AVANT-PROPOS
L n’y a pas longtemps encore qu’il était de mode de se
moquer des Croisades. Les raisonneurs, qui ne voyaient qu’à
leur superficie ces grands pèlerinages militaires, auraient pu les
épargner, d’abord pour la teinte noble et poétique qui les
entoure ; ils auraient pu considérer ensuite que, si les Croisades
n’avaient pas achevé ce que Charles Martel avait commencé dans
les plaines de Tours, si les étendards chrétiens n’eussent pas
inspiré quelque effroi aux bannières infidèles, les Turcs, qui ne
prirent Constantinople qu’au quinzième siècle, s’en fussent
emparés au douzième ; les Sarrasins, que deux cents ans de
combats retinrent en Asie, fussent venus alors, avec plus de
succès qu’au huitième siècle, envahir l’Europe divisée en mille
petites principautés désunies.
On pourrait parler aussi du commerce, dont la renaissance
remonte aux Croisades, des arts, qui nous revinrent de l’Orient,
des inventions que les Croisés apportèrent, de la liberté qui se
retrempa dans les camps. On ajouterait même, sans craindre de se
heurter à des contradicteurs bien solides, qu’il était beau de
rétablir la foi aux saints lieux où elle est née, qu’il était doux de
penser que Jérusalem était chrétienne, et que nous avions des
frères qui priaient pour nous sur le tombeau de Jésus-Christ ; que
nous avions des parents ou des compatriotes à Bethléem, à
Nazareth, au Thabor, au mont Sinaï, aux rives du Jourdain ; que
la terre consacrée par nos mystères révérés n’était pas souillée
tous les jours des profanations de l’Islamisme ; que le mont des
Oliviers ne donnait ses ombrages qu’à des chrétiens et que nous
pouvions, avant le jugement dernier, aller tomber devant Dieu
dans la vallée de Josaphat.
Oh ! si la Palestine fût restée soumise à la Croix, qu’elle serait
différente de ce qu’elle apparaît, triste et désolée, aux voyageurs
qui entreprennent le saint pèlerinage. La seule contrée de cette
patrie auguste de l’Homme-Dieu qui soit habitée par des enfants