l`abord antérieur vidéo-assisté du rachis lombaire

Rachis, 1997, vol. 9, n' 1pp 3-10 ARTICLE ORIGINAL
L'ABORD ANTÉRIEUR VIDÉO-ASSISTÉ DU RACHIS LOMBAIRE
TECHNIQUES ET INDICATIONS
THE VIDEO-ASSISTED APPROACH TO THE LUMBAR SPINE
TECHNIQUES AND INDICATIONS
H. CHATAIGNER*, M, ONIMUS*
'Service de Chirurgie des Scolioses et Orthopédie Infantile -Hôpital Universitaire Saint-Jacques -25030 Besançon Cedex.
RESUME
Les techniques d'abord endoscopique du rachis
lombaire sont actuellement en plein développement, et
elles tendent à supplanter les voies d'abord
conventionnelles telles que la voie antérieure
transpéritoneale pour le disque LS-SI et la voie latérale
extrapéritoneale pour les disques sus-jacents. On peut
classer ces techniques endos copiques en laparoscopie
transpéritonéale, permettant essentiellement l'abord du
disque lombo-sacré, et en laparoscopie extra-
péritoneale, permettant l'abord des disques lombaires
sus-jacents.
L'abord antérieur extrapéritoneal présenté dans ce
travail permet l'abord de tous les disques de L2 à SI. Il
ne nécessite aucune insufflation. La vidéo-assistance,
utilisee de facon complémentaire à l'abord
extrapéritonéal, permet de contrôler parfaitement les
éléments vasculaires et de pouvoir effectuer un geste
aussi précis que possible sur le rachis. Elle permet
également à l'opérateur d'avoir une meilleure
luminosité en vision directe et ne nécessite aucun
apprentissage de la coeliochirurgie.
Le but de ce travail est d'en décrire la technique et de
préciser les indications de l'abord antérieur vidéo-
assisté extrapéritonéal, à partir d'une série de 41
patients opérés, et de la comparer aux autres
techniques endoscopiques existantes à cejour.
Mots clés: Rachis lombaire - Abord antérieur vidéo-assité.
3
SUMMARY
Endoscopie approach techniques for the lumbar spine are
currently undergoing considerable development and
tending to supersede conventional approach routes such
as the anterior transperitoneal route for disks L5-SI and
lateral extraperitoneal routes for disks superior thereto.
These endoscopie techniques may be divided into
transperitoneallaparoscopy mainly enabling access to the
lumbosacral disk and extraperitoneal laparoscopy
enabling access to the lumbar disks superior thereto.
The extraperitoneal anterior approach presented herein
enables access to ail disks from L2 to SI. 1t does not
require insufflation. Video-assistance, used as a
complement to the extraperitoneal approach, enables
perfect control of the vascular components and optimizes
the precision of the spinal surgery. It also enables the
surgeon to benefit from high-illumination direct vision
and does not require coeliosurgical training.
The aim of this paper is to described the technique and
specify the indications of the video-assisted
extraperitoneal anterior approach by reporting a series of
41 surgical cases and to compare the technique to the
others currently in use.
Keys words :Lumbar spine - Video-assited approach.
H. CHATAIGNER, M. ONIMUS
TECHNIQUE OPÉRATOIRE
Le patient est installé en décubitus dorsal sur table ordinaire
(II). Une incision médiane verticale de 4 cm est suffisante;
elle est située à cheval sur l'ombilic pour le disque L4-L5
et au dessus de l'ombilic pour les disques sus-jacents. Pour
le disque lombo-sacré, l'incision est située à mi-distance
entre ombilic et pubis; elle doit être décalée vers le bas en
cas d'hyperlordose. Chez la femme, un abord horizontal
sus-pubien de Pfannenstiel est possible.
On repère du côté gauche la gaine du droit que l'on incise.
On chemine ensuite entre la face profonde du muscle grand
droit et le feuillet postérieur de la gaine. Les vaisseaux épi-
gastriques restent solidaires du muscle grand droit et sont
réclinés en avant avec lui. Au bord externe du grand droit,
on rejoint l'espace péritonéal en sectionnant de bas en haut
le feuillet profond de la gaine du droit. Cette section débute
au niveau de l'arcade de Douglas que l'on repère à la partie
basse de l'incision (figure 1); on peut alors décoller au tam-
pon monté et récliner progressivement le péritoine et son
contenu vers la droite, et dégager la fosse iliaque externe,
puis la saillie du psoas qui est un repère important en
dedans duquel on découvre les vaisseaux iliaques. L'uretère
est solidaire du péritoine et est écarté avec lui (figure 2). Ce
décollement péritonéal peut être réalisé à l'aide d'un bal-
lonnet que l'on insuffle, l'endoscope introduit dans le bal-
lonnet permettant le contrôle du décollement.
