Actualités Soudan Dépistage du cancer du sein doi: 10.1684/mst.2013.0233 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. L e cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme et la deuxième cause de décès des femmes en Afrique, avec de fortes variations selon les pays et les populations – rurales ou urbaines. L’incidence moyenne est de 38 pour 100 000 femmes par an en Afrique du Sud et en Afrique de l’Ouest, de 32,7 en Afrique du Nord et de 19 en Afrique de l’est. Au Soudan, le cancer du sein est la troisième cause de cancers, avec une prévalence des stades avancés avec métastases beaucoup plus élevée en milieu rural qu’en milieu urbain. Cette atteinte est d’un très mauvais pronostic, en rapport avec la difficulté de l’accès aux soins, alors que dans les pays industrialisés la mortalité due à cette étiologie diminue, en raison des campagnes de dépistage et des traitements efficaces. De telles campagnes sont difficiles à réaliser en Afrique, en raison du manque de structures adaptées et d’une absence de sensibilisation des populations aux cancers. La présence d’une masse au niveau d’un sein, qui ne semble pas entraı̂ner un risque vital immédiat, n’est pas de nature à provoquer une consultation médicale (trop loin, trop chère) et, au mieux, fera recourir à un traitement traditionnel. Les femmes ne consultent qu’à un stade avancé (douleur, gêne fonctionnelle). Il faut dire qu’en milieu rural, les systèmes de soins se résument à des matrones et à des dispensaires locaux avec une pharmacie réduite à quelques médicaments essentiels. En cas de lésion importante, les femmes sont envoyées à l’hôpital de secteur où une biopsie est effectuée et envoyée à Khartoum. Durant la période séparant la biopsie et le retour des résultats, les patientes sont renvoyées à domicile avec des soins palliatifs. Aussi était-il important de rechercher un moyen d’améliorer le diagnostic de cancer du sein dans ces populations. Une étude a été entreprise dans la région rurale de Gezira, au Soudan, dans une population agricole aux conditions de vie rustiques, n’ayant pas accès aux systèmes modernes de soins et peu informée du cancer du sein. Une équipe médicale, incluant des oncologues, des pathologistes, des infirmières et des statisticiens de l’Institut national du cancer de l’université de Gezira, a rencontré les chefs de village pour les informer de la maladie et de ses conséquences, et former quelques femmes à la réalisation d’un examen de sein. Les vingt-neuf femmes sélectionnées ont reçu une formation de cinq jours sur le cancer et les techniques de palpation. Ces femmes ont ensuite fait des réunions avec les populations et effectué des visites à domicile pour faire un examen des seins chez les femmes de plus de 18 ans, avec des documents illustrés. Quand une tumeur était suspectée, la patiente était transférée à l’Institut national du cancer pour un bilan complet, avec mammographie et biopsie. Les patientes ayant un stade précoce ont bénéficié d’une chirurgie conservatrice et d’une chimio- thérapie. Les patientes ayant déjà un stade avancé avaient une chirurgie plus lourde avec curage ganglionnaire, et recevaient une chimiothérapie hormonale et une radiothérapie. Sur un total de 14 700 femmes de plus de 18 ans recensées dans la région, plus de 10 000 femmes ont été examinées, réparties dans trente-trois villages, soit une moyenne de 70 % par village. Cependant, certaines femmes ont refusé l’examen car les femmes examinatrices volontaires n’étaient pas de leur propre village ! Sur 138 femmes ayant été détectées comme suspectes, 118 sont venues consulter à l’Institut du cancer, dont 101 ont été diagnostiquées comme ayant une tumeur bénigne. Chez les autres, ont été diagnostiqués huit cancers canalaires in situ, quatre cancers localisés sans adénopathie, trois cancers avec adénopathies et deux avec métastases. Ces patientes ont reçu le protocole adapté au stade de leur tumeur, avec un pronostic favorable, sauf les deux patientes avec métastases qui sont rapidement décédées. Dans un autre village-témoin de la même région, où aucun dépistage n’avait été effectué, quatre femmes sont venues consulter mais il s’agissait de formes avancées de la maladie (Abuidris DO et al., Lancet Oncol 2013; 14: 363-70). Cette étude a montré qu’un dépistage des cancers du sein était possible dans les régions reculées avec un coût limité. Les statistiques de l’Institut national du cancer de l’université de Gezira montrent que ces cancers apparaissent au Soudan à partir de 20 ans, et que la prévalence augmente jusqu’à la tranche d’âge 35-45 ans. Aussi la campagne de dépistage a-t-elle débuté à partir de 18 ans, ce qui a permis de détecter et de traiter quinze femmes avec un suivi sur cinq ans et, en principe, un bon pronostic. Les deux femmes décédées de formes métastasées seraient probablement décédées dans leur village sans diagnostic, ce qui fausse les statistiques nationales. Vingt femmes dépistées dans le cadre de cette enquête ont refusé de se rendre à l’Institut du cancer. Les raisons à invoquer sont multiples. Le traitement d’un cancer du sein peut nécessiter une mastectomie, dont les femmes craignent qu’elle entraı̂ne une stigmatisation à leur égard de la part de leur entourage ; certains maris musulmans intégristes refusent d’autre part de confier leurs femmes à un centre médical où des médecins hommes exercent ; ils craignent en outre de s’opposer, en recourant à la médecine, au destin prévu par Allah. Ainsi, les auteurs ont montré tout le bénéfice que présente une campagne de dépistage telle que celle réalisée ici, faisant intervenir des volontaires locales dans les communautés à faibles revenus, et qui devrait pouvoir s’étendre à l’ensemble du pays et aux autres pays d’Afrique subsaharienne. & P. Bourée Chine La brucellose est endémique L a brucellose, ou fièvre de Malte, est une affection ancienne, mais qui reste toujours d’actualité, avec une incidence Médecine et Santé Tropicales, Vol. 23, N8 3 - juillet-août-septembre 2013 mondiale d’environ 500 000 cas annuels dans le monde et une prévalence dépassant 10 cas pour 100 000 habitants dans 269