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l’inflation. Ces politiques sont relayées au niveau international par les organismes
internationaux, FMI, OMC et Banque Mondiale, qui conseillent systématiquement ces mêmes
recettes pour aider les pays en développement à décoller économiquement et sortir de la
spirale de l’endettement. Cette idée selon laquelle le néolibéralisme est la solution universelle
au développement est connu sous le nom de Consensus de Washington et fait écho à l’idée
vulgarisée par Thatcher sous l’acronyme de TINA (There is no Alternative – to neoliberalism)
selon laquelle le néolibéralisme est l’unique voie possible d’organisation économique,
quelque soit le contexte culturel, social, historique. La Reaganomics se propage ainsi au-delà
des frontières occidentales et le néolibéralisme se construit une dimension universelle.
Le succès politique du néolibéralisme pose ainsi les bases de la mondialisation économique
qui s’organise autour des idées de libre échange, dérégulation et désengagement des états,
désintermédiation bancaire au profit des marchés financiers dérèglementés, baisse des impôts
et privatisations. Le succès politique va de pair avec une domination académique sans appel
qui nourrie et justifie en retour les politiques appliquées. Le néolibéralisme est la doctrine
sous-jacente au paradigme théorique néoclassique dominant en sciences économiques,
dominant en termes de publications scientifiques, de nombre de prix Nobel célébrés par la
Banque Centrale de Suède et d’influence au sein des organisations internationales. Le
paradigme néoclassique cherche à formaliser le mécanisme de la main invisible et à
démontrer l’efficience de la décentralisation (et accessoirement, l’inefficience de la
planification). Il est basé sur l’hypothèse de l’individualisme méthodologique qui veut que
tous les phénomènes économiques soient le résultat de l’interaction individuelle spontanée
d’agents rationnels, c’est-à-dire motivés uniquement par leurs intérêts propres. La
macroéconomie, traditionnellement keynésienne, n’y échappe pas et a été l’objet d’un
processus d’absorption dans la logique néoclassique à travers une reconstruction de ses
fondements microéconomiques. Le nouveau keynésianisme en est le résultat. Dans les années
70 en effet, des auteurs issus de la Nouvelle Ecole Classique comme Robert Lucas (1972),
Thomas Sargent et Robert Wallace (1976) remettent en question de nombreux préceptes de la
révolution keynésienne et ouvrent la voie aux politiques de l’offre ; le label de nouveaux
keynésiens décrit les économistes qui, dans les années 80, répondent à ces critiques en
ajustant les fondements keynésiens par la prise en compte de rigidités structurelles qui
empêchent l’économie d’arriver spontanément à un équilibre efficient. Le glissement
idéologique par rapport à Keynes est marqué : pour Keynes, le fonctionnement normal du
capitalisme peut aboutir à des équilibres inefficients (équilibre macroéconomique de sous-
emploi) ; pour les nouveaux keynésiens, la croyance en l’efficience du libre marché est
restaurée : si le marché aboutit à un équilibre inefficient, c’est en raison d’imperfections qui
viennent fausser le jeu concurrentiel. Ainsi le fossé entre nouveaux classiques et nouveaux
keynésiens est pratiquement comblé et d’ailleurs, dans les années 90, on assiste à une
nouvelle synthèse entre les idées des deux courants. Cette nouvelle synthèse décrit l’économie
comme un système d’équilibre général dynamique qui dévie toutefois, en raison de rigidités
diverses et autres imperfections de marché, d’une allocation optimale des ressources. Cette
synthèse constitue le fondement intellectuel sur lequel reposait jusqu’à aujourd’hui la
politique monétaire de la banque centrale américaine.