Méningites bactériennes primitives (MB) de l`adulte

Infections graves du SNC / Dr Gilles Bernardin / Réanimation Médicale, hôpital l’Archet
Méningites bactériennes primitives (MB) de l’adulte
Urgence médicale dont le pronostic dépend de la rapidité d’institution du traitement.
Evoquer le diagnostic de MB
Sur l’association syndrome méningé + fièvre. Mais aussi devant des troubles du comportement,
de la vigilance, des convulsions ou un coma évoluant en climat fébrile. Compte-tenu du
caractère parfois atypique de la symptomatologie (terrain débilité, antibiothérapie inadaptée), le
dogme de la “PL au moindre doute” est plus que jamais d’actualité.
Rechercher des signes de gravité
Présence d’un purpura fulminans, d’une défaillance respiratoire (encombrement, inhalation,
pneumopathie bactérienne, SDRA), circulatoire (choc septique). Prendre les mesures d’urgence
nécessaires si le pronostic vital est immédiatement menacé (remplissage vasculaire, ventilation
mécanique…).
Affirmer le diagnostic par la PL et initier le traitement étiologique
La PL ne doit pas être retardée par le FO ou la TDM++. Prélever un minimum (1mL) de LCR
en cas d’HTIC. LCR pathologique si 5 éléments mononucléés/mm3. Sont effectués: analyse
cytologique (LCR purulent avec hypercytose à polynucléaires altérés, LCR clair paucicellulaire
ou à prédominance lymphocytaire), protéinorachie élevée>1g/l, glycorachie (<2,2mmol/L dans
70% des MB), rapport glycorachie/glycémie<0,3, dosage des lactates, recherche de germes par
examen direct (positif dans 60 à 90% des cas en l’absence d’antibiothérapie préalable) et mise
en culture (positivité > 70%), recherche d’Ag bactériens solubles par contre immuno-
électrophorèse et agglutination au latex (hémophilus, méningocoque A et C, pneumocoque).
Hémocultures systématiques.
+LCRpurulent+germe+Hypoglycorachie
1) diplocoque Gram+: Streptococcus pneumoniae (60%): Terrain (âge, éthylisme, diabète,
splénectomie), porte d’entrée ORL (50%) ou pulmonaire, forme comateuse+, forme fulminante
avec choc septique++, forme récidivante après traumatisme crânien (brèche dure-mérienne),
risque de cloisonnement++,positivité des hémocultures (66%). Cefotaxime (200-300mg/kg/j en
4 fois) ou ceftriaxone (70-100mg/kg/j en 1 ou 2 perfusions). Eventuellement amoxicilline
(200mg/kg/j en 4 à 6 fois) dans les régions la prévalence de la résistance à la pénicilline des
pneumocoques responsables d’infections invasives est de faible niveau. Si présence de signes
de gravité et/ou suspicion de souche à sensibilité diminuée à Péni G (origine géographique du
patient, prévalence locale de la résistance, immunodépression, hospitalisation itérative,
traitement préalable par ßlactamine): C3G + vancomycine (40-60mg/kg/j en 4 perfusions d’une
heure ou perfusion continue après dose de charge de 15 mg/kg). Mortalité 20-30%, séquelles
17%.
2) diplocoque Gram-: Neisseria meningitidis (serogroupe B 66%). Mortalité <10%, séquelles
6%. Sujet jeune, contexte épidémiologique (hiver+), herpes nasolabial, arthralgies, érythème,
purpura fulminans (10% des cas mais mortalité 50%). Amoxicilline 200mg/kg/j ou céfotaxime
200mg/kg/j. Prévention des sujets contact (rifampicine per os 600mg x 2/j pendant 48h pour
l’adulte). Vaccination pour sujets exposés. Déclaration obligatoire.
3) coccobacille Gram+: Listeria monocytogenes. Sujet immunodéprimé (50%). Installation
progressive, signes méningés, encéphalitiques (troubles de conscience, déficit paires
crâniennes). Polymorphisme clinique++: de la méningite pure à la rhombencéphalite isolée.
Formule panachée (lympho/PNN). Bactériémie (33%). Amoxicilline 200mg/kg/j + gentamicine
3mg/kg/j ou cotrimoxazole en monothérapie (SMZ 50mg/kg/j, TMP 10mg/kg/j). Mortalité 33%,
séquelles 33% (troubles fonctions supérieures, déglutition, tonus)
4) coccobacille Gram-: hemophilus influenzae. Facteurs favorisants (asplénie, otite chronique,
fracture du crâne). Céfotaxime 200mg/kg/j.
5) cocci Gram+: staphylococcus aureus. Rarement responsable de méningite communautaire.
Le plus souvent dissémination cérébroméningée au cours d’une septicémie (endocardite).
