Pourquoi la psychothérapie – Ed. Dunod
2 / 9
« L'humanité, en effet, savait qu'elle était dotée d'esprit ; je devais lui montrer qu'il existe aussi des pulsions.
Mais les hommes sont toujours insatisfaits, ils veulent toujours quelque chose d'entier et d'achevé. »
(Binswanger, 1970, p. 346)
À l'opposé, Assagioli, suivant en cela Jung et Binswanger, réintroduisit la philosophie et la
dimension du spirituel dans la psychothérapie. Il se référait explicitement à la «psychagogie», la
pédagogie platonicienne de l'élévation de l’âme vers l'idéal, et tout en acceptant l'existence de
l'inconscient, proposait de cultiver des qualités transpersonnelles telles que l'amour, la joie, la
beauté. Il plaçait au centre de la psyché, le sujet, le je, distinct des contenus de la conscience et
apportant une perspective unificatrice à la psyché tout entière.
En 1926, il écrivait :
« La psychosynthèse étudie chaque fait psychique en relation à sa connexion vitale avec le centre de
conscience, sur la base de la connaissance et de l'action du Je. »
Ce je est élaboré par la pratique de la désidentification et reflète les énergies du soi (analogue au
soi de Jung qui représente l'entièreté de la psyché, incluant l'inconscient).
Assagioli, tout comme Jung, abandonna le concept de libido en faveur du concept plus large
d'énergie psychique. Il fit la distinction entre différents plans d'inconscient alors que Freud
considérait l'inconscient comme un tout : un plan supérieur ou supraconscient correspondant aux
aspirations créatives, spirituelles et artistiques, un plan moyen qui équivaut au préconscient
freudien, et un plan inférieur ou infraconscient qui ne serait autre que l'inconscient freudien. Dans
un tel schéma, les tendances esthétiques, religieuses seraient là, dès le départ, dans l'inconscient,
prêtes à être conscientisées. L'homme de la préhistoire serait notre égal, disposé, comme nous à
goûter à la beauté et au mystère du monde : les peintures de la grotte de Chauvet nous le
montrent ainsi.
De plus, comme cela fut souligné par le philosophe français Paul Ricœur, la psychanalyse s'est
concentrée sur l'analyse de la construction passée de la personnalité. Freud a dit expressément
qu'une psychosynthèse était inutile puisque, après une analyse approfondie, la synthèse se
produirait d'elle-même :
« Quand nous réussissons à décomposer un symptôme, à libérer un émoi instinctuel de l'association où il se
trouve engagé, il ne demeure pas isolé mais entre immédiatement dans une nouvelle combinaison... C'est
ainsi que se réalise automatiquement, inévitablement, la psychosynthèse, sans que nous ayons eu à
intervenir. » (Freud, 1910)
En fait, il nous semble qu'un processus de synthèse de la psyché a besoin de s'appuyer sur la
conception d'un sentiment de raison d'être et de devenir. Pour définir ce sentiment, Assagioli a
utilisé le concept de transmutation des énergies psychiques et de synthèse des opposés. Ce
concept fait référence à une téléologie des profondeurs de la psyché, c'est-à-dire à un sens de