LENSETE VENTRICOSUM, UN « BANANIER » PARTICULIER
Le genre Ensete fait partie de la famille des musacées mais n'est pas à confondre avec le genre
Musa. Il ne sagit pas de bananiers, leur morphologie est différente du genre Musa et ils n’ont pas
de fruits comestibles bien quils fassent partie de la chaine alimentaire. L’espèce ensete
ventricosum est notamment utilisée en Ethiopie pour le contenu de son pseudo-tronc, une pulpe
comestible qui lui a donné le nom darbre du pauvre ou darbre contre la faim car n’importe qui
possédant des « ansett » ne craint plus la famine.
I. Histoire de la plante :
1. Ancêtre sauvage :
Lensete ventricosum, lespèce sauvage, semble originaire des hauts plateaux du Sud-ouest de
lEthiopie, et serait vieille de plus de 10 000 ans av. JC (date de domestication). Il sagit de
lunique espèce sauvage présente et cultivée en Ethiopie. La domestication aurait généré une
cinquantaine décotypes différents dit «écotypes fermiers ». En effet, les études menées autour
de lensete restent encore rares, ainsi les variétés déterminées correspondent plutôt à des
terminologies différentes utilisées par les agriculteurs qua de réelles variétés génétiquement
différentes. On sait tout de même que le genre Ensete est considéré comme beaucoup plus vieux
que le genre Musa (arrivée notable il y a 3 000 ans av. JC en Afrique). On pense dailleurs que le
nom Ensete vient de sa dénomination vernaculaire d’Ethiopie ansett qui serait peut être dérivé
de ensatus (en forme d’épée), compte tenu de la forme de ses feuilles.
2. Processus de domestication, diffusion de la plante, répartition actuelle :
Seule l’espèce Ensete ventricosum a fait l’objet de sélection par les agriculteurs. En plus de la
multiplication par graine qui permet dassurer une diversité génétique, la pratique de la
multiplication végétative a permis la sélection de clones plus performants. En fait, sous certaines
conditions le bouturage est possible car lors de la décapitation du pseudo-tronc à sa base de
nombreuses pousses adventives apparaissent (sur la coupe) qui peuvent alors être séparées puis
enraciner rapidement dans un terreau humide et fertilisé (fèces, cendre). Cette domestication
semble avoir eu lieu dans les montagnes d’Ethiopie qui auraient alors servi de refuge lors d’une
sécheresse intense entrainant une raréfaction de la nourriture 10 000 av. JC (Ehret, 1979). Il y
Schaad Margot
M1 Ecoystèmes
aurait eu un accroissement de la consommation d’Ensetes sauvages et sélection de cultivars. Par
la suite (entre 6 000 et 3 000 av. JC), le bétail de même que le blé et l’orge ont été incorporés aux
systèmes de culture de l’Ensete aboutissant à des formes complexes d’association de
l’agriculture et de l’élevage. La mise en œuvre des pratiques culturales a amené à la création d’un
outillage spécifique et les récoltes ont été valorisées par des techniques de conservation de la
pulpe parenchymateuse. Et bien qu’actuellement l’Ensete ne soit cultivée qu’en Ethiopie
méridionale, il est probable qu’auparavant, la zone de culture s’étalait sur tout le pays. Il reste
l’aliment de base de certaines populations dans les hautes terres du Sud (du Guraghé et du
Sidamo). Une seule plante permet d’ailleurs d’alimenter une famille de cinq ou six personnes
pendant tout un mois ce qui en fait la culture principale denviron 20% de la population
éthiopienne soit 15 millions de personnes. Quand à la forme sauvage, on la retrouve également
dans les pays avoisinant lEthiopie et dans le Sud de l’Afrique (Tanzanie et Madagascar
notamment).
II. Pratiques, usages :
Cette espèce d’ensete est principalement utilisée pour la pulpe contenue dans le faux tronc. En
effet, les populations éthiopiennes, par un procédé particulier, transforment cette pulpe en farine
et confectionnent par la suite du bula (porridge acide) conférant un certain prestige au sein de la
communauté ou du Kocho (pain blanchâtre à l’odeur de fromage) se consommant avec un chou
pérenne (Brassica integrifolia). Ce sont les troncs et les tiges qui sont râpés puis réduits en pâte
et enfouis dans des silos. Ainsi, dénormes cavités sont creusées et leurs parois tapissées de
végétaux épais et solides. Ce sont les femmes qui descendent dans les puits et qui piétinent la
pâte afin de la tasser. Un à six mois sont nécessaires pour obtenir la fermentation des fibres et
ainsi obtenir la farine qui pourra être conservé des années et sera transformer a nouveau par les
femmes en aliment.
Mais cette espèce n’a pas qu’un rôle alimentaire, l’ensemble des parties de cette herbacée sont
exploitées. En effet, les feuilles servent de fourrage pour les animaux, les fibres, très résistantes,
vont à la fois être exploitées dans la construction (cordages, toitures) mais également pour
l’artisanat (nattes, sacs). Les graines permettent de créer des bijoux (perles) mais également des
pions pour des jeux populaires (awalé). Des tisanes de tiges, de feuilles ou de fruits d’ensete
ventricosum soignent les maladies du foie (propriété astringentes, riche en potasse). Cette plante
a également une importance culturelle en symbolisant l’autorité (dans la société Changa en
Tanzanie, l’ensete est plantées dans l’enclos du chef dans les villages), et en intervenant dans de
nombreuses cérémonies (tapis rouge, costumes, plats) et pratiques divinatoires (la dispersion de
la poudre de l‘endosperme farineux, soufflée dans la main, sert à la lecture des présages). Aux
pieds de ces faux-bananier, sont cultivées d’autres espèces comme le noug (graine oléagineuse),
les choux, les piments, le khat et le café à usage domestique. Enfin, l’ensete est également
exploitée pour sa valeur ornementale (cultivés en serre, en véranda, en appartement).
