Ete 2015 - Biopark Charleroi Brussels South

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C H A R L E R O I
B R U S S E L S
S O U T H
La newsletter du Biopark
Charleroi Brussels South
n°26 — été 2015
Nouveaux projets
de recherche
Projet ERC
2
Démonter le nucléole 4
Biologie vasculaire cérébrale 5
Immunologie tous terrains
6
Mieux contrôler les bioprocédés 7
Delphi Genetics - Avaxia
8
Véronique Kiermer 9
En bref
11
Nouveau projet ERC : entre
parasitologie et néphrologie
Humeur
Etienne Pays vient d’obtenir une prestigieuse bourse du
Conseil européen de la recherche (ERC) pour financer ses
recherches sur le trypanosome. Un projet qui représente la
synthèse de ses 40 années de carrière.
Le futur sera profondément influencé par la
recherche fondamentale actuelle. Mais celle-ci a
besoin de temps, de liberté et de moyens financiers
pour que créativité et excellence puissent s’exprimer.
Ces moyens manquent, même si les pouvoirs
politiques subsidiants restent cléments en ces
périodes économiques difficiles.
Le FNRS, employeur de 2.300 chercheurs, reçoit un
nombre croissant de candidatures de chercheurs
et demandes de crédits. Les commissions
scientifiques internationales qui évaluent les
dossiers sont confrontées à des choix difficiles pour
établir les classements finaux, tant la qualité est
élevée alors que seul un candidat ou un projet sur
cinq pourra généralement être financés.
Ceci nous amène à devoir peser soigneusement
la répartition du financement entre les chercheurs
les plus éminents et la recherche de base d’où
émergeront de nouvelles thématiques ou équipes
de pointe.
Une recherche appliquée performante, condition de
progrès social et économique, doit être alimentée
par une recherche fondamentale d’excellence
pour produire des résultats tangibles dans notre
quotidien. Restons d’humeur confiante quant à un
élargissement futur de nos ressources financières ?
Véronique Halloin
Secrétaire générale FNRS
2
Officiellement à la retraite depuis octobre dernier,
Etienne Pays avoue ne pas vouloir quitter son
bureau tout de suite : "Le laboratoire aborde
des perspectives stimulantes, je serais triste
de partir au moment où ces nouvelles pistes se
lancent", explique le directeur du Laboratoire
de Parasitologie moléculaire (IBMM). L’ERC
(European Research Council) Advanced Grant
qu’il vient d’obtenir va donc lui permettre
d’explorer ces nouvelles pistes et de travailler
pendant 5 ans encore sur le trypanosome. Ce
parasite sanguin, transmis par la piqûre de la
mouche tsé-tsé, provoque la maladie du sommeil
chez l’homme et est le sujet de recherche
d’Etienne Pays depuis bientôt 40 ans.
Nouveaux projets de recherche
EVOLUTION ACCÉLÉRÉE
Retournons en 1998 : le chercheur et son
équipe découvrent la protéine SRA, permettant à
certains trypanosomes résistants de contourner
les défenses immunitaires humaines. Quelques
années plus tard, en 2003, ils découvrent que
SRA neutralise l’apolipoprotéine-L1 (apoL1),
une protéine humaine qui crée des trous
dans la membrane du parasite. Ils découvrent
ensuite qu’une mutation de l’apoL1 permet à
certaines populations d’Afrique de l’Ouest de
résister à nouveau aux trypanosomes. Mais
cet avantage évolutif s’accompagne, chez les
populations résistantes, d’un risque plus élevé
d’insuffisance rénale, suite à une réaction­
auto-immune de l’apoL1 mutée contre les
cellules des reins. Publié dans la revue Science
en 2010, ce travail établit pour la première fois
une cause génétique à l’insuffisance rénale
et reste l’un des articles les plus cités dans le
domaine de la néphrologie "et l'un des plus
populaires de ma carrière", précise Etienne Pays.
Aujourd’hui, pour son projet ERC, le chercheur
souhaite faire la synthèse de toutes ces
recherches, en mettant au défi les capacités
d’adaptation de "son parasite favori" (comme
il le désigne lui-même). L’hypothèse est
ingénieuse : si le trypanosome a réussi, au fil de
l’évolution et jusqu’à aujourd’hui, à contourner
les défenses immunitaires naturelles de
l’homme, il y a de fortes chances qu’il y arrive
de nouveau. "Le trypanosome est un organisme
primitif qui s’adapte extrêmement vite à son
environnement", explique Etienne Pays, "Nous
allons donc soumettre les parasites résistants à
des doses contrôlées et de plus en plus grandes
d’apoL1 mutée. En réaction à cette pression
évolutive dirigée, nous espérons que certains
d’entre eux parviendront à synthétiser un nouvel
antidote contre cette protéine".
