CHAPITRE 1 La théorie cellulaire 1. Conception ancienne et moderne 2. La théorie cellulaire 3. Taille des cellules 4. Les atomes et les molécules 4.1 Les atomes 4.2 Les molécules 4.3 Les molécules organiques « Il y a plus de choses dans le ciel et sur terre, Horatio, que ta philosophie n’en pourrait concevoir » Shakespeare, Hamlet Chapitre 1 Objectifs À la fin de ce module vous serez en mesure de : 1. Discuter de la conception moderne matérialiste de la vie par rapport aux conceptions anciennes vitalistes. 2. Expliquer la théorie cellulaire. 3. Expliquer en quoi la théorie cellulaire a bouleversé la notion du vivant à l’époque où elle a été émise. 4. Énoncez, en µm et mm, la taille des cellules humaines. 5. Expliquer pourquoi la vie ne pourrait probablement pas exister sans le carbone. 6. Énoncer les principales différences entre cellules procaryotes et cellules eucaryotes. I-2 1 CONCEPTION ANCIENNE ET CONCEPTION MODERNE "Tout ce qui est généralement commun aux végétaux et aux animaux comme toutes les facultés qui sont propres à chacun de ces êtres sans exception, doit constituer l'unique et vaste objet d'une science particulière qui n'est pas encore fondée, qui n'a même pas de nom, et à laquelle je donnerai le nom de biologie." Jean-Baptiste Monet chevalier de Lamarck (1744-1829) Physiologie: Étude du fonctionnement des organismes vivants. Anatomie: Étude des structures constituant les organismes vivants. La biologie, la science étudiant le phénomène du vivant, est une science relativement jeune. Ce n'est, en effet, qu'au début de ce siècle que l'on a commencé à avoir une petite idée de ce qu'est un être vivant. Et encore, il faudra attendre les années 50 pour que cette science fasse de véritables progrès. Pourtant, on se posait des questions sur le phénomène du vivant depuis les débuts de l'humanité. Mais sans les outils indispensables apportés par la physique (que l'on pense au microscope) et surtout par la chimie (techniques d'analyse et d'identification des composés chimiques) la biologie ne pouvait progresser qu'en anatomie et en sciences naturelles. Pour le reste, on s'en remettait à des opinions philosophiques datant d'aussi loin qu'Aristote. Chapitre 1 Selon Aristote (~384 - ~322), la vie résulte de la rencontre entre un principe passif, la matière, inerte et informe et un principe actif, l'âme qui imprime à la matière son organisation complexe, son mouvement, son énergie, sa vitalité. Dans les siècles qui suivront, cette conception de la vie connaîtra plusieurs variantes que l'on peut regrouper sous le nom de théorie vitaliste (ou vitalisme). La théorie vitaliste se caractérise par la croyance en une entité immatérielle (ou spirituelle), une force vitale qui animerait les êtres vivants. Aristote Les découvertes scientifiques qui se succéderont à partir du milieu du XIXe siècle conduiront à l’abandon complet de cette théorie. Il est maintenant clairement établi que les différents phénomènes associés à la vie obéissent aux mêmes lois et forces qui régissent le reste de l'univers. Il n'est nullement nécessaire de faire appel à une mystérieuse énergie vitale pour expliquer la vie, on peut très bien l’expliquer en faisant uniquement appel aux lois de la chimie et la physique. La conception moderne de la biologie est totalement matérialiste, elle ne fait appel à aucune force ou énergie immatérielle. Pour la biologie moderne, un être vivant est un assemblage très complexe de molécules interagissant entre elles selon les lois de la physique et de la chimie qui s'appliquent à toute matière. On peut aujourd’hui expliquer le phénomène du vivant sans faire appel à aucune force mystérieuse. Vous ne verrez jamais, dans aucun manuel de biologie, une explication faisant appel à l’énergie vitale ou à un quelconque fluide vital. I-4 Pourtant, encore aujourd'hui, de nombreuses personnes ont une conception vitaliste de la vie. Cette idée est particulièrement répandue dans le milieu des médecines douces. L'âme d'Aristote, devenue fluide vital, énergie vitale, chi, mana, orgone, prana ou kundalini selon la