Coupez dans le gras
L’une des principales différences
alimentaires entre Occidentaux et
Asiatiques est leur consommation de
gras. Le Nord-Américain moyen tire de
35 à 40% de son apport calorique total
des matières grasses, contre 20 à 25 %
pour son vis-à-vis asiatique. Des études
montrent que les hommes atteints de
cancer prostatique tendent à consom-
mer plus de gras que ceux qui en sont
exempts. Et les gras saturés (provenant
d’animaux, comme dans la viande et le
fromage) élèveraient davantage le
risque de cancer que les gras insaturés
(d’origine végétale). Une étude menée à
Québec auprès d’hommes souffrant du
cancer de la prostate et qui consom-
maient beaucoup de corps gras saturés
a démontré que leur tumeur croissait
trois fois plus vite. Le message, ici, est
très clair: ramenez l’apport calorique
provenant des gras
à 20-25%, et
consommez
moins de
gras d’origine
animale.
des hommes asiatiques ayant émigré à l’Ouest.
Un constat s’est imposé : le risque de cancer
prostatique s’accroît considérablement chez ces
nouveaux arrivants. Et chez leurs fils, il rattrape
pratiquement celui des Occidentaux de souche.
Ce qui laisse supposer que les facteurs environ-
nementaux, par exemple l’alimentation, seraient
les grands responsables de la plupart des cancers
prostatiques. Si l’explication était vraiment
d’ordre génétique, les immigrants des 1re et 2e
générations continueraient de ne courir qu’un
faible risque d’apparition de la maladie.
Les scientifiques ont également approfondi
leur savoir sur l’origine de ce cancer par des re-
vues d’autopsies décrivant la prostate d’hommes
décédés d’autres causes. Ces examens post-
mortem se sont déroulés dans divers pays et ont
permis de conclure que le risque d’être porteur de
microscopiques quantités de cellules cancéreuses
était bien universel ! Tant dans les pays à risque
faible (Chine, Japon) qu’à risque élevé (en
Occident), le vieillissement semble s’accompa-
gner de l’émergence d’un petit nombre de cellules
prostatiques cancéreuses. La différence, c’est
qu’au moment de l’autopsie, et par rapport aux
Occidentaux, les Asiatiques en présentent moins.
Cela signifierait que la formation d’une première
grappe de cellules prostatiques cancéreuses est
moins importante que leur vitesse de croissance.
En d’autres termes, on retrouve un peu de cel-
lules prostatiques cancéreuses chez la plupart
des Asiatiques, mais elles croissent si lentement
que la vaste majorité de ces hommes meurent à
un âge avancé pour une toute autre raison.
On est ce que l’on mange…
Selon une récente revue d’autopsies, 30 % des
hommes portent déjà des cellules prostatiques
cancéreuses dans leur trentaine ! Nous dispose-
rions donc littéralement de décennies pour
ralentir, sinon stopper, la multiplication de ces
cellules. En outre, la croissance des cellules exis-
tantes semble être influencée par le régime
alimentaire. Il est parfaitement plausible que
la modification des habitudes alimentaires con-
tribue à freiner l’évolution de la maladie une
fois le diagnostic de cancer de la prostate établi,
ou encore à réduire le risque de récurrence
après une prostatectomie ou une radiothérapie.
Le sélénium
Comme les terres agricoles ne ren-
ferment pas toutes des concentrations
égales de sélénium, il est difficile de
maintenir un apport régulier de cet
oligo-élément dans l’assiette. Tel
légume poussé au Brésil peut avoir une
forte teneur en sélénium alors que le
même légume produit au Canada en
contiendrait bien peu. Les sols cana-
diens sont pauvres en sélénium. En fait,
seules les noix du Brésil en contiennent toujours abondamment, mais on peut en
trouver sous forme de supplément vitaminique.
L’utilité du sélénium dans le cancer de la prostate a émergé d’une étude portant
sur la prévention du cancer de la peau, auprès de 1200 hommes. Dix ans plus tard,
on a constaté que le sélénium ne prévenait pas le cancer cutané mais que le risque
de cancer prostatique était de 66% inférieur chez les hommes qui avaient reçu cet
oligo-élément plutôt que le placebo. Ici encore, l’intérêt et la validité des résultats
tiennent au fait qu’il s’agissait d’un essai randomisé. Par ailleurs, des études en la-
boratoire, dont certaines menées à Toronto, ont démontré que le sélénium ralentissait
la croissance des cellules prostatiques cancéreuses. On considère qu’à 200 micro-
grammes par jour, les suppléments de sélénium ne présentent aucun danger.
ENTRENOUS AUTOMNE 2003
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La vitamine E
Aussi appelée alpha-tocophérol, la
vitamine E est un antioxydant présent à
l’état naturel dans les huiles végétales
(d’arachides, d’avocat, etc.) ou d’autres
huiles de cuisson. Pour consommer
suffisamment de cette matière grasse
tout en suivant un régime faible en
gras, il faut parfois recourir à des sup-
pléments (extraits naturels).
On n’a établi la relation entre la
vitamine E et la prévention du cancer
prostatique que dans les années 1990,
lors d’un vaste essai misant sur cette
vitamine pour réduire l’incidence du
cancer du poumon. Ce fut un échec,
mais on a observé que le risque de
cancer de la prostate, lui, avait reculé
de 30% au bout de quatre ans. Mieux
encore, le risque d’en mourir avait chuté
de 41% après six ans. Ces données sont
particulièrement crédibles puisqu’il
s’agissait d’un essai randomisé — les
participants qui prendraient la vitamine
E ou un placebo (sans aucun médica-
ment) étaient sélectionnés de façon
aléatoire, «au hasard». Une recherche
torontoise a également montré que la
vitamine E inhibe la croissance des
cellules prostatiques cancéreuses.
Plusieurs essais examinent présente-
ment la vitamine E sous l’angle de la
prévention. En attendant leurs conclu-
sions, si vous n’êtes pas admissible à
de tels essais, vous pourriez prendre
de la vitamine E à raison de 400 à
800 UI (unités internationales) par jour.
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