Pâques 4 - Abbaye de Rougemont

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Abbaye cistercienne Notre-Dame de Nazareth, Rougemont
17 avril 2016
HOMÉLIE: LE BON BERGER
Père Jacques , o.cist.
Actes 13,14.43-52
Ps 99
Apocalypse 7,9.14b-17
Jean 10,27-30
Nous ne sommes plus aussi familiers avec la vie
d’un berger et de ses moutons que ne l’étaient les
contemporains de Jésus. Il est donc possible que
des détails de l’Évangile soient un peu obscurs pour
nous. On en connaît assez pour savoir que, le jour,
les moutons sont conduits par les bergers dans les
pâturages. Puis que, le soir, ils reviennent au
village (ou au campement).
Ceux qui en savent un peu plus nous apprennent que les moutons, appartenant à
différents propriétaires, sont enfermés, tout pêle-mêle, pour la nuit, dans un «bercail»,
une espèce d’enclos en rond, entouré d’un mur fait avec des pierres superposées. Un
gardien veille, parce que c’est souvent de nuit que les voleurs viennent. L’Évangile dit,
vous vous souvenez : «Celui qui escalade le mur, ce n’est pas le bon pasteur, c’est le
voleur et le brigand». Pour faciliter la surveillance, l’enclos où ils sont enfermés n’a
qu’une seule porte. Jésus dit : «Je suis la porte. Il n’y a pas d’autre entrée, pas d’autre
accès que moi.»
Et, au lever du jour, chaque berger se rend au bercail et appelle ses brebis à lui, en
poussant un cri particulier. Et chacune des brebis reconnaît le cri de son berger à lui,
distinct du cri des bergers étrangers. Cette caractéristique, cette capacité à reconnaître
la voix de son berger, le mouton l’a à sa naissance. L’agneau, dès les premiers moments de
son existence, doit être capable de reconnaître le cri de sa mère, distinct des cris des
autres brebis. Les mouvements du troupeau (ça bouge, ça se mélange) font que la mère et
son petit ne sont que rarement côte à côte. Quand vient le temps d’allaiter, la mère
pousse son cri et son agneau, peu importe où il est dans le troupeau, accourt, parce qu’il
reconnaît sa voix.
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D’autres animaux font cela aussi: les phoques, les pingouins. La maman pingouin, quand
elle revient sur la banquise après avoir été pêcher, pousse un cri. Et son petit pingouin,
parmi des milliers d’autres mamans pingouin qui crient toutes en même temps, reconnaît
LE cri de sa mère.
«Mes brebis écoutent ma voix. Elles n’écoutent pas la voix des étrangers. Moi, je les
connais et elles me suivent.»
C’est chaque
Il y a un lien absolument unique et absolument personnel
personne qui est
entre Jésus et moi. Pour Jean, ma relation avec Jésus, ce
intimement liée à
n’est pas ici une relation de troupeau… C’est chaque brebis,
Jésus, par un lien
c’est chaque personne qui est intimement liée à Jésus, par un
tout à fait personnel:lien tout à fait personnel: Lui, Jésus, et moi.
Lui, Jésus et moi.
On pourrait prendre l’image du berger pour dire plein de choses. Saint Jean sait bien
qu’un bon berger est quelqu’un qui marche avec le troupeau et qui le guide vers les bons
pâturages, comme dit le Ps 22. Il n’en dit rien. Ce n’est pas ça qui l’intéresse. Tout ce
qu’il retient, dans ce texte, c’est ce lien d’intimité entre lui, Jésus, et chacune de ses
brebis.
Saint Jean sait bien qu’un bon berger connaît les meilleurs coins d’herbe, les sources
cachées, les petits coins tranquilles. Il n’en dit rien. Tout ce qu’il dit du berger et de ses
brebis, c’est ce lien d’intimité, de connaissance mutuelle.
Saint Jean sait bien qu’un bon berger guide, garde, soigne. Il n’en dit rien. Tout est, pour
lui, dans ce lien d’intimité. Saint Jean sait bien que le berger protège ses brebis contre les
animaux rapaces. Il le mentionne à peine, parce que, pour lui, ce qui compte, c’est
l’intimité entre Jésus et chacun (chacune) de nous.
L’Ancien Testament présente souvent Yahweh comme ce berger qui panse la brebis
blessée, qui ralentit la marche de celle qui allaite, qui prend soin de celle qui est grasse…
et ainsi de suite. Saint Jean ne reprend aucun de ces thèmes.
Jésus est d’une incroyable proximité amoureuse avec moi et rien d’autre n’a de
l’importance. Le 4e évangile sait bien que l’Église existe, que nous formons un
rassemblement que le Christ conduit, que les croyants ont une vie communautaire, qu’ils
forment un ensemble et qu’il y a des dirigeants (des pasteurs) à leur tête. Mais pour lui la
Bonne Nouvelle, ce qu’il y a de fondamental et d’irremplaçable, c’est ce lien particulier
que chacun a avec Jésus.
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Ailleurs dans son Évangile, Jean va prendre le verbe «demeurer» pour essayer d’exprimer
cette incroyable proximité entre Jésus et chacun de nous: «Demeurez en moi comme moi,
je demeure en vous.» Ici, Jean exprime tout ça par le verbe «connaître». «Connaître»,
qui, dans la Bible, exprime une correspondance profonde entre deux êtres, deux êtres qui
se comprennent, qui échangent entre eux, dans une parfaite harmonie. Une communion
des cœurs et des esprits. Bref, l’union de deux personnes dans un amour réussi.
Jésus connaît chacune de ses brebis personnellement. Et moi, sa brebis, je sais le
reconnaître, non pas tellement par la tête, à coup d’arguments et de preuves, mais tout
simplement par une familiarité, un pressentiment du cœur. Ce pressentiment, qui n’est
pas un sentiment superficiel, je l’ai reçu au baptême, comme un nouveau sens, un instinct
divin, un flair spirituel, qui me permet de reconnaître Jésus, à chaque fois qu’il le faudra.
Même quand il se cache provisoirement.
Et, dans cette relation d’écoute, d’intimité, il me donne la
vie éternelle. «Je leur donne la vie éternelle. Jamais, elles
ne périront…» La vie éternelle que Jésus donne n’est pas
autre chose que l’admission du croyant dans l’intimité qu’il y
a entre le Père et le Fils. Et cette intimité va tellement loin,
il y a une telle connaissance amoureuse mutuelle que les
brebis vivent comme blotties dans la main du pasteur, en
toute sécurité.
La vie éternelle est
l’admission du
croyant dans
l’intimité qu’il y a
entre le Père et le
Fils.
«Personne ne les arrachera de ma main.» C’est là leur lieu et leur demeure. Est-ce nous
qui nous accrochons à Jésus? Est-ce Jésus qui s’accroche à nous? C’est tout un. Les deux
attachements se valent et s’appellent l’un l’autre : «Demeurez en moi, comme je
demeure en vous.» Comme s’il disait : «Accrochez-vous à moi, comme moi, je m’accroche
à vous.» N’est-ce pas le Père qui les a confiées au Fils?
Et alors, que peut-il m’arriver? Si je suis dans la main de Jésus? De quoi est-ce que j’ai
peur? Si je suis dans la main du Fils? Si je suis dans la main du Père? Parce que bien des
épreuves m’attendent. Je suis encore en route. Mais «Qui nous séparera de l’amour du
Christ?… Ni la mort, ni la vie, répondait saint Paul…. Ni le présent ni l’avenir… ni aucune
autre créature. Rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus
Christ.»
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