La newsletter du Biopark
Charleroi Brussels South
n°26 — été 2015
Nouveaux projets
de recherche
Projet ERC
2
Démonter le nucléole 4
Biologie vasculaire cérébrale 5
Immunologie tous terrains
6
Mieux contrôler les bioprocédés
7
Delphi Genetics - Avaxia 8
Véronique Kiermer 9
En bref 11
CHARLEROI BRUSSELS SOUTH
Nouveaux projets de recherche
2
Nouveau projet ERC : entre
parasitologie et néphrologie
Officiellement à la retraite depuis octobre dernier,
Etienne Pays avoue ne pas vouloir quitter son
bureau tout de suite : "Le laboratoire aborde
des perspectives stimulantes, je serais triste
de partir au moment où ces nouvelles pistes se
lancent", explique le directeur du Laboratoire
de Parasitologie moléculaire (IBMM). LERC
(European Research Council) Advanced Grant
qu’il vient d’obtenir va donc lui permettre
d’explorer ces nouvelles pistes et de travailler
pendant 5 ans encore sur le trypanosome. Ce
parasite sanguin, transmis par la piqûre de la
mouche tsé-tsé, provoque la maladie du sommeil
chez l’homme et est le sujet de recherche
d’Etienne Pays depuis bientôt 40 ans.
Etienne Pays vient d’obtenir une prestigieuse bourse du
Conseil européen de la recherche (ERC) pour financer ses
recherches sur le trypanosome. Un projet qui représente la
synthèse de ses 40 années de carrière.
EVOLUTION ACCÉLÉRÉE
Retournons en 1998 : le chercheur et son
équipe découvrent la protéine SRA, permettant à
certains trypanosomes résistants de contourner
les défenses immunitaires humaines. Quelques
années plus tard, en 2003, ils découvrent que
SRA neutralise l’apolipoprotéine-L1 (apoL1),
une protéine humaine qui crée des trous
dans la membrane du parasite. Ils découvrent
ensuite qu’une mutation de l’apoL1 permet à
certaines populations d’Afrique de l’Ouest de
résister à nouveau aux trypanosomes. Mais
cet avantage évolutif s’accompagne, chez les
populations résistantes, d’un risque plus élevé
d’insuffisance rénale, suite à une réaction
Le futur sera profondément influencé par la
recherche
fondamentale actuelle. Mais celle-ci a
besoin de temps, de liberté et de moyens financiers
pour que créativité et excellence puissent s’exprimer.
Ces moyens manquent, même si les pouvoirs
politiques subsidiants restent cléments en ces
périodes économiques difficiles.
Le FNRS, employeur de 2.300 chercheurs, reçoit un
nombre croissant de candidatures de chercheurs
et demandes de crédits. Les commissions
scientifiques internationales qui évaluent les
dossiers sont confrontées à des choix difficiles pour
établir les classements finaux, tant la qualité est
élevée alors que seul un candidat ou un projet sur
cinq pourra généralement être financés.
Ceci nous amène à devoir peser soigneusement
la répartition du financement entre les chercheurs
les plus éminents et la recherche de base d’où
émergeront de nouvelles thématiques ou équipes
de pointe.
Une recherche appliquée performante, condition de
progrès social et économique, doit être alimentée
par une recherche fondamentale d’excellence
pour produire des résultats tangibles dans notre
quotidien. Restons d’humeur confiante quant à un
élargissement futur de nos ressources financières ?
Véronique Halloin
Secrétaire générale FNRS
Humeur
Nouveaux projets de recherche 3
auto-immune de l’apoL1 mutée contre les
cellules des reins. Publié dans la revue Science
en 2010, ce travail établit pour la première fois
une cause génétique à l’insuffisance rénale
et reste l’un des articles les plus cités dans le
domaine de la néphrologie "et l'un des plus
populaires de ma carrière", précise Etienne Pays.
Aujourd’hui, pour son projet ERC, le chercheur
souhaite faire la synthèse de toutes ces
recherches, en mettant au défi les capacités
d’adaptation de "son parasite favori" (comme
il le désigne lui-même). L’hypothèse est
ingénieuse : si le trypanosome a réussi, au fil de
l’évolution et jusqu’à aujourd’hui, à contourner
les défenses immunitaires naturelles de
l’homme, il y a de fortes chances qu’il y arrive
de nouveau. "Le trypanosome est un organisme
primitif qui s’adapte extrêmement vite à son
environnement", explique Etienne Pays, "Nous
allons donc soumettre les parasites résistants à
des doses contrôlées et de plus en plus grandes
d’apoL1 mutée. En réaction à cette pression
évolutive dirigée, nous espérons que certains
d’entre eux parviendront à synthétiser un nouvel
antidote contre cette protéine".
