Le cadre clinique de la relation d’aide en santé mentale comme exemple de la superposition de perspectives psychologiques et éthiques Pascal Solignac, Ph.D. Professeur de philosophie, Cégep Marie-Victorin Catherine Laurier, Ph.D., psychologue Chercheure, Centre Jeunesse de Montréal – Institut Universitaire Plan de la présentation Mise en contexte L’éthique de l’altérité d’Emmanuel Levinas Quelques enjeux éthiques soulevés par la thérapie Questions concrètes La relation thérapeutique Cadre Client Consentement libre et éclairé Objectifs thérapeutiques Réponses abstraites! Jonction des enjeux éthiques et psychologiques 1 L’éthique de l’altérité Emmanuel Lévinas « regard philosophique » Lecture éthique de la relation thérapeutique L’éthique d’Emmanuel Lévinas: une éthique fondée sur la métaphysique La métaphysique est la pensée de la transcendance Ce qui est au-delà des situations particulières (temps et lieu) dont on a immédiatement conscience Chez Lévinas, la question de la transcendance se pose en termes d’infini et d’altérité 2 Une métaphysique de l’altérité IDENTIFICATION DU LIEU DE SÉJOUR À LA PENSÉE r r r Ι(a) M r r (INFINI) A r r REGISTRE DU MÊME REGISTRE DE L’AUTRE De la métaphysique à l’éthique SPONTANÉITÉ DU SUJET CONNAISSANT r r REMISE EN QUESTION MOI r r r ÉTHIQUE VISAGE r AUTRUI r REGISTRE DU MÊME FACE À FACE REGISTRE DE L’AUTRE 3 L’éthique de l’altérité Le domaine de l’éthique se situe entre la réduction de l’autre au même et la reconnaissance de son caractère irréductible L’éthique réside donc dans la relation à Autrui et non dans le jugement du sujet En raison du face-à-face, Autrui est considéré comme un interlocuteur et non comme un objet de ma pensée La critique de la vérité dépend de la reconnaissance d’Autrui donc le vrai dépend du bien Le langage est le support de la relation éthique L’éthique de l’altérité Par la remise en question de ma spontanéité: Autrui m’interpelle, c’est-à-dire exerce une demande à mon endroit Par le langage, j’offre à Autrui le monde construit par ma pensée; par ex: mes connaissances 4 L’éthique de l’altérité En ce sens, la relation à Autrui est une relation asymétrique dans laquelle je me décentre pour m’en rapprocher Autrui me donne l’occasion d’une authentique liberté, celle qui se déploie dans l’infini qui me sépare de lui Le face-à-face est foncièrement personnel, je ne réponds pas à tout autre, mais bien à Autrui Je suis responsable vis-à-vis d’Autrui et non proportionnellement à mes moyens d’action À ce titre, ma liberté dépend de la présence d’autrui: seul je peux …, mais je ne suis pas libre Les questions posées par la relation thérapeutique « regard psychologique » 5 Cadre thérapeutique Demande de consultation Origine de la demande Un individu souffrant, en demande d’aide D’ailleurs, est-ce un client ou un patient? Motif de consultation (manifeste et latent) Comment avoir accès au motif de consultation? Échange d’informations du client au thérapeute Informations soumises à une interprétation de la part du thérapeute - qui est l’expert Le thérapeute prétend-t-il avoir accès à des motifs qui échappent à son client? Qui est le client? La réponse sera différente selon le client Est-ce un enfant? Dans ce cas, qui est le client? Les parents ou l’enfant ou les deux? Programmes d’aide aux employés, références via le programme IVAC (indemnisation des victimes d’actes criminels) ou CSST (commission de la santé sécurité au travail. Quel est le problème? Le client est-il en mesure de prendre les décisions pour lui-même? Trouble de la personnalité comme exemple « pour son bien » La personne est-elle réellement en mesure de consentir au traitement? Traitement médical vs traitement psychologique 6 Le consentement libre et éclairé Les psychologues d’orientation cognitive-behaviorale auraient plus tendance à informer leurs patients de la durée de la thérapie et des options alternatives (par rapport à ceux d’orientation psychodynamique ou éclectique) (Somberg et al., 1993) Pour plus de la ½ des thérapeutes, la durée n’est pas abordée parce qu’elle est trop difficile à prédire. Pour le ¼, les risques ne sont pas abordés parce que quasi inexistants 26% ne discutent pas des procédures utilisées parce qu’ils ne sont pas capables de les identifier Le consentement libre et éclairé Goddard et Murray (2008) – étude qualitative auprès de psychologues « Important d’informer les clients qu’ils peuvent se sentir plus mal avant d’aller mieux » L’approche psychodynamique serait plus dépendante du thérapeute, donc plus « émotionnellement intrusive » Le client pourrait être plus facilement manipulé dans ce contexte Rôle de pouvoir du thérapeute dans ce contexte Les clients arrivent souvent avec des idées fausses et « magiques » au sujet de la thérapie psychodynamique Les psychologues considèrent difficile et extrêmement complexe d’expliquer ce qu’est le processus thérapeutique C’est « mystérieux »; s’expliquerait qu’à travers l’expérience de la thérapie psychodynamique. 7 Relation thérapeutique Diagnostic et thérapie comme réponses à une demande d’aide Le client se montre vulnérable Contexte de contraintes – cadre thérapeutique Contraintes qui vont de soi… servent-elles le rétablissement ou le thérapeute? À la jonction de deux perspectives… 8 Objectif thérapeutique Que veut le client? Aller mieux Retrouver une santé mentale S’agit-il d’objectifs clairs? Dans ce contexte (atteindre la santé mentale), jusqu’où peut aller le thérapeute? Peut-il se poser « en travers » des désirs immédiats de son client Pose la question de l’autonomie vs les bénéfices (Holmes et al., 1994) Question du risque suicidaire comme exemple Qui détermine que l’objectif est atteint? Suppose un objectif clair et bien établit. Questions concrètes Chez Lévinas la relation éthique est antérieure et valide la connaissance; la recherche du consentement éclairé procède-t-elle du registre du même? Selon l’éthique de l’altérité, je ne dois pas réduire le patient à une donnée d’un problème susceptible de recevoir une solution Le statut d’expert du psychologue dépendrait de la demande éthique – donc non-pathologique – du patient 9 Réponses concrètes? La résolution des dilemmes éthiques dans le cadre de la thérapie ne trouvera pas de réponse au sein de normes universelles (pour tout patient…) De même, la relation éthique fait prendre conscience du caractère limité des moyens d’actions et par là-même de la possibilité d’une action morale complètement justifiée Références Goddard, A., & Murray, C.D. (2008). Informed consent and psychotherapy: An interpretative phenomenological analysis of therapists’ views. Psychology and Psychotherapy: Theory, Research and Practice, 81, 177191. Holmes, J., Adshead, G., & Smith, J. (1994). An ethical dilemma in psychotherapy. Psychiatric Bulletin, 18, 466468. Lévinas, E. (1990) Totalité et infini. Essai sur l’extériorité. Paris, Le Livre de Poche, 348 p. Pisanté, J. (2002). Lévinas-Winnicott, le rendez-vous manqué. La psychiatrie de l’enfant, 45(1), 247-260. Somber, D.R., Stone, G.L., & Claiborn, C.D. (1993). Informed consent: Therapists’ beliefs and practives. Professional Psychology: Research and Practice, 24, 153-159. 10