RETRAITÉ ACTIF
Si le chercheur parvient à ses fins, la nouvelle
molécule qui émergera de l’expérience pourrait
ouvrir la voie à de nouveaux traitements contre
l’insuffisance rénale : "Actuellement, la protéine
SRA neutralise l’apoL1 par contact direct",
explique Etienne Pays, "Nous pouvons donc
imaginer que le nouvel antidote fera de même
contre l’apoL1 mutée, ce qui empêcherait la
réaction auto-immune contre les cellules rénales
et donc la maladie". L’idée est novatrice, le
projet ambitieux et le sexagénaire optimiste :
"J’ai confiance en la capacité du trypanosome à
produire quelque chose de neuf pour continuer
à survivre. Les premiers résultats du laboratoire
soutiennent cette hypothèse… Mais cela
implique que je vais rester encore quelques
années au laboratoire", ajoute-t-il en souriant.
Natacha Jordens
IMPLICATION DE L’ARN POLYMÉRASE I
La capacité d’adaptation et d’évolution du trypanosome tient notamment au fait que
certains gènes dont la fonction est de varier pour s’adapter, tels que ceux codant pour
les antigènes de surface ou les protéines de résistance comme SRA, se trouvent aux
extrémités des chromosomes, des zones propices aux mutations. Curieusement, la
synthèse d’ARN messager à partir de ces gènes est effectuée par l’ARN polymérase I,
normalement dévolue à la production d’ARN ribosomique : ceci est une exception
unique dans la nature, car c’est toujours l’ARN polymérase II qui remplit ce rôle.
Dans une publication récente dans le journal Molecular Microbiology, l’équipe du
laboratoire de Parasitologie moléculaire explique l’importance de cette polymérase
dans le processus d’adaptation du trypanosome. Alors que les parasites s’adaptent
normalement en une quinzaine de jours, le processus ne fonctionne plus lorsqu’on
remplace l’ARN polymérase I par l’ARN polymérase II pour la transcription des gènes
adaptatifs. La polymérase I est donc bien un facteur indispensable à l’adaptation
rapide du trypanosome à son environnement.
Les chercheurs expliquent cela par le fait que cette enzyme est destinée à synthétiser
rapidement de très grandes quantités d’ARN, et qu’elle possède donc une efficacité
beaucoup plus élevée que l’ARN polymérase II. Cette activité intense entraîne un
déroulement important de l’ADN situé à l’extrémité des chromosomes, ce qui rend les
gènes dans cette région plus accessibles aux enzymes déclenchant les recombinaisons
et favorise donc l’inventivité adaptative.
N.J.
Nouveaux projets de recherche
3
Démonter le nucléole "brique par brique"
Denis Lafontaine et Birthe Fahrenkrog se focalisent sur les ribosomes et les complexes de pore
nucléaire via leur ARC consacrée au nucléole. L’intérêt de l’étude ? Le nucléole est un puissant
biomarqueur de la maladie et une cible thérapeutique pour le traitement des cancers.
ESSENTIEL FNRS
Qu’ils soient doctorants, postdoc’ ou
chercheurs, nombre de scientifiques du
Biopark bénéficient du soutien précieux
du FNRS, "en direct" ou via l’opération
Télévie. Le FNRS finance également des
équipements ou des projets de recherche…
Des ressources humaines ou matérielles
qui souvent viennent compléter fort
utilement des projets soutenus par ailleurs.
C’est par exemple le cas des deux "Actions
de Recherche Concertée" présentées cicontre : financées par la Fédération WallonieBruxelles, l’une (Advanced) est coordonnée
par Denis Lafontaine, directeur de recherche
FNRS, en collaboration avec Birthe
Fahrenkrog tandis que l’autre (Consolidation),
dirigée par Benoît Vanhollebeke, est aussi
soutenue par une convention FNRS-Mandat
d’Impulsion Scientifique.
N.G.
4
"Si on observe la morphologie du nucléole, qui est
un compartiment de la cellule, il est possible de
deviner si celle-ci est saine ou malade", explique
Denis Lafontaine (Laboratoire du Métabolisme
de l’ARN, IBMM). "La taille du nucléole, sa forme
ou encore le nombre de nucléoles au sein d’une
cellule varient énormément. Ces trois critères sont
des indicateurs précieux de l’état physiologique
de nos cellules". Mais dans la pratique, à ce jour,
ils restent difficiles à utiliser par manque de tests
cliniques robustes.
