L`irradiation des produits alimentaires: problèmes et

L'irradiation
des produits alimentaires:
problèmes et perspectives
par J.R. Hickman
On a dit que l'irradiation des produits ali- problèmes posés par la conservation des
mentaires a été la découverte la plus impor- produits alimentaires. Le rayonnement
tante,
dans
l'industrie
alimentaire, depuis ionisant en résout plusieurs, mais ce
n'est
pas
l'invention
de la conserve, en 1810, par une panacée dont on doive attendre qu'il
Nicolas Appert.
C'est
certainement un pro- règle la question de l'alimentation mondiale,
cédé
d'avenir;
il est intéressant parce qu'il ne Malheureusement, des espoirs mal fondés ont
comporte aucune opération de chauffage; il tout d'abord conduit à en espérer plus
est efficace parce qu'il s'applique aux denrées qu'il
n'était
capable de donner. La quanti-
sous emballage ou en vrac; enfin, il ne laisse té de produits alimentaires traités avec succès
pas
de produits chimiques résiduels sur par irradiation et les résultats que l'on obtient
l'aliment
traité. avec ce procédé n'en restent pas moins
Il est bien évident qu'il
n'existe
pas de pro- impressionnants
cédé qui puisse résoudre à la fois tous les (voir
Tableau
I).
L'irradiation
des produits alimentaires présente assez d'avantages pour que les spécialistes
de l'alimentation de plus de 55 pays s'y intéressent depuis 25 ans. Dans les premiers temps,
c'est
surtout dans les pays industrialisés que des travaux ont été entrepris dans ce domaine;
ils étaient essentiellement consacrés à la recherche de procédés qui permettraient d'améliorer
la qualité des denrées alimentaires, objectif qui correspondait à
l'exigence
de qualité dont
s'accompagnait l'abondance croissante qui régnait dans ces pays. Plus récemment, on
s'est
rendu compte, dans de nombreux pays en voie de développement, que l'irradiation était
aussi un procédé, riche de possibilités, qui permettait de diminuer les pertes immenses qui
se produisent après les récoltes. Il semble aujourd'hui probable que la technique de
l'irradiation
des
denrées alimentaires
sera
appliquée à
l'échelle
industrielle en premier lieu
dans les pays en voie de développement, caractérisés souvent par un climat à températures
élevées et à forte humidité favorisant la corruption de ces denrées, et non encore dotés des
installations permettant d'avoir recours aux autres techniques de conservation (comme la
congélation).
Les travaux de laboratoire sur l'irradiation des produits alimentaires ont abouti à des résultats
impressionnants, et un certain nombre d'usines pilotes, utilisant cette technique, ont été
construites dans le monde. Elles ont permis de procéder à de vastes opérations de contrôle
de la qualité, de lancer des produits, à titre d'essai, sur le marché et d'en traiter de grandes
quantités qui ont été utilisées pour des expériences d'alimentation animale (nécessaires pour
juger de la comestibilité du produit).
D'après
les renseignements dont dispose
l'AlEA,
27
usines pilotes ont été mises en service en 1972, c'est-à-dire plus du double du nombre
d'usines existantes en 1966 [1]. Ces usines sont situées dans sept pays en voie de
développement.
Leur exploitation a donné des résultats encourageants. Des essais de commercialisation,
auxquels on
s'est
livré au Canada, en Hongrie, en Israël, aux Pays-Bas et en Thaïlande, ont
montré que le consommateur acceptait les produits irradiés. En même temps, on a acquis,
dans plusieurs pays, une expérience pratique des programmes éducatifs sur les produits
alimentaires irradiés qu'il faut organiser à
l'intention
des consommateurs.
32
L'usine
d'irradiation de pommes de terre de Hokkaido, au Japon.
Ce plat appétissant a été entièrement préparé avec des produits irradiés: steak conservé par
radappertisation (4,7 - 5,7 Mrad) et pommes de terreau four préparées avec de tubercules traités, après
la récolte, aux rayons gamma (5 000-15 000 rads) pour empêcher la germination. Photo: US Army.
