de
l’administration ainsi que sur les femmes élues doit être diffusée dans les
zones les plus reculées et auprès des femmes les plus hésitantes. Dans
certaines localités, il a été mentionné que c’est la télévision qui a servi de
levain.
Avec les autres projets et programmes, il doit y avoir une lutte contre les
stéréotypes dont sont victimes les femmes. Cette lutte doit se mener à tous
les niveaux : écoles, centres d’alphabétisation, centres de formation, massmédias, etc.
5.2.6. Stratégies dans le domaine juridique
En matière de stratégies d’ordre juridique pour responsabiliser les femmes et
renforcer leur pouvoir, il faut poursuivre les objectifs ci-après :
- Reformer et abroger les lois discriminatoires contre les femmes (voir
étude de Tornieri et Maïga) ;
- Appliquer les lois judicieuses en vigueur et dont une mise en
application correcte pourrait beaucoup bénéficier aux femmes ;
- Institutionnaliser les programmes pour la connaissance des droits des
femmes afin de les familiariser avec ces droits dans le cadre des lois
existantes ;
- Reformer le droit de la famille afin de mieux protéger les femmes ;
- Examiner l’ensemble des lois ayant trait à la violence contre les
femmes et les filles et proposer de nouvelles lois pour lutter contre les
nouvelles formes de violence ;
- Prévoir dans la constitution nationale une commission permanente de
l’équité entre les sexes afin de passer en revue et de suivre
l’application des lois ayant trait à ce problème.
5.2.7. Stratégies face aux violences et particulièrement au harcèlement
sexuel (se reporter au plan d’action de lutte contre les violences du
Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et de la Famille)
Selon l’étude faite sur les violences faites aux femmes et aux filles20 :
- Informer l’organisation corporatiste (syndicat, association, etc.)
- Informer les associations de lutte contre la violence
20
Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté Fatoumata Dembélé,
Fatoumata Siré Diakité : op. cit. p. 44
67
- Porter plainte en veillant à avoir des preuves.
Sans preuves palpables, l’action des groupes (associations) peut porter
plus qu’une action individuelle.
5.2.8. Un outil incontournable pour la mise en œuvre des stratégies : les
mass-médias
La contribution des médias à l’effort de sensibilisation est cruciale. En effet,
ils peuvent contribuer à :
- inculquer dans les esprits que la participation de la femme à la vie
publique constitue un élément essentiel de la démocratie ;
- combattre les stéréotypes, les clichés négatifs ou minimisant
concernant la femme et sa volonté et ses capacités de participer à la
gestion de la vie publique ;
- mettre l’accent sur l’importance du rôle assumé par la femme dans la
vie économique et sociale et dans le processus de développement en
général ;
- jouer un rôle important dans les efforts à déployer pour remédier aux
formes de discriminations et aux préjugés à l’encontre de la femme en
présentant à l’opinion une bonne image de la personnalité féminine.
Pour ce qui concerne l’obstacle psychologique à l’implication de la femme
dans la vie publique, les médias doivent encourager la femme à avoir
confiance en elle-même et en ses paires, lui faire prendre d’avantage
conscience de la participation de la femme à la gestion de la vie publique
l’encourager à se perfectionner et à participer activement au processus de
gestion et de décision.
La législation malienne devrait d’ailleurs prohiber toute présentation
stéréotypée de l’image de la femme dans les supports médiatiques et un
effort particulier doit être demandé aux médias d’Etat surtout qu’ils ont pour
l’instant le quasi-monopole de l’audiovisuel.
68
5.3. Recommandations
Ces recommandations s’adressent au gouvernement, aux partis politiques,
aux syndicats, aux organisations non gouvernementales (ONG et
Associations) aux médias. Chacun doit jouer le rôle qui lui est dévolu pour
leur mise en œuvre.
5.3.1. Agir sur les bases juridiques de l’égalité
Au terme de cette étude, il apparaît qu’il serait important que le Mali, ayant
consacré dans sa loi fondamentale le principe de l’égalité, se convainque
d’adopter une loi spéciale consacrant le principe de l’égalité. Ce principe
étant applicable à tous les domaines d’activité, une loi spéciale doit
déterminer les diverses applications pratiques comme certains pays, tel
l’Ouganda, l’ont fait. Cette loi peut comporter des références à des lois déjà
existantes sur le principe de l’égalité comme l’égalité de salaire. Cette loi doit
être élaborée en consultation avec les organisations de femmes et diverses
autres organisations qui cherchent à faire prévaloir les principes d’égalité et
de justice et à permettre à tout citoyen de participer pleinement à la vie
politique, économique culturelle et sociale.
Il s’avère nécessaire d’instaurer un mécanisme de contrôle du respect
du principe de l’égalité consacré par la loi. Le Médiateur de la République
joue déjà ce rôle, mais il faudrait le doter de moyens juridiques et des
ressources humaines et matériels nécessaires au bon accomplissement de
son mandat.
5.3.2. Agir sur la participation politique
Une action de « conscientisation » politique doit être entreprise afin que la
participation des femmes à la vie politique et à l’exercice de responsabilités
politiques et publiques soit encouragée et facilitée. L’éducation civique et
politique permettra aux femmes de mieux connaître leurs droits et de
prendre pleinement conscience de leur capacité à devenir des protagonistes
directes de la vie publique. Pour ce faire, des ressources matérielles et
humaines suffisantes doivent impérativement être allouées à cet effet.
5.3.3 Respecter le principe de l’égalité au sein des partis politiques
Les textes des partis politiques tels que ceux définissant leurs orientations
fondamentales, leurs structures et leurs règles internes doivent être
examinées dans le but d’en éliminer toute disposition établissant
explicitement ou pouvant justifier une discrimination à l’égard des femmes.
Il en est de même, lors de l’élaboration de leurs programmes. Les partis
devraient mettre l’accent sur les bienfaits d’un partenariat actif entre
hommes et femmes, lequel est fondé sur une reconnaissance de leur
différence et de leur complémentarité. Afin que tous les militants puissent
accéder à égalité de chance aux instances de décision, les partis politiques
69
doivent prendre des dispositions pour offrir aux femmes et aux hommes
présentant les qualifications égales des chances égales.