Oxacilline+aminoside. Si hémoculture négative ou absence d’endocardite oxacilline+péflacine
ou fosfomycine (diffusion++).
+LCR purulent sans germe au direct
Il peut s’agir de: 1) LCR paucibactérien (105/ml); 2) Méningite puriforme aseptique si les
cultures restent négatives: MB décapitée par une antibiothérapie inadaptée, méningite
lymphocytaire bénigne à polynucléose initiale prédominante (coxsackie), réaction méningée
de contiguité (abcès cérébral, empyème sous-dural, formation tumorale, foyer infectieux ORL
para-méningé). TDM impérative++.
En présence de signes d’orientation bactériologique traiter en fonction du germe présumé (cf
supra). En l’absence d’éléments d’orientation traiter par amoxicilline ou C3G. Si il existe des
signes de gravité amoxicilline + C3G.
+LCR clair + Hypoglycorachie
1) Listériose: avec réaction paucicellulaire < 15 éléments/mm3 (rhombencéphalite) ou
hyperlymphocytose prédominante (30%).
2) Forme gravissime de méningite à méningocoque avec LCR quasi acellulaire mais
fourmillant de germes.
3) Méningite tuberculeuse à évoquer de principe.
Après mise en route du traitement, réaliser un scanner cérébral d’autant plus qu’il existe des
signes neurologiques focalisés et/ou un coma profond.
Il fait le diagnostic de la plupart des complications intracrânienne: détection d’un abcés
cérébral, d’un infarcissement, d’un empyème, d’une ventriculite (correspondant
habituellement à une effraction d’un abcés profond dans le système ventriculaire; la TDM
montre le dépot de matériel nécrotique au niveau de l’épendyme ventriculaire), d’un foyer
ORL (sinusite frontale ou maxillaire, ethmoïdite, mastoïdite voire pansinusite). Il permet
d’évaluer la sévérité de l’oedème cérébral (effacement des sillons corticaux, compression des
ventricules, disparition des citernes suprasellaires et périmésencéphaliques). Si à l’admission, la
suspicion d’abcès cérébral est forte (début progressif, signes déficitaires apparus avant les
troubles de conscience, puis signes d’HTIC), il faut instituer le traitement, puis faire le scanner
avant la PL.
Le recours à l’IRM est limité par l’environnement technologique et la nécessité de surveillance
rapprochée du malade de réanimation. Interêt à distance pour bilan de séquelles.
Décider de la nécessité d’un monitorage invasif de la PIC pour traiter l’oedème cérébral
La détection et le traitement spécifique de l’HTIC a permis d’améliorer le pronostic des MB.
Diverses méthodes permettent le monitorage de la pression intracrânienne (PIC):
intraventriculaire, extradurale, intraparenchymateuse (Camino). En pratique, la surveillance de
la PIC est indiquée devant des signes de souffrance cérébrale sévère (Glasgow Coma Score<7)
d’autant plus qu’il existe une instabilité circulatoire ou une insuffisance respiratoire imposant
une ventilation mécanique en pression télé-expiratoire positive. C’est l’aspect scannographique
qui guide le choix de la méthode (intraventriculaire si dilatation ventriculaire, permettant la
soustraction de LCR et l’instillation éventuelle d’antibiotique en cas de ventriculite).
Les mesures de lutte contre l’HTIC (définie par PIC>15mmHg) sont systématiquement
adoptées: position surélevée à 20° tête en rectitude, correction de l’hyperthermie, de
l’hypoxémie (PaO2100mmHg), hyperventilation alvéolaire pour obtenir une hypocapnie
(PaCO2 30-35mmHg (effet vasoconstricteur) par ventilation mécanique si troubles graves de
conscience et/ou état de choc et/ou détresse respiratoire, prévention des crises convulsives
(phénytoïne 100mg/8h).
Maintenir une pression de perfusion satisfaisante (PAM80mmHg pour obtenir une pression
de perfusion cérébrale [PPC=PAM-PIC] supérieure à 50mmHg). Osmothérapie (mannitol)
voire barbituriques (thiopental) en cas d’état de mal convulsif.
L’intérêt de la corticothérapie (dexaméthasone 0,15mg/kg/6h pendant 3J à débuter 15mn
avant la première perfusion d’antibiotique), pour limiter le processus inflammatoire cérébral, a
été démontré formellement pour la méningite à hémophilus de l’enfant (réduction des
séquelles auditives). A l’heure actuelle pas de consensus en ce qui concerne l’adulte.
Rechercher les foyers infectieux associés
1) Porte d’entrée: foyer ORL paraméningé, pneumopathie bactérienne. L’éradication du foyer
ORL fait partie intégrante du traitement de la méningite (drainage/lavage en cas de sinusite
frontale ou maxillaire, ethmoïdectomie, antromastoïdectomie…).
