GéostratéGiques n° 37 • 3e trimestre 2012 Incertitudes syriennes
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Une analyse religieuse de la Syrie fait ressortir 73 % de sunnites arabes et kurdes,
12 % d’alaouites et de chiites, 10 % de chrétiens (druzes et autres n’étant mention-
nés que pour mémoire), ces minorités étant concentrées, pour l’essentiel, dans un
rectangle d’environ 10 000 km
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situé à l’Ouest du pays, adossé à la Méditerranée.
Un tel patchwork ethnico-religieux n’est pas sans rappeler, en beaucoup plus
compliqué et plus lourd de menaces, celui de l’Irak où, après plus de dix ans de
guerre civile larvée, une forme de ségrégation géographique s’est plus ou moins
instaurée entre les composantes ethnico-religieuses de la population dans une forme
d’équilibre qui risque de se rompre à tout moment.
Quant au patchwork syrien, est-il encore viable ?
C’est toute la question de savoir si les groupes alaouites et chiite (et aussi le
groupe chrétien) pourront, à terme, continuer de cohabiter avec le reste de la popu-
lation syrienne au sein d’un même État, une fois la chute du régime actuel consom-
mée.
C’est aussi la question de savoir si la communauté internationale peut contri-
buer à assurer cette cohabitation dans le cadre d’un État renforcé, incluant toutes
les composantes de la population, et ce, en facilitant tant une authentique démo-
cratisation de la vie politique du pays qu’une authentique politique des droits de
l’homme, dans le cadre d’un État dont le caractère unitaire ne soit pas une pure
façade comme en Irak.
Dans ce registre, observons que la communauté internationale y a renoncé en
ex-Yougoslavie, à la fin des années 1990, en raison du caractère irréductible des
oppositions tant entre chrétiens et musulmans qu’entre Serbes, Croates, Bosniaques
et Slovènes, et ce, avec pour résultat final, l’apparition de sept États sur les ruines de
la fédération yougoslave !
Des travaux de l’OCDE menés plus récemment, portant sur le renforcement de
l’État dans les situations de conflit et de fragilité, ne peut pas non plus se dégager
un optimisme démesuré en la matière car il y est souligné que « le renforcement de
l’État est un processus profondément politique…et avant tout un processus endogène »
sur lequel la communauté d’aide au développement a peu de prise ; tout au plus
peut-elle l’accompagner par des mesures d’assistance économique et sociale sans
lesquelles un tel exercice serait absolument vain : aussi, se doit-elle d’essayer de le
faire malgré les difficultés de mise en œuvre qui ne manqueront pas d’en résulter !
Telle est la première branche de l’alternative dont il est à souhaiter la réalisation
pour éviter d’avoir à faire face à la seconde, à savoir l’émergence d’une nouvelle
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