5.3.4. Déterminer des objectifs et fonctions des branches féminines des
partis politiques
En terme de recommandations spécifiques, les branches féminines des partis
politiques devraient avoir entre autres objectifs et fonctions,
- de constituer un lieu de débat pour les problèmes particuliers
rencontrés par les femmes dans le cadre de leurs activités liées au
parti ;
- d’organiser des activités de base visant à rendre les femmes et
notamment, les femmes les moins instruites conscientes de leurs
droits civils et politiques et de l’importance et des effets de leur
participation active à la vie publique ;
- de préparer les femmes, y compris les moins instruites d’entres elles à
prendre part aux consultations électorales en les informant des enjeux
et des modalités pratiques du déroulement de la consultation ;
- de former les femmes pour qu’elles se présentent aux élections locales,
communales et nationales. Cette formation pourrait comprendre des
cours de formation aux divers aspects d’une campagne électorale et la
préparation aux contacts avec les médias comme la CAFO a eu à le
faire en 1996 ;
- de constituer des réseaux d’appui aux femmes candidates puis à celles
qui sont élues.
5.3.5. Prendre des dispositions pour assurer la participation aux
activités du parti
Il serait avantageux que les partis politiques, à tous les niveaux de leurs
structures,
ouvrent
un
débat
démocratique
sur
l’opportunité
d’aménagements particuliers destinés à faciliter la participation des femmes
aux réunions et autres activités du parti aussi bien qu’aux activités relevant
du domaine de la vie privée. Les quelques aménagements à retenir seront les
suivants :
- aménager des horaires de réunion de sorte qu’elles ne coïncident pas
avec l’heure à laquelle une attention prioritaire est normalement
accordée aux enfants et à la famille ;
- aménager des garderies pour les enfants, garderies mises à disposition
à titre gracieux ou à coût modique ;
- fixer et respecter un horaire de début et de fin de réunion, indiqué à
l’avance dans la convocation de la réunion.
5.3.6. Prendre des dispositions pour assurer une répartition équitable
des responsabilités au parlement
Si l’on se réfère aux dernières élections des membres du bureau de
l’Assemblée Nationale (2004-2005) qui ne comprend qu’une femme contre
dix (17) hommes, il serait souhaitable, sinon recommandée fortement que
70
des initiatives soient prises pour arriver à assurer une répartition équitable
des responsabilités au parlement. Le bureau du parlement et les groupes
parlementaires devraient être rendus attentifs à la nécessité d’assurer une
répartition équitable des postes au parlement entre les hommes et les
femmes.
Enfin, les groupes inter-partis de femmes doivent se créer. L’avantage est
que, à titre transitoire, jusqu’à ce qu’un meilleur équilibre ait été atteint, en
ce qui concerne la répartition des sièges entre hommes et femmes au
parlement, la constitution d’un groupe inter-partis informel de femmes
parlementaires peut servir à promouvoir la prise en compte des points de
vue des législatrices en ce qui concerne la définition des priorités, la
formulation des lois et la répartition des postes à promouvoir.
5.3.7. Recommandations spécifiques de l’atelier de validation
- Prioriser des actions ou des tâches concernant le facteur temps ;
- Elaborer de nouvelles stratégies de communication pour le
changement de comportement envers l’égalité des sexes ;
- Renforcer les compétences du personnel des départements sectoriels
dans le domaine de l’intégration de démarche soucieuse d’égalité entre
les sexes dans les politiques et programmes ;
- Encourager et mettre en place des programmes d’activités
opérationnelles visant à accroître au niveau national, la sensibilisation
des populations au problème de l’inégalité des sexes ;
- Mettre en place un mécanisme de suivi-éducation et de
responsabilisation chargé d’évaluer les résultats des politiques et
stratégies soucieuses d’égalité entre les sexes.
71
Conclusion :
La question de la Promotion ou de l’Epanouissement de la Femme a toujours
été au cœur des débats depuis de longues dates. C’est pourquoi, depuis la
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui stipule que toute
personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de
son pays jusqu’à la Proclamation en 1980 par les Nations Unies de la
Décennie de la Femme et sa première évaluation en 1985, la communauté
internationale, les décideurs, la société civile et les femmes elles-mêmes ont
cherché à sortir des visions étriquées ou globales de la question pour
s’acheminer vers des solutions plus concrètes et plus féministes.
C’est avec la Déclaration et le Plan d’action de Beijing en 1995 qui étaient
une évaluation des Stratégies Prospectives de Nairobi pour la Promotion de
la Femme, que des mesures à court, moyen et long terme ont été prises pour
accélérer l’égalité d’accès et la pleine participation des femmes aux
structures du pouvoir et à la prise de décision à l’échelle internationale,
régionale, sous-régionale et nationale.
Le Mali, quant à lui, depuis les années de la colonisation jusqu’aux
premières années de l’indépendance, a commencé à souscrire aux différents
instruments internationaux, a cherché à poser des actes timides, mais de
plus en plus significatifs au fil des années dans le domaine de la
participation de la femme à la vie publique. C’est ainsi que le Mali est passé
de une ou deux femmes dans les hautes sphères politiques à environ
quelques trois, quatre ou cinq dans l’administration à des postes très
significatifs pour aboutir à quelques centaines aujourd’hui.
C’est pourquoi, tout au long de cette étude, le constat a été que c’est la
Troisième République, avec l’émergence de la démocratie, du pluralisme
politique et syndical et de l’Etat de droit, qui, malgré les réticences
socioculturelles et le déficit de ressources, a fait un effort sans précédent
pour l’implication de la femme dans la gestion de la vie publique.
Cet effort très fragile a besoin d’être soutenu par des actions de tous, des
femmes elles-mêmes, des organisations de la société civile, des partis
politiques, des gouvernements mais surtout par une volonté politique
conjuguée de traduire en actes qualitatifs le discours politique. Pour ce faire,
il faudrait aussi revisiter les textes de lois maliens pour une harmonisation
législative avec les différentes conventions ratifiées ou en cours de
ratification favorables aux femmes. Les efforts des chefs d’Etat africains au
niveau de l’Union Africaine et d’autres organisations sous-régionales doivent
se concrétiser au niveau des Etats en actes et mesures législatives.
