Religions minoritaires en Inde

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Religions minoritaires en Inde. A. Le Jaïnisme. Religion cousine du bouddhisme. Né à la même époque, fondée par Mahavira ; contemporain du Bouddha, de la même région. Hétérodoxie par rapport à l’orthodoxie Hindoue, accent sur la non-­‐violence, réclame l’abolition du système de caste. Comme le bouddhisme, c’est une réaction d’ordre social, de la prise de pouvoir par les Kchatriya, dépossédant les brahmanes de l’autorité morale et politique dont ils disposaient à travers l’hindouisme « védique ». Bouddha comme Mahavira sont des princes. Cela témoigne du changement social et politique de l’époque. Cette religion, avec le bouddhisme, a dominé le paysage culturel et politique pendant plus de mille ans (-­‐Ve siècle – Vie siècle environ.) Le Jaïnisme s’est étiolé, il disparaît de la scène Indienne à partir du VII-­‐VIIIe siècle ; à la suite du grand mouvement de réforme hindou lancé par Shankara. Alors que le bouddhisme a émigré, a survécu et prospéré ; le Jaïnisme est resté confiné dans le sous-­‐
continent et compte aujourd’hui à peine 6 ou 7 millions de fidèles. Le fondateur, Mahavira (grand héros // guerrier), est le 24e d’une longue série de « prophètes » (la plupart légendaires) qui portent le nom de Tirthankara (celui créé un guet, un passage) // celui qui nous accompagne dans la traversée du Samsara afin d’atteindre le Moksha, la libération définitive. Selon le Jai, l’univers est une succession de cycles sans fin, cycles cosmiques nommés les Kalpa. Au début de chaque Kalpa apparaît un Tirthankara. Liens avec le bouddhisme clairs. Mahavira apparaît donc pour de donner vie au chemin qui s’est obscurci depuis la disparition du 23e Tirthankara, nommé Parswa Natha. L’histoire du Jaïnisme, prêchée par Mahavira, ne serait que la partie visible, et la tradition Jaï serait beaucoup plus ancienne. Il y a des témoignages indirects dans les textes bouddhiques sur le Jainisme – ils attestent de l’existence du fondateur, un peu plus vieux que Bouddha, communauté ascétique de purification mentale. Date exactes – pour une fois – 599 // 527 avant notre ère. Bouddha, lui, -­‐563 // 483 avant notre ère. Les fouilles archéologiques suggèrent toutefois qu’il faut décaler d’un siècle (499 -­‐427, etc.) Ces textes ne sont pas inscrits en Sanskrit, ce qui est rare, mais en langue vernaculaire, le Prakrit. Pas de langue savante, et les textes Jaï, écrits en Prakrit dit « Maghadi » (du royaume de Maghada) // les textes bouddhiques eux, sont en Pali (langue vernaculaire classique, plus répandue). Le Sanskrit était une langue sacrée, déjà ; mais ses langues régionales prirent le pas. Les différentes langues de l’Inde moderne sont issues de ces parlers vernaculaires. Ces religions furent considérées comme des hétérodoxies, aka Sramanas. Elles offrent une première vision de réforme de l’hindouisme, et leur langue de véhicule marque la volonté d’échapper à l’emprise du Sanskrit. On peut faire un parallèle avec les Protestants et leur désir de traduire la bible (sola scriptura.) Le commun des mortels comprend et accède sans intermédiaire : évincer les brahmanes, les écarter de leur pratique exclusive du pouvoir spirituel et politique. C’est au II // IIIe siècle de notre ère que ces textes furent traduits en Sanskrit. Les œuvres littéraires de ce Ve siècle furent d’inspiration Jaï et bouddhistes, bien que les dirigeants fussent hindouistes, mais tolérants (cf. Royaume de Gupta, capitale Pataliputra.) Jainisme et bouddhisme sont fondés par des guerriers, sous l’appellation de « guerriers spirituels » (Jai = « fidèle du conquérant ») – ils sont ensuite nommés les « renonçant ». Il y a une opposition forte entre le concept brahmanique de la pureté par la naissance et de l’idéal des Kchatriya, de la vertu par le progrès individuel. Opposition forte et irréductible. Un certain nombre de thèmes se retrouvent dans les textes sacrés hindous ultérieurs, comme les Upanishads (plus réflexifs, philosophiques homme-­‐univers-­‐