L'endoscope est alors mis en place par voie iliaque gauche.
Pour éviter de blesser l'artère épigastrique, le point d'intro-
duction est situé en dehors du grand droit, dans l'axe du
disque à inciser. On peut alors poursuivre l'opération à la
fois sous controle endoscopique et sous contrôle visuel
directement à travers l'incision médiane. Le décollement du
péritoine prévertébral sur la ligne médiane permet d'abor-
der le rachis. La saillie convexe du disque est repérée et
libérée progressivement au tampon monté. Les vaisseaux
Figure 1:
Visualisation endoscopique de l'arcade de Douglas que l'on doit
sectionner avant de poursuivre le décollement.
4
Figure 2:
Aspect endoscopique après avoir récliné le péritoine; on découvre le psoas
puis les vaisseaux iliaques et enfin l'uretère situé sous le tampon monté.
Figure 3:
Aspect post-opératoire d'une greffe antérieure L5-S 1 qui permet de
restaurer une hauteur normale de l'espace inter-vertébral.
L'ABORD ANTÉRIEUR VIDÉO-ASSISTÉ DU RACHIS LOMBAIRE, TECHNIQUES ET INDICATIONS
iliaques primitifs croisent la face antérieure du corps de L5,
et il faut les écarter vers la droite et vers le bas pour aborder
le disque L4-L5; l'abord du disque L3-L4 ou du disque L2-
L3 est rendu plus facile par l'éloignement des vaisseaux
iliaques; il est habituellement nécessaire de sectionner l'un
ou les deux pédicules lombaires adjacents pour mobiliser
latéralement l'aorte, L'abord du disque L5-S 1 est plus facile
par voie droite, car l'artère iliaque primitive masque la
veine, Le disque L5-S 1 est abordé dans la bifurcation aor-
tique après avoir sectionné les vaisseaux sacrés moyens. La
dissection doit être effectuée de facon atraumatique au tam-
pon monté, en évitant toute électrocoagulation du présacré
en particulier au niveau du disque lombo-sacré. La mise en
place d'un écarteur adapté permet alors de visualiser parfai-
tement la face antérieure du disque intervertébral, en main-
Figure 4:
Tumeur pré-sacrée chez un patient présentant des lombalgies, Une biopsie
par voie rétro-péritonéale vidéo-assistée a permis d'affirmer qu'il
s'agissait d'une tuberculose,
5
tenant écartés les vaisseaux iliaques. L'écarteur est muni
d'une poignée et il est maintenu en place par deux clous de
Steinmann fixés sur les corps vertébraux adjacents. Son
bord inférieur est concave et mousse afin d'être au contact
de toute la face antérieure convexe du disque.
Le geste thérapeutique de discectomie ou arthrodèse (figure
3) ou de reconstruction par cage peut alors être effectué à
travers l'incision médiane. On utilise habituellement une
optique à 0°, mais une optique a 30° peut également être
utilisée, permettant de mieux explorer l'espace interverté-
bral après résection discale et de contrôler l'avivement des
plateaux vertébraux.
La fermeture s'effectue simplement par suture de l'incision
cutanée médiane; un drain de Redon rétropéritonéal est mis
en place à travers l'incision latérale.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Un abord médian rétropéritonéal video-assisté à été réalisé
chez 41 patients. Il s'agissait d'une discopathie lombaire
dans 28 cas (L2-L3 : 1 cas, L3-L4 : 1 cas, L4-L5 : 13 cas,
L5-S 1 : 13 cas) et d'un spondylolisthésis dégénératif ou
avec spondylolyse dans 12 cas (L4-L5 : 5 cas, LS-SI : 7
cas). Dans un cas enfin, nous avons réalisé une biopsie de
tumeur présacrée (figure 4).
Les 28 patients présentant une discopathie lombaire souf-
fraient de douleurs lombaires chroniques associées dans 5
cas à une radiculalgie. Ils ont tous bénéficié de radiogra-
phies standards et d'une IRM, et parfois d'un scanner et
d'une radiculographie lorsqu'il existait une radiculopathie
associée. La radiographie standard recherchait l'existence
de signes de dysfonctionnement discal: présence d'air
intra-discal, ostéophytes de traction antérieurs, condensa-
tion antérieure des plateaux vertébraux adjacents; l'IRM
recherchait des signes inflammatoires au niveau des pla-
teaux vertébraux (Modic 1 (9)) avec hyposignal en TI et
hypersignal en T2 (figure 5). Des clichés dynamiques à la
recherche d'une instabilité objective ont été réalisés chez
les patients présentant un spondylolisthésis.
