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La Boutique
Au Coin de la Rue
d’après la pièce La Parfumerie
de Miklos Laszlo
et le film The shop around the corner
d’Ernst Lubitsch
Adaptation française dEvelyne Fallot et Jean-Jacques Zilbermann
Théâtre Alchimic
du 12 au 31 janvier 2016
Une production du THEATRE AD HOC
Une mise en scène de Michel Favre
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Préambule
Il y a dans notre imaginaire collectif et individuel toutes sortes de fables sur l’amour, ou la
quête de l’amour. Celui qui se cultive avec patience, confiance et persévérance, mais aussi
celui qui jaillit soudain, sans préparation, cible de la flèche d’un Cupidon invisible, ou encore
celui qui se cache derrière les métaphores de la forêt ombreuse, de la bête sauvage ou des
bonnes fées. Toutes ces fables sont comme des philtres symboliques destinés à nous décrire et
nous inspirer l’amour.
Dans « La Boutique au coin de la rue », les amants en herbe croient à un amour sublimé,
ayant la pureté du cristal ; ils se laissent dériver sur le fleuve majestueux de leurs rêves qui
leur chantent les louanges d’un être idéalisé, sans leur laisser voir que cet être idéal se trouve
devant eux, bien en chair et qu’ils le côtoient tous les jours.
Mais cette fable naïve au parfum de romantisme se situe au cœur d’une tourmente sociale
dans une société en pleine crise financière. Et ce qui domine dans cette situation, c’est
l’instinct de survie, la peur du chômage, les tensions entre les employés. C’est le temps du
« chacun pour soi et Dieu pour tous ».
Avec ce projet, nous proposons que le théâtre se penche sur son passé, se retourne
comme un gant pour respirer et arpenter notre mémoire culturelle, celle du parcours
d’une œuvre protéiforme réinventée sans cesse tout au long de son histoire, traversant
les modes et les langues sans jamais s’éroder, tant est universelle sa thématique de la
quête amoureuse.
Nous proposons de retracer ce parcours avec les instruments du théâtre, du cinéma et de
la musique.
Synopsis
L’action de la pièce se déroule autour de la vie des vendeurs de la librairie Matutschek et de
son directeur :
Klara Novak, jeune femme au chômage, réussit après de laborieux pourparlers l’on sent
toute la détresse de sa situation, mais aussi sa ferme détermination, à se faire embaucher dans
la librairie du tyrannique et grognon Matutschek, au grand dam d'Albert Kralik, premier
vendeur et jusque-là protégé du patron. Dès lors, sous le regard narquois ou effarouché des
quatre autres employés, Kralik et Klara se font la guerre, se chamaillant à propos de tout,
alors que, sans le savoir, ils poursuivent anonymement une correspondance amoureuse.
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L’extraordinaire parcours de la pièce
La Boutique au coin de la rue, d'après la pièce de théâtre La Parfumerie (1936) de l’auteur
hongrois Miklos Laszlo, quasi inconnu même dans son pays d'origine, a un destin
international depuis près de 80 ans.
Après sa création en hongrois à Budapest en 1937, la pièce fut adaptée en anglais sous le
titre The Shop Around The Corner, et réalisée pour le cinéma par Ernst Lubitsch. Ce petit
bijou cinématographique reste dans les mémoires comme l'une des plus belles et touchantes
comédies américaines des années 1940 qui fut sélectionnée pour quatre Oscars.
The Shop Around The Corner devint un classique de la MGM qui décida, neuf ans plus tard,
d’en faire un musical : In Good Old Summertime. Cette version, dirigée par Robert Z.
Leonard et interprétée par Judy Garland et Van Johnson, fut pour l’occasion transposée dans
une boutique de musique de Chicago. Elle fut adaptée à son tour en comédie musicale à
Broadway en 1963 sous le titre de She Loves Me, puis à Londres en 1994, enfin à Paris en
2001 sous le titre La Boutique au coin de la rue, au théâtre Montparnasse dans une mise en
scène de J-Jacques Zilbermann avec notamment Samuel Labarthe. Le spectacle remporta
plusieurs Molières. Puis elle fut reprise en 2010, sous le titre Rendez-vous au théâtre de Paris,
dans une mise en scène de Jean-Luc Revol avec notamment Kad Merad.
La MGM songea à en tourner une nouvelle version à la fin des années 1960 mais le projet
demeura dans les cartons. La ressortie du film de Lubitsch en salle dans les années 1980 a
aussi connu un véritable succès. Il faudra néanmoins attendre 1998 pour voir la Warner
s’emparer de ce script miraculeux et en faire une nouvelle transposition contemporaine You've
Got Mail dirigée par Nora Ephron avec Tom Hanks et Meg Ryan dans les rôles principaux.
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Analyse
Bien plus qu’une simple comédie, cette pièce apparaît comme une fable caustique sur le
comportement humain où l’on s'efforce de comprendre chacun sans épargner personne :
flagornerie, servilité, abus de pouvoir d’un petit patron en bout de course, opportunisme
petit-bourgeois, tous ces travers sont épinglés par l’auteur, masquant le désarroi de
chacun, et engendrant paradoxalement générosité, tolérance, solidarité et
reconnaissance.
