Avant-propos / Diane a perdu sa pantoufle (Culte lunaire)

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MYTHOLOGIES, clés provisoires
Amanda Biòt
Avant-propos
Au cours d’un stage de Danse libre Malkovsky, j’eus la chance d’entendre une
conférence de René-André Lombard, qui des études classiques à la danse, ou bien à partir de
l’étude du dieu de la danse, a plongé dans la mémoire de l’humanité. Plus tard, une émission
d’ARTE sur Lascaux et autres lieux magiques, donc religieux, m’apprit qu’on commençait à
prendre au sérieux des recherches qui, longtemps, furent considérées comme ésotériques.
Pourquoi ? Parce que leurs conclusions, i.e. leurs hypothèses (on est dans le domaine du
raisonnement scientifique), bouleversent ce qu’on croit savoir de notre histoire, de nos
idées, des sources de notre culture. Or, dans le pays de la culpabilisation, domaine où
l’intelligentsia est fort active, on sait dire aux autres : « Changez ! Remettez-vous en cause !
Rejetez les vieux dogmes ! » mais on n’ose dire que les contes merveilleux sont d’origine
religieuse.
Avant cette conférence je me passionnais déjà pour les recherches sur l’origine des
mythes. Par exemple, Le sabbat des sorcières, de Carlo Ginzburg, m’avais beaucoup
intéressée, comme m’intéresse ce livre : Les secrets de l'exode, de Messod et Roger Sabbah.
En revanche, l’explication psychanalytique des mythes me paraît un peu primaire,
explication que je dirais intestine, produite à l’intérieur du système qu’elle prétend
expliquer.
Ce qui suit, ce sont de petites conférences, faites dans un cadre associatif. Elles
s’alimentent donc des recherches de René-André Lombard, qui fait don généreux de son
savoir, et d’autres que je pris sur Internet. N’étant aucunement documentaliste, étant nulle
en bibliographie, et peu organisée, je n’ai pas noté le détail de mes sources Internet, je me
contente donc de les reconnaître et de remercier ceux qui partagent leur savoir.
Veuillez m’excuser pour les fautes que je n’ai pas vues, il est impossible de se servir du
correcteur orthographique qui vire à l’anglais dès que possible. Ca se soigne ?
Diane a perdu sa pantoufle
Aphrodite / Diane ayant refusé de répondre aux désirs d’Hermès, Zeus envoya son
aigle lui dérober l’une de ses sandales d’or. Hermès offrit de la lui rendre, à condition de.
Il était une fois... c'était dans la nuit des temps. Au temps où les animaux parlaient. Il
était une fois des bipèdes qui vivaient dans la nature, menacés par la nature, alimentés par
elle, ce grand jardin, cet Eden. Pour survivre ils avaient besoin de la bien connaître or
ils étaient doués de superbes qualités : curiosité, imagination, pouvoir de comparaison et de
déduction.
La nature, ils la connaissaient moins que nous, mieux que nous et ils
l'observaient. C'était leur seul livre. Un livre lumineux quand ils levaient le regard vers
l'immensité. C'était dans la nuit des temps et ils virent, dans la nuit étoilée, des paysages,
des choses et des êtres, rivière, taureau, scorpion, lion... Car c'était au temps où les animaux
parlaient. Comprenant, imaginant, nos lointains parents inventèrent ce qui devint d'une part
la science, l'astronomie entre autres, de l'autre l'astrologie, la religion, le domaine des
contes.
Ce que je présente ici vient de ce qu'ont trouvé, supposé, des chercheurs modernes
au sujet de l'origine des mythes. René-André Lombard par exemple ou Chantal Jègues
Wolkiewiez qu'on a pu voir, au sujet de Lascaux, dans un documentaire sur ARTE. Leurs
interprétations ne sont pas nouvelles mais elles ne se basent plus comme autrefois sur la
simple observation, elles se basent aussi sur l'archéologie, l'anthropologie et la linguistique.
Et, comme toute hypothèse scientifique sérieuse, elles remettent en cause une part au
moins de notre conception du réel.
Il était une fois des humains intrigués par cette tête lumineuse, cette tête coupée
maîtresse des marées même quand elle était invisible. Celle que nous appelons la lune,
grande déesse que le soleil éclipsa quand nos ancêtres se firent agriculteurs. Celle qui leur
donna l’horrible idée de couper des têtes.