Les stratégies et les recommandations proposées par cette étude à court,
moyen et long terme doivent être traduites dans un plan de programmation
des actions à mener ou de mise en œuvre. Ce plan aura un objectif
général, des objectifs spécifiques, identifiera les différents acteurs, les
moyens, les indicateurs de suivi et d’évaluation et les résultats attendus ou
obtenus à court, moyen et long terme.
72
Enfin, « une gestion et une administration transparente et responsable et un
développement durable dans tous les domaines ne seront possibles que si les
femmes ont plus de pouvoir d’action et plus d’autonomie et si elles jouissent
d’une meilleure situation sociale. Une participation égale des femmes et des
hommes à la prise de décision, établira un équilibre qui correspondra mieux à
la composition de la société, ce qui est nécessaire au renforcement de la
démocratie et à son fonctionnement21 »
21
Programme d’action de Beijing : objectifs stratégiques et mesures à prendre. Point G : les femmes et la prise
de décision
73
Annexe 1 : Bibliographie
Documents du Ministère de la Promotion de la Femme, de l’Enfant et
de la Famille
- Catalogue, Documentation sur la femme, Projet d’Appui à la Promotion
des Femmes et à l’allègement de la Pauvreté (PAPF – AP), Centre de
documentation et d’information sur la femme, Bamako, 2000.
- Centre National de Documentation et d’Information sur la Femme et
l’Enfant, avec l’appui financier de l’USAID : Répertoire des femmes
entrepreneurs du Mali, Bamako, Imprim clor, sans date d’édition.
- Deuxième, troisième, quatrième et cinquième Rapports périodiques du
Mali sur la mise en œuvre de la Convention sur l’Elimination de toutes
les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes, pour la période
1990 – 2002, Bamako, décembre 2003
- Etude analytique sur le statut de la femme au Mali 5 ans après la
conférence de Beijing
- Etude analytique sur le statut de la femme et la loi au Mali, réalisée
par Francesco TORNIERI et Soyata MAÏGA, décembre 2001.
- Guide genre pour la prise en compte des femmes dans les projets et
programmes de développement, Programme d’appui à la promotion des
femmes, ML009201, octobre 2001
- Niveau actuel d’accès des femmes rurales à la terre, Programme
d’Appui à la Promotion des Femmes, édité avec l’appui technique et
financier du Programme d’Appui au Renforcement de l’Equité
Hommes/Femmes, MPFEF – PNUD – PAREHF MLI/00/002, Août 2001
- Plan d'action national de 03 mois en 1998 ;
- Plan d'action pour la promotion des femmes (1996 - 2000) ;
- Politique et plans d’action pour la promotion de la femme, de l’enfant
et de la famille, 2002 – 2006.
- Rapport de mission de la 49ème session de la condition de la femme,
New York 2005, Evaluation décennale de la mise en œuvre de la Plateforme de Beijing+10, mars 2005
- Répertoire des femmes élues du Mali, Projet d’Appui à la Promotion
des Femmes et à l’allègement de la Pauvreté (PAPF – AP), Centre
National de documentation et d’information sur la femme, Bamako,
juin 2003
- Situation des femmes au Mali, cinq ans après la conférence de
mondiale de Beijing, rapport national, Beijing + 5, juin 2000
- Stratégies nationales d’intervention pour la promotion des femmes,
janvier 1994
Documents des Nations Unies
- 5 ans après Beijing : quels efforts ont été consentis pour les femmes
africaines ? l’émancipation politique de la femme, octobre 2001
- Conférence internationale sur la population et le développement, Le
Caire (Egypte) 5 – 13 septembre 1994
- Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard des femmes
74
-
-
-
Déclaration d’Abuja sur le développement participatif : rôle de la
femme africaine au cours des années 90, 6 – 10 novembre 1990
Le Pacte International sur les Droits civils et Politiques
Le plan d’action africain pour accélérer la mise en œuvre du
programme d’action de Beijing et de la plate-forme d’action de Dakar
pour la période 2000 – 2004, sixième réunion régionale africaine,
novembre 1999
Le plan d’action de Beijing (4è conférence Mondiale sur les femmes)
Le Plan d’action de Lagos et l’acte final de Logos (1980)
Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et
paix pour le 21èsiècle
Les stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la
femme d’ici l’an 2000, 15 – 26 juillet 1985
Plate-forme Africaine d’Action, Position commune africaine pour la
promotion de la femme, adoptée à la cinquième conférence Régionale
Africaine sur les femmes, Dakar, Sénégal, 16 – 23 novembre 1994
Programme d’action de Beijing : objectifs stratégiques et mesures à
prendre. Point G : les femmes et la prise de décision
Rapport d’évaluation de la Plate-forme de Beijing 10 après
Rapport d’Evaluation de la Plate-forme de Beijing 5 ans après. Juin
2000
Rapport de la quatrième conférence mondiale sur les femmes, Beijing,
4 - 15 septembre 1995
Rapport sur la condition de la femme au Canada, 2004
Résolution adoptée par l’Assemblée générale : nouvelles mesures et
initiatives pour la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme
d’action de Beijing, 10 juin 2000
Document de l’Union interparlementaire :
- Femmes, Que fait l’Union interparlementaire ? Genève 1997
Ouvrages édités, articles et rapports de consultation
- Anonyme : Discrimination à l’égard des femmes et le comité, série
Droits de l’Homme, Fiche d’information n°22, Campagne mondiale
pour les droits de l’homme, Centre pour les droits de l’homme, N°4,
Génève et New York, 1995
- Béridogo B. : Les activités de la femme rurale et sa participation au
programme d'alphabétisation dans la zone d'intervention O.H.V.,
Bamako, document renéotypé, Décembre 1985
- Béridogo B. : « Femmes rurales et innovations techniques : cas du
Projet Moulin au Mali », in Bulletin de l’APAD (13), p. 51 - 61
- Béridogo, B. : « Le régime des castes et leur dynamique au Mali »,
Recherches Africaines, annales de la Faculté des Lettres, Langues,
Arts et Sciences Humaines, N°00, p 21, 2002, Université de Bamako
- Béridogo Bréhima, Mme Zouboye Fatimata Dicko, Mme Djourté
Fatoumata Dembélé, Fatoumata Siré Diakité : Les violences faites
aux femmes et aux filles avec identification des axes prioritaires
d'intervention à court, moyen et long terme de lutte contre les
75
-
-
-
violences faites aux femmes et aux filles, Ministère de la promotion de
la Femme, de l’Enfant et de la Famille, rapport définitif Février 2002
Béridogo B. et Koch R. : Projet MOPOD II, Revue opérationnelle,
rapport final, Agence Canadienne de Développement International,
Janvier 2002
Bissiliat, J. et Fieloux, M. : Femmes du tiers-monde et travail
quotidien, Paris, l’harmattan, 1999,367 pages.
