MÉDECINE LPS|1/2015
6|
Qu’entend-on par interactions
entre médicaments?
Les interactions médicamenteuses
peuvent se manifester à différents ni-
veaux: interactions pharmacociné-
tiques, pharmacodynamiques et fonc-
tionnelles. Si par exemple deux
médicaments s’attaquent à la même
structure-cible, cela peut entraîner une
modification de l’effet d’un des deux. Il
peut aussi arriver que l’ingestion d’un
médicament empêche la résorption
d’un autre médicament,
car les deux pris en-
semble forment un
complexe inutilisable
par l’organisme. Un
exemple connu d’une
interaction de ce genre
est la diminution de l’effet de la pilule
contraceptive orale lorsqu’on ingère si-
multanément des préparations de mil-
lepertuis. Mais les médicaments qui
sont utilisés pour le psoriasis ou le viti-
ligo aussi peuvent interagir avec d’autres
substances pharmaceutiques.
Il faut être particulièrement vigilant avec
les médicaments qu’on appelle «OTC»
(«Over the counter»), c’est-à-dire qu’on
peut obtenir sans ordonnance dans une
pharmacie, droguerie, cabinet médical
ou à l’hôpital.
En effet, ce n’est pas parce qu’ils sont en
vente libre qu’ils ne peuvent pas entraî-
ner des interactions à prendre au sérieux.
Il est donc important de
toujours indiquer au
médecin ou au pharma-
cien les médicaments
que vous prenez en ce
moment. Il ne faut pas
omettre les produits à
base de substances naturelles, les pom-
mades et les crèmes. Une liste de toutes
les médications actuelles permet de dé-
tecter à temps les interactions possibles
et de les éviter.
MÉDECINE LPS|1/2015
6|INTERACTIONS ENTRE MÉDICAMENTS
Interactions entre médicaments
CHANTALE RECHSTEINER | Les interactions entre médicaments sont parfois
voulues, mais elles peuvent également entraîner des effets non désirés ou mo-
difier l’effet d’un remède. Cela entraîne souvent des hospitalisations. Il serait
pourtant facile de les éviter, car elles sont souvent dues à une erreur au niveau
de l’ordonnance ou de l’application.
Indiquez toujours
à votre médecin tous
les médicaments
que vous prenez en ce
moment.
LPS|1/2015 MÉDECINE
INTERACTIONS ENTRE MÉDICAMENTS|7
Interactions dans le cas de psoriasis
Les traitements systémiques causent plus
d’interactions que les médications lo-
cales, utilisées en surface, car à travers la
peau la quantité de principe actif absor-
bée est moindre que lorsque le mode
d’ingestion se fait par
voie orale, par pulvéri-
sation ou suppositoire,
auquel cas les subs-
tances aboutissent di-
rectement dans notre organisme. Mais
les traitements par voie topique peuvent
tout de même aussi provoquer des inte-
ractions.
Quand plusieurs substances sont ingé-
rées simultanément ou étalées sur une
grande surface de peau, il peut aussi ar-
river que l’élimination d’une de ces subs
-
tances soit ralentie, et qu’il y ait accumu-
lation dans certains tissus. Cela doit être
évité.
Traitement systémique contre
le psoriasis
Le méthotrexate a une action anti-inflam-
matoire, il jugule le système immuni-
taire, ralentit la croissance cellulaire et
affiche de bons résultats contre le pso-
riasis. Mais il cause des interactions avec
d’autres médicaments comme les barbi-
turiques, destinés à calmer, détendre et
favoriser le sommeil, certains groupes
d’antibiotiques (tétracycline, sulfami-
dés), des anti-épileptiques (phénytoïne),
des cytostatiques (5-Fluorouracil) et les
antiphlogistiques non stéroïdiens. Dans
ce dernier groupe de produits, on trouve
par exemple l’ibuprofène, l’acide acétyl-
salicylique ou le diclofénac, qui tous
peuvent être obtenus sans ordonnance
en pharmacie. Et c’est
justement là qu’il faut se
montrer prudent, car
l’ingestion simultanée
d’antiphlogistiques non
stéroïdiens et de méthotrexate peut aug-
menter la toxicité de ce dernier.
Les rétinoïdes sont des dérivés de la vita-
mine A et peuvent être utilisés en usage
externe ou interne pour le traitement du
psoriasis ou de l’acné. Comme les réti-
noïdes peuvent causer des dommages au
fœtus, ils ne doivent en aucun cas être
utilisés durant la grossesse. Il en existe
différents types, comme l’acitrétine, la
trétinoïne ou l’isotrétinoïne. Les diffé-
rentes substances ne causent pas toutes
exactement les mêmes interactions. Mais
il y a cependant une interaction lorsqu’on
prend en même temps de la vitamine A
et des rétinoïdes: l’hypervitaminose,
comme on nomme le surdosage de cette
vitamine.