Les chercheurs vont à présent démonter le
nucléole "brique par brique", pour mieux
comprendre les relations entre sa structure et sa
fonction. "Nous connaissons déjà la composition
du nucléole", poursuit Denis Lafontaine. "Pour
aller plus loin, nous utiliserons notre microscoperobot, pour analyser la morphologie du nucléole
en l’absence de chacun de ses constituants. Le
microscope-robot est une plateforme de criblage
à haut débit conçue par notre laboratoire dans
le cadre des projets FEDER, et le reflet de mon
engagement dans la création du CMMI".
En parallèle, Birthe Fahrenkrog (Laboratoire
de Biologie du noyau, IBMM) s’intéresse aux
pores nucléaires, qui sont des petites fenêtres
du noyau responsables du trafic, des échanges
de composants au sein de la cellule. "Un des
objectifs est de comprendre pourquoi certains
composants du pore nucléaire se retrouvent dans
Nouveaux projets de recherche
des conditions de pathologie dans le nucléole",
explique la chercheuse. "In fine, cette recherche
pourrait nous permettre de mieux comprendre
la relation entre la structure du nucléole et la
maladie, en particulier le cancer".
Damiano Di Stazio
Du 19 au 23 août, Bruxelles accueillera la 10e
conférence EMBO (European Molecular Biology
Organization) sur la synthèse du ribosome.
Plus d’infos : http://events.embo.org/15-ribosomes/
Biologie vasculaire cérébrale
L’équipe de Benoit Vanhollebeke, soutenu notamment par une ARC, s’intéresse aux vaisseaux
sanguins de notre cerveau. Les derniers résultats de sa recherche sont publiés dans eLife.
Les vaisseaux sanguins cérébraux doivent résoudre une équation difficile :
approvisionner des dizaines de milliards de neurones en oxygène et
nutriments et, en même temps, empêcher l’infiltration de composés et
de cellules potentiellement toxiques véhiculés par le sang afin d’assurer
l’homéostasie cérébrale et la fiabilité des communications synaptiques.
La solution évolutive retenue chez les vertébrés consiste à doter les
cellules endothéliales d’une batterie de propriétés protectrices qui portent
le nom de barrière hématoencéphalique. Cette dernière représente un
enjeu clinique majeur : de nombreuses maladies neurologiques (comme
les maladies neurodégénératives, l’accident vasculaire cérébral ou encore
certains cancers) ont des composantes neurovasculaires.
La clé de l’homéostasie vasculaire cérébrale repose sur un couplage
fonctionnel étroit entre les voies de signalisation qui contrôlent la
vascularisation cérébrale et celles qui gouvernent l’acquisition des
propriétés de barrière hématoencéphalique. Dès les stades embryonnaires
les plus précoces, seuls les vaisseaux sanguins qui ont correctement
entamé leur maturation pourront envahir le cerveau.
"C’est précisément la nature de ces signaux inducteurs, ainsi que la façon
dont ils sont reconnus et interprétés par les cellules endothéliales qui sont
à l’étude dans mon laboratoire", explique Benoit Vanhollebeke, chercheur
à l’IBMM.
PROJET ARC – FNRS – FONDATION ULB
Soutenu par la Fondation ULB, un mandat d’impulsion scientifique du
FNRS et une ARC Consolidation, le laboratoire de Benoit Vanhollebeke
se distingue des autres équipes de recherche actives dans le domaine.
"L’angiogenèse est un processus hautement dynamique, et nos travaux
viennent de révéler que la mise en place des vaisseaux sanguins
cérébraux est régie à l’échelle cellulaire", poursuit le chercheur.
L’approche originale du laboratoire repose sur le modèle du zebrafish,
un organisme vertébré transparent permettant d’observer les
processus angiogéniques cérébraux avec une résolution temporelle
et spatiale inégalée.
"Nos recherches ont révélé l’existence d’un complexe membranaire
à la surface des vaisseaux cérébraux qui assure un contrôle qualité
drastique sur les cellules endothéliales candidates à l’invasion cérébrale.
Seules celles qui expriment ce complexe pourront répondre de manière
adéquate aux signaux angiogéniques dérivés du cerveau et y initier la
formation de nouveaux vaisseaux sanguins."