Bozon, M. : « Pékin : Utilités et limites d’une conférence mondiale »,
Chroniques du CEPED, n°19, 1995,
Boye, A. K. (sous la direction de) : condition juridique et sociale de la
femme dans quatre pays du Sahel : études et travaux de l'USEB, N°9,
décembre 1987.
Comité Malien de la fondation d’Afrique et Culture – Mémorial de
Rufisque : 1999 Les associations féminines au Mali, Bamako, Jamana
Conac, G. : L’Afrique en transition vers le Pluralisme politique, Paris,
Economica, 1990
Coulon, C. : Les Afriques Politiques, Paris, La découverte, 1991
De Beauvoir Simone : Le deuxième sexe, tome 1 et 2, Paris,
Gallimard, 1949
Desalmand P. : L’émancipation de la femme en Afrique et dans le
monde, Abidjan – Dakar, Nouvelles éditions africaines, 1977
Keita Aoua : Femme d’Afrique, la vie d’Aoua racontée par elle-même,
Paris, présence africaine, 1975 397pages.
Konaré Bâ, A. : Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, Bamako,
Jamana, 1993, 520pages.
Lénine : Le rôle de la femme
Sembène Ousmane : Les bouts de bois de Dieu », Paris, Editions
Presses Pocket
mémoires de maîtrises et de DEA de l’Université de Bamako
- Dabo, Kadidia. : La femme dans l’arène politique malienne : cas de la
commune III du District de Bamako, mémoire de maîtrise, FLASH,
2001
- Dakouo, Germaine : Stratégie de conquête du pouvoir par les femmes
dans le cadre de la décentralisation au Mali à travers l’expérience des
femmes maires de Baye et de Yognogo, mémoire de maîtrise, FLASH,
Bamako, 2003
- Diarra, Cheick Abdel Kader : Commune rurale et leadership féminin,
l’exemple de Markala, ISFRA, DER des sciences humaines et sociales,
2000, 77 Pages.
- Nadio, Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la
décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, 56 pages.
- Sall, Lalla : Femme, pouvoir et décentralisation au Mali : cas des
femmes maires des communes rurales, mémoire de maîtrise, FLASH,
Bamako, 2002
- Sissoko née Doumbia, Habibatou : L’actrice politique dans les
représentations mentales à Bamako, ENSUP, DER-Psycho-Péda.,
Bamako, 1998, 55 Pages.
76
-
Yattara, Balkissa : Contribution du Musée Musokunda à la promotion
de la femme, bilan et perspectives, mémoire de maîtrise, FLASH,
Bamako, 2004
77
Annexe II. : Les termes de référence
TERMES DE REFERENCE
De l’Etude sur la Participation des Femmes à la Vie Publique au Mali
Contraintes et stratégies pour améliorer la situation.
Justification
Au Mali les femmes, ont toujours
développement socio-économique à
participation aux activités dans tous
contribué tous les changements positifs
nation.
été des actrices importantes du
travers l’histoire de part leur
les domaines. Elles ont largement
majeurs intervenus dans la vie de la
Paradoxalement la place qui leur est faite dans l’exercice des responsabilités
et de la prise de décision dans la conduite des affaires publiques tant aux
niveaux local, régional que national demeure très limitée. Il en est de même
au niveau communautaire.
"Comme le disent certains, elles servent d’escalier aux hommes politiques
pour grimper au sommet" (à la direction des affaires).
Il s’avère qu’à cause du poids des travaux domestiques, du faible accès à
l’éducation formelle et non formelle, du manque de confiance en ellesmêmes, les femmes ont des difficultés à se forger une place de choix dans la
vie publique notamment dans l’arène politique.
Celles qui sont instruites et qui ont confiance en elles-mêmes, sont souvent
confrontées à des pesanteurs sociales au niveau de leur famille, de leurs
partis politiques, de leurs communautés.
Malgré toutes ces réticences certaines femmes accèdent à des postes de
hautes responsabilités, mais très souvent au prix d’énormes sacrifices, de
concessions et compromis particuliers auxquels les hommes sont rarement
soumis.
Ces constats suscitent chez de nombreux observateurs soucieux des
conditions et du statut des femmes les interrogations suivantes :
-
-
Pourquoi cette discrimination à l’encontre des femmes maliennes
persiste-t-elle malgré leur combat en vue d’assurer un meilleur
développement socio-économique de notre pays conjugué aux efforts
de développement de l’état et des Institutions Internationales ?
Comment cette situation a-t- elle évolué ces dix dernières années ?
Comment pourra-t-elle être améliorée ?
78
-
Quelles stratégies pourraient-elles être développées pour que les
femmes puissent jouir pleinement de leur statut de citoyen à part
entière en bénéficiant des fruits de leurs efforts à la hauteur de leur
contribution à la vie publique de la nation ?
C’est pour mieux analyser cette problématique qui constitue une grande
préoccupation pour les femmes du Mali et particulièrement les organisations
de femmes ainsi que le Ministère de la Promotion de Femme, de l’Enfant et
de la Famille
que le RECOFEM commandite la présente étude dont les
objectifs et le contenu sont ci-dessous indiqués.
Objectifs Global :
Contribuer à l’amélioration de la participation des femmes à la vie publique
au Mali.
Objectifs Spécifiques :
- Procéder à une analyse de la situation de la femme au Mali après les
évènements de mars 1991 et l’avènement du multipartisme.
-
Disposer des données statistiques désagrégées sur la situation des
femmes dans le domaine concerné.
-
Identifier les obstacles à la participation des femmes à la vie publique
au Mali.
-
Proposer des mesures pour assurer l’égalité des chances dans l’accès
des hommes et des femmes aux postes de responsabilité et aux
opportunités de prises de décisions pour une participation effective et
efficiente des femmes à la vie publique au Mali.