religion thérapeutique qu’on adopte serait l'agent responsable de la vie, de la santé et de la maladie. La santé s'expliquerait par une circulation harmonieuse de l'énergie vitale alors que la maladie serait due à une mauvaise circulation ou à une perte de cette énergie. Pourtant cette notion d’énergie vitale est un concept totalement dépourvu de toute base scientifique. La confiance en des pratiques médicales basées sur cette théorie abandonnée depuis longtemps par la science tient plus de l'acte de foi que de la raison. La théorie cellulaire 2 LA THÉORIE CELLULAIRE Une des premières découvertes importantes en biologie passa à peu près inaperçue à l'époque où on la fit. En 1665, Robert Hooke, utilisant un nouvel instrument d'optique, le microscope, eut l'idée d'observer une fine coupe d'un bouchon de liège (le liège est l'écorce d'un chêne européen). Hooke nomma cellules ces petites structures vides formant le liège. Plus tard, en observant d’autres échantillons, animaux ou végétaux, on constata que la matière vivante est toujours ainsi divisée en cellules juxtaposées. Ce que Hooke avait cru être un cas particulier pour le liège s’avéra être la norme pour tous les tissus vivants. Quel que soit le tissu, animal ou végétal, on observe toujours qu'il est formé par la réunion de nombreuses cellules. De plus, contrairement au liège, un tissu mort dont les cellules sont vides, les cellules des tissus frais montraient une organisation interne complexe. Chaque cellule possède des organites (petits organes) dont les plus petits sont assez difficiles à discerner au microscope optique. La plupart de ces organites sont présents dans toutes les cellules, peu importe d'où vient la cellule, d'un humain, d'un moustique ou d'un érable. Bref, même si elles proviennent d'organismes très différents les uns des autres, les cellules se ressemblent beaucoup. I-5 Chapitre 1 Cellules adipeuses Coupe de tissu adipeux Tissu musculaire Coupe de la racine d’une plante aquatique Épithélium tapissant la bouche, le nez et l’œsophage Coupe d’une feuille d’arbre Neurones (cellules nerveuses) I-6 La théorie cellulaire On se rendit également compte que les cellules pouvaient se reproduire. Dans les conditions appropriées, une cellule, même isolée du tissu d'où elle provient, peut se nourrir, respirer, s'entretenir, se reproduire. Chaque cellule est un être vivant à part entière. Vers 1839, le monde scientifique admit ce qu'on allait appeler la théorie cellulaire : La cellule est l'unité structurale et fonctionnelle de tous les êtres vivants. C'est-à-dire : On peut cultiver des cellules en milieu artificiel. Même séparée de l’organisme, une cellule peut continuer à vivre et à se reproduire si on lui fournit tous les éléments dont elle a besoin (eau, nourriture, oxygène, etc.). Chaque cellule de notre corps est un être vivant à part entière. • Tous les êtres vivants sont constitués d'une ou plusieurs cellules. • La cellule est la plus petite unité possédant les caractéristiques du vivant. • Toute cellule provient de la division d’une autre cellule. « Omnis cellula e cellula » (Rudolph Virchow, 1858) Chaque cellule est un être vivant complet; une cellule peut : à à à à à à Absorber et transformer de la nourriture Respirer Rejeter des déchets Sécréter des substances qu’elle fabrique Se reproduire Se réparer si elle est endommagée Chaque cellule est vivante. Par contre, si on coupe une cellule en morceaux, on n'obtiendra qu'un mélange bientôt inerte de composés chimiques, rien de vivant. I-7 Chapitre 1 Vacuole Nucléole Appareil de Golgi Mitochondrie Noyau Gilles Bourbonnais Réticulum endoplasmique Membrane cellulaire La cellule (très simplifiée) I-8 La théorie cellulaire La théorie cellulaire, à l’époque où on l’énonça, révolutionna l’idée qu’on avait toujours eue de la vie jusque là. En admettant cette théorie, les biologistes devaient admettre trois concepts tout à fait nouveaux pour l’époque: 1. Unité du vivant: les êtres vivants se ressemblent beaucoup plus qu’on ne le croyait; l’homme n’est pas si différent des animaux et même des plantes. 