Saint Thomas pour l’an 2000
Nous répondrons que la raison d’être du
commerçant est de permettre l’échange entre les
biens. Or, comme le montre Aristote au premier livre
de sa Politique, cet échange est de deux ordres : Soit
il est quasiment naturel et nécessaire comme le troc
d’un objet contre un autre, ou contre de l’argent afin
de pourvoir aux nécessités de la vie, et ce type de
transaction ne relève pas du négoce mais de la
responsabilité domestique ou publique, chargée de
subvenir aux besoins fondamentaux de la famille ou
de la cité. Soit il s’agit d’échange d’argent contre ar-
gent, ou de bien contre argent, non pour se procurer
ce qui est nécessaire à la vie mais pour réaliser un
profit, et ce marchandage relève bien du négoce.
Selon Aristote, le premier type d’échange est tout à
fait honorable car il permet de répondre aux besoins
matériels, alors qu’on méprise le second avec raison
parce qu’il sert un désir de profit objectivement sans
limites. C’est pourquoi le négoce, considéré en lui-
même, est vil car il n’est ordonné ni à un but noble
ni à un service nécessaire.
Pourtant si le profit recherché par la
négociation n’offre en lui-même rien de nécessaire ou
de noble, il ne comporte rien non plus de vicieux ou
de contraire à la morale. Il n’est donc pas interdit de
l’intégrer dans le cadre d’un objectif nécessaire ou
noble et de redonner alors au négoce tous ses droits.
C’est le cas par exemple de celui qui recherche dans
le commerce un bénéfice raisonnable pour subvenir
aux besoins de sa famille ou de personnes
nécessiteuses, voire même pour contribuer au bien
public dans le souci que rien ne manque à la vie de la
patrie. Le profit n’est alors pas recherché comme but,
mais comme compensation des charges assumées.
Par conséquent tout d’abord, le discours de
Saint Jean Chrysostome doit s’entendre du négoce
dont l’objectif ultime est le profit, ce qui se constate
le plus souvent lorsque quelqu’un revend un objet
plus cher qu’il l’a acheté sans lui avoir apporté de
valeur ajoutée. Si par contre il l’avait amélioré, il re-
cevrait alors le prix de son travail. Pourtant même
sans cela, il aurait le droit d’en tirer profit à
condition de ne pas le rechercher pour lui-même
mais dans un but nécessaire ou noble.
Deuxièmement, vendre plus cher qu’on a
acheté ne signifie pas nécessairement qu’on ait fait
acte de négoce, car il faut avoir acheté en vue de re-
vendre plus cher. Si quelqu’un se procure un bien
non pour le revendre mais pour en jouir, et que plus
tard il veuille s’en défaire pour une raison quelcon-
que, celui-là n’a pas marchandé même s’il revend
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