Résultats Attendus :
- RECOFEM dispose de données quantitatives sur la situation socioéconomique des femmes et notamment leur niveau de participation à
la vie publique durant les dix dernières années.
-
RECOFEM dispose d’une analyse objective de la problématique de la
participation de la vie publique.
-
Les acquis, les obstacles et les enjeux liés à la participation des
femmes à la vie publique sont identifiés.
-
Des mesures sont recommandées pour de meilleures chances pour les
femmes d’accéder à la vie publique.
Contenu de l’étude :
L’étude s’intéressera à tous les points d’investigation pertinents pour
atteindre les objectifs. A cet effet les éléments qui suivent ne sont pas
exhaustifs.
79
-
Analyse du statut de la femme en général et de son évolution sur les
dix dernières années au Mali ;
-
Le point sur la situation actuelle de la participation des femmes à la
vie publique ;
-
Analyse des enjeux de la participation des femmes à la vie publique ;
-
Analyse des acquis et des obstacles à cette participation ;
-
Analyse des progrès et changements opérés ;
-
Analyse des facteurs qui ont favorisé le changement aux niveaux
familial, communautaires, national et suggestions pour mieux les
comprendre et les développer pour accélérer le processus du
changement ;
-
Propositions de stratégies et ou plan d’actions concrètes et spécifiques
pouvant contribuer à la réalisation de progrès significatifs en matière
de participation des femmes à la vie publique au Mali.
Méthodologie, Profil du Consultant, Durée de l’étude
La méthodologie est laissée à l’appréciation des consultants qui devraient
utiliser toutes les stratégies (techniques ; outils) nécessaires pour atteindre
les objectifs de l’étude.
L’étude sera menée en milieu rural et urbain pour qu’elle puisse intégrer
dans son analyse les situations concernant l’ensemble du pays.
La situation sera étudiée selon différentes zones socioculturelles et pour
différentes catégories sociales et économiques de femmes du Mali. Un
échantillon représentatif sera constitué à cet effet.
-
L’équipe procédera à une revue documentaire.
-
Elle visitera des structures d’appui et des organisations des femmes.
-
Des enquêtes sur le terrain seront menées auprès des leaders et
membres d’association, des responsables et militantes des partis
politiques etc.
-
En fin, elle procédera à l’analyse des résultats
- Un atelier de validation des résultats de l’étude sera organisé.
Les consultants doivent avoir un diplôme d’études universitaires ou
équivalent ; des compétences et expériences professionnelles dans les études
et recherches et en genre et développement.
80
Les bureaux d’études, les organisations non étatiques peuvent postuler ainsi
que les consultants privés.
Les organisations féminines seront prioritaires en cas d’égalité de qualité
des propositions. La collaboration au sein d’une équipe pluridisciplinaire et
composée d’un homme et d’une femme sera bien appréciée comme stratégie
pertinente pour la collecte et l’analyse des données.
La durée prévue de l’étude est quarante cinq (45) jours. RECOFEM assurera
le transport des consultants pour les besoins de l’étude.
Le rapport d’étude sera remis à RECOFEM en deux (02) copies dures et une
électronique.
L’offre technique devra comprendre au moins :
- la compréhension du mandat ;
- la méthodologie à utiliser ;
- le CV du consultant.
Trois (03) exemplaires du dossier avec un (01) original et deux (02) copies
avec mention «Offre technique et financière» seront déposés sous plis
fermés au plus tard le lundi 24 octobre 2005 à 10h.
Bamako, le 30 septembre 2005
LA COORDINATRICE
Mme COULIBALY Assitan GOLOGO
81
Annexe III : L’Offre Technique
Introduction :
Depuis la proclamation, à Mexico en 1975, de l’Année Internationale de la
Femme, suivie de la Décennie des Nations Unies pour la Femme (19761985), l’amélioration du statut des femmes et de leurs conditions
d’existence, l’égalité entre homme et femme, l’équité, la parité, le genre, etc.
sont devenus des volets incontournables de tous les discours, programmes
et déclarations sur la question du développement.
Durant la décennie de la femme, c’est l’approche des femmes au
développement (IFD) qui a prévalu. Mais depuis quelques années, l’approche
" acquisition du pouvoir" (empowerment approach) est venue renouveler la
problématique des années 70 – 80. Il s’agit de remettre en cause les rapports
de pouvoir historiquement et socialement valorisés entre hommes et femmes
pour améliorer la situation et promouvoir l’égalité.
Selon M. Bozon, « L’objectif d’un empowerment des femmes, terme difficile à
traduire, qui exprime à la fois le renforcement du pouvoir politique, l’autonomie
économique, la capacité à exercer pleinement des droits juridiquement
reconnus et la maîtrise de la destinée, n’est pas une simple exigence de justice
mais un moyen et une garantie de l’efficacité dans la lutte pour le
développement et contre la pauvreté »1
Le Mali n’est pas demeuré en reste par rapport à cette dynamique, surtout,
depuis l’avènement du pluralisme politique avec la Troisième République. Et
la présente étude se situe dans cette optique
1. La compréhension du mandat
La lecture des termes de référence montre qu'il s'agit d'une étude qualitative
et quantitative pour identifier et analyser la discrimination à l’encontre des
femmes maliennes dans la participation à la vie publique, notamment dans
l’exercice des responsabilités et de la prise de décision dans la conduite des
affaires publique tant au niveau local, régional que national. Elle est
qualitative en ce sens qu’il s’agit de comprendre et analyser la situation de la
femme, l’évolution de sa participation à la vie publique, les obstacles à cette
participation et de faire des propositions pour améliorer cette situation. Elle
est aussi quantitative en ce sens qu’il s’agit de fournir des données
statistiques avec lesquelles l’analyse sera sous-tendue.
L’étude doit donc faire l’état des lieux pour ce qui concerne la participation
de la femme malienne à la vie publique depuis les évènements de 1991. Ce
faisant, il y aura une analyse de la situation de la femme au Mali depuis
lesdits événements : statut, rôles, facteurs de changement, progrès sur le
plan juridique et législatif. Et dans la même optique l’étude fournira des
données statistiques sur la participation de la femme à la vie publique :
1
M. Bozon : « Pékin : Utilités et limites d’une conférence mondiale », Chroniques du CEPED, n°19, 1995,
pp. 4 - 6
82
postes de responsabilité occupés depuis 1991 en comparaison avec ceux
occupés par les hommes.