2. Homéostasie: la survie et la santé de l’individu correspondent à son aptitude à assurer un milieu de vie favorable à ses cellules. 3. Il n’y a pas vraiment de limite définie entre la vie et la mort. 1. Unité du vivant: Non seulement tous les êtres vivants sont formés de cellules, mais en plus, d’un être vivant à un autre, les cellules sont très semblables. Il y a peu de différences, par exemple, entre les neurones (ce sont les cellules formant le système nerveux) d’un moustique et ceux d’un humain. De même, on ne peut discerner, au microscope, les cellules du foie d’un humain, de celles d’un chat ou même d’un poisson. Même si elles peuvent avoir des formes et des tailles différentes, les cellules possèdent toutes la même structure de base, elles sont formées des mêmes organites (les organites, ce sont les petites structures que l'on peut observer à l'intérieur des cellules): membrane, noyau, vacuoles, ribosomes, reticulum endoplasmique, etc. On peut voir le monde vivant comme un gigantesque jeu de Lego. À partir de quelques types de briques élémentaires, les différents types de cellules, on peut construire une variété infinie de formes vivantes. De plus, on a découvert, par la suite, que le mode de fonctionnement des cellules, l’ensemble des réactions chimiques s’y déroulant, était sensiblement le même, peu importe le type de cellule. Il n’y a pas tant de différences entre une cellule de tomate et une cellule humaine. Un très grand nombre de réactions chimi I-9 Chapitre 1 ques se déroulant dans l’une se déroulent aussi dans l’autre. C’est ainsi, que fréquemment, une découverte faite à partir de l’étude des cellules d’un organisme particulier, fut-il aussi simple qu’une cellule de levure, peut s’appliquer à tous les autres êtres vivants. Les levures sont des champignons unicellulaires utilisés pour fermenter le sucre en alcool. 2. Homéostasie: Il suffit d’avoir déjà tenté de cultiver des cellules en milieu artificiel pour se rendre compte combien leur survie est fragile. Un peu trop de ceci ou pas assez de cela dans le milieu de culture et les cellules meurent soudainement. Une cellule ne peut survivre que si elle baigne dans un liquide présentant des caractéristiques physico-chimiques qui répondent exactement à ses besoins. Il en est de même à l’intérieur de l’organisme. Les cellules doivent baigner dans un milieu stable qui leur apporte tout ce dont elles ont besoin. On pourrait définir la physiologie humaine comme l’étude des mécanismes permettant d’assurer aux cellules un milieu de vie stable. On appelle « homéostasie » cette stabilité du milieu interne que parviennent à maintenir les êtres vivants. Remarquez que l’homéostasie correspond à un équilibre dynamique. Par leur activité, les cellules modifient continuellement leur milieu en y puisant des éléments et en y rejetant des déchets. Ce milieu change également selon la nourriture absorbée et le milieu dans lequel on se trouve (désert torride ou froide journée d’hiver, par exemple). Les différents systèmes doivent donc continuellement réagir afin de rétablir l’équilibre sans cesse perturbé. Le maintien de l’homéostasie est un continuel combat qui ne doit jamais cesser. I-10 Caractéristiques physico-chimiques, c’est-à-dire l’ensemble des caractéristiques physiques (température, viscosité, etc.) et chimiques (pH, salinité, concentration en oxygène, en déchets, etc.) du milieu. La teneur en sucre du liquide baignant les cellules, par exemple, doit demeurer rigoureusement stable, Trop ou pas assez de sucre pourrait perturber le fonctionnement des cellules et même les tuer. Comme nous le verrons plus loin dans ce cours, il existe des mécanismes physiologiques permettant de maintenir stable cette teneur en sucre. Que l’on jeûne depuis plusieurs jours ou que l’on vienne de manger un plein pot de miel, le taux de sucre demeurera sensiblement le même. La théorie cellulaire Avec la théorie cellulaire, la notion de maladie prit une toute nouvelle signification. Désormais, on considérera la maladie comme un défaut de l’homéostasie. Et c’est le bon fonctionnement de chacune des cellules de l’organisme qui permet de maintenir cette homéostasie essentielle à la survie de chacune d’entre elles. 