Ces travaux, une collaboration internationale avec le Max Planck Institute
de Bad Nauheim en Allemagne, l’Université John Hopkins aux Etats-Unis
et une équipe japonaise à Osaka, ouvrent de nombreuses perspectives
pour les futures recherches du laboratoire.
Damiano Di Stazio
Nouveaux projets de recherche
5
Immunologie tous terrains
Le Laboratoire d’Immunobiologie débute deux projets de recherche consacrés à un mécanisme de
résistance tumorale, d’une part, et à la réaction immunitaire intestinale et l’obésité, d’autre part.
Depuis le XVIIIe siècle et les premiers essais de
vaccination, les principes de l’immunologie ont
progressivement révélé leurs secrets. Cependant,
beaucoup reste à découvrir et l’immunologie
est encore un domaine de recherche avec de
nombreux défis. Notamment dans la lutte contre
le cancer : "Nous savons aujourd’hui qu’il existe
bel et bien une réponse immunitaire au sein des
tumeurs", explique Muriel Moser, directrice du
Laboratoire d’Immunobiologie (IBMM), "Mais
de nombreux freins empêchent une réaction
immunitaire complète et efficace et permettent
aux cellules cancéreuses d’échapper au système
immunitaire". Le laboratoire entame cette année
un projet de 5 ans, financé par la Fondation contre
le cancer, pour étudier un de ces freins : l’hypoxie.
"Quand une tumeur grossit rapidement",
continue Muriel Moser, "il arrive un point où
les vaisseaux sanguins ne parviennent plus à
6
atteindre les cellules plus éloignées. La pression
en oxygène au sein de ces zones baisse". Les
cellules qui s’y trouvent sont alors en hypoxie, en
manque d’oxygène. Pourtant, la tumeur continue
de croître. "Le système immunitaire est plus
affecté par l’hypoxie", explique la chercheuse,
"La réaction immunitaire est moins efficace. Cela
empêche le rejet de la tumeur. Cela ressemble
donc bien à un mécanisme d’échappement". En
collaboration avec l’équipe de Benoît Van Den
Eynde (UCL), le Laboratoire d’Immunobiologie
souhaite donc explorer l’effet de l’hypoxie sur
les réactions immunitaires anti-tumorales. Le
but serait aussi de découvrir comment bloquer
ce mécanisme d’échappement pour revenir à
une réponse immunitaire pleinement efficace :
"Les premiers tests d’immunothérapies contre
le cancer donnent de bons résultats mais
moins impressionnants que prévus", affirme
la chef d’équipe, "Probablement à cause de
ces différents freins : les comprendre et les
contourner serait donc un moyen d’améliorer ces
futurs traitements".
INTESTIN ET OBÉSITÉ
Autre projet lancé par le laboratoire ces derniers
mois : Food4Gut, un programme d’excellence de
la Wallonie consacré aux liens entre le microbiote
intestinal… et le diabète. "Le diabète de type
2 est une pathologie fréquemment associée à
l’obésité qui crée une résistance à l’insuline",
explique Muriel Moser. "Nous pensons que cette
Nouveaux projets de recherche
réaction est la conséquence d’une inflammation
chronique, inflammation qui pourrait avoir lieu
dans l’intestin, au contact des aliments". Le projet
rassemble l’ULB, l’ULg et l’UCL (coordinateur). Le
but global est d’analyser l’impact de certains
nutriments coliques sur la flore intestinale et la
santé et de proposer une approche nutritionnelle
pour réduire l’obésité et les risques associés de
diabète. L’équipe d’Immunobiologie s’intéressera
donc plus particulièrement aux réactions
immunitaires de l’intestin et du tissu graisseux
chez des souris obèses.
Fonctionnement des cellules immunitaires,
cancer, diabète et nutrition. Recherche
fondamentale aujourd’hui et probablement
appliquée demain. De l’immunologie tous
terrains, assurément.
Natacha Jordens
Mieux contrôler les bioprocédés
Développer des outils permettant un meilleur contrôle des bioprocédés (et donc une meilleure
qualité des produits), c’est l’objectif du projet Single Cells, soutenu par les pôles Wagralim et Biowin,
auquel participe le Laboratoire de Génétique et Physiologie bactérienne (IBMM). Un projet mené en
collaboration avec GSK, Puratos, Delphi Genetics et l’ULg.
"Cette hétérogénéité peut affecter le rendement
et la reproductibilité de certains bioprocédés
basés sur l’utilisation de bactéries", explique
Laurence Van Melderen, du Laboratoire de
Génétique et Physiologie bactérienne (IBMM).