Par ailleurs, les causes de la discrimination et les obstacles à la participation
des femmes à la vie publique seront identifiées et analysées.
L’étude dégagera aussi des voies et moyens pour améliorer la participation
des femmes à la vie publique (accès aux postes de responsabilité) et pour
leur offrir de plus grandes opportunités de prises de décision.
2. La méthodologie
Notre méthodologie comporte quatre grandes étapes, soit la préparation
(recherche documentaire, confection des outils, etc.), la collecte des données
(l'enquête de terrain), l'analyse des données et la rédaction du rapport final.
Comme ci-dessus mentionné, la nature de l'étude exige une recherche
qualitative et quantitative.
2.1. La recherche documentaire :
Elle consistera à analyser la documentation (rapports, textes administratifs,
tout autre document) disponible, relative d'une part à la participation de la
femme à la vie publique de manière générale et de manière particulière au
Mali et d'autre part aux conditions de la femme dans les localités étudiées.
Dans un premier temps, il s'agira des documents ci-après :
Les documents du Ministère de la Promotion de la Femme, de
l’Enfant et de la Famille
-
Politique et plans d’action pour la promotion de la femme, de l’enfant
et de la famille, 2002 – 2006.
Le plan d'action pour la promotion des femmes (1996 - 2000) ;
Le plan d'action national de 03 mois en 1998 ;
les stratégies d’intervention pour la promotion de la femme
Etude analytique sur le statut de la femme au Mali 5 ans après la
conférence de Beijing
Rapport du Mali 10 ans après la conférence de Beijing
Les travaux des associations et ONG (Centre Djoliba, COFEM, APDF,
CAFO, AJM, etc.) ;
Des documents des Nations Unies
- Les stratégies prospectives de Nairobi pour l’émancipation de la femme
d’ici l’an 2000
- La Plate-forme Africaine d’Action de Dakar (5ème conférence Régionale
Africaine sur les femmes)
- Le plan d’action de Beijing (4è conférence Mondiale sur les femmes)
- Rapport d’Evaluation de la Plate de Beijing 5 ans après. Juin 2000
« les femmes en l’an 2000 : égalité entes les sexes, développement et
paix pour le 21èsiècle
83
-
Rapport d’évaluation de la Plate de Beijing 10 après
La convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes.
Le Pacte International sur les Droits civils et Politiques
Le Plan d’action de Lagos et l’acte final de Logos (1980)
Les documents relatifs aux différentes conférences mondiales sur les
femmes (Nairobi, Mexico, Arusha etc.)
Des ouvrages édités
- Bissiliat, J. et Fieloux, M. : Femmes du tiers-monde et travail
quotidien, Paris, l’harmattan, 1999,367 pages.
- Bozon, M. : « Pékin : Utilités et limites d’une conférence mondiale »,
Chroniques du CEPED, n°19, 1995,
- Boye, A. K. (sous la direction de) : condition juridique et sociale de la
femme dans quatre pays du Sahel : études et travaux de l'USEB, N°9,
décembre 1987.
- Comité Malien de la fondation d’Afrique et Culture – Mémorial de
Rufisque : 1999 Les associations féminines au Mali, Bamako, Jamana
- Conac, G. : L’Afrique en transition vers le Pluralisme politique, Paris,
Economica, 1990
- Coulon, C. : Les Afriques Politiques, Paris, La découverte, 1991
- Keita Aoua : Femme d’Afrique, la vie d’Aoua racontée par elle-même,
Paris, présence africaine, 1975 397pages.
- Konaré Bâ, A. : Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, Bamako,
Jamana, 1993, 520pages.
- Lénine : Le rôle de la femme dans la société, Ed agence de la p
Des mémoires de maîtrises et de DEA de l’Université de Bamako
- Dabo, Kadidia. : La femme dans l’arène politique malienne : cas de la
commune III du District de Bamako, mémoire de maîtrise, FLASH,
2001
- Dakouo, Germaine : Stratégie de conquête du pouvoir par les femmes
dans le cadre de la décentralisation au Mali à travers l’expérience des
femmes maires de Baye et de Yognogo, mémoire de maîtrise, FLASH,
Bamako, 2003
- Diarra, Cheick Abdel Kader : Commune rurale et leadership féminin,
l’exemple de Markala, ISFRA, DER des sciences humaines et sociales,
2000, 77 Pages.
- Nadio, Aïssata : Femme et enjeux de pouvoir dans le cadre de la
décentralisation, ENSUP, DER-Psycho-Péda, Bamako, 1997, 56 pages.
- Sall, Lalla : Femme, pouvoir et décentralisation au Mali : cas des
femmes maires des communes rurales, mémoire de maîtrise, FLASH,
Bamako, 2002
- Sissoko née Doumbia, Habibatou : L’actrice politique dans les
représentations mentales à Bamako, ENSUP, DER-Psycho-Péda.,
Bamako, 1998, 55 Pages.
84
-
Yattara, Balkissa : Contribution du Musée Musokunda à la promotion
de la femme, bilan et perspectives, mémoire de maîtrise, FLASH,
Bamako, 2004
La recherche documentaire permettra de répondre en partie à des questions
posées dans les termes de référence, donc de disposer de données nous
permettant de mieux comprendre la question de la femme grâce à des
analyses déjà faites ailleurs et au Mali, de disposer de données statistiques
sur la participation de la femme malienne à la vie publique et aussi de
prendre en compte des propositions déjà faites pour une plus grande
implication de la femme à la vie publique ailleurs et au Mali.
2.2. Les données à collecter :
Que rechercher dans les documents ? Que demander aux composantes de
l’échantillon sur la participation de la femme à la vie publique ?
Les données recueillies dans les documents et sur le terrain doivent nous
permettre de disposer de données statistiques et de faire des analyses en vue
de comprendre la situation de la femme, l’évolution de sa participation à la
vie publique, les obstacles à cette participation et de faire des propositions
pour améliorer cette situation à court, moyen et long terme dans le rapport
final.
