qu’elle“revendique une notion de propre de l’homme”4, comme le dit
Derrida, la question se pose de savoir ce que serait une philosophie qui
rompt avec cette notion de propre, avec la logique de la propriété.
Peut-il y avoir une philosophie qui renonce à cette notion? Une
philosophie qui se dépasse en tant que philosophie du propre pour être
une autre philosophie, une philosophie de l’Autre ou d’une autre pensée
de l’Autre? Peut-on envisager une pensée qui ne soit plus animée par le
souci de l’humanité de l’homme, une pensée qui se soit délestée du
fardeau de l’
idée
de l’homme? Une philosophie qui se soustrairait au
terrible dispositif ontologique qui réunit les notions d’un soi ou d’un moi-
même, du propre et du vrai, de l’essence, de la substance, de l’identité,
de la subjectivité d’un sujet pour garantir en même temps l’objectivité
des objets, la
nature
des choses, de l’être non-humain? La philosophie
n’est-elle pas apparue dès le départ comme la question du
on hé on
, de
l’étant en tant qu’étant, en tant que pratique ontologique qui pose la
question de l’être de l’étant, de son fondement élémentaire? Et cette
question (du sens) de
l’être en soi
, la question heideggerienne de l’être,
n’est-elle pas justement liée au fondement du propre? Cela ne fait
aucun doute.
Et pourtant ce propre et peut-être le plus propre de l’homme, l’être du
Dasein, ne peut pas être lui-même approprié.
Le plus propre de l’homme
n’appartient pas à l’homme
. Peut-être est-ce là l’aspect le plus radical de
la pensée heideggerienne: avoir pensé ce plus propre en tant que
quelque chose d’absolument étranger, tout en insistant en même temps
3 Jacques Derrida,
Marx & Sons
, Francfort-sur-le-Main 2004, p. 63.
4 Jacques Derrida,
Die unbedingte Universität
(L’université sans condition), Francfort-sur-le-Main, p.
10.