33
TABLEAU
1
- QUELQUES APPLICATIONS POSSIBLES DES RAYONNEMENTS
IONISANTS AU TRAITEMENT DES ALIMENTS*
Groupe
a)
b)
c)
d)
e)
f)
Aliment
Viandes, volailles,
poisson et nombreuses
autres denrées très
périssables
Viandes, volailles,
poisson et nombreuses
autres denrées très
périssables
Viandes, volailles,
oeufs sous congélation
et autres denrées
sujettes
à
la conta-
mination par des
agents pathogènes2
Viandes et autres
denrées véhiculant
des parasites patho-
gènes
Céréales, farines,
fruits frais, fruits secs
et autres denrées
sujettes à
l'infestation
par les insectes
Fruits et certains
légumes
Objectif principal
Bonne conservation
prolongée sans
réfrigération
Prolongation de la
durée de stockage
aux températures
n'excédant
pasC
Prévention des
intoxications
alimentaires
Prévention des
maladies para-
sitaires à transport
alimentaire
Prévention de la
perte des stocks
et de la
proli-
fération des
insectes
Amélioration des
qualités de
con-
servation
Réalisation
Destruction des
micro-organismes
détériorants et de
tous les germes
pathogènes, notam-
ment du
Cl.
botulinum
Réduction de la
population micro-
bienne capable de
proliférer à ces
températures
Destruction des
salmonella
Destruction de
parasites tels que
Trichinella spiralis
et
Taenia saginata
Destruction ou
stérilisation sexuelle
des insectes
Réduction des
moisissures et
levures et (ou) dans
certains cas retarde-
ment de la matura-
tion
Doses
(en Mrad)
4-61
0,05-1.0
0,3-1,03
0,01-0,03
0,01-0,05
0,1-0,5
34
Groupe
g)
h)
Aliment
Tubercules (par
exemple, pommes de
terre),
bulbes (par
exemple, oignons),
et autres rhizomes
ou racines
Epices et autres
ingrédients
ali-
mentaires spéciaux
Objectif principal
Prolongation des
possibilités de
stockage
Réduction du
risque de conta-
mination par les
ingrédients
Réalisation
Inhibition
de la germination
Réduction de la
population micro-
bienne de l'ingrédient
Doses
(en Mrad)
0,005-0,015
1-3
1
D'après
certains indices une dose inférieure pourrait suffire dans le cas de diverses salaisons.
1 Y compris les aliments destinés aux animaux.
9 La destruction d'agents pathogènes radioresistant^ pourrait exiger une dose supérieure.
* Ce tableau a été publié dans la collection Rapports techniques de
l'OMS
No 136 (3).
Législation et comestibilité
Il a toujours été admis qu'il faut démontrer clairement, avant de les mettre
en
vente, que les
aliments irradiés peuvent être consommés sans danger.s 1954 la "Food and Drug
Administration"des Etats-Unis a publié
des
documents indiquant la marche à suivre pour
évaluer la comestibilité des produits alimentaires irradiés [2]. En 1964, un comité d'experts
réuni par la FAO,
l'AiEA
et l'OMS, a été chargé de formuler des recommandations sur les
bases techniques de la réglementation des aliments irradiés [3].
C'était
probablement la
première fois dans
l'histoire
que de telles recommandations, concernant un procédé utilisé
pour
le
traitement de denrées alimentaires, étaient formulées longtemps avant que ce procédé
ne soit appliqué dans l'industrie, et qu'on s'efforçait ainsi d'influencer les diverses législations
afin qu'elles adoptent une attitude commune susceptible de faciliter, à
l'avenir,
les échanges
internationaux.