Il s'agira de rassembler les indices des variables à partir des indicateurs des
variables extraites ou en relation avec la problématique et les hypothèses de
recherche. Les principales pistes de recherches sont les suivantes :
2.2.1 L’état des lieux :
situation de la femme au Mali après les évènements de 1991
• dynamique du statut et des rôles dans la société
• Changements et facteurs de changement,
- progrès sur le plan juridique et législatif
- progrès dans l‘accès aux postes de responsabilité, aux
centres de décision : plan communautaire, local, régional
et familial
- développement de la prise de conscience chez les femmes
- renforcement des capacités de la femme
- facteurs de production
- facteurs institutionnels
- facteur associatif,
- facteurs politique
- environnement international
• enjeux de la participation de la femme à la vie publique
- enjeux politiques
- enjeux économiques
- enjeux socioculturel et psychologiques
85
Données
publique
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
statistiques sur la participation de la femme à la vie
: postes de responsabilité occupés depuis 1991
niveau gouvernemental
services déconcentrés de l’Etat : directions nationales et
régionales, haut cadres de l’administration
officiers supérieurs de l’armée et des forces de sécurité
administration et commandement
représentations diplomatiques et consulaires
organismes internationaux
élues : conseillers municipaux, haut conseil des collectivités,
maires, députés, responsabilités au niveau des mairies, du haut
conseil des collectivités et de l’assemblée nationale.
Professions libérales : avocats, notaires, femme chef d’entreprise,
commerce de gros, l’importation et l’exportation, etc.
Société civile : domaine associatif, présence dans les
interventions de la société civile
Etc.
2.2.2. Les causes de la discrimination et les obstacles à la participation des femmes à
la vie publique
•
•
•
•
•
•
•
•
Culture (perception et statut, résistances masculines)
Organisation sociale et distribution des rôles
Religion
Histoire
Faiblesse économique de la femme
Vides et lacunes juridiques
Insuffisance de prise de conscience
Faiblesse des associations et ONG féminines
2.2.3. Les voies et moyens pour améliorer la participation des femmes à la vie
publique : accès aux postes de responsabilité et plus grandes opportunités de prises de
décision.
Comment agir sur les causes ? Que proposer ?
Telles seront les orientations que vont prendre les recherches à ce
niveau.
Ces pistes de recherche ne sont pas figées. Ce sont des directions que la
recherche compte prendre. Elles peuvent se modifier et vont s’enrichir avec
l’exploitation de la documentation et l’enquête de terrain.
2.3. Outils de recherche :
L'enquête utilisera l'entretien semi-directif pour la collecte des données de
terrain. Cet entretien sera sous-tendu par un guide d'entretien articulé
autour des variables et indicateurs de variables se dégageant des pistes de
recherche ci-dessus dégagées.
Les histoires de vie seront aussi utilisées pour comprendre les
cheminements individuels, les obstacles spécifiques (sacrifices, concessions,
86
compromis, etc.) qui se dressent devant certaines femmes pour accéder à des
postes de hautes responsabilités.
La collecte des données quantitatives se fera surtout avec l’exploitation des
documents des institutions.
2.4. L'enquête de terrain :
En plus de la recherche documentaire, une partie de l’étude se fera sur le
terrain auprès des institutions, des structures sociales (Associations et ONG)
et de personnes ressources.
2.4.1. Les besoins :
Les personnes ressources :
Le travail sera effectué par deux consultants et sept (7) enquêteurs ayant,
chacun au moins une maîtrise en sciences sociales et maîtrisant si possible
la langue de la localité où ils doivent mener l’enquête.
Besoins matériels :
• Comme indiqué dan les termes de référence, la logistique pour
se rendre sur les sites de recherche est à la charger du
commanditaire.
2.4.2. Les sites :
La situation varie-t-elle selon les zones socioculturelles ? Pour éviter le biais
culturel les enquêtes de terrain se dérouleront dans les régions de Kayes,
Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal et le district de Bamako.
2.4.3. L'échantillon :
L'échantillon prendra en compte les variables diversité socioculturelle et
socioprofessionnelle, Les sites ci-dessus choisis prendront en compte la
diversité
socioculturelle.
Pour
ce
qui
concerne
la
diversité
socioprofessionnelle l’enquête prendra en compte l’exercice des postes de
responsabilité à partir des nominations et des élections, la participation à la
vie publique dans le cadre des professions libérales, de la société civile, etc.
L’enquête se mènera donc auprès :
• des associations et ONG féminines luttant pour une plus
grande implication de la Femme à la vie publique ;
• des institutions de la République : Assemblée nationale, haut
conseil des collectivités, des ministères ;
• de femmes occupant ou ayant occupé de hautes
responsabilités au niveau des structures étatiques, de
l’assemblée nationale, de la société politique (les partis
politiques) de la société civile ou des professions libérales. En
dehors des leaders, des femmes ayant pignon sur rue au
niveau des professions libérales seront aussi interrogées. (la
taille de l’échantillon sera fixée en fonction du nombre de
femme par secteur, donc ce sera un échantillon par quota) ;
87
Selon les sites :
Dans les chefs-lieux de région retenus des données disponibles seront
collectées sur toutes les régions et des cercles représentatifs seront choisis
pour cerner les spécificités locales. Ainsi,
A Kayes, l'enquête se mènera à Kita à dominance ethnique
Nioro à dominance ethnique Soninké
malinké et à
A Sikasso, elle se mènera dans les cercles de Bougouni à dominance
ethnique bambara, de Kadiolo à dominance ethnique Sénoufo et de Yorosso
à dominance ethnique Minianka et Bwa.
A Ségou, elle se mènera dans les cercles de Ségou et San à dominance
ethnique bambara et de Tominian à dominance ethnique Bwa.
A Mopti, elle se mènera dans les cercles de Bandiagara à dominance
ethnique Dogon, de Mopti et Ténenkou à dominance ethnique Peulhe.
A Tombouctou elle se mènera dans les cercles de Tombouctou à dominance
ethnique Sonrhaye, arabe et maure, de Diré et de Gourma-Rharous à
dominance ethnique Sonrhaye
A Gao, elle aura lieu dans le cercle de Gao à dominance ethnique Sonrhaye
A Kidal, elle se mènera dans le cercle de Kidal à dominance ethnique
Touarègue.
A Bamako : l’enquête se mènera dans les 6 communes du District surtout au
niveau des mairies, institutions de la République, des services publics, des
états-majors des partis politiques ceux des associations et ONG, etc.
