Conférence
sur ISoïeldteu
Lue hier au Grand-Théâtre par M. r*. Simon
Mesdames, Messieurs,
Il y a aujourd'hui cent ans, naissait àHûuen-
un enfant qui devait ôtre l'un des musiciens
les plus glorieux da ce siècle; j'ai nomméÔoïel-
dieu.
, i
La vieille cité normande, qui aie culte de ses
gloires,
a déjà fêté, au mois de juin dernier.de
la façon la plus brillante, l'anniversaire sécu-
laire de la naissance de Boïeldieu. Elle a de-
vancé l'époque réelle du centenaire, parce que
les fêtes publiques ont besoin de lumière et de
soleil; mais aujourd'hui même, le Théâtre-dés-
Art»,
de Rouen, consacre une fête purement
théâtrale à l'immortel auteur de la Damt blan»
che, et l'Opéra Comique, qui lui doit ses plus
beaux succès, donnera, le li, une représenta-
tion extraordinaire en son honneur.
Des hommes comme Boïeldieu appartien-
nent à tous. Aussi a-t-on cru devoir le fêter
ici,
comme on le fête à Rouen, comme on va le
fêter à Paris.
On a écrit des volumes sur la vie et sur les
œuvres de l'illustre compositeur.s ses plus
jeunes années, il montra pour la musique un
invincible penchant, qui, loin d'être contrarié
par ses parents, fut, au contraire, encouragé.
Ils lui donnèrent pour maître un musicien de
premier ordre, du nom de Broche, et le placè-
rent à demeure chez lui. Malheureusement,
Broche était au moins aussi grand buveur que
grand musicien; il avait, en outre,un caractère
brutal et violentqui le poussait parfois à corriger
son élève, plus souvent pour une peccadille
que pour une faute véritable. Cemaîlre étrange
avait parfois une singulière façon d'enseigner.
Un jour, après boire, il jetait violemment son
élève dans l'escalier et lui faisait monter cinq
marches sur les mains, sous prétexte de lui faire
comprendre l'intervalle de la quinte. Une
autre fois, il lui frappait violemment les doigts
d'un coup d'archet pour lui rendre plus sensi-
ble la différence entre la blanche et la noire;
voulait-il lui démontrer ce que c'était qu'une
pause? il lui chargeait les épaules d'un lourd
pupitre.
Boïeldieu, le petitfisïeJ, comme on l'appelait
alors,
ne subissait pas de pareilles leçons sans
quelques soupirs, mais elles se gravaient en
traits ineffaçables dans sa mémoire.
Mrître Broche était organiste de la cathé-
drale.
Or, un jour de grande fête, la messe al-
lait commencer, et Broche, qui avait probable-
ment un peu trop fêté Bacchus, n'était pas à
son poste. Le petit Boiel prit, non sans hésiter,
sa place, et, sa laissant aller à son inspiration,
il tira de l'instrument des accords si mélodieux,
qu'on alla répéter dans toute la ville que maître
Broehe s'était surpassé.
Le petit Bdid avait quatorze ans. Il commen-
çaità supporter difficilement le joug de son maî-
tre.
Un jour, il fait une énorme tache d'encre
sur le clavecin qui servait à ses études. La seul
moyen d'éviter la tempêta qui le menaçait,
c'était de fuir. Et puis, il voulait voir Paris.
L'enfant se mit bravement en route, empor-
tant dans sa poche une petie somme de dix-
huit francs, qu'il avait économisée sou par
sou.
« Je suisr que je serai quelque chose
ici,
» se dit-il en entrant dans la capitale. Quel-
ques jours après, sa bourse était vide, on l'a-
vait mis à la porte du petit hôtel où il était
descendu et il se dirjgaait résolument vers la
Seine pour s'y préclciter, mais le hasard voulut
que le vieux serviteur do son père, envoyé en
toute hâte sur ses traces, arrivât juste à temps
pour le sauver. DelyïT, c'est le nom de ce
brave homme, lui apportait de l'argent et une
lettre d'un allié de la famille Boïeldieu qui
recommandait le jeune artiste à la sollicitude
de sa femme.
