1.1 Ce que veut dire « génétiquement modifié »
Cette première section vise à présenter un certain nombre de notions de base à
propos de la modification génétique. Ces notions sont en effet essentielles
pour comprendre l’impact des OGM (organismes génétiquement modifiés)
sur la santé humaine et sur l’environnement.
Les OGM sont des organismes, c’est-à-dire des plantes, des animaux, ou des
micro-organismes. Une partie de leur patrimoine génétique (ou génome1) a été
altérée à l’aide de la biotechnologie, dans le but de leur attribuer une ou des
caractéristiques nouvelles. Ils deviennent ainsi différents des organismes à
l’état naturel.
L’expression OGM ne s’est imposée que depuis une dizaine d’années. Elle est uti-
lisée surtout dans le domaine de l’alimentation, mais des modifications géné-
tiques de plantes, d’animaux et de micro-organismes se font dans bien d’autres
sphères d’activité, comme la pharmacologie et la production de matériaux
industriels. Les OGM destinés à la consommation alimentaire sont ceux qui
soulèvent en ce moment les débats les plus passionnés à travers le monde.
Chez tous les êtres vivants (animaux, plantes, bactéries et plusieurs familles de
virus), l’information nécessaire au développement de l’organisme et à sa
reproduction se trouve stockée dans une même substance, l’ADN (acide
désoxyribonucléique). L’universalité du langage génétique rend possible la
production d’OGM, c’est-à-dire le transfert de gènes d’une espèce à une autre.
Les gènes sont des segments d’ADN qui portent les instructions nécessaires à
l’expression d’un ou plusieurs caractères (voir encadré et schéma). Quels que
soient le règne ou l’espèce, tous les gènes sont composés de la même substance
chimique. Les instructions qu’ils contiennent sont en principe transportables
d’un organisme à un autre. Ainsi, un caractère codé génétiquement, par
exemple une résistance au froid ou à certains virus, peut être transféré d’une
plante à une autre, ou d’un animal à un végétal.
La technologie de la transgenèse consiste à insérer un gène étranger dans le
génome d’un organisme, de façon à ce que cet organisme acquière de nouvelles
caractéristiques. C’est ce qui produit un OGM, c’est-à-dire un organisme dont
le génome a été altéré par transgenèse.
La transgenèse
Les gènes
Universalité du
langage génétique
Définition des OGM
5
Chapitre 1 Les OGM : de quoi parle-t-on?
chapitre
1
Les OGM : de quoi parle-t-on?
1. Les termes techniques utilisés dans ce rapport sont définis dans le glossaire en annexe.
DE LADN AUX OGM
Une compréhension de plus en plus fine de la façon dont se produit, à l’échelle molécu-
laire, la synthèse des protéines, permet à l’être humain d’intervenir dans ce processus et
de faire apparaître « sur mesure » des caractéristiques différentes ou nouvelles chez dif-
férents organismes vivants.
Dans une molécule d’ADN, l’information génétique est codée dans un « langage » chimi-
que de quatre bases azotées : l’adénine (A), la cytosine (C), la guanine (G) et la
thymine (T). Ces bases sont reliées par paires : l’adénine se lie avec la thymine et la cyto-
sine avec la guanine. Chaque base est soutenue par une armature formée d’un sucre et
d’un phosphate. L’ensemble base-sucre-phosphate constitue ce qu’on appelle un
nucléotide. C’est l’enchaînement de ces nucléotides en deux rubans interreliés, enroulés
l’un autour de l’autre, qui forme la longue structure en double hélice caractéristique de
l’ADN. Un gène est composé de nucléotides (entre quelques milliers et plus d’un million).
L’ADN se retrouve dans chaque cellule d’un organisme vivant (à l’exception des globules
rouges). Chez les plantes et les animaux, cette molécule est enfermée dans le noyau.
Associée à des protéines, elle se distribue en blocs complexes appelés chromosomes.
Tous les organismes d’une même espèce ont le même nombre de chromosomes; il y a,
par exemple, 23 paires de chromosomes chez l’être humain.
Dans chaque chromosome, on retrouve un certain nombre de gènes. En s’activant (on dit :
« en s’exprimant »), chaque gène fournit les instructions nécessaires à la synthèse de pro-
téines, matériaux constituants des tissus vivants. Bien que l’ensemble des chromo-
somes soient présents dans chacune des cellules de l’organisme, tous les gènes ne sont
pas exprimés partout.
Une protéine est un polypeptide (séquence plus ou moins longue d’acides aminés) ou
une molécule formée de plusieurs polypeptides. Les protéines peuvent jouer différents
rôles dans la constitution ou le métabolisme des organismes, comme éléments de
structure, comme enzymes, comme hormones, comme anticorps, etc.
Pour fabriquer une protéine particulière (ou un des polypeptides entrant dans la com-
position d’une protéine), la séquence de nucléotides du gène qui contient les instructions
nécessaires est d’abord transcrite dans une molécule d’ARN (acide ribonucléique).
C’est ce qu’on appelle la transcription. L’ARN dit « messager » achemine ensuite les
instructions à l’extérieur du noyau, dans le cytoplasme de la cellule. C’est là qu’ont lieu
la lecture des instructions et la synthèse du polypeptide par assemblage des molécules
d’acides aminés. Ce processus s’appelle la traduction.
Le système de codage permettant la transcription et la traduction est universel. Il y a tou-
jours la même correspondance entre les séquences de nucléotides de l’ADN
2
et les acides
aminés constituant les protéines synthétisées à partir de cet ADN. C’est ainsi qu’un orga-
nisme peut être modifié en ajoutant ou en soustrayant des séquences de nucléotides, à
différents endroits de la molécule d’ADN.
