CHAPITRE I : L`épidémiologie des maladies infectieuses

- a -
Introduction
Les bactéries peuplent la Terre depuis plusieurs milliards d’années et il a bien fallu que
l’Homme, apparu bien après, compose avec elles pour trouver un
modus vivendi
. Le corps
humain porte sur lui et en lui un nombre plus grand de bactéries que celui de ses propres
cellules. Tout se passe bien pour la grande majorité des humains en bonne santé : c’est
qu’il s’est établi entre eux un état d’équilibre dont ils bénéficient tous les deux.
Certaines bactéries sont franchement hostiles et elles ont existé depuis toujours.
L'Homme, comme tous les vertébrés, a, de tous temps, été exposé aux infections
microbiennes. L'Histoire relate des épidémies catastrophiques à toutes les époques.
Depuis le XIXème siècle (Pasteur, Koch... et la découverte de l’étiologie microbienne
transmissible des infections), beaucoup a été fait pour diminuer le nombre et la gravité
des maladies infectieuses. Chronologiquement, l’instauration des mesures d’hygiène et
d’asepsie, la vaccination et la découverte d’agents anti-infectieux (antibiotiques, anti-
viraux...) ont profondément amélioré la condition humaine.
On a rêvé, surtout avec les antibiotiques, de voir disparaître les infections. Il n’en est
malheureusement rien et, en ce début de XXIème siècle, les pathologies infectieuses,
avec plus de 17 millions de morts tous les ans, restent la première cause de mortalité
dans notre monde.
La situation catastrophique observée dans les pays en voie de développement est
évidemment due à une pauvreté engendrant des conditions d'hygiène désastreuses
(amplifiées encore par les conditions climatiques) et une carence désolante de moyens
médicamenteux préventifs et curatifs.
La situation dans nos pays industrialisés est meilleure mais loin d’être parfaite. L’infection
est de loin le premier motif de consultation du médecin généraliste. Plus de 5% des
malades hospitalisés développent une infection durant leur hospitalisation. En Belgique,
près de deux milles personnes meurent encore chaque année d’infection pneumococcique
et les antibiotiques sont, de loin, les médicaments les plus vendus.
Introduction
- b -
Une autre constante de la pathologie infectieuse est sa continuelle évolution. Depuis 20
ans, des dizaines de nouveaux microorganismes impliqués en pathologie ont été décrits.
D’anciennes maladies réapparaissent, d’autres disparaissent... De nouvelles épidémies
surviennent.
L’homme en bonne santé, nous l’avons dit, a trouvé un état d’équilibre avec le monde
microbien, qui lui est conféré principalement par une gamme importante de moyens
physiologiques de défense. Cet équilibre est constamment menacé : d’abord parce qu’il
rencontre à tout moment de nouvelles bactéries (en serrant la main, en mangeant, en
respirant, en voyageant...) et qu’il lui arrive ainsi de rencontrer des microorganismes
disposant de systèmes de virulence auxquels il ne peut résister ; ensuite parce que lui-
même peut occasionnellement voir certains de ses mécanismes de défense altérés ou
perdus. Tous les paramètres de cet équilibre instable évoluent perpétuellement, et sans
doute aujourd'hui beaucoup plus qu’auparavant. En voici des exemples:
x La population change et son comportement évolue.
La pyramide des âges a fortement évolué durant le XXème siècle, et la population vieillit
globalement, augmentant la proportion de personnes plus sensibles à l’infection.
Les transhumances augmentent de façon exponentielle, favorisant le brassage des
populations, tout profit pour la dissémination des pathologies épidémiques et des souches
résistantes.
Les comportements sexuels ont fortement évolué depuis trente ans favorisant des
épidémies nouvelles comme le SIDA.
La médecine a fait d’énormes progrès ces dernières décennies mais il y a un gros revers à
la médaille : le nombre de patients immunodéprimés ou présentant un déficit des
mécanismes de défense ou restant hospitalisés pour de longues périodes s’est accru très
considérablement (les prématurés, les greffés, les poses de prothèses artificielles, la
malnutrition, les thérapies anti-cancéreuses...)
x Les bactéries changent
Les bactéries ont évolué en manifestant un extraordinaire pouvoir d'adaptation, surtout
dans l'acquisition de mécanismes de résistance aux antibiotiques, un phénomène qui
s’accroît de façon constante et inquiétante.
Introduction
- c -
De nouvelles bactéries sont découvertes, certaines diminuent d’incidence, voire
disparaissent, d’autres réapparaissent ou montrent des modifications de leur
pathogénicité.
x L’environnement change
Toute une série de facteurs dans notre environnement ont évolué et certaines
modifications ont entraîné une augmentation du risque infectieux et de sa dissémination :
la mondialisation de l’industrie, la pollution, la structure de bâtiments modernes et, en
particulier, celle des hôpitaux. L'hôpital moderne, par beaucoup d'aspects, favorise
l'infection : pression antibiotique importante favorisant la sélection de souches multi-
résistantes, équipes pluridisciplinaires multipliant les contacts des patients, multiplicité des
portes d'entrées (cathéters...)
Le médecin, qui vit au cœur de ces problèmes, doit donc bien connaître les
microorganismes, leur physiologie, leur mode de transmission, leur pathogénicité et les
moyens de lutter contre eux. Mais il doit aussi bien connaître ses patients qui, tous,
présenteront des niveaux variables de défense vis-à-vis des microbes. Il devra enfin, ne
considérer un cours de microbiologie que comme une base qu’il devra sans cesse
remettre à jour.
A une échelle plus large, il faut observer que les pathologies infectieuses se développent
dans trois grands environnements fondamentalement différents :
1. Le Tiers-monde paie le plus lourd tribut aux pathologies infectieuses qui y restent
épidémiques ou endémiques sans que nous n’y apportions de grandes améliorations.
Cela nous concerne, d’abord par souci d’humanité, ensuite parce que les
transhumances en font des pathologies d’importation de plus en plus importantes.
2. Dans nos pays industrialisés, les pathologies infectieuses acquises “à domicile”
("community acquired", en anglais) ont fortement régressé, pas disparu. On ne meurt
plus de choléra à Bruxelles mais on y souffre très souvent d’infection et on y meurt
encore de méningite, de pneumonie...
3. L’hôpital est le troisième environnement. Il se distingue des deux précédents par la
nature de sa population faite de patients présentant un haut risque infectieux et
rassemblés en un lieu très fermé. C’est un problème majeur.
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