Après deux ans de séjour à Paris, largement
mis à profit, est-il besoin de le dire? Boïeldieu
retourna chez son père, qui voulut bien
écrire lui-même deux livrets d'opéra comique
pour les premiers essais dujeune compositeur.
L'une de ces pièces avait pour titre : La fille
coupable, l'a tre, Rosalie et Myrza. Elles lurent
représentées avec
Buccèa
sur le théâtre de
Rouen, la première en 1793, la seconde en 1795.
Boïeldieu, retourna'à Paris en 1796, ets
le commencement de l'année suivante, il
donna au théâtre Feydeau, un charmant petit
acte : La Famille
suisse,
qu'il fit bientôt suivre
de deux petits ouvrages : l'Heureuse nouvelle et
le Pari. Peu de temps après, il produisait au
théâtre Favart, son premier opéra en trois ac
tes : Zoraïme et Zulnare, où Elleviou tint un
rôle.
Cet ouvrage obtint un suecèa d'enthou-
siasme et classa son.auteur au premier rang
défi jeunes compositeurs, i
l
avait à peine vingt-,
deux ans !
.jjCojnme tous les hozimes d'inspiration, cpm-
Ï
>e ,\ou8 les vrais artistes, BJJl. Idieu avait le
On de la fécondité. Àpièj ce premier succès,
il donna successivement la Dot de Suzetle, les
Méprises espagnoles, Emma ou la prisonnière (m.
collaboration avec Cherubini), «t enfin, un ou-
vrage d'un style profondément dramatique,
Beniowski,
opéra en trois actes, dont le succès
fut éclatant. Trois mois api ès, le 16 septembre
1800,
il donnait à la salle Favart. ce. bijou mé
lodique qui a nom le Calife de Bagdad. Le Ca-
life enthousiasma tout Paris. Le compositeur
avait mis dans cet ouvrage tant de giâce, de
verve,
de jeunesse et d'inspiration véritable que
sa vogue se soutint plus de quarante ans.
Je n'ai pas encore parlé des sonates, de» fan-
taisies,
des variations, des romances de Boïel-
dieu qui acquirent, surtout sous la Directoire,
la plus grande popularité. Dans les boudoirs
et les salonB des déesses du jours les Merveilleux
ne pariaient que des
omances
du petit Boïeldieu.
Le croirat on? AprèJ le triomphe extraor-
dinaire du Calife de Badgad, Boïeldieu voulut
refaire son éducation musicale; il alla deman-
der des conseils et des leçons à Cherubini, et,
pendant deux ans.il fit sous sa direction un vé
ritable travail d'écolier; ilt même le cou-
rage de renoncer pendant tout ce temps au
théâtre et aux sucrés qui l'y attendaient. Il se
représenta à la scène, après doux ans et demi
de silence, avec sa charmante partition de Ma
tante Aurore. Ont put coustater,s ce jour,
que son talent était entré dans une phase nou-
velle,
que son style était devenu plus varié,
plus souple, plus ferme, plus châtié.
La gloire était venue ; le nom du jeune rouen-
nais avait fait le tour de l'Europe. C'est alors
qu'un malheur domestique atilnt cet homme
au cœur aimant et plus sensible encore que
celui de ses héros. Croyant fuir sa douleur, il
partit pour la Russie. C'était en 1803. En route,
il apprit sa nomination de maître de chapelle
de l'empereur Alexandre. Les Russes n'épar-
gnèrent rien pour faire oublier à l'illustre ar-
tiste la patrie absente. Ce. exil volontaire dura
huit années, pendant le quelles Boïeldieu ôcri
vit pour iethéâre de la cour neuf opéras, dont
trois seulement furent connus plus tard à Pa-
ris : Aline, Télémaque, Les Voitures, versées La
jeune femme colère, Bien de trop, Amour elmystère,
Un tour desoubrelte, Abder Khan et la Dame in-
sensible. Il écrivit au.isi des chœurs nouveaux
pour
l'Athalie
de Racine.
Toutes les attentions qu'avait pour lui la so-
ciété russe ne purent le retenir à S.tinl Péters-
bourg ; au commencement de 1811 il était de
retour à Pans.
Le public français s'aperçut bientôt que le
style du maître, toujours fiais et d'une suprême
élégance, avait acquis plus de noblesse, plus
d'élévation, qu'il était enfin arrivé .à la perfec-
tion.
Dins l'espace de dix ans, outre trois des
ouvrages qu'il avait écrits en Russie et quel-
ques pièces de circonstance, il donna ces jolis
chefs-d'œuvre que connaissent si bien tous les
amis de la musique fia'çuse : Jean de Par\s. le
Nouveau Seigneur du village, la tite du village
voisin, lo Petit Chaperon rouge.
L'autorité et l'influence de Boï^dieu gran
dissaient à chaque piècu nouvelle. Bientôt il
devint le chef incontesté du mouvement musi-
cal en Franco, et, apiès avoir vaincu Nicolo, le
seul qui osât lutter avec lui, tendu ia main à
lleroid, qu'on devait appeler plus tard le poète
de la musique française, il recueillit la succes-
sion do Môhul à l'Institut. C'était en 1819 Le
Chaperon rouge, comme l'a spmtueiieaiant dit
Julea Janin, fut ton discours de réception.
A propos de cet ouvrage, on r^coiiteque Boïel-
dieu,
peu rassuré sur l'effet do la belle ro-
mance,
le Noble éclat du diadème, qui ouvrait la
pièce,
voula.t la supprimer. Le jour de la pre-
mière représentation, l'ouverture venait de
finit', el l'iilusire compositeur retenait par le
bras Mal-tin, chargé du rôie du comte Roger.
Hôrold élan, et il suppliait vainement t-on
maître de renoncer a son projet; Martin profita
du colloque et put entrer en scène. A peine la
romance eut elle été chautôo, que les applau-
dissements éclatèrent de tout part.
FEUILLETON
DU Républicain de
la.
Loire
~
139 -
Boïeldieu devait encore se surpasser. Le 12
décembre 1825, la Dame blanche, qui durera
aussi longtemps qu'il y aura un théâtre au
monde,
fit son apparition. Son auteur ne vou-
lait pas s'en dessaisir. On parla d'elle longtemps
avant de la connaître, comme on devait parler
plus tard &e
l'Africaine.
Dix mois avant la pre-
mière représentation, Boïeldieu, écrivait à
Guilbert de Pixérêcourt, alors directeur de
rÛoéra-Comique, une. lettre dans laquelle je
remarque ce passage : « Scribe me tourmente
autant que vous et jure que jamais poème n'a
dormi quatre ans pour lui ; il appelle le nôtre
Epimènide, et m'en demande plus de nouvelles
que je n'en puis donner. Pourtant rassurez-
vous,
l'an prochain, la Dame d'Avenel marchera
mystérieusement sur vos planches. Puisse-ton
trouver qu'on ne l'a pas trop attendue !... »
Cette Dame
d'Avenel,
qui devait s'appeler la
Dame blanche, provoqua dans le public un en-
'
thousiasme impossible à décrire. La repré-
sentation de la Dame blanche, a dit M. Arthur
Pougin, fut, à la lettre, un grand événement
et prit les proportions d'un grand fait national.