IMPLICATION DE L’ARN POLYMÉRASE I
La capacité d’adaptation et d’évolution du trypanosome tient notamment au fait que
certains gènes dont la fonction est de varier pour s’adapter, tels que ceux codant pour
les antigènes de surface ou les protéines de résistance comme SRA, se trouvent aux
extrémités des chromosomes, des zones propices aux mutations. Curieusement, la
synthèse d’ARN messager à partir de ces gènes est effectuée par l’ARN polymérase I,
normalement dévolue à la production d’ARN ribosomique : ceci est une exception
unique dans la nature, car c’est toujours l’ARN polymérase II qui remplit ce rôle.
Dans une publication récente dans le journal Molecular Microbiology, l’équipe du
laboratoire de Parasitologie moléculaire explique l’importance de cette polymérase
dans le processus d’adaptation du trypanosome. Alors que les parasites s’adaptent
normalement en une quinzaine de jours, le processus ne fonctionne plus lorsqu’on
remplace l’ARN polymérase I par l’ARN polymérase II pour la transcription des gènes
adaptatifs. La polymérase I est donc bien un facteur indispensable à l’adaptation
rapide du trypanosome à son environnement.
Les chercheurs expliquent cela par le fait que cette enzyme est destinée à synthétiser
rapidement de très grandes quantités d’ARN, et qu’elle possède donc une efficacité
beaucoup plus élevée que l’ARN polymérase II. Cette activité intense entraîne un
déroulement important de l’ADN situé à l’extrémité des chromosomes, ce qui rend les
gènes dans cette région plus accessibles aux enzymes déclenchant les recombinaisons
et favorise donc l’inventivité adaptative.
N.J.
RETRAITÉ ACTIF
Si le chercheur parvient à ses fins, la nouvelle
molécule qui émergera de l’expérience pourrait
ouvrir la voie à de nouveaux traitements contre
l’insuffisance rénale : "Actuellement, la protéine
SRA neutralise l’apoL1 par contact direct",
explique Etienne Pays, "Nous pouvons donc
imaginer que le nouvel antidote fera de même
contre l’apoL1 mutée, ce qui empêcherait la
réaction auto-immune contre les cellules rénales
et donc la maladie". L’idée est novatrice, le
projet ambitieux et le sexagénaire optimiste :
"J’ai confiance en la capacité du trypanosome à
produire quelque chose de neuf pour continuer
à survivre. Les premiers résultats du laboratoire
soutiennent cette hypothèse… Mais cela
implique que je vais rester encore quelques
années au laboratoire", ajoute-t-il en souriant.
Natacha Jordens
Nouveaux projets de recherche
4
Démonter le nucléole "brique par brique"
"Si on observe la morphologie du nucléole, qui est
un compartiment de la cellule, il est possible de
deviner si celle-ci est saine ou malade", explique
Denis Lafontaine (Laboratoire du Métabolisme
de l’ARN, IBMM). "La taille du nucléole, sa forme
ou encore le nombre de nucléoles au sein d’une
cellule varient énormément. Ces trois critères sont
des indicateurs précieux de l’état physiologique
de nos cellules". Mais dans la pratique, à ce jour,
ils restent difficiles à utiliser par manque de tests
cliniques robustes.
Les chercheurs vont à présent démonter le
nucléole "brique par brique", pour mieux
comprendre les relations entre sa structure et sa
fonction. "Nous connaissons déjà la composition
du nucléole", poursuit Denis Lafontaine. "Pour
aller plus loin, nous utiliserons notre microscope-
robot, pour analyser la morphologie du nucléole
en l’absence de chacun de ses constituants. Le
microscope-robot est une plateforme de criblage
à haut débit conçue par notre laboratoire dans
le cadre des projets FEDER, et le reflet de mon
engagement dans la création du CMMI".
En parallèle, Birthe Fahrenkrog (Laboratoire
de Biologie du noyau, IBMM) s’intéresse aux
pores nucléaires, qui sont des petites fenêtres
du noyau responsables du trafic, des échanges
de composants au sein de la cellule. "Un des
objectifs est de comprendre pourquoi certains
composants du pore nucléaire se retrouvent dans
Du 19 au 23 août, Bruxelles accueillera la 10
e
conférence EMBO (European Molecular Biology
Organization) sur la synthèse du ribosome.