3. Il n’y a pas de limite définie entre la vie et la mort : Il est difficile d’estimer le nombre de cellules formant un organisme humain. Selon les plus récentes estimations, l’organisme serait constitué de 30 000 à 60 000 milliards de cellules. Un être humain est en fait une colonie de plusieurs milliers de milliards de cellules. Mais, puisque chacune de nos cellules est un être vivant à part entière, à partir de quel moment peut-on affirmer qu’une personne est morte? Doit-on attendre que la dernière cellule soit morte avant de signer l’acte de décès? Un homme à qui on vient de couper la tête est-il encore vivant? Pourtant, ses cheveux et ses ongles continuent à pousser, plusieurs de ses cellules musculaires se contractent encore, les cellules de sa peau survivent encore en respirant le peu d’oxygène présent dans le liquide qui les entoure, etc. Bref, il faut bien se rendre à l’évidence, il n’existe pas de frontière bien définie entre la vie et la mort. Et c’est là tout le problème éthique que posent des actes comme l’euthanasie ou, pour commencer à l’autre bout de la vie, l’avortement. À partir de quel moment y a-t-il vie et à partir de quel moment il n’y en a plus? Et le problème est le même au niveau de chacune des cellules. À partir de quel moment peut-on affirmer qu’une cellule est morte? Une cellule privée des éléments nécessaires à sa survie ne meurt pas d’un seul coup comme cela. Son activité se ralentit peu à peu, ses structures se dégradent progressivement jusqu’à ce qu’on obtienne un mélange plutôt inerte de composés chimiques. Mais, à quel moment précisément est-elle morte ? Essayer de définir ce moment est aussi vain que d’essayer de définir une frontière bien précise entre la jeunesse et la vieillesse par exemple. I-11 Chapitre 1 Vous verrez que souvent en biologie, on passe de façon très progressive d’un état à un autre, il y a rarement de frontière fixe. Légalement, il a bien pourtant fallu définir une frontière. À une certaine époque, c’était l’arrêt cardiaque. Si le coeur ne bat plus c’est qu’on est mort. Ces dernières années, par contre, on a appris à repartir un coeur arrêté. Il a donc fallu trouver un autre critère. Actuellement, la mort est légalement définie par l’absence d’activité électrique des neurones du cerveau. Cette activité électrique peut être mise en évidence à l’aide de petites électrodes enregistreuses qu’on applique à la surface du cuir chevelu. L’absence d’activité cérébrale résulte en un électroencéphalogramme plat (EEG plat). Notez bien qu’il s’agit là d’une frontière légale. Moralement, le problème se complique. Peut-on encore qualifier de vivante une personne plongée dans un coma profond et irréversible mais dont le cerveau présenterait encore une faible activité (ces cas existent)? Peut-on arrêter la vie biologique lorsque la qualité de vie s’est dégradée au-delà d’un certain niveau? C’est là un problème qui n’est plus du ressort des biologistes. En fait, la mort même est un phénomène étrange. En effet, les cellules peuvent continuellement se renouveler. Si une structure se dégrade, la cellule peut, à partir des molécules qu’elle puise dans son milieu, en fabriquer une nouvelle. À cause de ce renouvellement continuel qui se produit dans les cellules, on estime que chaque individu renouvelle la totalité de ses molécules à peu près en sept ans. Il n’y aurait donc pas une seule molécule de votre corps qui y était il y a sept ans. Si une cellule meurt, une autre cellule peut se reproduire pour la remplacer. À chaque seconde, 50 millions de cellules meurent dans notre organisme. Mais la reproduction cellulaire permet de produire 50 millions d’autres cellules pour les remplacer. En fait, théoriquement, puisqu’on se renouvelle continuellement, on ne devrait pas vieillir. Mais, pour des raisons qu’on commence à peine à comprendre, les processus permettant aux cellules de se renouveler et de se reproduire se