De nombreuses études scientifiques ont montré
que les populations microbiennes, mêmes les
populations dites clonales (identiques d’un
point de vue génétique), sont hétérogènes.
Pour résoudre ce problème, GSK et Puratos,
actives dans les domaines pharmaceutique et
agro-alimentaire, ont décidé de faire appel à
Delphi Genetics et à trois unités de recherche
académiques dont le laboratoire de Laurence
Van Melderen. "Cela part d’une initiative de
Philippe Goffin, qui a longtemps travaillé chez
GSK et qui fait désormais partie de notre
équipe", poursuit la chercheuse. "Notre rôle
dans le projet Single Cells sera de construire
et de développer des biosenseurs fluorescents
capables de détecter les stress et de contrôler
les paramètres des bioprocédés pour
contrecarrer ces stress".
Cette recherche appliquée sera également
utile à un autre projet académique dans le
laboratoire. "Ce type de projet peut également
avoir un intérêt fondamental", précise Laurence
Van Melderen. "Frédéric Goormaghtigh, dont la
thèse porte sur le phénomène de persistance
bactérienne, pourra profiter du développement
de ces biosenseurs. Ceux-ci seront sans
aucun doute très intéressants pour son
projet, notamment pour la compréhension des
mécanismes physiologiques sous-jacents au
phénomène de persistance".
Damiano Di Stazio
PROJET BEWARE "NEURON"
Le projet BEWARE "Neuron", porté par Eric Bellefroid, du Laboratoire de Génétique du développement (IBMM), s’intéresse aux mécanismes
de la différenciation et de la diversification neuronale. L’objectif du projet est l’obtention d’anticorps de haute qualité utilisables en immunoprécipitation de chromatine contre les facteurs de transcription Myt1L, Myt1 et NZF3, permettant la transdifférenciation de cellules nonneuronales en neurones. La recherche devrait permettre de mieux comprendre leur mode d’action et l’origine des maladies chez l’homme
dans lesquels ces gènes sont impliqués.
D.D.
Nouveaux projets de recherche
7
Delphi Genetics – Avaxia :
une collaboration internationale
La société biotechnologique wallonne Delphi Genetics et Avaxia, société américaine
spécialisée dans le développement d’anticorps thérapeutiques visant à traiter les maladies
inflammatoires intestinales, viennent de signer un accord de partenariat. Objectif ?
Développer une méthode efficace de production d’un médicament pour ce type de maladie.
"La rencontre avec Avaxia a eu lieu en
septembre 2014, l’écriture du projet, en
décembre 2014 et sa validation, en ce début
d’année 2015. Cela a été très vite !", se
réjouit Cédric Szpirer, Executive & Scientific
Director de Delphi Genetics. Dans la continuité
du projet DNAVac – projet de Recherche et
Développement BioWin, dont l’objectif visait à
développer et produire des vaccins ADN sans
antibiotique – Delphi Genetics et la société
américaine Avaxia ont signé un accord de
partenariat.
"Le projet DNAVAC a démontré que notre
technologie permet de retirer efficacement
les résistances aux antibiotiques dans
les molécules d’ADN utilisées comme
vaccin", explique Cédric Szpirer. "Grâce
à ce consortium, nous avons également
acquis de l’expérience dans les méthodes
d’immunisation ADN et de présentation de
l’antigène".
UNE MÉTHODE DE PRODUCTION EFFICACE
Le but du partenariat ? Associer les compétences
des deux sociétés pour développer une méthode
efficace de production d’un médicament afin de
traiter les maladies inflammatoires intestinales
telles que la maladie de Crohn.
"Cette production passe par l’immunisation de
vaches qui, à la suite de cette immunisation,
vont produire des anticorps. Ces derniers
se retrouveront dans le lait des vaches et
possèdent une propriété importante exploitée
par Avaxia : lorsqu’ils sont pris par la bouche,
ils ne sont pas digérés dans l’estomac des
patients. De ce fait, ils peuvent cibler des
maladies de l’intestin sans pénétrer dans la
circulation sanguine et donc sans provoquer
les effets secondaires habituels", explique le
directeur de Delphi Genetics.
Grâce à ses technologies de pointe,
l’entreprise wallonne interviendra sur la partie
"immunisation". Elle espère ainsi augmenter la
production d’anticorps ciblant spécifiquement
les molécules responsables des problèmes
inflammatoires de l’intestin. "Les aspects
innovants de ce partenariat sont d’une part,
l’immunisation de grands animaux comme la
vache et d’autre part, la mise en place d’un
système de production d’ADN original pour
permettre la production à moyenne/grande
échelle tout en limitant les coûts", conclut
Cédric Szpirer.