RÉSULTATS
Les 28 patients de cette série présentant une discopathie
lombaire ont bénéficié d'une arthrodèse antérieure par
abord médian vidéo-assisté. Les 12 présentant un spondylo-
listhésis ont bénéficié d'un double abord antérieur (avec
arthrodèse par autogreffe iliaque) puis postérieur (avec
greffe et ostéosynthese) au cours de la même séance opéra-
toire. La durée moyenne de l'intervention d'abord antérieur
a été de deux heures (lh50 - 2h50). Le saignement moyen a
été de 180 cc (100 - 300), lié surtout a l'hémorragie au
H. CHATAIGNER, M. ONIMUS
Figure 5:
Discopathie dégénérative typique responsable d'un syndrome douloureux
lombaire mécanique. L'TRM apporte d'importants renseignements sur
l'aspect des plateaux vertébraux:
a) Hyposignal en image pondérée TI,
b) Hypersignal en image pondérée T2,
niveau de la zone de prélèvement iliaque. Lors de l'abord
des disques L2-L3, L3-L4 ou L5-SI, aucune blessure vas-
culaire n'a été constatée. Lors de l'abord du disque L4-L5,
deux plaies ponctiformes de la veine iliaque primitive ont
été réparées par l'incision médiane sans nécessité d'agran-
dir l'incision. Les douleurs observées dans les suites opéra-
toires immédiates ont toujours été plus importantes sur le
site de prélèvement des greffons. Aucune complication
infectieuse n'a été relevée. Un cas d'éjaculation rétrograde,
lors d'un abord du disque L5-SI, a rétrocédé au 6ème mois,
Une brèche péritonéale s'est produite dans 8 cas lors du
décollement du péritoine; elle a pu être réparée immédiate-
ment sans agrandissement de l'incision. Les patients ont
retrouvé un transit normal au 2ème ou 3ème jour post-opé-
ratoire. L'existence d'une brèche péritonéale n'a pas modi-
fié les suites opératoires. Le lever a été effectué dans tous
les cas au 2ème jour post-opératoire.
Aucun patient n'a présenté de complications thrombo-
emboliques. Aucune complication urétérale n'a été consta-
tée.
DISCUSSION
La chirurgie endoscopique par voie antérieure du rachis
lombaire trouve un intéret croissant dans de nombreuses
indications et notamment en pathologie dégénérative, trau-
matique ou tumorale. Elle permet un geste chirurgical pré-
cis avec une technique peu agressive. Le développement de
H. CHATAIGNER, M. ONIMUS
cette chirurgie se fait dans différentes directions et plusieurs
techniques sont proposées à l'heure actuelle. On peut les
classer en techniques trans et extrapéritonéales, et d'autre
part en techniques vidéo-assistées et endoscopiques pures.
L'abord antérieur transpéritonéal
Obenchain (]o) a été le premier à décrire l'abord laparosco-
pique du disque L5-S 1, suivi par Beurier (]l. Cet abord
nécessite une instrumentation spécifique et la présence d'un
chirurgien connaissant la coeliochirurgie, tout au moins lors
de l'apprentissage. La durée opératoire est variable: pour
Cloyd et Coll (2), elle est similaire à celle des voies rétropé-
ritonéales, soit 2 h en moyenne, mais les auteurs ne réali-
sent qu'une simple discectomie sans greffe. Pour Mac Afee
et Coll (6) elle est de 4 h 17 mn en moyenne, avec mise en
place de cages intersomatiques. Le saignement moyen est
modéré (194 cc dans la série de Mac Afee (6».
L'installation du patient se fâit simplement en décubitus
dorsal en léger Trendelenbourg. Lors d'un abord transpéri-
tonéal, 4 incisions de 1 cm sont en général nécessaires pour
réaliser l'intervention (2,12,]5). Leur inconvénient est le risque
de hernie ou de brides péritonéales secondaires. Cet abord
transpéritonéal a l'avantage de donner un accès direct sur la
face antérieure du disque, permettant de positionner les
greffons ou les cages dans un plan sagittal en situation
favorable pour la consolidation, mais il ne permet que
l'abord du disque L5-S 1 (]O,]2,]3,]5). Les autres étages sont
beaucoup plus difficilement accessibles en raison de la pré-
sence des gros vaisseaux. Cependant Cloyd et Coll ont pré-
senté une série de 15 patients abordés par laparoscopie
trans-péritonéale avec dans 8 cas un abord de l'étage L4-
L5. Il s'agissait d'une discectomie simple sans greffe, dont
la durée opératoire moyenne a été de 2 h 20 mn.