dégradent avec le temps. L’organisme perd progressivement son efficacité à se renouveler, il se dégrade, vieillit et meurt. I-12 « Tant que la biologie n’avait pas acquis la notion de cellule, elle ne pouvait prétendre qu’à une figuration extrêmement grossière des phénomènes vitaux, quels qu’ils soient. Une pièce maîtresse lui faisait défaut, à quoi ne pouvait suppléer aucune ressource de l’imagination ou du raisonnement .» Jean Rostand, Esquisse d’une histoire de la biologie La théorie cellulaire Donc, tout être vivant est fondamentalement un assemblage de petites structures vivantes, les cellules. Notez tout de même, que certains êtres vivants, les unicellulaires, ne sont formés que d’une seule cellule. C’est le cas, par exemple, des bactéries. Les bactéries sont de minuscules êtres vivants formés d'une seule cellule. Elles sont omniprésentes dans la nature, une poignée de terre, par exemple, en contient des milliards, notre peau, si propre soit-elle, en est couverte, notre tube digestif en contient des milliers de milliards. Certaines sont nocives à l'organisme et sont responsables de maladies. Les bactéries forment un peu un monde à part dans l'univers des cellules. Elles sont dépourvues de la plupart des organites présents dans les cellules des autres êtres vivants. Elles ne possèdent ni noyau, ni mitochondries, ni reticulum endoplasmique, ni appareil de Golgi, etc. La cellule bactérienne est dite procaryote alors que toutes les autres cellules formant les autres êtres vivants sont dites eucaryotes I-13 Chapitre 1 Zoom sur une épingle Grossissement = 50 X À cette échelle, votre taille est d’environ 80 m. Grossissement = 3000 X À cette échelle, votre taille est de 5 Km. On distingue bien les bactéries. I-14 Grossissement = 1000 X Les petites taches blanches sont des bactéries. À cette échelle, vous mesureriez 1,7 Km. Grossissement = 10,000 X À cette échelle, votre taille est de 17 Km. Les bactéries que vous voyez mesurent environ 1 µm de largeur par 3 µm de longueur. La théorie cellulaire 3 Taille des cellules Taille des bactéries : Taille moyenne des cellules humaines: 1 à 3 µm (micromètres) 20 µm Le µm (micromètre) est une unité correspondant à un millionième de mètre (ou un millième de millimètre). On utilise aussi le nm (nanomètre) équivalent à un milliardième de mètre (ou un millième de µm). • Plus petite cellule humaine: spermatozoïde (environ 2 µm sans la queue) • Plus grosse cellule humaine: ovule (environ 100 µm) 1 mm = 1 µm = 1 nm = 1/1000 m 1/1000 mm 1/1000 µm Le pouvoir de résolution de l’œil humain, sa capacité à distinguer des détails, est d’environ 100 µm (à peu près la largeur d’un cheveu). On ne pourrait pas, par exemple, distinguer à l’œil nu, deux points situés à moins de 100 µm l’un de l’autre. Ils apparaîtraient comme un seul point. Les cellules d'un moustique sont-elles plus petites que celles d'une baleine bleue? I-15 Chapitre 1 4 Les atomes et les molécules Afin de se maintenir en vie, une cellule doit continuellement effectuer certaines tâches: puiser dans son milieu des éléments nutritifs, modifier chimiquement ces éléments, les assembler entre eux afin de former des structures plus complexes, défaire certaines de ces structures en éléments plus simples et réutiliser les morceaux pour refaire d’autres structures, rejeter des déchets, puiser de l’oxygène, respirer, etc. Bref, vivre, pour une cellule, c’est effectuer de nombreuses et complexes réactions chimiques. Pour bien comprendre ce qu’est la vie, il faut connaître ces réactions chimiques qui se déroulent dans les cellules. C’est pourquoi, il nous est nécessaire de faire un peu de chimie... 