La lune, visage blanc posé sur sa collerette de rayons, Méduse et sa chevelure de
serpents, Méduse celle qui mesure le temps comme son nom l’indique, Méduse dont le
regard pétrifie… pierre… Pierrot visage blanc sur sa colerette1. Croissant de lune qu’on
interprétera de bien des façons, le bossu Polichinelle par exemple ; lune au mystérieux
pouvoir, force qu’on assimila à celle du fauve, Arlequin. Le costume d'Arlequin, avant sa
bigarrure actuelle, portait des ocelles et le masque était de félin. De même verra-t-on Shiva
sur une peau de tigre, symbole de la maîtrise de la Nature. Dans sa chevelure se trouve un
croissant de lune, symbole du cycle du temps. On a représenté la fée Viviane vêtue d’une
peau de léopard, et Diane est à la fois déesse de la lune et de la faune sauvage…
Mes enfants m’ont offert cette marionnette
indonésienne, au visage blanc comme celui de la
lune, comme celui de Pierrot. Et comme Pierrot
elle porte un bonnet noir, un chapeau
d'invisibilité dit René-André Lombard. Derrière
son visage est un museau bestial, surmonté d'un
croissant.
Pour en arriver à ces représentations
modernes et à la perte de leur signification, le
chemin fut long.
1
René-André LOMBARD, Mon ami Pierrot d’où viens-tu ?, Cercle d’Etudes du Chien qui fume, Avignon, 1990
Le sexe des dieux lunaires
Il était une fois Shiva. Il arrive qu’on le représente comme un hermaphrodite
alors nommé Ardhanari, car mêlé à son épouse Shakti. Les images de divinités
hermaphrodites se rencontrent partout à partir du néolithique. Le mot hermaphrodite
provient des mots grecs Hermès et
Aphrodite, dieux du panthéon grec.
Hermaphrodite était leur fils et, suite à des aventures avec la nymphe Salmacis, leurs
deux corps furent mélangés, donnant un dieu à la fois femme et homme. Or, selon des
civilisations, les dieux astraux sont mâle ou femelle.
La Lune est parfois mâle
Dieu babylonien de la lune, Sîn, est le fils d'Enlil, seigneur du vent. Sa monture est
un taureau ailé : son symbole est le croissant de lune; or le croissant, symbole de
fécondité, évoque aussi les cornes du taureau. Le taureau dont le culte, de Lascaux à
Nîmes en passant par Cnossos, ne cesse pas.
Sîn est le dieu de la mesure du temps: Les premiers calendriers étaient lunaires,
certains le sont encore. Le nom anglais de la lune est « moon », de même origine que
notre mot « mois ». Un des premiers calendriers lunaires connus est cette
corne/croissant de lune portant des encoches et que présente la Vénus de Laussel
(Dordogne).
Sîn est aussi le dieu de la fertilité des troupeaux, de la végétation et du nombre
30. Shamash, dieu du soleil, est son fils. Les linguistes rapprochent son nom de
l'adjectif simiesque, du mot singe, comme si l'étrange visage lunaire rappelait à nos
ancêtres une humanité plus simiesque.
Thot, dieu égyptien de la sagesse et de la connaissance, a une tête d'ibis, le bec
en croissant, ou bien une tête de babouin, de singe donc. Il symbolise la lune, encore
symbolisée par une barque, autre image du croissant. C'est Ré, le dieu du soleil, qui lui
a demandé de prendre sa place la nuit, dans sa barque.
Chandra, dieu hindou de la lune, est né du barattage de la Mer de lait, que nous
appelons Chemin de Saint Jacques ou Voie lactée car du lait jaillit du sein de la déesse
grecque Héra.
Pour certains Amerindiens, la Voie lactée est métier à tisser et pour les anciens Grecs
aussi, quand Pénélope tisse, incessament. La chinoise Zhînü tisse en attendant de rejoindre
son époux de l’autre côté du fleuve céleste (toujours la Voie lactée), la septième nuit du
septième mois.
Amaterasu, déesse shintoïste du soleil, fut blessée à un doigt par la navette de son
métier à tisser. Cela arrivera à la Belle au Bois dormant. Le croissant est aussi navette.
Tsuki-Yomi, dieu de la lune, Amaterasu, déesse du soleil, sont les enfants d’Izanagi et
d’Izanami, les dieux créateurs du Japon qui trempèrent dans l’océan leur Lance Céleste puis
l’agitèrent : Les gouttes qui en tombaient créaient les îles japonaises. Tsuki-Yomi est associé
au renard, animal nocturne.
A Rome au printemps avaient lieu les Cerealia, les jeux de Cérès, déesse de
l'agriculture, des moissons et de la fécondité. Il y avait, entre autres manifestations, une
chasse donnée à des renards qui portaient attachées à la queue des torches allumées.
On pensait prévenir ainsi une maladie du blé.