2.5. L'analyse des données :
Comment se servir des données recueillies pour atteindre les buts et
objectifs de l'étude, obtenir les résultats attendus ?
Les hypothèses, formulées à partir des questions de recherches et des
résultats attendus, seront testées par une description et une agrégation des
données.
Il y aura une analyse des relations entre variables et une comparaison des
résultats obtenus selon les zones socioculturelles, les différentes catégories
socioprofessionnelles, etc.
2.6. Chronogramme et durée de l'étude
La durée totale de l'étude est de quarante cinq (45 jours) dont quinze jours
(15) jours d'enquête de terrain. Les dates de début et de fin de contrat sont
laissées à la convenance des commanditaires.
88
Annexe IV : Les femmes à l’Assemblée nationale sous la Troisième
République (sources : Répertoire des Femmes élues du Mali et 2ème, 3ème et
4ème rapports périodiques du Mali sur la mise en œuvre de la Convention sur
l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes
pour la période 1990 - 2002)
Législative Années
Nombre de députés Prénom et nom
Total femme % fe
116 3
2,58
1ère
législative
19921997
2ème
législative
19972002
147
18
2,43
3ème
législative
20022007
147
15
3,65
-Victorine Dakouo
-Kané Nana Sanou
Circonscr
iption
électorale
Tominian
Kati
Kounandji Nana Gadjilaye Ségou
-Traoré Oumou Traoré
Kati
-Fofana Fatoumata Sylla Sikasso
-Touré Djénéba Samaké Bko C. V
Ségou
-Haby Doucouré
-Diarra Awa Ouattara
Koutiala
-Telly Lalla Dansira
Kita
-Samaké
Salimata Dioïla
Dagno
-Bata Traoré
Barouéli
Gao
-Touré Safiatou Touré
Ségou
-Niang Tata Koné
Bko C. II
-Bâ Oumou Sangaré
-Diallo Djénéba Diakité Bko C IV
Kayes
-Sissoko Aminata Sy
-Dagnoko Fanta Traoré Bko C IV
-Sissoko Flatènè Diarra Sikasso
-Coulibaly
Kadiatou
Kayes
Samaké
Ségou
-També Saran Sangaré
-Bintou Sanankoua
Mopti
-Traoré Oumou Traoré
Kati
-Minata Diarra
Kolokani
-Mariam Togola
Dioïla
-Sidibé Korian Sidibé
Yanfolila
Saran Sangaré
Ségou
Haby Doucouré
Ségou
-Diarrah Traoré
Ségou
-Fatoumata Niambaly
San
-Oulématou Tamboura
Tnkou
-Diénéba Diarra
Bko C. I
-Sangaré Oumou Bâ
Bko C. I
-Dicko Djénéba Cissé
Bko C. I
-Fanta
dite
Mathini
Diarra
Bko C II
-Touré Kani Sangaré
Bko C V
-Adam Aïssa Diallo
Bko CVI
89
Annexe V : Bref aperçu de la biographie de quelques premières
femmes impliquées dans la gestion de la vie publique (sources : Madame
Adam Bâ Konaré : Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, éditions
Jamana, 1993
Aoua Kéïta (1912 – 1980), sage-femme de profession, fut en 1958 la seule
femme élue au Bureau Politique de l’US RDA, élue député aux élections
législatives de 1959, elle le restera jusqu’en 1967 date de la dissolution de
l’Assemblée Nationale par la révolution active. Figure féminine la plus
brillante des premières années de l’indépendance, Aoua Kéïta représenta la
Commission Sociale des femmes au Bureau Politique National. En juin 1960,
elle fit sa première intervention sur la situation des femmes et fut très active
dans l’élaboration du Code du mariage et de la tutelle en 1962. Elle est
l’auteur du célèbre ouvrage Femme d’Afrique : La vie d’Aoua Kéïta racontée
par elle même, Paris, Présence africaine, 1975. Comme distinction
honorifique, Madame Aoua Kéïta a été décorée Chevalier de l’Ordre National
du Mali.
Mme Sow Aïssata Coulibaly est née en 1920 à Kati et décédée en 1971 à
Bamako. Institutrice de formation, elle a, aussi, été secrétaire général de
l’inter syndicat des femmes travailleuses du Soudan de 1958 à 1960,
membre du Mouvement Soudanais de la paix créé à Bamako en 1957 et de
la Commission Sociale des Femmes de l’US RDA de 1962 à 1968. Comme
distinction honorifique, madame Sow a été décorée Etoile d’argent du Mérite
National - effigie " abeille" à titre posthume en 1974.
Madame Jeannette Haïdara dite Madame Attaher est née en 1924 à
Mopti. Institutrice de profession, elle fut présidente de la section
Djemanguelé de Ségou de 1951 à 1959. Elle fut aussi membre de l’inter
syndicat des femmes travailleuses du Soudan de 1958 à 1960, trésorière de
la Commission Sociale des Femmes de l’US-RDA de 1962 à 1968. Elle a
participé en 1962 à la création de la panafricaine des femmes en Tanzanie et
la même année à une conférence des femmes à Conakry et en 1968 elle
participa à la panafricaine des femmes à Alger. Comme distinction
honorifique, Madame Attaher a été décorée Chevalier de l’Ordre National du
Mali en 1975.
Madame Sow Rokiatou Sow est née en 1928 à Ségou. Elle fait partie des
premières sage-femmes d’Etat du Mali et fut membre fondateur de l’inter
syndicat des femmes travailleuses du Soudan, aussi conseillère municipale
de Ségou en 1966, membre de la délégation spéciale de Ségou de 1969 à
1979 et présidente de l’UNFM de 1980 – 1986, soit, deux mandats. Comme
distinctions honorifiques, Madame Sow a été décorée Chevalier de l’ordre
national du Mali en 1976 et Officier de l’ordre national du Mali en 1981.
Madame Thiam Fanta Diallo (1933 – 1984), institutrice de formation, a été
présidente de l’association féminine apolitique de Djemanguelé en 1956,
membre de la Commission Sociale des Femmes de 1960 à 1968. A son actif,
on peut noter aussi le lancement du jumelage Bamako – Angers. Comme
distinction honorifique, elle fut décorée Chevalier de l’Ordre National du Mali
en 1976.
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