4.1 Les atomes: Prenez un verre d'eau et divisez-le en deux. Puis, redivisez en deux l’une des deux moitiés obtenues. Recommencez encore et encore. Peut-on ainsi diviser à l'infini, en obtenant chaque fois une quantité d'eau encore plus petite que la fois précédente? Quatre cents ans avant Jésus-Christ, les Grecs se posaient ce genre de question. Certains croyaient que la réponse était oui, on peut diviser le nombre de fois que l'on veut, il restera toujours une petite quantité d'eau, si petite soit-elle. D'autres, dont le plus connu fût Démocrite, prétendaient que non. Selon eux, l'eau était constituée de petites particules d'eau indivisibles qu'ils appelaient atomes (d'un mot grec signifiant justement indivisible). En divisant plusieurs fois une certaine quantité initiale d'eau, on devait inévitablement arriver à un point où il ne resterait qu'un seul atome indivisible d'eau. Démocrite n’avait pas tout à fait raison, mais il n’avait pas tort non plus. L’eau est effectivement faite de particules minuscules, mais ces particules ne sont pas des atomes indivisibles. L’eau, comme la plupart des autres substances qui nous entourent, est faite de molécules d’eau. Une molécule d’eau, c’est la plus petite quantité d’eau que l’on puisse imaginer. I-16 La théorie cellulaire H O H H2 O Si on fait passer un courant électrique dans de l'eau, les molécules d’eau se brisent et il se forme de l’oxygène et de l’hydrogène. En fait, il existe plus que 92 sortes d'atomes. Les physiciens ont réussi à fabriquer artificiellement certains atomes qui n'existent pas à l'état naturel. On connaît actuellement plus de 107 sortes d'atomes. Chaque molécule d’eau est constituée d’unités plus petites appelées atomes. Dans le cas de la molécule d’eau, celle-ci est faite d’un atome d’oxygène lié à deux atomes d’hydrogène. On pourrait donc séparer une molécule d’eau en deux substances différentes, l'oxygène et l'hydrogène. Mais peut-on diviser l'hydrogène, par exemple, en deux autres substances. La réponse est non. L'hydrogène ne peut, contrairement à l'eau et à de nombreuses autres substances, se diviser en matières plus simples. Peut-on alors diviser l'hydrogène à l'infini ? La réponse est encore non. Comme le supposait Démocrite, il existe des particules indivisibles d'hydrogène. Ce sont les atomes d'hydrogène. Tout l'univers est formé d'atomes. En fait, l'univers est formé de 92 sortes d'atomes différents. L'hydrogène est constitué d'une sorte d'atomes alors que l'oxygène est constitué d'une autre sorte. Les atomes diffèrent les uns des autres par leurs propriétés et par leur masse. On sait par exemple qu'un centimètre cube de fer (le fer est formé d'atomes de fer) n'a pas la même masse ni les mêmes propriétés qu'un centimètre cube d'aluminium ou de carbone (le charbon, c'est du carbone à l'état pur). Les atomes de fer sont plus lourds que les atomes de carbone. Dans certains cas, un atome peut être électriquement chargé. On le qualifie alors d'ion. Ion positif si la charge électrique est positive et ion négatif si la charge est négative. Une grande variété d'atomes sont dissous dans les liquides de l'organisme sous forme d'ions. Ils constituent ce qu'on appelle en physiologie des électrolytes. Ex. Na+ ClCa++ (ion sodium) (ion chlore) (ion calcium) I-17 Chapitre 1 4.2 Les molécules: Les atomes peuvent se lier les uns aux autres pour former des molécules. Ainsi, l'atome d'oxygène peut se lier à deux atomes d'hydrogène pour former une molécule d'eau. C'est pour cette raison que l'eau est désignée, par les chimistes, par le symbole H2O. La plupart des substances qui nous entourent sont formées de molécules elles-mêmes constituées d'atomes différents. Ex. L'eau: H O H Forme compacte H H H O H O Forme "boules et bâtons" Formule développée La lettre H indique un atome d'hydrogène, la lettre C un atome de carbone et la lettre O un atome d'oxygène. H2O Formule simplifiée L'alcool éthylique (alcool de consommation) H H C H H Forme compacte C H O OH CH3 CH2 OH H Forme "boules et bâtons" Formule développée Parmi les 90 éléments chimiques existant sur terre à l'état naturel, la vie, lorsqu'elle s'est formée, n'en a sélectionné que quatre principaux pour former ses molécules: • • • • Carbone (C) Hydrogène (H) Oxygène (O) Azote (N) L'essentiel des molécules formant la matière vivante est formé à partir de ces quatre éléments. Ils peuvent s'unir les uns aux autres pour former une quantité quasi infinie de molécules différentes. I-18 Formule simplifiée La théorie