dieux) // rédaction sur plusieurs siècles avant et après notre ère (-­‐II // + IIe siècle.) On retrouve des thèmes empruntés au bouddhisme et au jaïnisme, comme le Ramayana et le Mahabharata. Dans ces textes, ce sont les Kchatriyas qui enseignent, et pas les Brahmanes. Les deux principaux personnages sont des princes, également. Digression : ‘Le Bhagawath Gita, petit poème inséré dans l’immense Mahabharata. Accomplis ton devoir sans t’attacher au résultat de ton action, de façon détachée – tout acte manuel peut ainsi devenir un acte spirituel. C’est à l’origine de la philosophie nommée le Vedanta. Une identité totale au sein de la matière, tout est un – sorte de monisme. Shankara a été le défenseur de cette pensée. Le voile nous empêche de voir l’unité, le voile, la Maya, entre nous et l’autre. Tout cela a été fourni par des princes, rendu possible par les mouvements bouddhiques et jaïnistes, ouvrant une brèche dans le pouvoir des brahmanes. Les vertus guerrières sont louées dans ces religions, certains auteurs ont parlé d’une inversion de la hiérarchie des castes – au sommet – entre brahmanes et princes.’ Le suivants laïcs Jaïs vont vœu de non violence, vérité, charité. Ils sont végétariens, sortes d’écologistes avant la lettre. De nos jours, ils sont très actifs dans la protection de la nature. Leur culte s’arrête au passeur, ils n’ont pas de dieu en particulier, ils cultivent, comme les bouddhistes, le vide (Soumya) – cela créée chez les Jaï une sorte de douceur, d’acceptation de l’autre. Ils sont également opposés à toute forme d’idolâtrie, ce qui les oppose fortement aux Hindous. Ils passent leur temps à essayer de se démarquer de l’hindouisme, malgré de nombreux point communs. Bien qu’ils le nient, ils sont également divisés en caste. Ils sont violement hostiles à la suprématie des Brahmanes, au sacrifice animal : et il semble que la montée en puissance du jaïnisme et du bouddhisme soit une réaction de la culture indo-­‐européenne du Nord Ouest contre la suprématie indo-­‐européenne védique du Nord Est. (Cf. les invasions en -­‐2000 et la diffusion.) C’est après cette époque que l’hindouisme, avec sa facilité d’adaptation, adoptera le végétarisme. Avec les siècles, on note une diversification de sectes Jaïs et des modes de vie selon la géographie. On s’accorde à reconnaître deux grandes divisions dans le jaïnisme : les Digambaras et les Svemtabaras. Les premiers sont des traditionnalistes, les seconds prêchent l’adaptation. Par exemple, les Digambaras se promènent nus, « vêtus de ciel et d’espace », les Svemtabaras eux, sont vêtus de blanc. Quelques sites célèbres : Ajanta Ellora, non loin de Bombay, Ouissa, à l’Est, grottes accueillant des ascètes, des religieux. Par conséquent, ce sont les laïcs qui interviennent plus dans la pratique de rituels et dans l’organisation générale. Ce qu’on peut dire de la doctrine, c’est qu’elle recherche l’unité derrière la diversité apparente. Traits communs évidents avec hindouisme, bouddhisme ; notamment sur le Karma, à l’Ahimsa (non-­‐
violence), détachement, relativisme. De grandes variations locales et régionales dans les pratiques, également au sein de la diaspora, en particulier chez les commerçants. La doctrine de la relativité s’accorde sur 3 idée : la complexité de la réalité, le fait qu’elle soit perçue depuis plusieurs perspectives, et enfin le fait que la vérité n’est pas absolue puisque dépendante de la perspective. « La vérité sur une rive est mensonge sur l’autre. » Exemple : l’allégorie fameuse. On amène plusieurs aveugles sur une place et on place un éléphant devant eux. ‘Comment le représentent-­‐t-­‐ils ?’ Le premier touche la trompe, il le décrit comme une branche, un autre touche le pied, il y voit un arbre, un autre encore la queue, il se représente une liane. Représentations partielles. Seuls l’illuminé aura la perception totale, etc. La doctrine Jaï propose une vision médiane entre l’hindouisme (et son idée de permanence, vérité absolue issue de la vedanta) et le bouddhisme, qui défend l’impermanence par essence. Vocation universelle, qui a beaucoup inspiré Gandhi. Les Jai sont en général des commerçants, professions libérales, avec un niveau de revenus et d’éducation bien supérieur à la moyenne, tandis que les conversions bouddhistes (résurgence depuis la seconde guerre mondiale) concernent en majorité les hors-­‐castes ou les basses castes. Dans la région de Sravananbelgola, on trouve toutefois une immense statue de Mahavira – même si l’idolâtrie est interdite. Le Mont Abu, au Rajasthan, est un complexe de temples Jaï. B. Le Sikhisme. Connus pour leur tenue spécifique, turban, barbe (et poignard, parfois.) Religion originale, historiquement récente, fin