Un grand nombre de denrées alimentaires irradiées ont été examinées, en utilisant les
méthodes d'analyse toxicologique approfondie recommandées, par le comité d'experts de
1964 et par un autre comité réuni par les institutions internationales en 1969 [4]. Il y a
trois ans, d'importants travaux, menés sur le plan international, ont été entrepris en commun
par la FAO, l'Ai E A et
l'Agence
pour
l'énergie
nucléaire de
l'OCDE
en vue de fournir à
l'Organisation mondiale de la santé des renseignements plus précis sur la comestibilité des
pommes de terre et du blé irradiés, afin de lui permettre de juger de leur innocuité à la
consommation.
C'est
à cette fin qu'a été créé à Karlsruhe, en République fédérale
d'Allemagne, le projet international sur l'irradiation
des
produits alimentaires, au financement
duquel participent 22 pays. En outre, des études sont ou seront prochainement entreprises
sur le poisson, le riz, les épices et les mangues. La Division mixte FAO/AIEA se charge de
rassembler la documentation sur les questions de comestibilité.
Les autorités sanitaires de 17 pays ont aujourd'hui pris connaissance des preuves qui leur
ont été fournies sur la comestibilité de ces denrées alimentaires irradiées et elles ont autorisé
la consommation par le public d'un ou de plusieurs de ces denrées (voir
Tableau
2). Parmi
les denrées irradiées dont la consommation a déjà été autorisée dans un ou plusieurs pays.
35
TABLEAU 2. DENREES ALIMENTAIRES IRRADIEES AUTORISEES
A. POUR LA CONSOMMATION PUBLIQUE (QUANTITES ILLIMITEES)
Pommes de terre (g)**
Oignons (g)
Ail (g)
Farine de blé et blé (e)
Fruits séchés (e)
Champignons (f)
Concentrés d'aliment déshydratés (e)
Canada, Danemark, Espagne,
Etats-Unis d'Amérique, France***,
Israël,
Italie, Japon,
Pays-Bas, Philippines, Uruguay***,
URSS
Canada, Israël, Italie, Thaïlande
Italie
Bulgarie, Canada, Etats-Unis d'Amérique,
URSS
URSS
Pays-Bas
URSS
B. POUR DES ESSAIS (QUANTITES LIMITEES)
Pomme de terre (g)
Oignons (g)
Fruits et légumes frais (f)
Fruits séchés et concentrés d'aliments
déshydratés (e)
Asperges (f )
Fraises (f)
Fèves de cacao (e)
Epices et condiments (h)
Produits carnés préparés ou
semi-préparés (b)
Volailles (b,c)
Poisson (b)
Crevettes (b)
Produits alimentaires pour les
malades des hôpitaux
* Situation au 31 décembre 1973
** Renvois aux groupes du tableau 1
*** Autorisation temporaire pour 5 ans.
Bulgarie, Hongrie
Bulgarie, Hongrie, Pays-Bas, URSS
Bulgarie, URSS
Bulgarie
Pays-Bas
Hongrie, Pays-Bas
Pays-Bas
Pays-Bas
URSS
Canada, Pays-Bas, URSS
Canada
Pays-Bas
Allemagne (République fédérale)
Pays-Bas, Royaume-Uni
on peut citer les pommes de terre, les oignons, l'ail, les fruits secs, les champignons, les
épices et le blé. Il convient de noter que le nombre de pays la consommation des aliments
irradiés est autorisée a considérablement augmenté au cours des trois dernières années, en
même temps que ces autorisations étaient accordées pour un plus grand nombre de denrées.
C'est
là une évolution encourageante; certains considéraient autrefois que le principal obstacle
à tout progrès dans ce domaine était la difficulté d'obtenir les autorisations nécessaires de
la part des autorités sanitaires.
Commercialisation: premières mesures
Certains signes permettent de dire que
l'adoption
des techniques d'irradiation des produits
alimentaires est désormais entrée dans sa phase commerciale. Des événements encourageants
à cet égard se sont produits en 1973: on a obtenu que les procédés d'irradiation des oignons
soient adoptés en Thaïlande, et une grande installation industrielle pour l'irradiation des
36 (Voir suite à la page 45)
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