L'existence d'antécédents de chirurgie abdominale consti-
tue une contre-indication à cette technique (2,]2,]3) en raison
des adhérences qui gênent l'abord du rachis. Néanmoins, il
faut noter qu'actuellement la coelioscopie est une alternative
thérapeutique proposée dans le traitement des brides périto-
néales, mais la durée opératoire sera allongée et les suites
opératoires moins simples (4).
Par ailleurs, l'abord transpéritonéal comporte des risques
liés à l'insufflation. Ceux-ci sont d'une part les risques de
blessure du grêle ou de plaie vasculaire lors de la mise en
place du trocart, en particulier si l'on ne réalise pas une
"open laparoscopy" (laparotomie d'environ 1,5 cm facili-
tant la mise en place du premier trocart), et d'autre part les
risques liés au C02 (risque d'embolie ou d'hypercapnie).
De plus, l'insufflation avec hyper-pression intra-abdomina-
le nécessite de n'utiliser que modérément l'aspiration (qui
va provoquer une diminution de la pression d'insufflation
par fuite du C02).
L'abord latéral extrapéritonéal vidéoscopique :
Il est habituellement réalisé par voie latérale avec ou sans
insufflation, par endoscopie pure ou avec vidéo-assistance.
8
De nombreuses techniques relativement voisines ont été
proposées (De Peretti (3), Le Huec (5), Mangione (7». L'abord
se fait préférentiellement par la gauche. Le décollement du
péritoine est commencé au doigt puis complété par un bal-
lonnet gonflable. Le Huec (5) et Mangione (7) maintiennent
béante la cavité ainsi créée par insufflation de C02.
L'hyper-pression permet de conserver une cavité assez
volumineuse, facilitant le travail sur le rachis. L'hyperpres-
sion diminue par ailleurs l'hémorragie des petits vaisseaux.
La chirurgie est alors une chirurgie endoscopique vraie, peu
invasive, à travers des trocarts étanches. Cependant, l'insuf-
flation extra-péritonéale comporte des inconvénients:
risques de pneumopéritoine en cas de brèche péritonéale,
risques de lésion du mésocolon si la dissection ne passe pas
dans le bon plan, et enfin risque vasculaire (le risque
d'embolie gazeuse est classiquement plus important en cas
d'insufflation extrapéritonéale). Par ailleurs, l'insufflation
oblige àtravailler àtravers des trocarts étanches ; la mise
en place de matériel d'ostéosynthèse peut nécessiter d'élar-
gir l'incision, faisant alors fuir le C02 et provoquant un
collapsus de la cavité.
L'intervention peut également être réalisée à ciel ouvert par
une mini-incision, sous contrôle vidéo-assisté. Mayer et
Coll (8) réalisent un abord latéral sans insufflation et sous
vision directe du rachis, par une incision cutanée oblique de
4 cm, située latéralement en dehors du muscle grand droit.
Les muscles de la paroi sont ensuite dissociés dans le sens
des fibres. La dissection du plan rétropéritonéal se fait au
doigt jusqu'au rachis. Un écarteur est fixé sur les vertèbres
sus et sousjacentes et permet de réaliser la discectomie et la
mise en place du greffon par vision directe sur la face laté-
rale du rachis. Cette intervention n'est en fait pas une tech-
nique endoscopique, mais, du fait de son caractère mini-
invasif, elle trouve sa place parmi les voies d'abord à mini-
ma et les voies endoscopiques actuelles. La durée moyenne
de l'intervention sur une serie de 25 patients est de 1 h 54
mn. Le saignement moyen est de 70 cc.
L'inconvenient essentiel de l'abord lateral est l'impossibilité
de positionner les greffons ou les cages dans un plan parfai-
tement sagittal. A l'inverse cependant, un abord latéral per-
met de corriger un tassement vertébral asymétrique, et il
permet mieux qu'un abord antérieur de réaliser une ostéo-
synthèse stable fixée sur la face latérale des corps verté-
braux. Par ailleurs, si l'abord des disques lombaires supé-
rieurs est facile par voie latérale, l'abord du disque L4-L5
est rendu difficile par la présence de l'artère ilio-lombaire
et de la veine lombaire ascendante qu'il faut sectionner
pour mobiliser les vaisseaux iliaques; enfin l'abord du
disque L5-S 1 est pratiquement impossible.
L'abord antérieur extrapéritonéal :
L'abord antérieur extrapéritonéal décrit ci-dessus a l'avan-
tage d'éviter toute complication pariétale ou péritonéale, et
d'être réalisable quels que soient les antécédents chirurgi-
caux abdominaux du patient. Il ne comporte aucun risque
de lésion des branches d'innervation du muscle grand droit.
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