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crise économique profonde, analogue à celle de
1929. La dépression mondiale a donc été évitée.
Toutefois, on ne peut être aujourd’hui que déçu
de l’effet des politiques monétaires
quantitatives : depuis la chute de Lehman
Brothers, les interventions du Fed, de la Banque
centrale européenne, de la Banque
d’Angleterre, de la Banque du Japon sur les
marchés n’ont pas cessé. En sept ans, le bilan de
la Réserve fédérale américaine a été multiplié
par 6 ! Cependant, le monde développé est au
bord de la déflation. Comment expliquer ce
paradoxe ?
L’action des banques centrales ne suffit pas à
endiguer les pressions désinflationnistes.
Cette contradiction apparente a été résolue par
les partisans de l’Ecole monétariste américaine,
qui pointent l’écart entre la monnaie créée par
la banque centrale et la monnaie d’origine
privée créée par le système bancaire, via le
truchement du multiplicateur de crédit. La
monnaie « banque centrale », remarquait
récemment H. Lepage, ne représente qu’une
faible part des liquidités fabriquées par le
système bancaire. C’est pourquoi, malgré
l’ampleur apparente des mesures d’achats
d’actifs, la masse monétaire au sens le plus large
(M3) ne progresse que très lentement et se
contracte dans les pays les plus touchés par la
crise.
Aux prises avec les forces déflationnistes, les
banques centrales ont donc adopté une
politique finalement plutôt restrictive. C’est en
particulier le cas de la Banque centrale
européenne, qui est handicapée par les
contraintes du consensus politique. L’annonce
au début de l’année 2015 d’un vaste
programme de rachat d’obligations souveraines
à hauteur de 60 milliards d’euros par mois
n’infirme pas cette analyse, dans la mesure où,
en faisant porter à chaque institut d’émission
l’essentiel du risque de défaut, elle consacre la
fragmentation financière de la zone euro, sans
garantir la relance du crédit. En revanche, elle
est de nature à accentuer la pression sur les
marchés de la dette souveraine d’Europe du
Sud, au fur et à mesure que les opérateurs de
marché prendront conscience des déséquilibres
sous-jacents en Zone euro.
La hausse du dollar oblige la croissance
mondiale à trouver de nouvelles sources de
financement.
Comme indiqué précédemment, les Etats-Unis
ont connu pendant plusieurs décennies une
balance des paiements déficitaire. Ce
phénomène est en train de s’inverser : malgré la
bonne santé de l’économie américaine, le déficit
courant américain est à un niveau proche de
celui observé lors de la récession de 2009 et,
rapporté au PIB, il est revenu
approximativement au pallier du début des
années 1990.
Comme le remarque notamment R. Nappier,
cette évolution s’appuie sur des tendances de
long terme : l’exploitation à grande échelle des
hydrocarbures de schiste, la hausse de la
compétitivité industrielle et l’arrivée à l’âge de
la retraite des cohortes issues des générations
d’après-guerre. Les américains envoient donc
moins de dollars à l’extérieur. De nature
structurelle, ces facteurs devraient faire sentir
leurs effets pendant plusieurs années.
Les conséquences de cette hausse du dollar
sont encore mal intégrées par les professionnels
de l’investissement. Comme indiqué ci-dessus,
le financement de la croissance mondiale
depuis la fin du système de Bretton Woods a été
largement assuré par le déficit courant
américain. Avec l’appréciation du dollar, le