6OGM et alimentation humaine : impacts et enjeux pour le Québec
2. On parle bien de l’ADN présent dans le noyau de la cellule. Il y a aussi de l’ADN dans d’autres par-
ties de la cellule, les mitochondries, dont le code génétique présente certaines différences.
7
Chapitre 1 Les OGM : de quoi parle-t-on?
trancription
La transcription a lieu dans le noyau
où sont situés les chromosomes.
Le brin d’ADN pour la protéine
à synthétiser s’ouvre et est transcrit
en une molécule d’ARN messager.
La traduction a lieu
dans le cytoplasme de la cellule.
L’ARN messager sort du noyau
pour rejoindre un ribosome
où a lieu l’assemblage des acides
aminés qui vont constituer
une protéine.
Une protéine peut être constituée
d’un ou de plusieurs polypeptides
(chaînes d’acides aminés).
ribosome
ARN messager
Protéine constituée
de trois polypeptides
brin d’ADN
(gène)
chromosome
noyau
cellule
La synthèse des protéines
plante
La synthèse des protéines
s’effectue en deux grandes étapes :
La transcription et la traduction.
acides aminés
traduction
La modification génétique provoque un changement recherché dans l’orga-
nisme. Par exemple, un soya pourra résister à un herbicide. Une tomate se con-
servera plus longtemps. De telles caractéristiques dépendent de la présence de
certaines protéines particulières dans un organisme, et donc de la présence du
ou des gènes qui en assureront la fabrication.
Un exemple connu est celui du maïs Bt, dont plusieurs variétés sont cultivées
depuis 1996 au Canada et aux États-Unis. Bt est l’abbréviation de Bacillus
thuringiensis, une bactérie du sol qui produit naturellement de grandes quantités
d’une substance insecticide, la protéine « cristal » (Cry) ou toxine Bt. Les toxines
Bt sont utilisées comme biopesticides en agriculture depuis des décennies. Le
maïs Bt est un maïs qui a été modifié génétiquement pour produire lui-même
la toxine et devenir ainsi résistant à différents insectes ravageurs comme la
pyrale du maïs, un lépidoptère parasite. L’opération de transgenèse a consisté
à introduire dans le génome de la plante le gène de la bactérie Bt qui permet la
synthèse de la toxine.
La transgenèse pourrait en théorie introduire tout trait génétique appartenant
à un organisme dans un autre organisme. Elle n’est pas limitée par les barrières
d’espèces ou de règnes.
1.2 Comment fabrique-t-on des OGM?
La transgenèse fait appel à des techniques complexes3. Ces techniques —
qu’on ne peut décrire en détail ici — sont différentes pour les plantes et pour les
animaux. Globalement, les étapes de la transgenèse sont les suivantes (voir
schéma) :
1) Un gène d’intérêt, soit la séquence de nucléotides codant le caractère
désiré, est sélectionné. Ce gène peut provenir du génome d’un animal,
d’un végétal ou d’un micro-organisme. Ou encore, il peut être synthétique.
2) Le gène est purifié, puis inséré dans une construction génétique qui com-
prend habituellement, un promoteur et un ou deux gènes marqueurs (voir
plus bas). Il devient ainsi un transgène.
3) La construction génétique ainsi obtenue est multipliée, puis introduite
dans des cellules hôtes.
4) La transgenèse ne réussit que dans un tout petit nombre de cas (un taux de
succès de 1 % ou moins n’est pas rare). Aussi faut-il identifier et sélectionner
au moyen d’un test les cellules où le gène a pu s’intégrer au génome de l’or-
ganisme.
Principales étapes
de la transgenèse
Maïs Bt
8OGM et alimentation humaine : impacts et enjeux pour le Québec
3. Par exemple, l’utilisation d’enzymes de restriction comme outils de fragmentation de la molécule
d’ADN, la multiplication des brins d’ADN par PCR (réaction de polymérisation en chaîne), la com-
binaison de segments d’ADN de provenance différente (ADN recombinant ou ADNr), la pré-
paration de vecteurs tels que plasmides ou phages (virus parasitaires) pour effectuer le transfert
de gènes, des tests de sélection pour repérer les cellules où le transfert a réussi (typique-
ment : un test de résistance à un antibiotique ou à un herbicide), le clonage de cellules géné-
tiquement modifiées, etc.
9
Chapitre 1 Les OGM : de quoi parle-t-on?
gène d’intérêt
Un exemple de transgenèse végétale
Choix du gène d’intérêt à
transférer provenant du génome
d’un animal, d’un végétal
ou d’un microorganisme. gène marqueur de clonage
gène marqueur de sélection
des cellules végétales transformées
E. coli
plasmide désarmé
Jonction du gène d’intérêt à un plasmide désarmé
et introduction du plasmide à l’intérieur d’un
vecteur de clonage (bactérie E.coli)
afin qu’il soit recopié en plusieurs exemplaires.
Multiplication
de la bactérie
Isolement des plasmides
contenant le gène d’intérêt
et introduction de ceux-ci
à l’intérieur de
la bactérie de transfert
(agrobactérie A.tumefaciens).
Transfert du gène/des gènes d’intérêt
aux cellules végétales mises en culture.
Élimination des cellules
ne possédant pas le
gène d’intérêt.
Croissance des cellules végétales
jusqu’à l’obtention d’une plante
dont toutes les cellules possèdent
le gène d’intérêt.
plante
A. tumefaciens
cellule végétale
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !