Quoi de neuf dans les « premiers romans » ? Sujet, verbe compliments Loin des avenues ensoleillées où trottinent les auteurs reconnus, Jean-François Josselin s'est promené à l'ombre des jeunes talents en fleurs. Voici ce qu'il a rapporté dans son panier. A cette première récolte suivra une seconde, dans quinze jours... ; LE JOURNAL D'UNE CHIC FILLE : (Albin Michel) L'auteur : Eva Darlan, comédienne (une des créatrices des « Jeanne » et aujourd'hui dans « Tailleur pour dames » de Feydeau). Sujet : tonique. Les tribulations de Mlle Françoise Lécuyer, 17 ans, amoureuse successivement d'un militaire, d'un pâtissier et d'une g' équipe italienne de hockey. Tout ça se passe dans une famille explosive et un peu fêlée où chacun suit son idée fixe avec application. Verbe : un texte au galop pour une dame qui sait ce que parler à haute voix veut dire. Compliments : drôle drôle, drôle. Et sympathique. Un don singulier pour les dialogues. Et pourquoi Mme Darlan n'écrit-elle pas pour le théâtre ? Nous aimons beaucoup cette chic fille (hé oui ! cher Monsieur Neuhoff, que voulez-vous, on ne se refait pas). (220 pages, 69 F.) LA SALLE DE BAIN (Minuit) L'auteur : Jean-Philippe Toussaint, né à Bruxelles en 1957, sans profession. Sujet :un monsieur, nu ou habillé, philosophe dans sa baignoire. Ce qui ne l'empêche pas de faire le trajet Paris-Venise et retour. De temps en temps, il est rejoint par Edmonsson (c'est une dame), dont il est amoureux, et par un certain Kabrowinski. H lui arrive aussi de croiser Jean d'Ormesson dans le couloir de son hôtel (sans doute le Danieli). Verbe: des petites strophes aiguës. Un style net et concis où affleure un humour ravageur. Compliments : un ton tout à fait insolite dans le paysage littéraire français. Bref, un authentique écrivain (déjà !), qui se paie le luxe de citer Pascal en anglais et qu'une phrase de Woody Allen résume très bien : «L'éternité, c'est long et surtout à la fin. » (128 pages, 39 F.) 96 L'AUTOBIOGRAPHIE D'INGRID WEBER (Luneau-Ascot) L'auteur: Yves-Michel Ergal, né en 1958, professeur. Sujet : éblouissant. A la première personne du singulier, une diva raconte sa vie, de Bayreuth à la Scala en passant par le Met de New York. Portrait en pied d'un personnage féminin, passionné, baroque et douloureux. Verbe : classique et pourtant moderne. Se déguste avec bonheur. A la première lecture, on ne peut pas s'imaginer qu'il s'agisse d'un premier roman tellement l'auteur est sûr de son ton et de son texte. Compliments : la révélation de la rentrée. On n'a pas fini de parler de Yves-Michel Ergal, nouvelle diva de la littérature française. Tant mieux pour nous. (150 pages, 68 F.) AUX MAINS DE L'ENNEMI (Grasset) L'auteur : Serge Krebs, né en 1957, étudiant à Oxford. Sujet : vaste. La confrontation d'un soldat anglais et d'un soldat allemand dans une maison abandonnée sur le front de la Somme, pendant la Seconde Guerre mondiale (le petit Krebs n'était pas encore né, loin de là). On ne se tue pas ; au contraire, on s'aide. Et on se pose des questions graves. Robert Hossein en aurait fait un film dans les années 1950... Verbe : classique mais vif et parfois voluptueux. Compliments : en dépit du sujet un peu trop « noble », un beau livre de jeune écrivain. Le vrai sujet de Krebs, c'est le coeur de son héros, Edward, qui bat pour les petites Anglaises, sa famille et son ami-ennemi allemand. Une écriture très au point. (262 pages, 75 F.) -