XVe, religion métisse. A la croisée entre l’Hindouisme et l’Islam. Elles possède des caractéristiques hindoues évidentes ‘naissance, renaissance, libération, karma, etc.) ; mais, en même temps, le Sikhisme rejette le système de caste, le culte des idoles, le sacrifice animal, le système de dot, la Sati (veuves au bûcher). De l’Islam, ils retiennent une forme de monothéisme, c’est également la religion du livre, d’un livre sacré. Volonté quasi-­‐militaire de défendre leur religion. Ils ont fourni à l’armée britannique un grand nombre de soldats et d’officiers, et toujours dans l’armée indienne d’aujourd’hui. C’est lié à un face à face avec les musulmans. Ils sont territorialement ‘fixés’ dans le Nord-­‐Ouest, Pendjab, capitale Shaldigar (au-­‐dessus du Cachemire, près du Pakistan.) Ils se sont opposés aux invasions Afghanes et Mogholes (XVe siècle de notre ère) // sortes de défenseurs du limes. Ce sont donc des soldats-­‐paysans. Elle s’est ensuite dispersée en milieu urbain. Le Sikh constitue une diaspora puissante et organisée – chauffeurs de taxis londoniens, etc. On connaît les paroles proférées par le fondateur, Nanak. C’est un Gourou (maître) – 1469 // 1539, né dans une caste hindoue de commerçants, dans un village du Pendjab. Il connaissait bien le milieu musulman, son beau-­‐frère étant un responsable administratif dans la cour d’un petit prince musulman. Cette interpénétration permanente hindouisme // Islam se trouve déjà chez lui. Il voyage beaucoup, est éduqué, et a accès au Coran. Un jour, il va se baigner dans le Bein – et déclare : « Il n’y a ni hindous ni musulmans, quelle voie vais-­‐je choisir ? Je suivrai la voie de Dieu, Dieu n’est ni hindou ni musulman. » Il voyage beaucoup par la suite. Il écrit, et se concentre sur un effort se synthèse permanent. Les premiers suivants sont surtout des basses-­‐
castes ou hors-­‐caste ; mais aussi des musulmans. ‘En exaltant la vérité, nous atteignons l’absolu.’ Enseignement théocentrique // Dieu étant le créateur de toute existence. L’ennemi de l’homme est l’égoïsme, l’homme est né pour être sauvé, l’individu est en relation permanente avec Dieu et la société. La piété est associée aux pratiques sociales. Menez une vie dans le monde, mais non avec ni pour le monde. Nanak rejette le célibat, l’ascétisme, les pèlerinages, le culte des images et l’autorité des vedas ou autres textes hindous. Il abandonne le ritualisme excessif hindou et l’occultisme et refuse la société de caste et de sectes. Les réunions religieuses ont lieu dans les Gurudwara, temples Sikhs, assez modestes, peu tapageurs. Lieu de réunion de la communauté – religion communautaire, où l’on se réuni, l’on se parle, ou les questions sont évoquées. Les réunions prennent le nom de Sangats, où l’on prend le Langar, repas communautaire. C’est aussi dans les chants, en langue vernaculaire, nommés Kirtan (terme commun à l’hindouisme), que se passent les prières. En prenant les repas, où tout le monde est rassemblé, l’idée de commensalité et d’égalité est mise en avant : spirituelle et sociale, ce qui tranche par rapport à la notion brahmanique de pureté // pollution et de commensalité intra-­‐caste. Les Vaishya (caste d’où ils sont souvent issus) ont deux caractéristiques : une éthique du travail et une grande compréhension de l’économie de marché. On y trouve peu de brahmanes et de Kchatriya. Ils proposent une vision séculière du monde, monothéisme aidant, mais sans incarnation humaine. Le Gourou Nanak n’est pas l’envoyé de Dieu, nommé Waheguru. Ses successeurs non plus. Le Sikhisme a intégré une conception circulaire du temps, hindoue. Religion du livre : l’Adi Grandh (premier nom) // Guru Grandh Sahib (second nom du livre saint) – un grand nombre d’écrits provenant de Nanak sur divers sujets. Il joue un rôle majeur dans la cultuelle – il se trouve dans le fameux temple d’or. Des copies, entières ou partielles, se trouvent dans tous les temples Sikhs. Le culte est voué aussi à la parole du messager de Dieu, Nanak (Dieu n’ayant rien dit). Hari Mandir Sahib (maison de Dieu), temple construit vers la fin du XVIe siècle, est resté le temple privilégié (lieu de pèlerinage) du culte. Les deux disciples préférés de Nanak étaient Mardana, un jeune musulman musicien, et un jeune Hindou, Bala. Après sa mort, la succession de Nanak est établie : au total, on compte 10 gourous, sorte de dynastie. Succession