La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique
illusoire
La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique illusoire | 2
arriver au même constat. Car en suivant l’enchaînement logique des problématiques
soulevées par chacune des anecdotes racontées ci-dessous, on conclut inévitablement que «
La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique illusoire ».
Cette contribution est parue dans la revue internationale d’éthique sociétale et
gouvernementale Éthique publique, n°2014-vol. 16, n°2, Éditions Nota bene, sous la
direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada).
On y parle des lanceurs d’alerte et de l’impunité des fraudeurs avec la complicité des
autorités, de l’inanité des règles et de l’inefficacité des contrôles dans un contexte d’auto-
réglementation, et au final de la main-mise des milieux d’affaires sur la fabrique des lois,
pour garantir leurs intérêts particuliers au détriment du fonctionnement démocratique. Ce
n’est pas une vision très rose, mais une analyse réaliste et documentée de notre monde
actuel, à travers des exemples concrets illustrant parfaitement les dérives qui nous affligent.
Pouvoir financier et puissance du mensonge
Le manque d’éthique financière désavantage tout le monde. Sans sauvetage public, la crise
bancaire aurait coulé l’économie de marché en 2009. Le coût de l’irresponsabilité financière
(l’aléa moral) est transféré aux États et aux citoyens. Les prêts subventionnés aux banques
pénalisent l’épargne et les pensions. La croissance, l’emploi, les recettes fiscales, les
services publics et la protection sociale sont dégradés. Malgré des scandales et des procès
médiatisés, les lanceurs d’alerte subissent des représailles, tandis que l’impunité des
fraudes et la complicité du pouvoir dominent, en France (Vivendi, Altran, Truffle Capital…),
en Suisse (Julius Baer, Sarazin, BNS…) ou aux États-Unis (Bernard Madoff…). La collusion
entre les pouvoirs publics et la finance explique leur connivence. L’autorégulation est un
échec tandis que la réglementation est dictée par les lobbies bancaires dans leur intérêt, au
détriment des citoyens. La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique
illusoire.
En 2008-2009, la plus grave crise bancaire et financière depuis celle de 1929 a mis
l’économie de marché en potentielle faillite, avant qu’elle ne soit sauvée par l’intervention
publique (injections de capitaux, nationalisations des pertes, reprise et garantie des
créances douteuses, prêts quasi gratuits aux banques, etc.), au prix d’une dégradation des
finances publiques (flambée des déficits et de l’endettement, etc.) nuisant aux citoyens et à
la cohésion sociale (suppressions d’emplois, pression fiscale, dégradation des services
publics et de solidarité tels que l’assurance maladie, les allocations, les pensions). Les effets
de la crise ont été endigués (en évitant la faillite du système bancaire mondial), mais cette
catastrophe a déclenché des réflexions sur tous les plans (politique, universitaire, citoyen,