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Un « classique doctrinal » : Les Degrés du savoir
Père Augustin-Marie Aubry – Sedes Sapientiæ n° 115 3
réservée à certaines âmes privilégiées ; elle se situe dans la ligne normale des dons reçus dans l’âme
du chrétien au saint baptême.
La liberté totale et parfaite n’est finalement conquise – ou mieux, reçue ! – que lorsque nous
agissons sur le mode supra-humain des dons qui nous rendent parfaitement mobiles au « toucher »
transcendant de l’Esprit de Dieu et capables d’une « connaissance amoureuse » du Dieu-Trinité, « le
plus haut degré de connaissance accessible ici-bas 6 ».
En route !
Dans le régime de la nature, on explore les ravissantes contrées du savoir et on s’élève par une voie
humaine à un premier sommet, la sagesse métaphysique. Dans le régime de la grâce, sous l’action
des dons, on atteint les mystérieuses frontières du savoir et on est élevé par la voie divine au second
sommet, la sagesse mystique, un savoir qui n’est plus intellectuel, mais une « connaissance
expérimentale des profondeurs de Dieu 7 ».
Ce gros livre comporte, avouons-le, des parties ardues, quand l’auteur, par exemple, mesure la
pensée scientifique moderne à l’aune du réalisme thomiste, étudie la nature de la vie intellectuelle
ou encore analyse les rapports entre métaphysique et mystique. Le lecteur se dit alors que les
« degrés » du savoir, qui semblent évoquer la montée paisible des marches régulières d’un escalier,
s’apparentent plutôt au périlleux exercice d’escalade d’une paroi escarpée. Se retournant, il est pris
de vertige en constatant le gouffre béant qui le nargue. Ne crains pas, ami, d’entrer dans ces
discussions serrées entre princes de la pensée ! Les profondeurs qui se dévoilent au détour d’un
chapitre, d’une note (on ne se croira pas tenu de lire celles qui sont en grec ou en latin…), ne disent
rien d’autre que la profondeur de l’esprit humain lui-même : « L’abîme appelle l’abîme » (Ps 41, 8).
Dans ces controverses, le lecteur découvre des horizons jusqu’alors inconnus, des questions
nouvelles qui, soudain, dans un éclair de lumière intellectuelle, lui paraissent comme vitales :
qu’est-ce que la vérité ? l’intellect connaît-il les choses telles qu’elles sont ? peut-on connaître
Dieu ?
À ceux qui, par faiblesse, par crainte, par vice, accrochent mécaniquement leur intelligence inutile à
la locomotive aveugle d’une volonté sans lumière, il faut dire avec Pascal : « L’homme est
visiblement fait pour penser ; c’est toute sa dignité et tout son mérite, et tout son devoir est de
penser comme il faut 8. » Et à ceux qui oseraient rétorquer : « L’amour suffit, point n’est besoin de
penser », citant à tort, et pour l’occasion, le grand théologien de l’Église latine : « Aime, et fais ce
que tu veux 9 », il faut répondre avec le même saint Augustin : « Aime ardemment
l’intelligence 10! » L’anti-intellectualisme n’est souvent que l’alibi et le paravent des paresseux.
Tu l’as compris, cher ami, il y a une aventure intérieure à mener, une vie de l’esprit à ne pas
manquer, avec ses combats, ses luttes, ses défaites et ses victoires… Ne passe pas à côté des saintes
6 Op. cit., p. 952.
7 Op. cit., p. 707.
8 Pensées, éd. Br., n° 146.
9 Traités sur l’Épître de s. Jean aux Parthes, VII, 8.
10 Lettre CXX, 13.