cellulaire ÉLÉMENT Oxygène Carbone Hydrogène Azote Calcium Phosphore Souffre Potassium Chlore Sodium Magnésium Iode Fer SYMBOLE O C H N Ca P S K Cl Na Mg I Fe POIDS (%) 62 20 10 3,3 2,5 1,0 0,25 0,25 0,2 0,1 0,07 0,01 0,01 MASSE ATOMIQUE 16,0 12,0 1,0 14,0 40,0 31,0 32,0 39,0 35,5 23,0 24,5 127,0 56,0 On retrouve également d'autres éléments en quantité infime(l'ensemble de ces éléments appelés oligo-éléments ne forme qu'environ 0,3% de la masse totale de notre poids: Cuivre (Cu), Manganèse (Mn), Molybdène (Mo), Cobalt (Co), Bore (B), Zinc (Zn), Fluor (F), Sélénium (Se), Chrome (Cr) 4.3 Les molécules organiques La plupart des molécules constituant les différentes structures des êtres vivants sont constituées d'un squelette formé d'un grand nombre d'atomes de carbone reliés les uns aux autres. Divers autres atomes, (H, O et N surtout), liés aux atomes de carbone du squelette, complètent la molécule. Toutes les molécules contenant des atomes de carbone et d’hydrogène (et c'est le cas de presque toutes les molécules formant les êtres vivants) sont dites "organiques". molécule organique = molécule contenant des atomes de carbone et d’hydrogène Le méthane (CH4) Le méthane est la plus simple des molécules organiques. L’atome de carbone possède une propriété unique dans le monde des atomes, il peut se lier de nombreuses fois à lui-même pour former de très grosses et très complexes molécules. De tous les atomes existant dans l’univers, il est le seul à posséder cette pro I-19 Chapitre 1 priété. Il est courant en biologie de rencontrer des molécules formées de 100, 200, voire même plus de 1000 atomes de carbone. Avec des atomes d’oxygène et d’hydrogène, on ne peut guère faire autre chose que de petites molécules de H2O. Par contre, avec des atomes de carbone et d’hydrogène, on peut fabriquer un nombre astronomique de molécules différentes, de la petite molécule de CH4 (le méthane) à de gigantesques hydrocarbures du type C64H232 (toutes les molécules formées uniquement de carbone et d’hydrogènes sont des hydrocarbures; c’est le cas, par exemple, des huiles ou de l’essence). Avec 40 atomes de carbone et 82 d’hydrogène, on peut théoriquement former plus de 62 millions de molécules différentes où chaque molécule a une structure et des propriétés physiques et chimiques différentes de l’autre. Des molécules organiques de cette taille sont très courantes dans les êtres vivants. Ex. Cette figure représente la structure d’une molécule de cocaïne. Elle contient 17 atomes de carbone, 3 d’oxygène, un d’azote et 21 d’hydrogène. Cette molécule est assemblée, à partir de molécules plus petites qui sont combinées entre elles, par les cellules des feuilles de l’arbre à coca poussant en Amérique du Sud. Sa toxicité pour le système nerveux constitue une protection contre les insectes parasites qui s’attaquent aux feuilles de l’arbre. Les cellules de l’arbre peuvent fabriquer des milliers d’autres molécules différentes, beaucoup plus complexes que celle-là, remplissant les diverses fonctions chimiques nécessaires à la survie de la plante. I-20 La théorie cellulaire On peut regrouper la grande majorité des molécules formant une cellule en trois grandes familles: • • • les glucides (ou sucres ou hydrates de carbone) les lipides (gras et huiles) les protéines Les sucres et les gras sont d'importantes sources d'énergie alors que les protéines, en plus d’être essentielles comme matériaux de construction, remplissent une foule de fonctions dans la cellule (nous en reparlerons). Une pièce de monnaie d'un cent (20 g) contient 200 mille milliards de milliards d'atomes de cuivre 23 (2 x 10 ). Un petit verre d'eau (180 ml), par exemple, contient 6 millions de milliards de milliards de molécules 24 (6,02 x 10 molécules d'H2O). C’est six fois plus que le nombre total de flocons de neige qui tombent sur tout le Canada en un hiver. Un gramme de sucre blanc contient environ 1 750 milliards de milliards 21 de molécules (1.75 x 10 molécules). Dans une cellule aussi petite qu'une bactérie, on retrouve environ 4 000 milliards de molécules d'eau (70% de la masse de la bactérie) et près d'un milliard de molécules de protéines (environ le tiers du poids sec d'une bactérie est constitué de protéines). Même si les molécules formant la matière vivante peuvent être très grosses (des milliers d'atomes par molécule), n'oubliez pas qu'elles sont incroyablement petites par rapport à notre taille ou même par rapport à la taille pourtant microscopique d'une cellule. Imaginez une cellule dont la taille serait à peu près celle d’un immeuble de six logements (voir la figure de la page suivante). À cette échelle, vous mesureriez plus de 20 000 Km de hauteur. Une bactérie mesurerait entre 1 et 2 m (à peu près la taille d’un humain), un virus1, celle d’une souris et une protéine (c’est une très grosse molécule pouvant renfermer plus d’un millier d’atomes), celle d’un grain de riz. Un atome de carbone ou une molécule d’eau seraient difficilement visibles à l’œil nu. 1 Nous verrons plus loin, dans un autre chapitre, ce qu’est un virus. I-21 Chapitre 1 Cellule humaine (20 µm) Virus (50 à 100 nm) Bactérie (2 µm) I-22 Protéine (environ 3 nm) Vocabulaire Anatomie Description des structures constituant les organismes vivants (le nom et l’emplacement de ces structures). Atomes Unité de matière en chimie ; chaque atome est constitué d’un noyau autour duquel tournent des électrons. Ex. atome de cuivre, atome de carbone Bactéries Organisme unicellulaire (qui n’est formé que d’une seule cellule) très simple (procaryote). Cellules Plus petite structure présentant les propriétés du vivant. Les êtres vivants sont tous formés d’une ou plusieurs cellules. Électrolytes Nom donné en physiologie aux ions dissous dans les liquides corporels (ex. Na+, Cl− , K+, etc.) Glucides Groupe des sucres (on dit aussi « hydrates de carbone »). Homéostasie Propriété des êtres vivants de maintenir stables les paramètres physiques et chimiques de leur milieu interne. Ion Atome portant une charge électrique. Lipides Groupe des huiles et des gras. Micromètres (µm) Un millième de millimètre. Molécule Unité de matière formée de l’union d’atomes. Nanomètre (nm) Un millième de micromètre (un millionième de mm). Molécule organique Molécule dont la structure de base (le « squelette ») est formée d’atomes de carbone. Organites Petites structures visibles à l’intérieur des cellules. Physiologie Étude du fonctionnement des organismes vivants. Protéines Une des trois grandes familles de molécules formant les êtres vivants. Nous verrons la structure de ces molécules au prochain module. Vitalisme Théorie voulant qu’il existe des forces ou énergies propres aux êtres vivants. Ces forces ou énergies ne se rencontreraient que chez les êtres vivants et elles en expliqueraient le fonctionnement. Cette théorie est rejetée depuis plus d’un siècle par la science. Chapitre 1 Questions de révision 1. Qu’est-ce que la physiologie? L’anatomie? 2. Qu’est-ce que le vitalisme? 3. La théorie cellulaire s’énonce : "La cellule est l'unité structurale et fonctionnelle de tous les êtres vivants". Qu’est-ce que ça veut dire exactement? Expliquez-le dans vos propres mots. 4. Pourquoi peut-on considérer que les êtres vivants s’apparentent à un « jeu de Lego »? 5. Si la taille moyenne d'une cellule humaine est de 20 µm, combien peut-on placer de cellules, côte à côte, sur une ligne mesurant 1 mm? Pour les forts en math : Combien y a-t-il de cellules dans un centimètre cube de tissu vivant si on suppose un diamètre d’à peu près 20 µm pour chacune des cellules (vol. de la sphère = 4/3 π r3)? 6. Expliquez ce qu’est l’homéostasie et quelle est l’importance de ce concept pour les cellules. Donnez des exemples. 7. Pourquoi est-il difficile de définir une limite entre la vie et la mort? 8. Pourquoi dit-on qu’on ne devrait théoriquement pas vieillir? 9. Qu'est-ce qu'une bactérie, quelle est sa taille moyenne, pourquoi dit-on qu'une bactérie est un être procaryote? 10. Qu’est-ce qu’un atome? Une molécule? Une molécule organique? 11. Pourquoi le carbone est-il l’élément de base du vivant. Qu’est-ce que cet atome a de si particulier? I-24