Il était une fois Maître Renard. Le voyez-vous avec le corbeau, animal lunaire,
avec ce fromage, cercle blanc, lunaire lui aussi ?
Le renard est présent dans toutes les légendes de ceux qui l’ont connu. Sa
couleur fauve et sa vie nocturne le font bon ou mauvais : les divinités lunaires apportent
à la fois la fécondité et la mort. Dans les pays scandinaves, les renards étaient
soupçonnés de causer des aurores boréales. Sans compter que le renard est un voleur de
poules !
Au Japon le renard, messager divin de la déesse du riz, était pourtant craint. Non
seulement son pouvoir peut croître tandis que lui poussent jusqu’à neuf queues, mais il peut
posséder les gens, se transformer en femme-renarde. Même croyance à la femme-renarde
en Chine, en Sibérie, dans certaine tribus amerindiennes.
On connaît le renard des fables d'Esope puis de La Fontaine, et Le Roman de
Renard au Moyen-âge.
Il était une fois un animal réputé malin, a n i m a l nocturne au poil couleur de
feu, qui fut pour cela considéré comme lunaire.
Le corbeau lui aussi. A travers les siècles, le Grand Corbeau eut sa place dans les
mythologies et, par conséquent, dans la littérature. Dans plusieurs cultures
anciennes, de la Scandinavie à l'Irlande, du Pays de Galles au Bhoutan, de la côte nordouest de l'Amérique du Nord à la Sibérie et de l'Asie du nord-est, le Grand Corbeau fut
dieu. Compagnon du dieu celtique Lug, dieu de la lumière, le corbeau est solaire,
cependant…
Il était une fois Corbeau qui voulait voler la lune pour en finir avec la pâle luminosité
qui baigne l’Alaska, où vivent les amérindiens Tsimhians. Corbeau se transforme alors en
aiguille de pin qui tombe dans une mare où la fille du grand chef céleste vient se
désaltérer. Ayant avalé cette aiguille, la fille du grand chef céleste est enceinte. L’enfant
qu’elle met au monde, c’est Corbeau lui-même. L’enfant obtient de son grand-père la
permission de jouer avec l'étui en forme de balle qui contient la lune. Redevenu Corbeau, il
s’envole vers les lieux habités des humains, déchire l’étui, libère la lumière de la lune. Pour
les Tsimshiams, la lune est la source de toute lumière.
La lune est souvent femelle
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On a dit que les déesses lunaires, leurs nymphes ou leurs prêtresses étaient
vierges. C’est une interprétation de leur indépendance. Libres comme la lune qui se déplace
en solitaire dans la nuit. Les déesses vierges sont lunaires, telle la Vierge Marie,
généralement représentée, comme Artémis/Diane et quelques autres, avec un croissant de
lune. Le 15 août des chrétiens, l'Assomption, quand la Vierge Marie monte au ciel,
correspond à la fête chinoise de la lune.
Innana la sumérienne , Ishtar ou Astarté, Esther. Ishtar, reine des cieux, n'est pas
vierge mais chaste. « Ishtar », ce mot correspond à notre mot « étoile », ils ont la même
origine. Astarté, astre, aussi. On l'associe à l'Egyptienne Isis.
Isis est le nom grec d'Aset (ou Iset - qui donnera Iseut -), la déesse protectrice de la
mythologie égyptienne. Isis est vierge et mère. On la représente portant des cornes de
bovin qui enserrent un globe lunaire.
Lors d'un déluge Viracocha, le dieu créateur, surgit du lac Titicaca et créa les
astres. Marna Killa, déesse de la Lune, est la mère des Incas.
Légende chinoise, il était une fois le Lièvre, qui vivait dans la Lune où il fabriquait
la liqueur d'immortalité. Il en donna à l'archer Yi en récompense de ses services. Yi
venait en effet d'abattre neuf des dix soleils qui auraient brûlé la terre. Légende peutêtre venue du souvenir de la météorite qui provoqua le déluge. Or Heng-ngo, l’épouse
de Yi, but en secret de la liqueur d’immortalité et s'en fut dans la lune pour ne pas être
punie. Le Lièvre prit sa défense et l'archer Yi pardonna.
On a cru voir à la surface de la lune un lièvre ou un lapin. Le lièvre serait l’animal
favori d’Aphrodite/Vénus, or cette déesse est elle aussi lunaire. Sa blonde beauté est
celle de la lune et, comme elle, elle est attirante, irrésistible… Séléné, la lune, la déesse
grecque qui fut assimilée à Artémis puis à la Diane latine, est une irrésistible beauté
lumineuse, comme la lune, comme Hèlène, comme Iseut la blonde .. .