Boïeldieu le constatait lui même, avec bonhom-
mie,
dans une lettre à un de ses amis de
Rouen : ... En voyant pleuvoir sur moi cette
grêle d'applaudissements, je me disais : Us vont
Mte bien contents à Rouen. Il est de fait que je
n'ai
j'amaiB
vu, pour moi ni pour personne,
dépuis que je suis dans cette carrière, un suc-
s qui fasse autant de froufrou. Je ne sais à
quoi cela tient charmante naïveté mais il
est au-delà de toutes mes espérances. Grands
personnages, artistes de toutes les écoles, bour-
geois,
tout concourt à me faire manger
des
con-
fitures... Flnfln, vous le dirai je? mon succès
paraît être un succès national, qui fera, à ce
que tout le monde me dit, époque dans l'his-
:
foire de la musique. Il est da fait que la musi-
que étrangère avait tput envahi, et que le
public était persuadé que l'on ne pouvait que
se traîner à la remorque de Rossini. La tâche
n'était pas facile de la faire revenir de ce pré-
jugé,
que la musique
qu'on
faisait depuis quel
ques années ne faisait qu'accroître... J'ai Ja
gloire de l'avoir vaincu, et les artistes français
m'adressent continuellement des remercie
mentB
; mais, je crains que le zèle mal exprimé
ou exprimé avec passion, ne vienne troubler
l'harmonie. Les rossinistes paraissent furieux ..
Ce qu'il y a de drôle dans tout ceci, c'est que,
pendant qu'on se querelle pour bous, nous
sommes a merveille ensemble, Rossini et moi.
Nous logeons dans la même maison, et il est
venu,
avant hier, m'embrasser avec effusion,
rien que sur ce qu'on lui a dit de ma Dame
blanche. »
A Paris, la Dame blanche obtint près de trois
cents représentation* consécutives. Le 16-
cambre
1862,
quatre-vingt-septième anniver-
saire de la naissance du
grand
artiste, l'O-
péra Comique donna, avec un éclat inusité, la
millième représentation du chef d'oeuvre, fait
sans
exemple
dans les annales da l'art français.
A l'heure actuelle, la Dame blanche a été jouée
à peu
près
quatorze cents fois sur le théâtre où
elle a vu le jour.
Les Rouennais, au moment où Boïaldieu se
rendit dans sa ville natale pour y diriger lui-
même l'exécution de son chef d'oeuvre, ouvri-
rent une souscription pour faire frapper une
médaille en son honneur.
Le dernier ouvrage de Boïeldieu, les Deux
nuits, date de 1829. Il a des qualités supérieu-
res,
mais la médiocrité du livret l'a fait ac-
cueillir avec froideur du public. Boïeldieu, a
dit un de ses biographes les plus conscien-
cieux, M.Arthur Pougin, était demeuré digne
da
lui même, et les Deux nuits, malgré leur
insuccès
relatif,
resteront l'une des plu» belles
manifestations, et des plus brillantes, de son
génie souple et élégant. Il Je sentait si bien
qu'il dédia sa partition â sa ville natale.
Roïeldiau aurait probablement donné quel-
que
autre chef-d'œuvre à la France, mais une
maladie du larinx, devenue chronique, mit
bientôt
ses
jours en danger, et, malgré les ef
fo'ls
de la science, malgré un séjour prolongé
dans le Midi, il succombait, le 8 octobre 1834,
dans sa cinquante huitième année.
Les opéras de Boïeldi«n ont été représentas
sur
tontes les scènes de l'Europe, et sa musi-
que militair-1, dont je n'ai rien dit, a obtenu,
surtout on Russie, le p!us grand succès.
Dans la domaine de l'opéra comique, Boïel-
dieu restera un maître incontesté. On peut
dire qu'il a renouv-lé le langage musical
et qu'il l'a porté à son plus haut point de per-
fection. On fera peut être aussi bien, on ne fera
pas mieux que lui. On peut le considérer
comme le véritable chef de l'école française,
non-seulement parce qu'il a renouvelé et per-
fectionné le langage musical, mais encore
parce qu'il l'a varié et assoupli à l'aide d'un
orchestre élégant, fourni, fleuri, enfin, parce
que,
en B'emparant des richesses instrumen-
tales importées par Rossini, il a donné plus de
solidité à lalangueque d'autres parlaient avant
lui.
Boïeldieu a laissé un fils qui est lui-même
un compositeur plein de distinction et d'origi-
nalité.
Je finis. L'illustre auteur de la Dame blanche
est un de ces nobles esprits qui font rayonner
au loin le nom toujours respecté de la France
et lui assurent une suprématie intellectuelle
qu'aucune nation na peut lui disputer; la
France ne doit pas l'oublier, et ne l'oubliera
pas.
Cette lecture, fort bien faite par M. Simon, a
été accueillie par des applaudissements.
CHRONIQUE
LOCALE ET HÉGIQKALI
Scrutin sur la proposition de M. Paris et
plusieurs de ses collègues, tendant à
1
annula-
tion du vote du 15 décembre sur l'élection des
sénateurs :
Votant»,
655
Pour, 321
Contre,
334
Ont voté pour : MM. Boullier, Callet, Jul-
lien,
de Meaux, da Montgolfier, de Sugny,
Ont voté contre : MM. Arbel, Chavassieu,
Cherpin, Cunit, Reymond.
Tous le3 députés de la Haute Loire, sauf le
général de Chabron qui a voté contre, ont voté
pour l'amendement Paris.
Voici la suite du rapport do M. le garde de»
sceaux sur l'administration de la justice, dont
nous avons commencé l'analyse dans notre
numéro d'hier :
Juridiction commerciale. La dimisution qui
a été signalée plus haut dans le nombre des
procès
civilB
s'est manifestée d'une manière
encore plus notable dans celui des affaires
commerciale». Il en a été inscrit, aux rôles des
tribunaux consulaires et des tribunaux civils
jugeant commercialement, près de 10,000 da
moins en 1873 qu'en 1872 (224,542 au lieu de
234,523).
Le département de la Seine entre pour
lesdeux cinquièmes dans cette réduction.
Aux 224.542 causes nouvelles sont venues
se joindre 18,178 affaires léguées par l'année
1872 et
5.960
q
m ont été réinscrites en 1873.
De cas 248 680 procès dont les tribunaux ont
eu à connaîtra, 232,040 ont été terminés. Il
n'en est resté à juger que 16,640; c'est à peine
6 sur 100.
Les mêmes tribunaux ont, en outre, pro-
noncé 23.475 jugements sur requêtes ou sur
rapport, dont les trois quarts (17,393) en ma-
tière de faillite.
Sociétés commerciales. Il a été déposé en
1873,
aux greffes des tribunaux, 4,077 actes da
constitution do sociétés commerciales, dont
3,422 en nom collectif, 374 en commandita, 220
anonymes et 61 à capital variable. En 1872, Je
nombre total des sociétés constituées avait été
de 4,572.
Qaant aux dissolutions, il y en a eu 2,243 en
1872 et 2
381
en 1873.
Faillites. Pendant l'année 1873, il a été ou-
vert
5,508
faillites, ou 202 da plus qu'en 1872.
Pour la première fois la statistique a relevé le
genre de commerce exercé par le débiteur-
claré en faillite, et voici le résultat de ses indi-
cations :
Banquiers, négociants, 634
Fabricants, 598
Flntreprenburs de transports, 59
Hôteliers,
restaurateurs, cabaretiors, 1.098
A'imentation (boulangers, bouchers,
etc.,
etc.),
852
Habillement (tailleurs, bottiers,
etc.),
748
Autres marchands et boutiquier, 669
Construction (charpentiers, serruriers), 365
lu'!
rimeurs, graveurs, relieurs, 88
A'..u;s profassions, 388
Total des faillites,
5.508
Tribunaux de paix Le nombre des billets
d'avertissement délivrés par les juges de paix
pour appeler les parties en conciliation at de-
hors da l'audience, a continué à décroître.
A-rà? avoir é>è de 2,765 670 en 1871 an de
1,363,247 en 1872, ii n'a plus été, en 1873, que
d 2,251,317.