Infections graves du SNC / Dr Gilles Bernardin / Réanimation Médicale, hôpital l’Archet
2) Autre localisation: chercher une endocardite devant l’association pneumopathie + méningite
Contrôler l’efficacité du traitement
L’espace sous-arachnoïdien ne possédant pratiquement pas d’immunité locale, il est nécessaire
d’obtenir des concentrations élevées d’antibiotiques dans le LCR pour déterminer une
bactéricidie in situ ([AB]LCR=10xCMB). Contrôle de la PL à la 48ème heure (pour certains
non obligatoire si méningocoque). Dans le cas d’un pneumocoque la résistance croisée aux
ßlactamines est recherchée à l’aide d’un disque d’oxacilline. Cette détection est complétée par
la détermination des CMI (méthodes de dilution ou E-test). Pour H. influenzae, rechercher la
production de ßlactamase.
La décision d’arrêt du traitement reste empirique, basée sur la normalisation de la clinique,
l’évolution du LCR (stérilisation avec diminution de la cellularité et apparition d’une formule
lymphocytaire, et l’obtention d’une apyrexie persistante (7J). Durée approximative: 7-10j
pour méningocoque, 10-15 J pour un pneumocoque (+prolongée si réponse clinique lente ou
réduction de la sensibilité de la souche à la pénicilline), 3 semaines pour une listériose.
Détecter et traiter les complications évolutives
Cloisonnement méningé (hydrocéphalie, pyocéphalie): l’évoquer sur la notion de MB à
pneumocoque, ventriculite associée, grande hyperprotéinorachie. Ponction ventriculaire avec
antibiotiques locaux. Atteinte des nerfs crâniens et surdité. Thrombophlébite cérébrales
(IRM+++). Lésions ischémiques par vascularites. Encéphalite pré-suppurative et abcés.
Méningo-encéphalites à liquide clair de l'adulte
Fréquentes, mais le plus souvent bénignes et spontanément curables. Problème dominé par
l’encéphalite herpétique qui représente l’Urgence Absolue.
Physiopathologie: 2 mécanismes
atteinte post-infectieuse: se manifeste alors que le patient est en train de guérir d’une infection
virale, mécanisme d’ordre immunitaire ou allergique. Se voient après rougeole, varicelle, zona,
oreillons, rubéole, grippe, MNI. C’est aussi le cas des encéphalites "post-vaccinales".
aggression directe: HSV, Rage, Poliovirus, Enterovirus, Varicelle, Rougeole, oreillons, rubéole,
Mycoplasma, Arbovirose
Savoir évoquer une encéphalite virale: sur,
+Etat fébrile aigu récent
Troubles du comportement, de la conscience, de l'humeur - Céphalées - Convulsions - Signes
déficitaires ± syndrome méningé
+ Liquide clair, normoglycorachique < 500 cellules/mm3, lymphocytes+++
Conduire en parallèle diagnostic et thérapeutique
! Il n’y a pas de manifestations extra-neurologiques:
Encéphalite herpétique réalisant une nécrose hémorragique fronto-temporale liée au HSV1
(herpes simplex virus 1). 2 pics de fréquence: < 20 ans et > à 40 ans. 70% de réactivation et
30% de primo-invasion. Atteint des sujets apparemment sains sans immunodépression connue
par cas sporadique, sans prédominance saisonnière. Incidence de 2 à 3 par million d’habitants
en france (12 à 14% des encéphalites virales). Non traitée: mortalité 80%, séquelles+++ chez les
survivants.
Clinique:T˚ 39-40 ˚C. Atteinte temporale (90%): aphasie, trouble de l’humeur, hallucinations
olfactives, trouble de mémoire, confusion. Signes de dysautonomie (60%). Convulsions (40%).
LCR: 5 - 500 éléments (150 en moyenne). Trés rarement normal au début ou au contraire
contenant des polynucléaires non altéres, parfois hémorragique. Protéinorachie modérée (0,5 à
2 g/l). Séroconversion dans le LCR à 15 j d’intervalle. Rapport Ac sérum/LCR < 20 évoque une
sécrétion locale. A la phase précoce détection intrathécale d’interféron (pas spécifique mais
suggestive). Détection (IE) d’Ag herpes dans le LCR. Détection par PCR d’ADN HSV dans le
LCR (restant positif 5 j après début de traitement par aciclovir).
EEG: onde lentes pseudopériodiques (3c/sec), siège temporal, visible du 3-5ème au 12ème J
environ (sensibilité 84%, spécificité 32%).
TDM: lésion souvent retardée (J 10). Hypodensités temporales prenant le contraste en
périphérie + œdème. Bilatéralisation fréquente.
