FACTEURS DE RISQUE DE SSA
La sensibilité neuronale à développer un SSA est probablement
génétiquement déterm i n é e. A i n s i , l ’ a s s o c i ati on d’un allèle du
gène codant pour le transporteur de la sérotonine a été mise en
évidence comme facteur de risque de surve nue d’une cri s e
c o nv u l s i ve généralisée ou d’un delirium tremens ( 1 3 ). La pré-
sence d’un allèle du gène codant pour la sous-unité bêta2 du
récepteur GABA a été associée au risque de survenue de formes
sévères de SSA (14). Des facteurs de stress peuvent également
intervenir dans l’initiation comme dans l’accélération de l’évo-
lution ve rs des fo rmes sévères ( 1 5 , 1 6 ). Chez des sujets aya n t
déjà présenté un épisode comitial, la fréquence de récidive des
crises convulsives généralisées lors d’un nouveau sevrage (odds-
ratio : 16) (9) serait liée à une sensibilisation induite par un phé-
nomène d’embrasement cérébral dénommé kindling en anglais
(17, 18).
CLINIQUE
La symptomatologie du SSA regroupe divers signes peu spéci-
fiques dont l’intensité va ri able peut être très rapidement pro-
gre s s ive. Les pre m i e rs symptômes surviennent hab i t u e l l e m e n t
dans les 24 heures qui suivent la consommation du dernier verre
de boisson alcoolique et très rarement au-delà de 72 heures. Tou-
tefois, l’initiation tardive d’un SSA a été décrite en cas de trai-
tement préalable par bêtabloqueurs ou benzodiazépines au long
cours, en cas de traitement inadapté (posologie insuffisante) ou
d’anesthésie générale dans les heures suivant le sev rage ( 1 9 ) . Les
symptômes sont variablement regroupés en trois pôles syndro-
miques :
✓un syndrome adrénergique associant des tremblements inté-
ressant initialement les extrémités et qui ont tendance à se géné-
raliser à l’ensemble du corps, une tachycardie et une hyperten-
sion artérielle ;
✓des troubles neurovégétatifs associant sueurs, nausées, vomis-
sements, voire hyperthermie dans les formes plus sévères ;
✓des tro u b les neuro p s y ch i a t r i q u e s qui évoluent de fo r m e s
m i n e u res (anxiété, i rri t ab i l i t é , i n s o m n i e,i nve rsion du cy cle ny c-
t h é m é ra l , d é a m bu l at i o n , illusions tra n s i t o i r es) à des fo rmes plus
s é v è res (attaques de panique, c o n f u s i o n , agi t at i o n , t ro u b les de
la perc eption : h a l l u c i n ations sensori e l l e s , visuelles et/ou audi-
t ives). Dans les fo rmes ab o u t i e s , la composante délirante est
a u - d evant du tabl e a u , constituant la fo rme clinique du deliri u m
t re m e n s .
En fait, ces trois formes cliniques cohabitent dans un véritable
gradient d’intensité. Cette continuité évolutive de la symptoma-
tologie peut prendre des formes fulgurantes en cas d’existence
d’un facteur de stress physique ou psychologique et lorsque le
SSA a été inauguré par une crise convulsive généralisée (6 % des
cas) (6). Ainsi, la stratégie thérapeutique du SSA doit prioritai-
rement reposer sur la prévention précoce de la surve nue des
formes sévères.
TRAITEMENT
Compte tenu de la relative rareté des formes sévères et de l’ab-
sence de symptomatologie de sevrage chez plus de la moitié des
alcoolodépendants, il paraît peu licite de proposer un traitement
s y s t é m a tique à tous les malades repérés. C’est la raison pour
laquelle des “stratégies ciblées ” (20-22) sur les patients à risque
élevé de développement de SSA sévère (antécédents d’accidents
de sevrage) ont été proposées. Le schéma d’administration peut
ainsi utiliser un produit à doses fixes ou bien adapté à la symp-
t o m at o l ogie selon un pro t o c o l e. Dans tous les cas, il s’agit de
désamorcer un processus physiopathologique cérébral en préve-
nant la rapidité d’évolution des formes mineures vers les formes
majeures. Ainsi, un dispositif de surveillance et d’évaluation doit
être mis en place pour permettre une grande adaptabilité du trai-
tement.
Évaluation et surveillance du SSA
P l u s i e u rs instruments d’éva l u ation ont été développés pour mesu-
rer l’intensité d’un SSA ( 2 3 ). Ces échelles comportent un nombre
d’items va ri able regroupant des modifi c ations phy s i o l ogiques ou
des manifestations comportementales en rapport avec la réponse
a d r é n e rgique du sev rage, les signes neurov é g é t at i f s , la confusion,
l’agitation ou les phénomènes dysperceptifs ou hallucinatoires.
Parmi ces outils cliniques, dont la plupart ont été mis au point
pour des sev rages progra m m é s , le score de Cushman ap p a ra î t
comme le plus performant à utiliser en pratique quotidienne : il
s’agit d’un score d’utilisation aisément reproductible,sensible et
s p é c i f ique ( t abl eau I) ( 2 4 ) . En cas de traitement par alpha ou
b ê t a bl o q u a n t , le score de sev rage est diminué en moyenne de
deux points.
Traitement préventif du syndrome de sevrage
compliqué (tableau II)
La fréquence élevée de l’alcoolodépendance chez les sujets hos-
pitalisés quel qu’en soit le motif d’admission conduit à envisa-
ger systématiquement l’éventualité de ce diagnostic.
●Traitement de base
Dans ce cas, un traitement de base sera mis en place et associe
un accueil bienveillant dans un lieu calme afin de diminuer les
s t i m uli sonores et visuels. L’ hy d rat ation sera suffi s a n t e, à la
demande, sans être trop abondante pour éviter les risques d’hy-
p o n a trémie iat rogène (source de confusion) ou d’œdème aigu
pulmonaire. La voie orale sera privilégiée. Seuls des troubles de
la déglutition, de la conscience ou de déshydratation requièrent
la voie parentérale. Dans ce cas, on évitera les sérums glucosés
favorisant la carence en thiamine. L’association de vitamine B1
(500 mg par jour), vitamine B6 (250 mg par jour) et vitamine PP
( 2 5 0 mg par jour) sera pre s c rite par voie orale pour trois semaines
en évitant les prises vespérales, compte tenu de leur caractère sti-
mulant. L’ a d m i n i s t rat ion pare n t é ra l e, de préférence par perfu-
sion intraveineuse, est préconisée en cas de signes cliniques de
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 83
DO S S I E R T H É M A T I Q U E