LA
CROIX
DES
PBÊCHES
RÉCITS
U U
VIEILLE
VUMÏ
(Suite)
« Van Khuyten a répondu :
t Quand mas amis les deux frères de Witt
furent massacrés par la populace et quo celui
q<ù h s faisait massacrer (celui là même que
vous venez do voir) fut nommé stathouder et
général en chef des troupes hollandaises con
"a Louis XIV, ja l'ai maudit, lui, mais j'ai
<'ounô dai-x millions aux Etats Généraux pour
soutenir la guerre...
« La patrie avant tout, n'est-ce pas, van
Khuyten ?
« Oui, la patrie avant tout !
« E'à bien, van Khuyten, croyez vous que
j
n« connaisse pas mon devoir? Groy< z vous
qu".
R chard G'èvecœur ne sache pas ca qu'il
ioi»
?\
i-on pays ?
« Van Khuyten, le bon Hollandais, m'a serré
buis sa» bras :
« Gièvecœur, ce que vous dites, je l'a-
v<m pmioé d'abord; mais ja vois tant de «en-
?i'."hommes
protestants da votre paya dansl'an-
ti'-hambra du prince d'Orange que j'ai cru...
î' >r lonnez moi. Ja ne vous en parlerai plus
;
niais...
Attendez
moi seulement une heure,
-l veux voir la prince et conclure l'emprunt.
a soir, nous souperons à Rotterdam avec ma
fi 'a, Vous, pendant ce temps, promenez vous
-
ns la villa.
« Deux heures plus lard l'emprunt était
cunc-u et nous étions sur ia route de Rotter-
dam.
« A sept heures du soir nous étions à table
avec E.-tber.
t Te dire, Ambroise, que cette fille char-
mante était aussi coquette que Ja veilla, ce se-
rait te tromper on me tromper moi-même.
« Elle l'était davantage, mais d'une autre ma-
nier-.
« Plus belle d'abord, car elle avait eu le
temps d« sa piéparer et ne s'ôta;tpas laissé sur-
Î
(rendre comme la veille. D s pendants d'oreil-
es ornés de diamants, un magnifique collier
de perles da Golconde, des bracelets d'un prix
inestimable ornant les plus beaux bras du
monde,
des épaules blanches et rondes, une
taille svolta aujourd'hui et mince comme un
tronc de peuplier, mais qui sera majestueuse
un jour, des yeux riants, pleins de joie, d'ami-
tio,
da grâces, de sourire*, une beauté que je
n'avais pas assez vue d'abord, mais qui trou
b'arait l'âme d'un saint; ^oilà Esther van
Khuyten telle que je l'ai vue hier soir pendant
qu'elle sounait avec «on père et moi.
« Le vieux van Khuyten, ébloui lui même,
n'a pas pu s'empêchar d'en faire la remar-
que.
« Gomme tu es belle, ce soir, a-t il dit.
« C'est pour tairo honneur à notre hôte.
« Et, ma foi! je crois qu'elle disait vrai, la
coquette, et qu'elle avait tuvie de ma tourner
la tête...
« Ne crois pas pourtant que
j'aie
un seul
instant oublié ma chère Antoinetta... Mais en-
fin, Ambroise, tu le sais ou tu l'as entendu
dire,
on n'est pas maître de ses impressions,
et la beauté a ses droits dans tout l'uni-
vers.
« Après quelques instants la conversation est
devenue générale, et Van Khuyten a raconté
no're entrevue avec le prince d'Orance. Esther
l'écoutait avec h plus profonda attention, tout
en ma souriant de manière à charmer l'âme la
pius dura.
« Enfin, a t-elle dit, M. Richard Crèvecœur
refuse d'entrer au service da Hollande ?
t J'ai répondu gravement :
t Je refuse ! Je garderai un éternel sou-
venir des marques d'amitié que vous m'avn
données,
mademoiselle, vous et votre père,
mais...
t Vous refusez? a telle répété en frappant
du pied avec impatience.
