Depuis et en dépit de l’interdiction posée par le législateur, les juridictions sont encore
confrontées à de telles demandes qui ne se fondent plus sur la possibilité de persévérer dans le
processus d’aide médicale à la procréation mais sur la restitution des gamètes conservés.
Ainsi le 22 juin 2010, dans une affaire fortement médiatisée, la Cour d’appel de Rennes a
refusé à une veuve la restitution des paillètes de sperme de son défunt mari. Celui-ci avait
formé auprès du CECOS de l’Ouest une demande d'auto conservation de ses gamètes à visée
thérapeutique (conformément à l’article L. 2141-11 du Code de la santé publique). Saisis en la
forme des référés, les juges du fond ont considéré que la mort du mari était un obstacle à la
restitution des paillètes à l’épouse quand bien même celle-ci invoquait avoir reçu dans la
succession de son mari un droit de créance à l’encontre du CECOS12. En effet, les
dispositions contractuelles empêchaient que les gamètes soient restitués à une autre personne
que le patient pour le compte duquel ils sont conservés (solution en outre conforme aux
dispositions de l’article 1122 du Code civil). De plus, la restitution des gamètes tendait à
permettre à la veuve de bénéficier d’une aide médicale à la procréation en contravention des
dispositions du Code de la santé public et du Code civil. En l’absence de trouble
manifestement illicite, la demande de restitution a été rejetée.
À l’image de la France, certains États européens refusent également la réalisation des
techniques d’aide médicale à la procréation après le décès de l’un des membres du couple
(Suisse13, Italie14, Finlande15, Danemark16).
À l’inverse, certaines législations européennes autorisent au cas par cas les procréations
médicalement assistées post mortem à l’instar de l’Allemagne17 ou du Luxembourg 18 .
Quelques législations européennes, comme la Belgique19, le Royaume-Uni20, l’Espagne21 ou
12 TGI Rennes, ord. réf., 15 oct. 2009, JCP éd. G 2009, 377, note J.-R. Binet, D. 2009, p. 2758, note
C. Chabault-Marx ; CA Rennes, 22 juin 2010, JCP éd. G 2010, 897, note A. Mirkovic.
13 Art. 3, 4e de la loi fédérale sur la procréation médicalement assistée, 18 déc. 1998.
14 Art. 5 de la loi n° 40 du 19 fév. 2004 relative aux règles sur les procréations médicalement assistées (« Norme
in materia di procreazione medicalmente assistita »).
15 Art. 6, Loi sur les traitements de procréation assistée (1237/2006).
16 Les documents de travail du Sénat, « L'accès à l'assistance médicale à la procréation », Législation comparée,
2009, p. 14.
17 Peut être condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans ou à une amende, quiconque féconde
sciemment un ovule avec le sperme d’un homme décédé (§ 4, Loi sur la protection des embryons du 13 déc.
1990, entrée en vigueur le 1er janv. 1991). Cependant, le transfert d’embryon n’est pas explicitement prohibé par
la loi et il peut être exceptionnellement autorisé dans le cadre d’un projet parental clairement défini. Cette
exception s’explique par le fait que l’implantation de l’embryon dans le corps de la femme a pour finalité de
sauver une vie : Conseil de l’Europe, « Assistance médicale à la procréation et protection de l’embryon
humain », 1998, p. 44 et Conseil d’État, « Les lois de bioéthique : cinq ans après », Les études du Conseil d’État,
La documentation française, 1999, p. 44.
18 Le Luxembourg partage, dans une certaine mesure, cette conception. Il n’existe aucune législation spécifique,
mais la Commission consultative nationale d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, dans un avis rendu
en 2001, a indiqué que « l’insémination post mortem et l’implantation d’embryons post mortem peuvent être
légitimes dans une optique éthique ». C’est à l’équipe médicale d’évaluer les conditions dans lesquelles de tels
procédés peuvent être autorisés : Commission consultative nationale d’éthique pour les sciences de la vie et de la
santé, avis 2001.1, « La procréation médicalement assistée », p. 104.
19 Selon l’article 7 de la loi du 17 juil. 2007 relative à la procréation médicalement assistée et à la destination
des embryons surnuméraires et des gamètes, une convention est rédigée avant tout acte médical entre la ou les
personnes souhaitant bénéficier d’une technique d’aide à la reproduction et le centre de fécondation.
L’implantation ne peut avoir lieu qu’après l’expiration d’un délai de six mois à compter du décès et dans les
deux années qui suivent.
20 Au Royaume-Uni, la personne qui décide de recourir aux techniques d’aide médicale à la procréation doit
préciser par écrit quel sort sera réservé à ses gamètes ou aux embryons conçus à partir de ses gamètes si elle
vient à décéder. L’homme peut être enregistré comme père de l’enfant lorsque l’insémination artificielle est