Si l’on entend parfois voler les Rafale et tonner les canons Caesar, tout
dans l’armée qui combat à Mossoul renvoie à l’imaginaire hollywoodien. Les
uniformes sont américains, les véhicules sont des Hummer, les chars, des
Abrams, les conseillers US sont partout et donnent les ordres. À Qaraqosh,
j’ai parlé avec un contractuel australien sous bannière étoilée qui
accompagnait un groupe de soldats de l’armée irakienne. Quand je lui ai
demandé son rôle, il m’a répondu en riant: «Je suis leur baby-sitteur.» La
supériorité américaine est absolue mais les Irakiens n’ont aucune gratitude
pour les bienfaits prodigués. C’est pour cela que la France a une carte à
jouer. On est encore aimés.
VOUS ÊTES-VOUS RENDU À QARAQOSH?
C’est une ville en ruine, une sorte d’Oradour dans la plaine de Ninive. Tout
a été dévasté par l’État islamique et les bombardements de la coalition. Nous
avons assisté à une messe de l’archevêque de Mossoul, Yohan Petros Moshe. Les
soldats avaient monté un autel de fortune dans l’église de la Vierge Marie
brûlée par Daech. Pendant la messe, nous entendions les attaques de roquette.
À mesure que le prêtre célébrait, les soldats avaient les larmes aux yeux.
Tout le monde était profondément ébranlé. Les plus agnostiques d’entre nous
ont même communié. D’autres églises ont été en partie transformées en
mosquées, les statues et icônes religieuses brisées. Le général Benham
Abbush, qui commande la NPU (Unité de protection de la plaine de Ninive), une
milice chrétienne formée par les Américains, m’a confié en sortant de
l’Église en ruine: «Voilà comment l’islam traite les chrétiens. Il y a cinq
ans, je suis venu en France pour suivre une formation militaire. J’ai dit à
vos autorités: “L’islam prend trop d’importance en France.” Personne ne m’a
cru. Voyez ce qui s’est passé, depuis, à Saint-Étienne-du-Rouvray.»
L’amalgame, pour eux, est monnaie courante.Le père Ibrahim, originaire de
Bartela, autre ville chrétienne, ne s’embarrasse pas de précautions. Il est
encore plus lapidaire: «L’islam est allergique aux autres religions.»
QUE PEUT FAIRE LA FRANCE POUR CES POPULATIONS?
Le déminage est la première urgence. Les mines empoisonnent les après-
guerres.
Le déminage est la première urgence. Les mines empoisonnent les après-
guerres. Elles viennent encore de tuer l’un de nos soldats au Mali. Daech a
truffé la région de mines: dans les champs, les maisons mais aussi dans les
livres, même des corans! Ensuite, la France doit retrouver le rôle qui fut le
sien autrefois: celui de nation protectrice des chrétiens d’Orient et des
autres minorités. Pour les chrétiens, deux options se présentent. La première
serait l’installation d’une force internationale de protection de leurs
zones. Tâche difficile car les villes et les villages sont enclavés en taches
de léopard au milieu d’un vaste ensemble sunnite. On évoque aussi la création
d’un «Christianistan», dans lequel, sur le modèle d’Israël, pourraient se