LA SITUATION ACTUELLE DANS LE DSM-IV-TR
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Le chapitre consacré aux troubles anxieux dans la DSM-IV-TR
(2000) débute pas les descriptions de l’attaque de panique et de
l’agoraphobie, considérées comme des syndromes que l’on peut
rencontrer dans d’autres tableaux cliniques. Les troubles anxieux
sont donc individualisés en douze catégories, dont deux font réfé-
rence à un critère étiologique (trouble anxieux dû à une affection
médicale générale et trouble anxieux induit par une substance), la
dernière représentant un diagnostic d’exclusion de toutes les autres.
Ces douze catégories sont les suivantes :
– trouble panique sans agoraphobie ;
– trouble panique avec agoraphobie ;
– agoraphobie sans antécédent de trouble panique ;
– phobie spécifique ;
– phobie sociale ;
– trouble obsessionnel compulsif ;
– état de stress post-traumatique ;
– état de stress aigu ;
– anxiété généralisée ;
– trouble anxieux dû à une affection médicale générale ;
– trouble anxieux induit par une substance ;
– trouble anxieux non spécifié.
ASPECTS CRITIQUES
Le trouble anxieux généralisé (TAG) reste la catégorie la plus dis-
cutée et la plus hétérogène, en dépit d’une évolution notable
depuis le DSM-III, où sa description apparaissait floue. Il se dis-
tinguait initialement du trouble panique par une meilleure
réponse thérapeutique aux anxiolytiques de type benzodiazépines
qu’aux antidépresseurs ; or, on sait maintenant qu’il existe des
molécules à visée antidépressive efficaces sur le TAG et que, à
l’inverse, les benzodiazépines peuvent avoir une efficacité sur le
trouble panique. La définition actuelle privilégie les symptômes
psychologiques (les soucis) par rapport aux symptômes soma-
tiques et en souligne le caractère durable (plus de 6 mois), ce qui
exclut de cette catégorie les patients ayant une prééminence des
symptômes somatiques de l’angoisse (que l’on peut néanmoins
classer dans le trouble somatisation), mais aussi les sujets pré-
sentant une anxiété depuis moins de 6 mois et ceux qui présen-
tent une angoisse sans que puisse être mise en évidence l’exis-
tence de soucis. En effet, dès le critère A, la notion de soucis
excessifs souligne la difficulté à apprécier la limite entre anxiété
normale et pathologique et la subjectivité nécessaire pour confir-
mer le diagnostic, la notion d’intensité ne pouvant être évaluée
qu’au travers de l’expérience clinique de chacun : or, des études
épidémiologiques ont montré la grande fréquence de ces troubles
en médecine générale (3), et les omnipraticiens ne possèdent pas
forcément une expérience suffisante pour cette appréciation
quantitative.
Le diagnostic différentiel est également compliqué, puisque sont
inclus dans les critères D et F de nombreux diagnostics à élimi-
ner, alors que le TAG est fréquemment associé à d’autres patho-
logies, en particulier anxieuses ou dépressives. Dans l’étude
NCS, 90 % des patients souffrant d’une anxiété généralisée ont
présenté au moins un autre trouble mental au cours de leur vie
(essentiellement la dépression), et les deux tiers en présentent au
moins un simultanément. Cette fréquence des comorbidités n’est
pas l’apanage du TAG, et on la retrouve, par exemple, pour les
troubles bipolaires ou le trouble panique, mais les critères dia-
gnostiques de ces troubles n’intègrent pas formellement les dia-
gnostics différentiels. Il faut noter, par ailleurs, que les sujets dont
les troubles évoluent depuis moins de 6 mois ou dont les critères
sont incomplets ont également une comorbidité élevée et des dif-
ficultés sociales importantes (mesurées par le nombre de jours
d’incapacité professionnelle au cours du dernier mois) [4].
Depuis quelques années, plusieurs auteurs ont donc remis en
cause l’existence de l’anxiété généralisée en tant que catégorie
autonome, son recouvrement avec les troubles de l’humeur appa-
raissant très important. Pour T.A. Brown (5), l’approche dimen-
sionnelle apparaîtrait plus pertinente que l’approche catégorielle,
car il estime que dépression, anxiété généralisée et personnalité
anxieuse appartiennent au même continuum plutôt qu’à des caté-
gories distinctes éventuellement associées. À la suite des travaux
de C.D. Spielberger sur anxiété-état et anxiété-trait, certains cher-
cheurs ont affirmé la parenté entre le TAG et l’anxiété-trait, cette
dernière s’apparentant à une plus grande perte de contrôle envers
les inquiétudes, que l’on ne retrouve que dans le TAG et pas dans
les autres troubles anxieux (6).
Pour D.V. Sheehan, cité par J.D. Guelfi (1), tous les troubles en
relation avec l’angoisse, à l’exception des attaques de panique,
sont des expressions symptomatiques d’une anxiété primaire qui
peut être d’origine endogène ou exogène. Cet auteur décrit ainsi,
dans une approche comportementale, les différentes étapes du
développement de l’anxiété endogène, à partir de l’attaque de
panique jusqu’à la dépression, en passant par les comportements
phobiques, formant une entité nosologique qui s’oppose à une
autre où les élaborations succèdent à une anxiété exogène issue
d’un conditionnement à la suite d’expériences vécues.
Dès le milieu des années 1980, P. Tyrer critique également la
classification américaine, qui, pour lui, conduit à des modifica-
tions fréquentes de diagnostic pour un même sujet au fil du
temps. Selon lui, si les phobies et les obsessions ont une stabilité
temporelle suffisante, il convient d’individualiser un “syndrome
névrotique général”, où coexistent ou se succèdent des éléments
anxieux et dépressifs en l’absence d’événement pathogène
majeur, survenant sur un fond de troubles de la personnalité asso-
ciant inhibition et dépendance affective (7).
Ainsi réapparaît progressivement le concept d’état névrotique,
disparu du DSM dans sa troisième version.
Dans un autre ordre d’idée, la présence des troubles obsession-
nels compulsifs (TOC) au sein des troubles anxieux fait égale-
ment l’objet de critiques depuis une dizaine d’années (8). Pour
ces auteurs canadiens, le DSM sous-estime l’importance relative
des troubles de la pensée et du comportement par rapport à
l’anxiété, qui, pour eux, n’est que secondaire à ceux-ci. De plus,
les bases biologiques de l’anxiété et du TOC semblent être de
nature différente, même si certaines pharmacothérapies peuvent
La Lettre du Psychiatre - vol. II - n° 1 - janvier-février 2006
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