par cooptation. L’organisation fut très vite réalisée à la manière militaire. La Khalsa est l’armée Sikhe, l’organisation militaire. Le suffixe « Sing » correspond à « Lion » en Sanskrit. Les dirigeants du Rajasthan le portaient, et les Sikhs les ont imités. Aujourd’hui, le nom de famille « Sing » réfère toujours soit à l’un ou l’autre groupe. La succession des 10 gourous se succèdent pendant 2 siècles, période de grande gloire des Mogols. Babar – le prince Mogol, héritier de Gengis-­‐khân ; a fait « naître » Nanak dans les affrontements permanents. Le Sikhisme a une réelle tradition guerrière, inscrite dans une histoire permanente de conflits hindous // musulmans. Il fallait donc à la fois se distinguer de l’hindouisme pour ne pas se faire intégrer – digérer, et établir une tradition martiale typique. Les 10 gourous ont donc contribués, dans ce contexte, à donner des règles de fonctionnements adéquates aux situations diverses rencontrées dans ce climat d’affrontement. Mais à la fois, en tant qu’agriculteurs, ce sont eux qui contribuent à faire du Pendjab le grenier à blé du sous-­‐continent. Il y a eu un Empire Sikh, repoussant musulmans et tenant les hindous à distance. Le Maharadja Ranjit Singh en fut un illustre représentant. Les Sikhs ont également bénéficié du soutien des britanniques, admiratifs devant leur valeur et leur courage (régiment Sikh) Il y eut des mouvements de réformes au XIXe siècle : 1/ le Niramkari Sikh et 2/ le Namdari Sikh avec pour but de ‘purger’ la religion Sikh de tout ce qui « la pollue », en particulier des éléments venus de l’hindouisme. Car les brahmanes ne renonçaient pas au contrôle, et contrôlaient souvent les temples. Les mariages Sikhs, longtemps, répondaient aux règles traditionnels hindou : les intermédiaires, l’astrologue, les brahmanes officiant, la négociation des dots, les détails de la cérémonie. Les Niramkari, en particulier, rejettent ces mises en scène. Depuis l’indépendance : les Sikhs, toujours loyaux aux britanniques, (ex. dans l’affaire de 1857, ils ne participent pas à la mutinerie -­‐ voire participent à la répression) – un état fut créé selon les frontières linguistiques. Le Pendjab recela le parti nationaliste Sikh, avec un noyau dur de militants : volonté de contrôle exclusif des temples, tracer de manière définitive des limites avec l’hindouisme, et enfin essayer de trouver une autonomie Sikh à l’intérieur du Pendjab. Ils obtiennent la maîtrise des temples, et travaille à définir la spécificité du Sikhisme, et en 1966 ils obtiennent la création d’un état à majorité Sikh (70 %) baptisé Pundjab (langue Punjabi), ainsi que d’un autre, nommé Haryana, constitué à majorité d’Hindou avec l’Hindi comme langue. En même temps, un réseau d’intégristes Sikhs revendique cette fois la création d’un état indépendant Sikh, qui serait nommé le Khalistan. Indira Gandhi refuse. Le groupe intégriste était mené par Bhindranwalee. On peut y voir une inquiétude d’ordre culturel, se méfiant de la force de syncrétisme « passif » de l’hindouisme, sorte de monstre tranquille qui absorbe tout. N’oublions pas aussi que la région est riche, et l’on sentait bien que la volonté de garder l’argent était présente. L’autre idée est que la « révolution verte », qui a permis à l’Inde l’auto suffisance, mais avec des laissés pour compte. Des inégalités sociales dans le Pendjab virent le jour : les grands propriétaires plus riches, des moyens propriétaires plus pauvres ; une oreille attentive se porta sur les revendications. Ces militants Sikhs se sont réfugiés, dans les années 1980, dans le temple d’or, poursuivis par la police et l’armée. L’opération « Blue Star », en 1984 : l’armée indienne est entrée, a tué 500 militants sur 2000, etc. Révolte Sikh en suivant, suivi de l’assassinat de Indira Gandhi par un des deux Sikhs de sa garde personnelle. Cela a entraîné des sortes de pogroms, des milliers de morts Sikhs, représailles hindous sanglantes. La situation actuelle : les Sikhs n’ont plus de revendications d’indépendance, une loyauté toujours démontrée à l’égard du gouvernement indien (malgré les tentatives du Pakistan pour les retourner), une diaspora active qui investit beaucoup dans le Pendjab et contribue à sa prospérité ; cette diaspora qui d’ailleurs possède la religion comme référent identitaire principal. 
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