L’ingestion simultanée de rétinoïdes et
de certains antibiotiques comme les té-
tracyclines doit également être évitée, car
cela peut augmenter la pression dans le
On appelle hyper-
vitaminose le surdosage
d’une vitamine
MÉDECINE LPS|1/2015
8|INTERACTIONS ENTRE MÉDICAMENTS
cerveau. La prudence est aussi de mise
avec certains antiépileptiques (carbama-
zépine, phénytoïne), car cela peut in-
fluencer leur métabolisme. Chez les
femmes qui prennent des contraceptifs
oraux, un traitement au
rétinol peut augmenter
leur taux dans le sang.
Les cyclosporines font
partie du groupe des im-
munosuppresseurs; ils
sont prescrits pour évi-
ter le rejet d’organes
transplantés, mais ils sont également uti
-
lisés pour l’arthrite rhumatoïde ou pour
le psoriasis. Utilisé avant tout pour les
formes sévères de psoriasis, ce médica-
ment affiche un fort potentiel d’interac-
tion. C’est un substrat de CYP et de P-
glycoprotéine. Les CYPs; ou Cytochrom
P450, sont des enzymes qui jouent un
rôle central pour la biotransformation de
médicaments.
Beaucoup de médicaments sont métabo-
lisés via les CYPs; ces enzymes peuvent
donc souvent causer des interactions.
C’est le cas avec certains antibiotiques
(doxycycline, macrolide), des contracep-
tifs oraux, des antimycotiques (kétoco-
nasol), des anti-épileptiques (carbama-
zépine, phenytoïne), des préparations à
base de millepertuis, des fibrates, le di-
clofénac et quelques autres. Il faut en
outre être prudent quand on combine
des médicaments à effet néphrotoxique
(qui nuit aux reins) et de la cyclosporine.
Le jus de pamplemousse peut aussi aug-
menter le taux de cyclosporine et doit
donc être consommé
avec prudence.
Sur la page Internet
medicine.iupui.edu/
clinpharm/ddis/main-
table/, il y a une liste
exhaustive de tous les
substrats, inducteurs et
inhibiteurs des CYPs.
Les fumarates, ou dérivés de l’acide fu-
marique, sont utilisés dans le traitement
de la sclérose multiple et du psoriasis.
En Suisse, l’acide fumarique n’est pas
enregistré, mais il peut être obtenu en
Allemagne, pour autant qu’il y ait une
autorisation de Swissmedic. Les fuma-
rates ne doivent pas être utilisés simul-
tanément avec du méthotrexate, des réti-
noïdes, des psorales, de la cyclosporine,
des immunosuppresseurs ou des cytos-
tatiques, ainsi qu’avec des médicaments
pouvant s’attaquer aux reins.
Les corticostéroïdes sous forme de com-
primés ou de pulvérisation ne sont uti-
lisés qu’en cas d’absolue nécessité en rai-
son de leurs effets secondaires et de
l’effet rebond. Il faut tout de même men-
tionner les risques d’interactions, en par-
Lors de la biotransfor-
mation, des substances
indégradables sont
transformées en
substances dégradables
par des processus
chimiques.
LPS|1/2015 DECINE
INTERACTIONS ENTRE MÉDICAMENTS|9
ticulier avec les antiphlogistiques non
stéroïdiens (comme l’acide acetylsalici-
lique, le diclofenac, l’ibuprofène); leur
ingestion simultanée peut augmenter le
risque d’ulcère gastro-intestinal.
L’ingestion de médicaments contre le
diabète et d’anticoagulants oraux réduit
l’effet de corticostéroïdes; d’autres médi-
caments comme le phénytoïne, les bar-
bituriques, l’éphédrine
ou la rifampicine
peuvent raccourcir la
durée de l’effet de glu-
cocorticoïdes. Pour les
contraceptifs oraux, la
prudence est aussi recommandée, car
ceux-ci, tout comme les œstrogènes,
peuvent renforcer les effets secondaires
des glucocorticoïdes. Il existe encore de
nombreuses interactions.
Résumé
Il est dans tous les cas important de sa-
voir qu’il existe des interactions entre les
médicaments que l’on prend. Indiquez
au médecin ou au pharmacien à chaque
consultation les médicaments que vous
prenez en ce moment, aussi ceux que
vous prenez de votre propre initiative.
Les «remèdes de bonne femme», les pré-
parations vitaminées ou celles qui ne
contiennent que des substances végé-
tales doivent également être mention-
nées. Les habitudes personnelles, comme
le verre de jus de pamplemousse quoti-
dien au déjeuner ou la consommation
d’alcool ou de cigarettes, peuvent aussi
avoir une influence sur certains médica-
ments, et doivent donc
aussi être citées. Ces
clarifications permet-
tront de mettre au point
un plan de traitement
optimal et d’éviter les
interactions indésirables.
Sources
www.pharmawiki.ch (Stand 19.11.2014)
Herdegen, T. et al., 2010. Kurzlehrbuch
Pharmakologie und Toxikologie, 2e éditions
actualisée. Georg Thieme Verlag Stuttgart,
New York.
Schneider, D., Richling, F., 2013. Checkliste
Arzneimittel A-Z, 6e édition révisée et com-
plétée, Georg Thieme Verlag Stuttgart, New
York.
Indiquez au médecin
ou au pharmacien
tous les médicaments
que vous prenez.
1 / 4 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !