Atsou et Etsé : deux « vrais » jumeaux pour une musique africaine déconcertante
Atsou et Etsé ont une quarantaine d’années. On les appelle « les Venaviwo », ce qui signifie
justement « les jumeaux » en langue Mina.
Ils sont nés et vivent près de Kpalimé, à une centaine de kilomètres au nord de Lomé, la
capitale du Togo. Leur village, Agou-Nyogbo, est installé dans un paysage luxuriant, au pied
du pic Agou : végétation foisonnante, cascades : on est très loin des clichés de l’Afrique aride.
Depuis toujours, ils vivent et travaillent ensemble. Dans toute la région, ils sont respectés en
tant que maçons compétents : malgré leur petite taille, ils manifestent autant de force que de
résistance. C’est impressionnant de les voir porter sans fatigue des charges de béton plus
lourdes qu’eux… Ils ont été les maîtres d’œuvre des chantiers réalisés ces dernières années
dans l’enceinte de l’Hôpital Bethesda lors de camps internationaux de jeunes (construction
d’une déchetterie et d’un poulailler industriel).
Ce qui les caractérise et les rend célèbres, c’est le chant et la musique. Ils chantent sans cesse
ensemble, à deux voix ; Atsou et Etsé ont donc un entraînement faramineux pour accorder
leurs timbres et leurs rythmes. Quand ils ne chantent pas sur les chantiers ou pour des amis
lors de fêtes, ils chantent encore au culte le dimanche en duo ou dans la chorale dont ils sont
des piliers. Pour interpréter des chants traditionnels, pour créer des improvisations vocales ou
pour battre le tam-tam, ils manifestent une maîtrise tout-à-fait extraordinaire.
La première fois qu’on les entend, on est surpris parce que ça ne ressemble pas du tout à
l’idée qu’on se fait en général de la musique africaine. Rien d’exubérant ; la répétition
presque austère de motifs mélodiques obsédants, entrecoupés de silences déroutants… Et
pourtant il y a dans ce chant une jubilation, qui est celle de la louange.
A certains moments, même si l’on ne comprend rien au sens des paroles, on est saisi par les
sensations semblables à celles que peut dégager le chant traditionnel sarde par exemple, ou
tibétain, ou bulgare… L’impression d’un chant authentique qui vient de très loin et qui
résonne profondément. Cette musique touche une fibre de commune humanité : comme si
Atsou et Etsé parlaient directement à nos cœurs.
Souvent, on entend à leur sujet : «Ce sont vraiment des frères ! ». Cette remarque ne désigne
pas seulement leur proximité de jumeaux, mais leur proximité avec nous, une manière de
dire : « on les sent frères avec nous ! », parce que c’est ainsi que la musique franchit les
préjugés et toutes les frontières.
Ils ont enregistré un disque au Togo qui est totalement épuisé. On peut les entendre sur le
DVD « Le Togo nous portera » réalisé par des jeunes de la Riviera à l’occasion d’un camp-
chantier en 2011.
Ils n’ont jamais voyagé et leur tournée en Suisse cet automne est pour eux une expérience
complètement nouvelle qu’ils envisagent sereinement.