« J'ai fait signe que je refusais. Je tremblais
de l'offenser ; mais j'ai été bien étonné quand
elle m'a tendu la main, que j'ai baisée respec-
tueusement, et s'ent ecnéa :
« Mon père, Richard a raison. Un homme
tel que lui, lossqu'il a quitté sa patrie, ne doit
entrer au service de personne. Vous avez bien
fait de proposer ; il a bien fait de refuser. Je
l'en... estime davantage.
« Sur ma parole, j'ai cru entendre un autre
mot que: « estime... Ja serais un fat si j'o-
sais dire quel est ce mot. Mais il était dans ses
yeux, sinon sur ses lèvres. j
« Vau Khuyten se taisait et paraissait réflé
-
;
chir. |
t Après un court silence il a dit : j
«—Richard a fait .-on devoir. Je le crois. I
Tu le dis. Mais, maintenant, que va til deve-
nir ? -
t Il va rester avec nous, a répondu Ficher
avec impétuosité. Noire maison n'est elle pas
la sienne? N ê.es vous pas son ami ?
« J'allais me lever et répondre. Van Khuy-
ten m'a prévenu.
« Cartes, a t il dit, Richard est ici chez
lui;
mais s'il a refusé las offres du prince
d'Orance, c'est parce qu'il a d'autres pro-
jets...
« Demain, ai je dit, je retournerai en
France.
« Esther s'est écriés :
Vous l'aimez donc bien ?
« Ma sœur Marianne I...
t Oui, elle, et M"* Antoinette, votre fian-
cée?
« Je donnerais cent fois ma vie pour
elle*.
« Esther a poussé un profond soupir, dont
je m« suis senti plus ému que je ne voulais le
paraître...
« Eh bien, a dit Yan Khuyten, les amis
des amis sont des amis. Richard, ja veux par-
tir avec vous...
;
Vous savez quel danger...
« Richard, nous sommes en paix avec la
I France. Je puis donc voyager en toute sûreté
dans votre pays. Qui fait si je n'aurai pas l'oc-
casion de vous rendre service ? «
i
Mais allez-vous laisser ici votre fille?
« Oh ! moi ! a dit Esther, je suivrai partout
mon père.
« Aprèa avoir vainement essayé de les en
détourner, j'ai accepté leur off a.
« Voilà pourquoi, mon cher Ambroise, nous
irons te rejoindre tous les trois vers le com-
mencement de la semaine prochains, rue
Saint Honoré, à Paris, à l'auberge du Faucon-
Blanc.
« C'est là que nous verrons ce qu'on peut
faire pour délivrer Marianne et Antoinette. »
XXVII
La lettre qu'on vient da lire explique ce qui
s'était passé du côté de Richard Crèvecœur, à
Genève et à Rotterdam. Mon histoire à moi,
pendant le même temps, na fut pas moins agi-
tée,
et je n'eus pas comme lui le bonheur de
trouver une maison hospitalière.
Après avoir passé ui e dizaine de jours à
courir avec Picorneau et Garoubet au fond du
Bourbonnais, en taisant toutes les nuits avec
l'aide du tambour, de la trompette et des
coups de pistolet, un affreux tapaga dans tout
la pay», ce qui fit croire et dira que plusieurs
centaines de huguenots mensçvant Moulins,
brûlaient les environs et massacrant tous les
prêtres catholiques et tous les officiers du roi,
nous arrivâmes uti soir dans un village ap-
pelé Saint Germain des Fossé», à une liane de
la rivière d'A'lier, si recrus at si ùtigués que
nous paraissions prêts à rendre lama.
Moi surtout, ear mes compagnons avaiant
été doués par la divine providence da manière
à pouvoir braver les plus terribles et les plus
longues épreuves.
ALFBKD
ASSOLLAN».
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NITRTI
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