Pudeur des sentiments, maladresses, malentendus, préjugés, commérages, idées
préconçues et quiproquos aident à construire l’action pour la mener avec efficacité vers
son dénouement attendu.
L’intrigue amoureuse n’étant finalement qu’une illustration de la peur de la solitude
engendrée par cette forme d’individualisme qui est notre modèle social. Les thèmes présents
sont d’une actualité déconcertante, aujourd’hui nous avons le sentiment de plonger dans
une crise aussi dévastatrice que celle de 1929.
Avec finesse, mais sans esquiver la profondeur, le texte nous offre de ces petits moments de
bonheur, toujours à notre portée, qui peuplent notre quotidien et que nous ne savons pas
toujours reconnaître.
Une satire sociale ?
Tout d’abord, contrairement à nombre de comédies hollywoodiennes des années 1930, celle-ci
ne repose pas sur une différence de catégorie sociale entre les protagonistes : tous les deux
appartiennent à la working class. L’effet "conte de fée" ne joue donc pas ici. Au contraire, l’un
et l’autre sont à la fois conscients et préoccupés par la précarité de leur situation. Ils
réaliseront que l’intégrité ne suffit pas à assurer sa position dans un monde du travail marqué
par la crise mondiale et la toute-puissance d’un patronat libre de congédier sans autre forme
de procès. Au détour d’une conversation, on découvrira même sur un ton badin une allusion
au problème du harcèlement sexuel des femmes sur leur lieu de travail, visiblement
omniprésent.
Avons-nous pour autant affaire à une oeuvre engagée ? On peut y voir plutôt une peinture
ironique, légèrement cynique, de la bonne conscience bourgeoise incarnée par le patron,
Monsieur Matutschek. Ce dernier exerce sa tyrannie joviale et peu subtile en s’abritant
derrière le masque d’une philanthropie paternaliste qui le pousse à engager plus d’employés
qu’il n’en a réellement besoin. En retour, il exige d’eux l’affection qu’il ne trouve pas dans sa
propre famille.
Le virage pris par l’histoire en son milieu, qui révélera la fragilité de Matutschek, changera la
donne et finira, avec une certaine tendresse, par transformer cette entreprise en une famille
recomposée. Cette fin quelque peu moralisante est peut-être la seule faiblesse de cette fable
sociale. Mais elle a l’avantage d’apporte un souffle d’espoir dans une époque empreinte de
désespoir. Les aspirations de Klara et de Kralik finiront par se fondre dans le bonheur d’une
entreprise prospère.
Heureusement, le culot de Pépi, le coursier du magasin, permet de dispenser un sourire
malicieux et souligner l’art délicat de l’opportunisme innocent, la fourberie d’un Vadas
avait été sanctionnée.
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Intérêt pédagogiques
Le propos et son actualité :
Crise
L’actualité des thèmes abordés (peur du chômage, crise économique, relations tendues
entre collègues de travail, préjugés, idées préconçues) fait oublier que la pièce se passe au
début des années 30 à Budapest.
Aujourd’hui, alors que la situation économique mondiale plonge à nouveau dans une crise
économique comparable à celle de l'époque la pièce fut écrite, nous pensons que son
propos trouve toute sa place. Les problèmes au quotidien, la peur du chômage, les difficultés
financières, la cherté de la vie, la rareté de l'emploi préoccupent les citoyens. Dans ces
situations de crise, beaucoup cherchent des boucs émissaires à ces maux de société,
stigmatisant des réfugiés ou des travailleurs étrangers et laissant apparaître insidieusement
une montée de xénophobie. Nous l'avons bien compris lors de la votation du 9 février 2014.
C’est pour cette raison que nous avons conçu une distribution empreinte de la diversité sociale
actuelle. Car au-delà de l'histoire d'amour, cette pièce nous met en garde contre les préjugés et
les idées préconçues.
La peur et le doute
La crise économique engendre ainsi la solitude empêchant une vie sociale harmonieuse. Le
doute créé par la peur tient ici une place de choix. Tout le monde doute : le patron doute de
l’intégrité de ses employés, les employés doutent de la parole du patron et de celle de leurs
collègues, les amants doutent de leurs propres sentiments. Et c’est par le doute que les
personnages progressent.
L'argument si génialement simple de « The Shop Around The Corner » a ému toutes les
générations. Fils d’un tailleur berlinois, Lubitsch avait certainement été sensible dans la pièce
de Laszlo à cette atmosphère d'arrière-boutique d'une vieille Europe en décrépitude. De même
que Jean-Claude Grumberg dans L’Atelier, Laszlo et Lubitsch ajustent leur loupe sur un
monde confiné, avec un regard d’entomologiste à la fois sensible, tendre et distancié, qui leur
permet une lecture universelle de l’individu, digne de Proust.
Ainsi réaliser ce spectacle aujourd’hui nous permettra de revisiter cette belle galerie de
caractères et faire découvrir ou redécouvrir au public genevois ces personnages et leur
magnifique humanité. Tout en portant un regard acéré sur un contexte social
particulièrement cruel.
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