LFC20082.QXD 9/01/02 9:11 Page 1 La guerre froide a-t-elle limité ou multiplié les conflits ? ■ Rédaction de la composition INTRODUCTION La guerre froide a-t-elle limité ou multiplié les conflits ? Poser cette question conduit à faire les remarques suivantes. Au lendemain de la guerre, les puissances alliées et victorieuses de l’Allemagne nazie et du Japon en viennent, en quelques mois, à s’opposer. La rupture entre les États-Unis, l’URSS et leurs alliés respectifs est définitivement consommée en 1947. Pour un demi-siècle, le monde est divisé en deux grands camps qui choisissent de s’affronter sur les terrains idéologique, politique et militaire. Paradoxalement, les principaux protagonistes de la bipolarisation ne s’affrontent jamais directement sur le terrain et, jusqu’à la fin des années 80, un troisième conflit mondial est ainsi évité. Cette période de guerre froide n’entraîne donc pas de guerre généralisée, mais interdit aux grandes puissances d’entretenir entre elles des relations pacifiques. Les questions qui se posent sont alors les suivantes : quels types de conflits caractérisent la guerre froide et pour quelles raisons ne se généralisent-ils pas ? I – LA BIPOLARISATION DU MONDE MULTIPLIE DES CONFLITS DE NATURE DIFFÉRENTE 1. Ces conflits sont d’abord idéologiques La division entre les deux superpuissances et leurs alliés a pour origine immédiate le règlement du second conflit mondial (le statut de l’Allemagne) ainsi que la crainte américaine de voir le communisme s’étendre, notamment en Europe et en Asie. Aussi, dès le mois de mars 1947, les États-Unis orientent-ils leur politique dans le sens de « l’endiguement » du communisme : c’est la doctrine Truman, puis le plan Marshall. C’est également le développement d’une aide logistique et militaire aux États et aux forces en lutte contre des mouvements communistes (comme en Grèce, par exemple). Ce conflit est d’abord idéologique, les ennemis opposant deux modèles de société qu’ils considèrent comme un idéal à atteindre. L’URSS, par la LFC20082.QXD 9/01/02 9:11 Page 2 voie de Jdanov et du Kominform, prône la révolution socialiste dans le monde sous sa propre direction. Le camp socialiste se présente comme le fer de lance de la lutte pour une démocratie tendant vers l’égalité sociale et contre l’impérialisme occidental accusé de conduire à l’exploitation des déshérités de la planète. Les États-Unis et leurs alliés occidentaux (en Europe occidentale : le Royaume-Uni et la France, et la RFA à partir de 1949) développent le thème de la liberté individuelle, la promotion de la démocratie libérale contre le totalitarisme et la répression qu’exerce l’URSS dans tous les pays qui lui sont soumis. Cette première division est au cœur même de l’affrontement entre l’Est et l’Ouest et elle perdure tant que l’URSS existe (jusqu’en 1991). 2. Ils ont des implications politiques Dans les pays occidentaux où il existe des mouvements communistes importants, la guerre froide modifie la donne politique nationale. En France, par exemple, le PCF est exclu du pouvoir à partir de 1947 jusqu’en 1981. Il devient une force d’opposition permanente aux différents gouvernements et organise des luttes sur les terrains sociaux et politiques. Mais la guerre froide provoque aussi des crises graves qui risquent de faire basculer le monde dans un conflit ouvert. Ainsi, en 1948, l’URSS décide-t-elle de provoquer le blocus de Berlin-Ouest pour obliger les Américains, les Anglais et les Français à quitter ce secteur ouest. Les Américains répliquent en organisant un pont aérien, afin de ravitailler la ville, lequel dure 9 mois. Les deux armées se font face et pourtant n’ouvrent jamais le feu. Quelles interprétations donner ? À cette date, les Américains disposent de la supériorité militaire dans la mesure où ils sont les seuls à disposer de l’arme atomique et on peut penser que Staline a hésité à entrer dans une guerre à l’issue pour le moins incertaine. D’autre part, les nations européennes viennent de vivre la guerre la plus sanglante de l’humanité (près de 20 millions de morts dans la seule URSS) et ne sont pas prêtes, pas plus que leurs dirigeants, à risquer une confrontation de grande ampleur. À l’échelle internationale, les deux grands tissent des réseaux d’alliance afin de contrer l’ennemi. Cela se traduit pour l’un comme pour l’autre par la création d’organisations militaires (l’OTAN en 1949 ; le Pacte de Varsovie en 1955) et par la recherche de nouveaux alliés dans le monde afin d’étendre sa propre zone d’influence. Ainsi l’URSS choisit-elle d’épauler dans un premier temps la révolution chinoise puis le Vietnam