L’objectif sera de montrer l’efficacité du produit
(anticorps thérapeutiques produits dans les
vaches) et l’absence d’effets secondaires.
Damiano Di Stazio
8
Véronique Kiermer, groupe Nature
"L’éditeur est un partenaire"
Docteur en sciences de l’ULB, Véronique Kiermer est aujourd’hui Director, Author and Reviewer
Services pour le prestigieux groupe Nature. Elle était récemment en visite au Biopark, un campus où
elle compte nombre d’anciens collègues.
Après sa thèse de doctorat en biologie
moléculaire à l’ULB, Véronique Kiermer est en
effet partie aux Etats-Unis, à l’University of
California (San Francisco) où elle a décroché
un post-doctorat. Elle a ensuite travaillé
pendant deux ans dans une entreprise
biotechnologique américaine avant d’être
engagée par le groupe Nature. Depuis 11 ans,
elle habite New York, "Nature a son bureau
principal à Londres, je viens donc environ
tous les deux mois en réunion à Londres;
avec l’Eurostar, la Belgique n’est pas loin, j’y
reviens souvent", confie-t-elle.
NATURE METHODS
"Je reconnais dans la salle des visages que
j’ai vu lors de ma défense de thèse. Je suis
intimidée", sourit Véronique Kiermer, debout
dans un auditoire de l’IBMM. En cet aprèsmidi d’avril, la jeune femme n’est pourtant
pas venue décrocher un diplôme au Biopark
mais bien parler de son travail actuel, celui
de Director, Author and Reviewer Services
pour le groupe Nature.
Lorsque Nature l’engage, elle a 32 ans,
une bonne expérience en laboratoire mais
aucune connaissance du monde de l’édition.
"Ils lançaient un nouveau magazine, Nature
Methods, mon approche les a séduit", se
souvient-elle. Véronique aime les défis et
celui que lui propose Nature est de taille :
lancer un magazine scientifique qui publie
ce qui alors était méconnu, des méthodes
innovantes, technologiques, prometteuses
et aux applications scientifiques réelles,
même si, au stade de cette première
publication, aucune découverte scientifique
n’a été réalisée. Neuf mois et quelques nuits
blanches plus tard, Nature Methods était né.
Aujourd’hui, le magazine a fait sa place dans
la communauté scientifique.
Véronique Kiermer s’est depuis lors vu confier
d’autres défis au sein du groupe Nature.
Director, Author and Reviewer Services, elle
s’intéresse aujourd’hui en particulier à la
question de la reproductibilité des résultats
expérimentaux.
"En sciences biomédicales, tout n’est pas aussi
reproductible qu’on le voudrait. Mais, nous
devrons améliorer la reproductibilité en nous
montrant plus rigoureux dans la description de
nos expériences : combien de fois par exemple
ne décrit-on pas exactement la souche
utilisée, ce qui empêche d’obtenir le même
résultat ? La fraude ne concerne que de très
rares cas, en revanche, le manque de rigueur
qui s’observe trop souvent peut conduire à
des biais inconscients. En tant qu’éditeur
scientifique, nous attendons du chercheur à la
fois de la transparence et de la rigueur dans la
description de ses expériences : il doit y avoir
assez de détails, assez de précisions pour
nous permettre d’interpréter ce qui a été fait
avant de décider de publier ou pas", explique
Véronique Kiermer.
Et de poursuivre, "L’éditeur est trop souvent
perçu comme un juge ; or c’est plutôt un
partenaire, c’est pourquoi nous essayons
9
Véronique Kiermer (suite)
de plus en plus d’être attentifs lorsque nous
refusons un article, à expliquer pourquoi et à
proposer d’autres revues dont la ligne éditoriale
correspondrait mieux à l’article proposé. Nous
nous inscrivons aujourd’hui dans une relation
de partenariat entre chercheurs et éditeurs
où chacun a ses droits et devoirs. Dans cet
esprit, par exemple, nous développons des
applications en ligne utiles à la communauté
scientifique telles qu’une base de données de
protocoles, par exemple".
Autre sujet de potentielle discorde, l’open
access. Le groupe Nature a notamment lancé en
open access les revues Nature Communication
– créé en 2010, croissance de 73% du nombre
d’articles publiés en 2014 par rapport à 2013
– et Scientific Reports – en 2011, croissance
de 62%. "Pas moins de 44% des articles
publiés dans la groupe Nature le sont en open
access", observe Véronique Kiermer, "J’aime
beaucoup la philosophie de l’open access
mais c’est un business model qui ne peut pas
s’appliquer à tout. La revue Nature s’appuie
sur un process éditorial coûteux, passant par
des évaluations, des délais de précisions, des
rejets pour plus de 90% des articles soumis,
etc. Face à ces coûts élevés, le meilleur
modèle économique actuel reste celui de
la souscription".