Biopsie cérebrale: exceptionnellement effectuée après echec du traitement antiviral si doute
persistant avec une autre étiologie. Isolement du virus par culture cellulaire (sur cellules
diploïdes MRC5) et/ou mise en évidence des inclusions virales en M.E et identification de
l’antigène correspondant (IF).
Traitement: Aciclovir (Zovirax®) 15 mg/kg/8h pendant 21J.
Méningo-encéphalite listérienne
Listéria Monocytogenes (coccobacille mobile Gram +) est responsable de tableaux
neurologiques variés: méningite, encéphalite, méningo-encéphalite, rhombencéphalite. La
présentation sous forme d’un coma fébrile n’est pas rare. Fréquence de l’atteinte des paires
crâniennes: ophtalmoplégie, paralysie faciale, paralysie vélopalatine (fausse route, toux
inefficace). Atteintes des voies longues. Syndrôme cérébelleux et mouvements anormaux
athétoïdes.
LCR : classiquement formule panachée, souvent lymphocytaire (30%), plus rarement
polynucléaires altérés; hypoglycorachie, hyperlactacidorachie, LDH augmentées; examen
direct très souvent négatif (faible inoculum). Parfois LCR normal ou paucicellulaire (<15/mm3)
avec une glycorachie normale (jusqu’à 35%). Intérêt ++ des hémocultures (rhombencéphalite
peu fébrile à LCR normal).
TDM: recherche encéphalite présuppurative ou abcés constitué.
IRM: recherche microabcés du tronc cérébral si rhombencéphalite.
Traitement antibiotique : association synergique amoxicilline / aminoside ou SMZ + TMP
(Bactrim®).
Toute manifestation neurologique fébrile de cause non évidente doit systématiquement faire
envisager la possibilité d'une encéphalite herpétique et débuter au moindre doute un traitement
par aciclovir ± associé à un traitement anti-listéria
Méningo-encéphalite à BK: si le début est subaigü sur 15j (céphalées, vomissements, syndrôme
méningé peu marqué).
1 fois sur 2 patient immigré. Antécédents BK ou contage récent 30 à 50% des cas. Révélée par
comitialité, déficit central (hémiparésie, aphasie), paralysie des nerfs craniens, troubles
mentaux. Image pulmonaire évolutive (50%); miliaire (35%). IDR positive. LCR (3 PL en
24h): réaction cellulaire nette < 500/mm3, protéinorachie 1- 2g; hypoglycorachie; BK détecté à
l’examen direct dans seulement 7% des cas sur la 1ère PL (faire 3 PL sur les 24 premières
heures pour améliorer le rendement). Culture + dans 80% des cas.. Détection Ag bactérien par
PCR.
TDM : tuberculome, dilatation ventriculaire, augmentation de densité des circonvolutions,
sillons, citernes (arachnoïdite).
Quadruple antibiothérapie: Rifampicine (RIFADINE) 10mg/kg + Isoniazide (RIMIFON)
5mg/kg + Ethambutol (MYAMBUTOL) 20-25mg/kg + Pyrazinamide (PIRILENE) 30mg/kg/j.
Contrôler fonctions hépatiques, rénales, visuelles. Traitement pendant 18 mois dont 9 mois de
quadrithérapie. Associer une corticothérapie dans les formes graves vues tardivement
" Il y a des manifestations extra-neurologiques:
Syndrôme mononucléosique: Encéphalite de primo-infection VIH (5 à 10% des primo-
infections) à traiter par une association antirétrovirale, EBV (mononucléose infectieuse), CMV
à traiter par ganciclovir (CYMEVAN) ou foscavir (FOSCARNET), Toxoplasmose.
Signes cutanés: Fièvre éruptive (rougeole, rubéole, varicelle), Herpes zoster (corticothérapie ou
immunodéprimés), virus ourlien (oreillons), adenovirus, entérovirus, maladie Lyme,
rickettsiose.
Signes respiratoires: Mycoplasma pneumoniae (adulte jeune, coombs positif, agglutinine froide
à 1/64e), légionellose (avant signes respiratoires), adénovirus.
Signes digestifs: tuphos des salmonelloses graves.
Infections graves du SNC / Dr Gilles Bernardin / Réanimation Médicale, hôpital l’Archet
Contamination hors de France Métropolitaine: Arbovirose (Fièvre hémorragique), rage
(morsure suspecte), trypanosomiase africaine (Afrique tropicale et équatoriale),
neuropaludisme.
…Enfin, il faut aussi savoir discuter “ce qui n’est pas une encéphalite infectieuse”
hémorragie méningée, thrombophlébite cérébrale, méningite carcinomateuse, maladie
systémique (sarcoïdose, collagénose)…
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