Le lapin de Pâques apporte des œufs aux enfants des pays germaniques car la
déesse de l'aube et du printemps (Eostre, Eastre ou Ostara, astre donc), dont l'animal
familier est un lapin, est à l'origine du nom de la fête : Easter en anglais, Ostern en
allemand.
Les légendes hantent l'humanité, c'est un lapin blanc qui guide Alice, au Pays des
Merveilles et … « qu'on lui tranche la tête », dit la reine.
La fée Viviane charma l’enchanteur Merlin autour duquel un jour, alors qu’il dormait,
elle fit tourner neuf fois un voile magique. Il devint ainsi son amant éternel. La Lune, Diane,
tombe amoureuse du berger Endymion qu’elle endort d'un sommeil éternel, dans une
grotte du mont Latmos (Turquie), pour lui épargner la mort.
Diane a perdu sa pantoufle
Adonc la lune, pleine ou en croissant, a été vue comme un bec, une navette, une
barque, telle la barque du nocher Caron, divinité grecque des Enfers, du monde de la nuit,
une sandale, la pantoufle de verre de Cendrillon par exemple, chaussure lumineuse, une
corne, telle la corne d’abondance, une blonde irrésistible, un calice, tel le Graal, une table
ronde, une serpe d’or…
Jason, personnage de la mythologie grecque, aida une vieille femme, la déesse
Héra qui s’était ainsi déguisée, à traverser une rivière. Il y perdit une chaussure. La perte de
la chaussure, ou la blessure au pied viennent aussi de la lecture de la constellation Orion
(aux jambes inégales), Orion si visible à Noël, qui naît donc à Noël comme tant de
divinités. Voilà pourquoi le diable est boiteux, Œdipe a le pied gonflé, Achille a le talon
sensible, pourquoi l’aigle de Zeuss’est emparé de la sandale d’or d’Aphrodite. Quant à la
perte de la sandale dans l’eau, elle fait écho au pouvoir de la lune sur les eaux, la lune
qui s’y mire si bien. Diane, comme Marie-Madeleine, furent d’abord des nymphes des
eaux. “Chaste” comme toute déesse lunaire (i.e. libre de toute entrave matrimoniale),
Suzanne se baigne. Souvent, dans les tableaux qui la représentent, l’un de ses pieds
disparaît dans l’eau.
Elien, historien et orateur romain de langue grecque (2e/3e siècles) racon te:
Une jeune grecque nommée Rhodope était esclave en Egypte. Un jour un
aigle lui vola l’une de ses pantoufles alors qu’elle était au bain . Il laissa tomber la
pantoufle aux pieds du pharaon Psammétique, qui, au vue de sa finesse, promit
d'épouser la femme à qui elle appartenait. Élien reprenait probablement une légende.
Le conte de Cendrillon vient d’une tradition orale universelle. Ce conte se retrouve sur
les cinq continents et dans presque toutes les cultures, qu'elles soient mexicaine,
indienne, malienne, chinoise ou japonaise. C’est aussi l’histoire de Sodeva Bâi, qu’un
prince hindou épousa après avoir trouvé sa pantoufle d’or et de pierres précieuses,
lumineuse donc.
Lors de son Assomption, la Vierge Marie perdit une chaussure, le sant sabaton
est conservé dans l’église de Saint-Zacharie (Provence).
Le conte de Cendrillon correspond à une tradition orale universelle, bien plus
ancienne que la version de Perrault et des frères Grimm. Ce conte se retrouve sur les
cinq continents et dans presque toutes les cultures, qu'elles soient mexicaine,
indienne, malienne ou japonaise. Au Zaïre, c’est un jeune homme qui perd sa sandale.
Dans un recueil de contes chinois du IXe siècle, le Youyang Zazu, de nombreuses
similitudes. On retrouve des trames semblables dans plusieurs des contes des mille et
une nuits, ou dans l'histoire de Chüjo-hime, parfois surnommée la Cendrillon japonaise,
qui inventa, sinon le tissage, du moins la broderie.
*** Il était une fois aux Indes une princesse, Sodeva Bâî, qui se promenant perdit la
pantoufle d'or et de pierres précieuse qu'avait fait confectionner son père. Le roi fit
publier par ses crieurs que la princesse avait perdu une pantoufle faite de telle façon,
et qu'il y aurait bonne récompense à qui la rapporterait. Or un prince la trouva et la
proclamation des crieurs lui parvint de proche en proche,et lui a fit savoir où il devait la
rapporter. Le prince épousa la princesse, comme dans la réalité cette fois.
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