grande attention de la part des chercheurs. Certes, Annie Le Brun présente
une interprétation non négligeable de cet inédit3, mais aucune étude ne lui
est spécialement consacrée, sauf un bref article de Gérard Cogez.
On peut faire quelques hypothèses sur les causes d’une telle
négligence. C’est d’abord la tendance générale de l’histoire littéraire qui
attache peu d’importance au genre théâtral après le romantisme. Le genre
romanesque connaît son apogée au XIXe siècle et, malgré des polémiques
effervescentes, exerce toujours une grande emprise au XXe siècle. Sous ce
règne du roman, à peu d’exceptions près, le théâtre occupe une place
relativement inférieure4.
En effet, le théâtre de Roussel n’a jamais été assez mis en valeur. Au
moment même où cet auteur a suscité l’intérêt de nombre de critiques ou de
penseurs par son « procédé » spécial dans les années 1960 et 70, ceux-ci n’ont
pratiquement parlé, comme le remarque J. H. Matthews, que des ouvrages
romanesques,
Impressions d’Afrique
et
Locus Solus
, alors qu’ils ont consacré
peu de pages pour les deux pièces écrites également selon le même procédé,
L’Etoile au Front
et
La Poussière de Soleils
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.
Ce fait s’explique sans doute
par leur taille modeste et l’affaiblissement de l’imagination extravagante que
l’on trouvait dans les romans (les inventions fantastiques sont remplacées
3 Annie Le Brun,
Vingt mille lieues sous les mots, Raymond Roussel
, Jean-Jacques Pauvert
chez Pauvert, 1994. Voir notamment, le chapitre VI : « Un continent noir comme l’innocence »,
p. 179-227.
4 Il faudrait remarquer, toutefois, que le XIXe siècle est aussi le siècle industriel où
s’épanouit le théâtre « commercial », laissé de côté le plus souvent dans l’histoire littéraire.
Et, comme nous verrons plus tard, la dramaturgie de Roussel ne peut être considérée
indépendament de ce genre de théâtre populaire.
5 J. H. Matthews,
le théâtre de Raymond Roussel, une énigme
, Archives des lettres
modernes, Minard, 1977, p. 4-5.
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