III. L’agronomie et l’écologie de la plante :
L’espèce ensete ventricosum est une herbacée monocotylédone à tige souterraine et souvent
vivaces. Elle se caractérise par un pseudo-tronc, plus court et plus trapu que le genre musa, qui
est formé par l’enroulement des gaines foliaires les unes autour des autres. Les pétioles rouges
sont plus longs et portent des feuilles vertes luisantes d'une taille impressionnante (3m de
longueur). Les entres nœuds sont complément tassés dans un premier temps, puis ils vont
pousser permettant aux bourgeons de remonter. Ce bourgeon végétatif va devenir floral, on aura
alors un régime formé de mains de fleurs hermaphrodites avec des fleurs femelle à la base du
régime, des mâles dans la partie supérieure suite à lavortement des étamines ou du pistil et des
fleurs bisexuées entre le mâles et les femelles. En temps normal, une fleur met 7 mois à se
développer, mais selon les conditions environnementales, l’espèce peut mettre plusieurs années
(4-12 ans). Ces fleurs donneront des fruits coriaces et secs contenant de grosses graines (1cm de
diamètre) globuleuses, lisses, avec un hile irrégulier et déprimé mais non comestibles et ce par
une pollinisation effectuée par les chauves souris principalement.
1. Cycle de vie, biologie de reproduction :
Cette espèce est dite séminifère, et contrairement aux bananiers du genre musa qui sont
parthénocarpiques, lensete est monocarpique. En fait, les Ensetes ne drageonnent pas ou sous
certaines conditions. La multiplication se fait donc normalement par semis des grosses graines
qui germent au chaud à 30°C au bout d’un mois environ. En fait, dans la culture de cette espèce,
les plants (4-6 ans) sont extraits du sol et transplantés dans un trou fertilisé à l’aide de cendres
et de déjections animales. Au bout de deux ans, les jeunes plants qui surgissent alors sont
repiqués, transportés et espacés. La terre est aérée avec le marasha (fourche à fouir munie de
deux dents). Ils sont ensuite dessouchés, puis utilisés sous de nombreuses formes.
2. Exigences écologiques, diversité :
Cette espèce pousse sous climat frais et sur sol volcanique. Elle apprécie les zones humides
mais relativement drainée (1200mm/an) et des altitudes comprises entre 1 600m et 3 000m.
L’ensete est peu sensible aux problèmes climatiques du fait d’une bonne rusticité mais préfère
des températures comprises entre 10 et 21°C. Cette herbacée apprécie un sol plutôt neutre (pH
entre 5,6 et 7,3) et possédant un pourcentage de matière organique de 2-3%. En plus de l’espèce
E. ventricosum, le genre Ensete est composé de 2 espèces plutôt distribuées en Asie et de 3
espèces Africaines selon Baker et Simmonds (1953) : E. gilletii (forme naine de ventricosum,
natif de l’Afrique de l’Ouest et adaptée aux régions sèches), E. bomblei (distribué du Congo à la
Zambie), E. perrieri (sève rose dans les graines externes et violet rouge dans les plus internes), E.
glaucum (sève orange-rouille) et E. superbum. Il existe également quelques cultivars à intérêt
ornementaux comme l’ensete ventricosum var. maurelii (teint rougeâtre aux revers des feuilles
rouge bordeaux). Enfin, dans certaines régions d’Ethiopie, il existe plus de 50 variétés
« fermiers » d’ensete ventricosum.
IV. Sa place actuellement et à venir :
La culture de l’Ensete en Ethiopie y est réalisée depuis des millénaires et se poursuit sur les
hauts plateaux pour la fabrication du Kocho. Et en raison de ses utilisations, sa production est
fortement mêlée à l’économie, la culture et la vie sociale des populations éthiopiennes. En fait, la
surface actuelle est de 224 000 ha et plus de 20% de la population du pays dépend de cette
culture. Ces populations dépendantes n’ont d’ailleurs jamais souffert de la famine (même
pendant les sécheresses des années 1970 et 1980) du fait que le rendement énergétique du
Kocho est beaucoup plus élevé que les rendements de n’importe quelle autre culture en Ethiopie.
Pour 1 200 plants à l’hectare, on a 5 200 kg de Kocho. C’est un aliment qui contient 63 à 78%
d’amidon et 12 à 16% d’eau, par contre, il est pauvre en protéine. Sa valeur énergétique est donc
supérieure à celle des céréales, des patates et des bananes classiques, mais moindre que celle du
manioc. La résistance à la sécheresse de cette espèce et la possibilité de la récolté à tout moment,
font de cette plante une solution de culture préconisée par les agronomes. Les pratiques
agricoles des populations éthiopiennes montrent que l’ensete présente des avantages
écologiques pour d’autres espèces comme le café en captant l’eau et en enrichissant en
nutriment le sol. Mais que cette espèce, du fait de la domestication subit des attaques
bactériennes (flétrissement bactérien de l’Ensete). Des recherches sont actuellement menées par
l’Institut Ethiopien de Recherches Agricoles (EIAR) et l’Institut International d’Agriculture Tropicale
(IITA), pour développer des espèces capables de résister à ces maladies bactériennes.
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