Le passage du mou au dur est celui du passage par le feu « créateur » : l’image du « four stellaire »
et son artisan rendu absent par la forme passive du verbe « glisser « ( sans complément d’agent)
alignent ou superposent l’image du boulanger, du potier ( qui « façonne »),de l’ artisan, de
l’artiste ( « façonner » , c’est opposer la « forme » à l’absence de forme ( littéralement « a-
morphe ») et de dieu –démiurge : artisan au ciel avec les étoiles. Dieu créateur est dit
« plasmateur », transformant la terre, semi liquide, molle, en homme Adam ( Adam ;
étymologiquement : terre/glaise/boue) .
Passage du « mou » au « dur » : «amorphe »signifie à la fois « sans forme » et « mou »=/=
« dalles » ( minéral) « soudées » ( de solidus, solide).
Passage du sans forme au géométrique : « dalle ». Vocabulaire de l’architecture. L’adjectif
« articulé », comme le groupe complément de manière « avec application » suggèrent le
raffinement du geste artistique, l’artifice, le dessein (sic) de même que l’adverbe « nettement »
qui indique non la précision du travail mais celle de l’observateur pour qui le pain est objet du
regard-esthète. Passage du chaos (amorphe) au cosmos (=harmonieux, construit).
Vocabulaire du peintre (impressionniste) :« la lumière couche ses feux »
L’image des « sœurs siamoises » évoque un univers de prodiges, de monstruosités ( ce qui doit
être montré), de « merveilles » (1§), ce qui est digne d’être admiré ( mirarer==>
admirabilis==>merveilles). Objet du spectacle, de l’esthétique.
Assonances et allitérations ( « masse amorphe »/ « fleurs et feuilles »/ « friables »==> pain objet
sonore, c-à-d poétique.
-B-Le poème dans son propre déroulement donne à voir la fabrication puis la « fin » du
« pain »
Nous assistons en direct à la fabrication du pain. Dans le deuxième §, les actions sont données en
cours de réalisation (la masse amorphe est « en train d’éructer », aspect non sécant de la périphrase
« en train de+infinitif=action en cours de développement). 2§, l’ondulation citée est reproduite par
le mouvement du texte qui va de sommets en creux.
Du pain comme masse froide encore à cuire au pain « rassis » : vie et mort du pain au long des §
successifs.
Ainsi à la fin du § 3 le pain, friable, s’émiette sous la forme de trois petits points …de suspension.
Le pain comme le texte s’effrite. L’objet-texte prend fin.
Cette analogie qui débouche sur une opposition est contenue dans le double sens de « brisons-là »
et « dans notre bouche » : expression « briser-là » qui signifie « mettre fin à un discours ou un
dialogue » et… « rompre le pain »syllepse. La « bouche » est explicitement celle qui énonce le
poème ( « objet de respect », et qui « mange » la pain (« objet de consommation ») : à rapprocher
du « larynx » qui dans « L’Orange » énonce et avale le fruit.
Le thème de l’offrande du pain ( l’impression panoramique que la surface du pain « donne »/ « fut
glissé pour nous »/ « dans notre bouche » est présent tout au long du texte : voir sacrifice de
l’orange, eucharistie (pain et vin), plaisir du lecteur consommateur qui savoure l’objet poétique au
prix d’une destruction de l’objet réel ??? ( voir Le Portrait ovale).Ici, Ponge avec humour semble