Plus d’infos : http://events.embo.org/15-ribosomes/
des conditions de pathologie dans le nucléole",
explique la chercheuse. "In fine, cette recherche
pourrait nous permettre de mieux comprendre
la relation entre la structure du nucléole et la
maladie, en particulier le cancer".
Damiano Di Stazio
Denis Lafontaine et Birthe Fahrenkrog se focalisent sur les ribosomes et les complexes de pore
nucléaire via leur ARC consacrée au nucléole. L’intérêt de l’étude ? Le nucléole est un puissant
biomarqueur de la maladie et une cible thérapeutique pour le traitement des cancers.
ESSENTIEL FNRS
Qu’ils soient doctorants, postdoc’ ou
chercheurs, nombre de scientifiques du
Biopark bénéficient du soutien précieux
du FNRS, "en direct" ou via l’opération
Télévie. Le FNRS finance également des
équipements ou des projets de recherche…
Des ressources humaines ou matérielles
qui souvent viennent compléter fort
utilement des projets soutenus par ailleurs.
C’est par exemple le cas des deux "Actions
de Recherche Concertée" présentées ci-
contre : financées par la Fédération Wallonie-
Bruxelles, l’une (Advanced) est coordonnée
par Denis Lafontaine, directeur de recherche
FNRS, en collaboration avec Birthe
Fahrenkrog tandis que l’autre (Consolidation),
dirigée par Benoît Vanhollebeke, est aussi
soutenue par une convention FNRS-Mandat
d’Impulsion Scientifique.
N.G.
Nouveaux projets de recherche 5
Biologie vasculaire cérébrale
Les vaisseaux sanguins cérébraux doivent résoudre une équation difficile :
approvisionner des dizaines de milliards de neurones en oxygène et
nutriments et, en même temps, empêcher l’infiltration de composés et
de cellules potentiellement toxiques véhiculés par le sang afin d’assurer
l’homéostasie cérébrale et la fiabilité des communications synaptiques.
La solution évolutive retenue chez les vertébrés consiste à doter les
cellules endothéliales d’une batterie de propriétés protectrices qui portent
le nom de barrière hématoencéphalique. Cette dernière représente un
enjeu clinique majeur : de nombreuses maladies neurologiques (comme
les maladies neurodégénératives, l’accident vasculaire cérébral ou encore
certains cancers) ont des composantes neurovasculaires.
La clé de l’homéostasie vasculaire cérébrale repose sur un couplage
fonctionnel étroit entre les voies de signalisation qui contrôlent la
vascularisation cérébrale et celles qui gouvernent l’acquisition des
propriétés de barrière hématoencéphalique. Dès les stades embryonnaires
les plus précoces, seuls les vaisseaux sanguins qui ont correctement
entamé leur maturation pourront envahir le cerveau.
"C’est précisément la nature de ces signaux inducteurs, ainsi que la façon
dont ils sont reconnus et interprétés par les cellules endothéliales qui sont
à l’étude dans mon laboratoire", explique Benoit Vanhollebeke, chercheur
à l’IBMM.
PROJET ARC – FNRS – FONDATION ULB
Soutenu par la Fondation ULB, un mandat d’impulsion scientifique du
FNRS et une ARC Consolidation, le laboratoire de Benoit Vanhollebeke
se distingue des autres équipes de recherche actives dans le domaine.
"L’angiogenèse est un processus hautement dynamique, et nos travaux
viennent de révéler que la mise en place des vaisseaux sanguins
cérébraux est régie à l’échelle cellulaire", poursuit le chercheur.
L’approche originale du laboratoire repose sur le modèle du zebrafish,
un organisme vertébré transparent permettant d’observer les
processus angiogéniques cérébraux avec une résolution temporelle
et spatiale inégalée.
"Nos recherches ont révélé l’existence d’un complexe membranaire
à la surface des vaisseaux cérébraux qui assure un contrôle qualité
drastique sur les cellules endothéliales candidates à l’invasion cérébrale.
Seules celles qui expriment ce complexe pourront répondre de manière
adéquate aux signaux angiogéniques dérivés du cerveau et y initier la
formation de nouveaux vaisseaux sanguins."
Ces travaux, une collaboration internationale avec le Max Planck Institute
de Bad Nauheim en Allemagne, l’Université John Hopkins aux Etats-Unis
et une équipe japonaise à Osaka, ouvrent de nombreuses perspectives
pour les futures recherches du laboratoire.
Damiano Di Stazio
L’équipe de Benoit Vanhollebeke, soutenu notamment par une ARC, s’intéresse aux vaisseaux
sanguins de notre cerveau. Les derniers résultats de sa recherche sont publiés dans eLife.
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