Petits précis sur la politique de l’offre
Voilà plusieurs mois que nos médias traditionnels s’émoustillent de cette nouvelle conversion de
François Hollande à la politique “de l’offre”, que d’aucuns de la gôche française considèrent
comme “une odieuse trahison”.
Mais qu’est ce que la politique de l’offre en définitive ? Ces termes sont devenus contigus au
cours des années 70 mais la matrice idéologique a émergé au XVIIIème siècle avec la loi de Say,
du nom du célèbre économiste français.
Keynes, dans l’espoir de donner davantage de valeur à ses théories en dénigrant celles des
autres, l’avait résumée ainsi : “l’offre crée sa propre demande”.
Dans un langage moins édulcoré par l’économie académique cela se traduit par : “peu importe ce
que l’on produit ce sera forcément consommé”. Synthèse on ne peut plus fausse mais populaire
parmi les fanatiques de la dépense publique qui se complaisent à dénigrer la pensée de Jean-
Baptiste Say sans la connaître. Il y a encore quelques semaines, Jean-Luc Mélenchon expliquait
face à des journalistes aussi compétents que lui que la politique de l’offre consiste “à vouloir
vendre un réfrigérateur à un esquimau”.
Pour le petit Jean-Luc, nous allons donc reprendre quelques petites notions et pour ce faire rien de
tel qu’un retour aux origines.
Dans les premiers chapitre de son traité d’économie politique (disponible ici), Say définit la
production non pas comme la fabrication d’objets ou de matière mais comme la création d’utilité.
Ainsi il ne s’agit pas de produire n’importe quoi mais bien de produire ce qui pourrait être
valorisé, sans quoi on ne créerait pas de véritable richesse. Jusque là Say n’a rien inventé, cette
définition étant similaire à celle d’Aristote dans “Politique”.
Un peu plus loin dans son chapitre dédié aux débouchés, l’économiste résume concrètement sa
fameuse loi :
“Il est bon de remarquer qu’un produit terminé offre, dès cet instant, un débouché à d’autres
produits pour tout le montant de sa valeur. En effet, lorsque le dernier producteur a terminé un
produit, son plus grand désir est de le vendre, pour que la valeur de ce produit ne chôme pas
entre ses mains. Mais il n’est pas moins empressé de se défaire de l’argent que lui procure sa
vente, Pour que la valeur de l’argent ne chôme pas non plus. Or, on ne peut se défaire de son
argent qu’en demandant à acheter un produit quelconque. On voit donc que le fait seul de la
formation d’un produit ouvre, dès l’instant même, un débouché à d’autres produits.”
En résumé :
1) Pour pouvoir consommer un bien il est nécessaire d’en offrir un autre de valeur équivalente. Un
producteur n’a donc pas envie de créer un bien sans valeur pour ses consommateurs. Donc pas
de réfrigérateur pour les inuits Jean-Luc.
2) La production d’un bien constitue la demande d’un autre, le producteur souhaitant le vendre
pour consommer à son tour.
3) La source de la demande est la production et non la monnaie. Cette dernière est seulement un
moyen d’échanger ou de conserver la valeur des biens vendus pour une consommation future.
La production doit donc précéder la consommation, chose logique et même enseignée par les plus
anciens textes sumériens ou la genèse : il y est écrit “tu mangeras à la sueur de ton front” et non
“le blé poussera parce que tu as faim”…
Chaque nouvelle création de richesse est bénéfique pour l’ensemble de l’économie car elle induit
également une nouvelle consommation (donc la production d’un autre bien ou service).
La loi de Say est simple mais non simpliste comme on veut nous le faire croire. Ses implications
son cependant majeures en particulier concernant l’impossibilité d’une crise de surproduction ou
de sous-consommation et le rôle neutre de la monnaie. En effet, en créant ex-nihilo de la monnaie
pour stimuler la consommation on ne crée aucune utilité et donc aucune véritable richesse.
Bien évidemment les implications de cette “loi des débouchés” ne sont pas sans faille :
l’économie n’est pas une physique sociale et Say son prophète. Cependant elle a le grand mérite
de mettre au coeur de la croissance économique l’offre et non la demande, l’entreprise et non la
gabegie publique.
La politique dite de l’offre ne consiste donc pas à spolier les salariés pour verser des dividendes
comme le soutient une grande partie de la gauche française mais tout simplement à diminuer ce
qui entrave la production, que ce soit les réglementations, les taxes, les charges, ou transférer la
production vers les secteurs qui créent davantage d’utilité donc de richesses.
C’est précisément cette solution qu’a choisi le Canada dès 1994, l’application pratique de la loi de
Say.
Souvenons-nous, fin 1993, Jean Chrétien arrive fin 1993 à la tête d’un pays en grande difficultés :
un déficit et une dette publique record, une armée de fonctionnaires (plus qu’en France par
rapport à la population), ainsi qu’un taux de chômage de 12%. Le wall street journal titrait même
“Bankrupt Canada” (Le Canada en faillite) en gratifiant la nation du grand nord du titre de
“membre honorifique du tiers monde”. Ce fut un véritable électrochoc pour les canadiens,
conscients qu’il fallait transformer leur économie.
Les premières réformes ont la subtilité d’un bucheron national, on coupe à la hache : près d’un
poste de fonctionnaire sur six au sein de l’administration publique fédérale est supprimé et les
budgets des ministères sont réduits de 20% en moyenne sur 3 ans, le tout sans augmenter les
impôts (ils baisseront quelques années plus tard). En parallèle, le dollars canadien est dévalué de
20% (ce qui serait pour la France l’équivalent d’un retour au franc) sans aucune accélération de
l’inflation. Vous avez là la plus puissante combinaison pour redresser un pays.
Et ce qui devait arriver, arriva.
La dette publique fut divisée par presque deux en dix ans (et celle des ménages n’a pas
augmenté), l’état a renoué avec les surplus budgétaires en quatre ans et le taux de chômage n’a
cessé de diminué jusqu’à tomber en dessous de 7% après six années grâce à un secteur privé qui
a retrouvé toute sa vigueur par une baisse de la pression fiscale et la multiplication par 3 de ses
exportations le temps d’un mandat. (zone grisée = mandat de Jean Chretien).
Contrairement à notre Jean-Luc national, le premier ministre canadien, réélu deux fois (les
canadiens sont décidément aussi masochistes que les britanniques…), avait bien compris la
politique de l’offre. Il déclara à plusieurs reprises que la réduction des déficits n’était pas un but
en soi, mais un moyen pour transformer l’économie et redonner du souffle à un secteur privé
agonisant. Une sorte de “destruction créatrice” pour citer ce cher Schumpeter.
Il existe donc une réelle alternative à la soit-disante relance Keynesienne que nos “élites” se
refusent à véritablement considérer. Pour eux une politique de l’offre se résume à un bonneteau
de crédits d’impôts et des pactes d’inspiration mafieuse. Paralysés par l’intérêt électoral et la
peur du peuple, ils repoussent la chute pour ne la rendre que plus douloureuse.
La France, à la différence de nos amis canadiens, n’est pas un pays de bucherons qui saurait
pratiquer les réformes à la hache avec autant d’aisance. Cependant, la dernière fois que nous
avons su toucher du tranchant, des têtes ont roulé sous l’échafaud. Si j’étais un politique, je
sortirais des rangs…
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