COMMUNIQUE DE PRESSE Textiles bouddhiques japonais du 22 mai au 10 août 2014 A l’occasion du cinquantenaire du musée, la Fondation Baur a le plaisir de présenter au public sa collection de textiles bouddhiques japonais, acquise par Alfred Baur (1865-1951) en 1927. Cet ensemble est composé de cent vingt et un tissus d’autel, datant pour la plupart des XVIIIe et XIXe siècles. Malgré leur taille modeste, ces nappes, ou uchishiki, témoignent de l’extraordinaire habileté des tisserands de Kyôto. Avec leur riche décor polychrome, rehaussé de fils d’or ou d’argent, elles représentent les formes de tissage les plus complexes et les plus somptueuses de l’époque. Depuis des siècles, les textiles ont abondamment servi à des fins décoratives et fonctionnelles dans les temples bouddhiques. Soieries et autres étoffes aux couleurs vives, tissées ou brodées, faisaient l’objet de donations de la part des fidèles. Elles étaient ensuite employées comme bannières ou comme tentures, pour recouvrir les statues, les tables et les chaises, ou encore pour servir à la confection d’habits liturgiques. Le terme générique uchishiki désigne au Japon les textiles recouvrant la surface de certaines tables d’autel, généralement celles placées devant l’image principale de culte. Le nombre et la disposition des tables, ainsi que les tailles et le format des nappes, varient selon l’école et l’occasion. Les pièces présentées ici sont toutes de petite dimension et de format carré, adaptées aux tables latérales placées devant l’autel principal. Aujourd’hui, les uchishiki sont surtout employés lors de cérémonies spéciales comme les services commémoratifs ou les anniversaires de décès, les célébrations des équinoxes (higan) ou le Nouvel An. Tissage Les textiles japonais de la collection d’Alfred Baur constituent un ensemble remarquablement uniforme tant par leur tissage que par leur décoration. Ceci est le résultat d’une sélection méticuleuse effectuée par Tomita Kumasaku (1872-1954), le marchand d’art à Kyôto qui rassembla cette collection avant de la proposer à Alfred Baur. Tomita n’a retenu aucune pièce brodée, ni aucun exemple des nombreux procédés de teinture par réserve employés au Japon, comme le shibori ou le yûzen. Son choix s’est porté sur des tissus façonnés en soie, classifiés sous les noms de nishiki et de kinran (souvent traduits par « brocart »). Ces étoffes sont caractérisées par la présence de fils de trame de couleurs diverses, qui se superposent à la trame de fond, et qui servent à créer les motifs décoratifs. Ces trames supplémentaires apparaissent à la surface du tissu uniquement lorsqu’elles sont requises par le dessin, et restent autrement reléguées au revers. L’effet chromatique de l’ensemble peut être renforcé par l’insertion de fils d’or et d’argent. Ceux-ci se présentent soit sous la forme de lamelles plates (hirakinshi), constituées de fines feuilles métalliques et de papier de mûrier laqué, soit en filés plus épais (yorikinshi), pour lesquels la feuille dorée ou argentée est entortillée autour d’une âme de soie. L’association de ces deux fils sur un même textile permet au tisserand de jouer sur les légers contrastes créés entre leurs textures et leurs différentes propriétés réfléchissantes. Motifs Pendant de longs siècles, ces tissus hautement prisés ont été importés de Chine, et ce n’est que vers la fin du XVIe siècle que les tisserands du port de Sakai (Osaka) et du quartier de Nishijin à Kyôto seront en mesure de les imiter. S’inspirant dans un premier temps de la thématique traditionnelle des modèles chinois - dragons, phénix, fleurs, motifs de bon augure et dessins géométriques -, ils intégreront aux XVIIIe et XIXe siècles de nouveaux motifs en provenance d’Inde et d’Europe. Les textiles présentés ici sont majoritairement ornés de motifs issus du répertoire traditionnel sino-japonais, et sont caractérisés par de fréquentes répétitions thématiques d’un exemple au suivant. Les tisserands sélectionnent des éléments décoratifs dans un large corpus, pour les assembler ensuite dans un nombre apparemment infini de combinaisons. Parmi les sujets dominants, figurent le dragon et le phénix. Avec le kirin (sorte de licorne) et la tortue, ces deux créatures légendaires appartiennent, dans les classiques confucéens chinois, à un groupe appelé les Quatre animaux bienfaisants (shirei), dont l’apparition sur terre était interprétée comme l’approbation céleste du règne éclairé de l’empereur. Dragon et phénix sont aussi associés en Chine au couple impérial, et abondamment représentés sur les robes de cour ainsi que les textiles d’ameublement des dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911). Ces tissus constituent la source directe des représentations de ces animaux sur les nappes d’autels japonais de la collection Baur. Le phénix est en outre souvent combiné au paulownia (kiri) car, selon une ancienne croyance chinoise, cet arbre serait le seul sur lequel l’oiseau fabuleux viendrait se poser. Au Japon, ce jumelage appelé kiri hôô devient plus courant encore qu’en Chine dans les arts décoratifs. Le paulownia est presque toujours illustré de manière conventionnelle, avec de grandes feuilles trilobées, surmontées de trois panicules. Dragons et phénix sont souvent accompagnés de motifs de bon augure, comme les nuages aux contours lobés dont la forme évoque les champignons de longue vie (reishi ou mannen-take) ; le joyau ardent (hôju) qui exauce les vœux ; ainsi que d’une variété de symboles de bonheur connus collectivement sous le nom de takara-zukushi. Les fleurs, et dans une moindre mesure les fruits, occupent une place importante dans les répertoires décoratifs de Chine et du Japon. Une composition très prisée de la dynastie Ming (1368-1644), fréquemment reproduite par les tisserands japonais, représente les fleurs symboliques des quatre saisons : la pivoine (printemps), le lotus (été), le chrysanthème (automne) et le prunus (hiver). Chacune d’entre elles peut également apparaître seule, et possède ses propres associations littéraires et culturelles. L’identification de ces fleurs n’est pas toujours aisée car elles sont souvent représentées sous des formes conventionnelles, ou deviennent des créations fantaisistes qui n’ont plus qu’une vague ressemblance à une quelconque réalité botanique. Au Japon, ces représentations imaginaires sont souvent classées sous le nom générique de karahana, littéralement « fleur chinoise », ou de hôsôge, « fleur précieuse ». Sur les textiles, les plantes sont typiquement disposées en médaillon, accompagnant parfois dragons et phénix, ou en rinceaux (karakusa), composés de fleurs et de feuilles attachées à une liane sarmenteuse. Il n’est pas rare de voir les fleurs des quatre saisons combinées à trois fruits particuliers : la pêche, la grenade et la main-debouddha. Appelé les Trois Abondances (santamon), ce groupe symbolise la longévité, la descendance et le bonheur. Un catalogue bilingue français et anglais accompagne l’exposition.