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> la génomique « fonctionnelle »
> la pharmaco génomique,
> la pharmaco génétique,
> l’anatomie pathologique,
> l’imagerie fonctionnelle,
> et la numérisation et l’archivage de
l’ensemble de ces données.
En Californie, sous la houlette de Lee
Hood, du fait du développement de
toutes ces approches nouvelles, est
apparu le concept de la médecine
des quatre P : prédictive, préventive,
personnalisée et participative. Pour
ses promoteurs c’est une révolution
concernant la santé publique et le bien
être individuel. Elle met en œuvre toutes
les sciences dites omiques au premier
chef desquelles la génomique mais
surtout l’exploitation des grandes bases
de données : les « big data ».
Il s’en suit une efficience préventive
et curative de plus en plus grande
dont on ne peut que se féliciter mais
qui risque de donner la priorité à la
maladie plutôt qu’à la personne, au
« cure » plutôt qu’au « care » anglo
saxon.
Les potentiels de la médecine
spécialisée et ses limites
La puissance de cette médecine
nouvelle peut devenir stupéfiante
et enthousiasmante par ses effets
bénéfiques pour le malade.
Le pronostic des cancers, par exemple
dès maintenant, peut s’en trouver
bouleversé au bénéfice évident de la
durée de vie, souvent même du confort
de vie des patients.
Mais elle ne se soucie pas de la
souffrance de la personne, souvent
réduite à un diagnostic et à un traitement.
La médecine spécialisée demande
de plus des équipes nombreuses,
des moyens techniques coûteux, des
médicaments chers. Elle ne peut que
grever lourdement les dépenses sociales,
collectives et solidaires, dévolues aux
soins. Les enveloppes financières
n’étant pas illimitées, le développement
de la médecine de précision risque
bien de se faire au détriment d’autres
actions de santé publique. Elles sont
peu conciliables avec l’économie des
pays en développement… Elles ouvrent
le spectre d’une médecine à deux
vitesses : la médecine spécialisée et
progressiste pour les riches, la médecine
classique conservatrice et moins
efficiente pour les pauvres.
Augmentant la durée de vie, la médecine
de précision augmente par contre coup
la durée et les coûts des traitements de
chaque patient.
III - La Médecine de la Personne
Le role particulier du soignant dans
l’approche de la médecine de la
personne
Le terme « médecine de la personne »
a été utilisé, dès les années mille neuf
cent quarante, par le docteur Paul
Tournier, médecin à Genève, pour
désigner la pratique spécifique de
l’approche clinicienne d’un patient.
Cette pratique médicale repose sur
« l’homme global ». « Elle met l’accent
sur la prise de conscience de la
personne dans son intégralité physique,
psychique, spirituelle, et sa dimension
communautaire et sociale4 ».
Le soignant privilégie alors la dimension
relationnelle et humaine ayant, en soi,
un effet apaisant voire thérapeutique et
même curatif.
La personne souffrante, « ayant perdu la
santé », devient une entité indissociable
bien plus vaste et complexe que ce
qu’impliquerait la seule approche
organiciste, et même psychologique,
de la perte de santé ressentie.
L‘idée est qu’il existe des liens forts et
permanents entre l’insertion sociale et
professionnelle, les accidents affectifs,
pathologiques voire traumatiques de la
vie de la personne et son état de santé5.
La Médecine de la Personne intègre
la relation entre ce qui relève du
psychique et ce qui relève de la
pathologie organique du corps
6
, « elle
reste d’actualité au moment où les
progrès techniques de la médecine et
les contraintes économiques pourraient
réduire l’intérêt de « l’humain » au
dysfonctionnement biologique
techniquement corrigeable7 ». Elle se
caractérise par le fait de prendre soin
de l’autre au moins autant que de le
« traiter » de sa maladie. Elle repose
essentiellement sur les troisièmes
niveaux de savoirs et de relations,
tels qu’énoncés plus haut, étant
nécessairement passés par les deux
niveaux précédents.
Le récit dans la pratique de la
médecine de la personne
Il est traditionnellement dit, « il n’y a
pas de médecine sans récit ». Le récit
concerne au moins autant la personne
dans son entièreté psychologique,
familiale, sociale, citoyenne que les
troubles à connotation médicale dont
elle se plaint.
Siri Hustvedt dans « La femme qui
tremble8 » cite le programme de
médecine narrative de l’Université de
Columbia ayant pour objet d’intégrer l’art
du récit dans la pratique médicale : sans
lui la réalité des souffrances d’un individu
est perdue et la médecine en souffre.
Elle cite Rita Charon : « La connaissance
non narrative tente d’éclairer l’universel
en transcendant le particulier ; la
connaissance narrative, en observant
de près les individus aux prises avec les
conditions de l’existence, tente d’éclairer
ce qu’il y a d’universel dans la condition
humaine en révélant leurs particularités
9
».
Lorsque le médecin veut s’astreindre
à prendre le temps nécessaire à
une vraie relation soignante, en début
de consultation, il convie la personne
à raconter, à exprimer ses plaintes, à
indiquer les signes ressentis de son mal
être, de sa perte de santé. Le médecin
écoute, prend le temps d’entendre,
cherche à comprendre. Il est entièrement
disponible. Il transforme les symptômes
décrits en signes cohérents avec ce qu’il
va rechercher par l’examen clinique du
corps ou de l’esprit.
Il prend part aux souffrances exprimées
dans une compassion et une
bienveillance chaleureuse. Mais il est
concentré sur sa démarche clinique.
Il est disponible à l’autre. Il participe au
« récit ». Il « prend soin ».
Il s’enquiert du contexte familial, social
et professionnel ; du contexte mental
pouvant prendre part ou favoriser le
désordre maladif, du contexte spirituel
si celui-ci est exprimé.
Il prend en compte la personne dans
ce qu’elle est pour elle-même et dans