Nathalie Gobbe
REGARD SUR LA RECHERCHE BELGE
VÉRONIQUE KIERMER, VOUS AVEZ ÉTÉ FORMÉE À L’ULB.
QUE RETENEZ-VOUS DE CES ANNÉES DE THÈSE ?
Véronique Kiermer : J’y ai appris la rigueur et une grille d’analyse des situations
transposable dans d’autres milieux, d’autres fonctions. Ces années m’ont donc
préparées au métier que j’exerce aujourd’hui même si je ne manipule pas en
laboratoire. Je pense que les docteurs en sciences doivent évoluer et s’ouvrir à
d’autres secteurs que celui de la recherche ; comme les docteurs en droit, par
exemple, sont ouverts à d’autres secteurs que le Barreau. Le doctorat en sciences
permet d’acquérir des compétences valorisables dans des domaines divers,
comme le montre mon parcours. Aujourd’hui, je me sens en tant qu’éditrice aussi
utile à la société que si j’étais restée chercheur en laboratoire académique.
COMMENT JUGEZ-VOUS LA RECHERCHE BELGE ?
Véronique Kiermer : Je pense que l’éducation et la recherche sont de très bon
niveau en Belgique au vu des moyens alloués. Je suis réellement impressionnée
par ce qui sort des laboratoires belges ; c’est d’ailleurs essentiel pour continuer
à ce niveau de qualité, d’investir dans l’éducation et la recherche. Nombre de
chercheurs belges sont reconnus dans la communauté scientifique et pourtant
lorsqu’on parle de grands centres de recherche en Europe, la Belgique ne vient
pas immédiatement à l’esprit.
COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CE DÉCALAGE ENTRE L’IMAGE
ET LA RÉALITÉ ?
Véronique Kiermer : Les chercheurs belges sont trop modestes, ils ne se vendent
pas suffisamment vers le grand public ou peut-être est-ce les médias belges
qui ne leur donnent pas assez la parole et ne valorisent pas suffisamment leur
production scientifique ? Aux Etats-Unis ou ailleurs en Europe, les chercheurs
communiquent sur leur recherche, soutenus par les médias qui y font un bel
écho, et ils en tirent un bénéfice, c’est évident.
N.G.
10
En bref
DEUX FORMATIONS À SUCCÈS
VERS DE NOUVELLES IMMUNOTHÉRAPIES?
Début avril, le Biopark Formation organisait un symposium autour
des "immunothérapies du cancer". Mis en place en collaboration
avec le centre de formation Santé du Pôle Santé de l’ULB-Erasme,
la VUB et l’UCL, il a rassemblé 130 médecins et chercheurs
face à 10 experts internationaux venus exposer les stratégies
d’immunothérapies les plus prometteuses ainsi que les résultats
cliniques obtenus en Belgique et dans les pays limitrophes.
Cellules importantes pour l'intégrité de l'individu, les
lymphocytes T régulateurs restent pourtant un mystère pour
les immunobiologistes. Maxime Dhainaut et Muriel Moser
(Laboratoire d'Immunobiologie, IBMM) et leurs collaborateurs
viennent de publier un article dans l'EMBO Journal identifiant
un nouveau mécanisme de contrôle de ces lymphocytes T
régulateurs : ceux-ci interagissent avec les cellules dendritiques
via un couple récepteur/ligand qui est ensuite internalisé et
dégradé. Cette séquence d’événements est inattendue parce
qu’elle dépend d’un transfert inter-cellulaire du récepteur d’un
lymphocyte T régulateur vers une cellule dendritique, qui perd
progressivement la capacité d’induire une réponse inflammatoire.
Quelques jours plus tôt, le Biopark Formation organisait aussi une
Master Class dédiée aux réglementations européennes et à la
recherche de partenaires publics et privés dans le domaine de la
thérapie cellulaire. Une quinzaine de participants, dont la moitié
membres de sociétés françaises, ont eu l’occasion d’échanger avec
les experts sur ces sujets pointus. Le networking s’est également
révélé efficace : certaines sociétés envisageraient désormais de venir
développer leurs activités en Wallonie, selon Dominique Demonté,
directeur du Biopark et participant à la session.