communiste ; dans le continent latino-américain, elle s’appuie sur la révolution castriste à Cuba pour limiter la puissance des États-Unis. LFC20082.QXD 9/01/02 9:11 Page 3 3. Des guerres périphériques À l’échelle de ce demi-siècle, la quasi-totalité des conflits militaires affectent les continents asiatique, africain ou latino-américain. Nombre d’entre eux sont totalement, ou en partie, liés à l’affrontement Est-Ouest. L’exemple le plus emblématique est celui de la guerre de Corée entre 1950 et 1953 qui voit l’affrontement entre les partisans du Nord, épaulés par des «volontaires» communistes chinois, armés par les Soviétiques, et ceux du Sud auxquels viennent s’ajouter des troupes américaines sous mandat de l’ONU, guerre qui provoque 500 000 morts. Dans la péninsule Indochinoise, l’affrontement des partisans communistes contre la France, puis contre les États-Unis, fait que cette région subit trente ans de guerre. D’autres exemples pourraient être pris sur des périodes plus récentes (les années 60-70) dans les continents africain et latino-américain. Indiscutablement, la guerre froide multiplie les conflits à l’échelle de la planète, mais à aucun moment elle n’engage directement l’une contre l’autre les deux superpuissances. Pour quelles raisons ? II – UNE PAIX ARMÉE… 1. La paix repose sur un « équilibre de la terreur » La crise des fusées à Cuba est un bon exemple de cet équilibre qui s’instaure au début des années 60. Fidel Castro a besoin de l’URSS pour contrer l’embargo américain sur Cuba. Les Soviétiques obtiennent dès lors l’autorisation d’installer des missiles nucléaires sur l’île à quelques dizaines de milles des côtes de la Floride. Informé par ses services secrets, le président des États-Unis J.F. Kennedy menace l’URSS d’une guerre nucléaire si celle-ci ne retire pas ses missiles. N. Khrouchtchev cède et la guerre est ainsi évitée en octobre 1962. Cette crise montre que, désormais, les deux superpuissances disposent de l’arme nucléaire et ont la possibilité de détruire intégralement l’ennemi. C’est pour cette raison que le conflit ne se produit pas. En revanche, chacun des deux grands va entamer une course aux armements afin de surpasser militairement l’autre. Le nombre de missiles ne cesse de s’accroître, ainsi que leurs performances, dans les décennies 60 à 80. 2. À partir des années 60, une volonté politique de détente L’initiative vient de N. Khrouchtchev et de Moscou qui, dès 1956, parlent de coexistence pacifique entre l’Est et l’Ouest. Progressivement, les protagonistes s’emploient à améliorer leurs relations et à éviter des conflits. Cela se traduit par des rencontres et des accords : ainsi Khroucht- LFC20082.QXD 9/01/02 9:11 Page 4 chev se rend aux États-Unis en 1960 ; ainsi également le président Nixon « normalise » ses relations avec la Chine communiste en reconnaissant son existence en 1972. Dans le domaine diplomatique et militaire le principal acquis de cette détente est la signature, entre l’URSS et les États-Unis, des accords SALT I en 1972 qui prévoient une limitation de la fabrication des armements stratégiques nucléaires. 3. Un regain de guerre froide (fin des années 70-années 80) À la fin des années 70, la détente n’est plus qu’un souvenir. Les affrontements se manifestent à nouveau sous les mêmes formes qu’antérieurement : l’échec des accords SALT II relance la course aux armements avec la mise en place des missiles SS20 et Pershing (1981) sur le continent européen et avec le projet développé par R. Reagan, président des ÉtatsUnis, d’un bouclier anti-missiles (1984). Des conflits nouveaux apparaissent à l’intérieur du bloc soviétique de plus en plus contesté (en Pologne en 1981) ou en Afghanistan. Enfin, la lutte idéologique est à nouveau à l’ordre du jour, animée notamment par R. Reagan. Seule la politique menée par Gorbatchev à partir de 1985, et la disparition de l’URSS, mettent fin à cette guerre qui n’a jamais provoqué un affrontement militaire direct entre Américains et Soviétiques. CONCLUSION La guerre froide a bel et bien multiplié les conflits dans le monde. Ceux-ci ont été multiformes, aussi bien idéologiques et politiques que militaires. Au cours de ces cinquante années d’affrontement, les deux superpuissances ne se sont jamais fait la guerre directement mais se sont trouvées face à face par adversaires interposés. Cette situation de « paix impossible », liée à la nature des affrontements, a aussi été un moment de « paix armée », l’équilibre de la terreur tout comme la volonté politique des dirigeants américains et soviétiques ayant permis d’éviter le pire, c’est-à-dire une guerre nucléaire mondiale.