3
Il reste que le phénomène migratoire dépasse largement les calculs d’Haftar et la
situation libyenne. A ce sujet, il est trop facile d’affirmer que l’intervention militaire
occidentale en Libye (mars-octobre 2011) est à l’origine de ce phénomène de masse.
Déjà, elle visait à empêcher des massacres et une longue guerre, avec une
extension à l’Afrique du Nord, qui auraient inévitablement provoqué de vastes
mouvements de populations. Si l’actuel chaos politique a fait de la Libye une plaque
tournante de l’immigration illégale en l’Europe, le très grand nombre des réfugiés et
migrants provient d’espaces plus lointains : le Moyen-Orient (Syrie, Irak), le Sahel et
la Corne de l’Afrique (Mali, Niger, Erythrée), la Haute-Asie (Afghanistan). Insistons
plus particulièrement sur la guerre en Syrie, provoquée par la volonté de Bachar al-
Assad de se maintenir coûte que coûte au pouvoir, soutenu sans faille aucune par le
Kremlin et le régime chiite-islamique de Téhéran. La guerre et les exactions ont jeté
les populations sur les routes de l’exil (la moitié de la population syrienne a été
déracinée). Au-delà du contexte moyen-oriental, la composition des flux migratoires
appelle l’attention sur l’Afrique subsaharienne. La « transition démographique » n’a
pas encore produit tous ses effets. En 2010, le continent africain a dépassé le
milliard d’habitants, soit quatre fois plus qu’en 1950, et il atteindra les deux milliards
en 2050. L’Afrique représente le quart des naissances dans le monde et elle est
devenue le troisième foyer de peuplement au monde (à la place de l’Europe). La
démographie, le sous-développement, l’impéritie des dirigeants et les conflits armés
généreront d’autres flux migratoires.
3 - Concernant le terrorisme, même si le général a déclaré "avoir le même
ennemi" que les Européens. Quelle stratégie celui-ci compte-t-il mettre en
place pour lutter contre le terrorisme, celle-ci vous semble-t-elle pertinente ?
Le général Haftar a pour habitude de désigner comme « terroristes » l’ensemble de
ses opposants et ennemis politiques. Il faut lire à ce sujet l’interview récemment
donnée au Journal du Dimanche (5 février 2017). De fait, il mène sa propre guerre
contre l’« Etat islamique » et l’on sait qu’il a bénéficié de l’aide de services
occidentaux, notamment français : la présence d’unités spéciales de la DGSE
(Direction générale de la sécurité extérieure) a été révélée par la mort de
trois membres du service action, lors d’un « accident d’hélicoptère » qui s’est produit
le 17 juillet 2016. Le gouvernement de Fayez al-Sarraj avait alors protesté contre
cette « ingérence française » dans l’Est libyen. Du point de vue de la France, il s’agit
de soutenir les forces qui combattent l’« Etat islamique ». Cela dit, le général Haftar
n’incarne pas la seule force à mener ce combat. Pour mémoire, c’est une coalition de
brigades venues de Tripolitaine, affiliée à Serraj, qui depuis Misrata, a lancé une
offensive militaire contre Syrte, le bastion de l’Etat islamique en Libye. Le général
Haftar a alors mis à profit la situation pour s’emparer du « croissant pétrolier », à l’est
de Syrte. On désigne ainsi un arc de terminaux qui, en temps normal, assure environ
la moitié des exportations libyennes de pétrole (elles sont tombées à 12 % du volume