Un succès pour les deux formations, qui sont amenées à être
reconduites dans le futur.
C'est une avancée prometteuse puisque le contrôle de la fonction
de ces lymphocytes permettrait d'ouvrir des perspectives
intéressantes en immunothérapie du cancer et pour le traitement
de maladies auto-immunes ou encore pour prévenir le rejet de
greffe. Ces lymphocytes suppresseurs semblent en effet constituer
une cible idéale pour manipuler la réponse immunitaire.
N.J.
N.J.
MORT CELLULAIRE ORIENTÉE PAR LE NAD
Continuellement dans l’organisme, des cellules meurent de manière programmée. Certaines par apoptose, un processus naturel relativement discret car il n’affecte pas
la fonction des cellules avoisinantes et ne suscite pas de réponse inflammatoire. D’autres par nécroptose, un processus de mort cellulaire identifié notamment dans
les infections virales : les cellules libèrent alors des molécules pro-inflammatoires qui attirent les cellules sanguines et provoquent une réponse immune protectrice.
Dans une étude publiée récemment dans Cell Death and Differentiation, Nicolas Preyat (Laboratoire d’Immunobiologie, IBMM), Oberdan Leo (IMI) et leurs collaborateurs
démontrent que le nicotinamide adénine dinucléotide (NAD) favoriserait la nécroptose, aux dépens de l’apoptose. Cette observation éclaire les mécanismes qui régulent
le choix du processus de mort cellulaire, encore mal connus aujourd’hui, et permet d’imaginer de nouvelles approches thérapeutiques dans le cadre de la lutte contre
les cancers : en favorisant l’accumulation de NAD intracellulaire, il serait en effet envisageable de favoriser la mort des cellules tumorales par nécroptose, déclenchant
ainsi une réponse immune anti-tumorale.
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En bref
BONE THERAPEUTICS À GOSSELIES ET À BOSTON
LYMPHOCYTES T CD8 À MÉMOIRE INNÉE
Bone Therapeutics a inauguré ses nouveaux locaux le 24 avril
dernier, en présence de Paul Magnette, Ministre-Président de
la Wallonie, et de Jean-Claude Marcourt, Vice-président du
gouvernement wallon.
Gardiens de notre santé, les globules blancs possèdent des
profils divers aux fonctions bien précises. Ainsi, une des souspopulations lymphocytes T CD8 bien particulière possède la
capacité de reconnaitre et tuer spécifiquement des cellules
infectées par des virus. Lors du premier contact avec un virus,
une petite portion de ces lymphocytes se spécialisera en
cellules mémoire, qui permettront de réagir plus efficacement
à une seconde infection.
Le nouveau bâtiment de 3000 m², partagé avec la société
Promethera BioSciences, s'inscrit dans le cadre d'un projet plus
vaste, celui de la création de la Plateforme Wallonne de Thérapie
Cellulaire (PWTC). La spin-off de l'ULB compte y transférer
progressivement l'intégralité de ses activités opérationnelles :
les départements administratifs et de R&D s’y installeront
prochainement, puis les activités de production suivront à partir
de mi-2016.
Bone Therapeutics s’implante également à Boston en créant Bone
Therapeutics USA Inc. dans le pôle de biotechnologie de Kendall
Square. Les dix plus grandes sociétés biopharmaceutiques
mondiales ont une présence dans le Massachusetts, ce qui en
fait une localisation idéale en termes d’innovation scientifique et
technologique pour une première implantation Outre-Atlantique.
Cette localisation devrait permettre à Bone Therapeutics
d’accélérer son programme d’essais cliniques aux États-Unis
tout en renforçant sa dimension internationale.
De manière surprenante, certains lymphocytes T CD8 peuvent
acquérir les propriétés de cellules de mémoire de manière innée,
sans devoir préalablement reconnaitre un virus donné. L’équipe
de Stanislas Goriely à l’Institut d’Immunologie Médicale (IMI)
a mis en évidence les mécanismes cellulaires et moléculaires
impliqués dans ce processus. Ces travaux ont notamment
permis de comprendre comment les cellules infectées peuvent,
via la sécrétion de molécules à fonction antivirale (interférons),
favoriser le développement de ces cellules de mémoire innée.
Publiée dans Nature Communications, cette étude permet
de mieux cerner le mécanisme d’acquisition des fonctions
cytotoxiques et ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine
de la vaccinologie.
N.J.
N.J.
Périodicité trimestrielle
C H A R L E R O I
B R U S S E L S
S O U T H
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