De la cartographie des peuplements à l’évaluation de l’état de conservation des habitats : Christian Hily UMR 6539 CNRS LEMAR, IUEM UBO [email protected] 1 – Rétrospective : étapes de la cartographie des habitats et de l’évaluation de leur état de santé Nb: regard personnel non exhaustif basé sur l’expérience acquise au LEMAR 2 – Bases d’une démarche méthodologique pour l’évaluation de l’état de conservation des habitats Natura 2000 A – Rétrospective 1 - Cartographie des habitats Avant les années quatre-vingt Substrats meubles Premières cartographies des peuplements benthiques Travaux de thèse de Rétière, Cabioc’h, Glémarec : Pas de typologie commune Subtidal Rocheux : travaux de Castric-Fey, Descatoire, Hardy Halos (1969-73) pas de cartographie mais début de typologie ( basée sur les ceintures) Photo Gladu Première Typologie pour la cartographie biosédimentaire de la zone littorale subtidale Atlas des fonds meubles du Golfe de Gascogne Chassé et Glémarec, 1976 (édition : CNEXO) Principes généraux de la classification des fonds pour la cartographie biosédimentaire Typologie basée sur : la distribution des espèces animales de la macrofaune, leur affinités entre elles et vis à vis des divers sédiments. L ’hydroclimat marin (T, S, lumière, exondaison) Les caractéristiques sédimentaires écologiquement efficaces (stabilité et conditions d ’oxydoréduction) Un principe : si toutes les combinaisons granulométriques sont théoriquement possibles, certaines sont plus fréquentes et seules celles-ci sont susceptibles de donner au cours de l ’évolution des espèces, un peuplement caractéristique. NB :La typologie des « habitats Natura ou Eunis» est une typologie des communautés/ peuplements Catégories sédimentaires et peuplements associés Peuplement des SHV à T. à T. communis et C.gibba Chassé, Glémarec, 1976 Hily, 1976 Fin des années quatre-vingt et début des années quatrevingt dix, les apports des caméra sous-marines à la cartographie… Hily, 1989 Les épibioses qui se surimposent aux sédiments sont décrites et cartogaphiées. Transition vers une typologie de type Eunis Crépidules Maerl mort Coquilles Glyciméris Hily, 1989 Année 90-2000 : une multiplicité d’outils et de techniques 2 – Caractérisation de l’état de conservation des habitats Dans les années 80 : Avancées importantes en écologie benthique ( protocoles d’échantillonnage, traitement des données quantitatives, compréhension de la structure et du fonctionnement). Pollution, eutrophisation : comment évaluer l’état de santé du Benthos? Modèle Général (Pearson et Rosenberg, 1978) Interactions entre la faune endogée et les processus biogéochimiques (diagénèse) dans les sédiments et à l’interface eau/sédiment, (Pearson et al) Evolution des paramètres SAB sur un gradiant de pollution organique Les premiers indicateurs écologiques de l’état de santé des fonds sédimentaires Principe : les invertébrés macrobenthiques mémorisent et cumulent les perturbations, leur présence et leur abondance sont indicateurs de l’état de santé des écosystèmes Les espèces peuvent être regroupées en fonction de leur réponse à la surcharge du : les groupes écologiques de polluo-sensibilité (Hily 1984) : I = sensibles, II = indifférentes, III = tolérantes, IV = opportunistes 1er, V = Opportunistes 2ème sédiment en matière organique - modèle conceptuel (Hily, 1984) permet de qualifier l’état de santé écologique des peuplements benthiques dans différentes situations de pollution, y compris les marées noires (après la phase toxicité). Années 2000 : tout l’effort de recherche est axé sur l’application de la DCE : calibration des indices, choix des métriques, recherche de nouveaux indices etc majoritairement en subtidal pour caractériser l’état écologique des masses d’eaux (BQI, BENTIX, EI, CARLIT, AMBI) Caractérisation de l’état écologique dans les substrats meubles pour la DCE : AZTI Marine Biotic Index Le Coefficient Benthique, expression synthétique des variations des groupes écologiques de Hily : passage de l’indice biotique aux valeurs discrètes à un coefficient aux valeurs continues; Borja et al (années 2000) B - Sites Natura Comment évaluer l’état de conservation des habitats - Période 2000 – 2008 : aucune norme, peu ou pas de diagnostic, grande variabilité - Période 2009 et plus : Evaluation à T+6 : aucune base précise Nouveau Sites T0 : toujours aucune norme La démarche DCE ne peut s’appliquer pour Natura : une démarche spécifique est indispensable Nb : L’évaluation de l’état de conservation est différent de l’évaluation de la valeur patrimoniale : autre approche qui reste à développer (biodiversité, rareté, sensibilité) Contraintes pour les sites Natura: le diagnostic doit être spatialisé : : quelle échelle spatiale : /polygone , /habitat, / autre niveau? : quelle type d’indicateur? Amont (axé sur la perturbation) ou Aval (axé sur l’impact de la perturbation) Le diagnostic doit pouvoir être comparatif : périodicité de 6 ans : l’indicateur doit être indépendant de la variabilité saisonnière et interannuelle à court terme : intégrateur les indicateurs doivent identifier la part relative des différentes perturbations Pour le gestionnaire : Le diagnostic doit être réalisable (financier et expertise) - comment harmoniser les petits/grands sites on ne peut multiplier l’échantillonnage, les stations …. - Le diagnostic suffisamment précis pour pouvoir induire des actions de restauration et des mesures de gestion Détecter les changements de l’état de santé - écologique – de conservation des habitats A un instant t la structure d’une biocénose est la résultante d’évènements déterministes et stochastiques agissant à différentes échelles spatiotemporelles. Comment détecter un (vrai) changement? - Suivi haute fréquence : cinétique (observatoires) pas adapté à Natura - Comparaison de situations temporelles espacées : t0 / t1 (trois ans DCE, 6 ans Natura) Détecter les changements = très difficile à périodicité faible (3, 6 ans) métrique ta ty tz temps Proposition : Principe d’une démarche pour l’évaluation de l’état de conservation d’un site Natura: (travail sous SIG) 1 - Identifier les sources des perturbations (liste type) 2 - évaluer les intensités des perturbations (indice harmonisé??) 3 - identifier les habitats potentiellement impactés 4 - stratifier le site en secteurs homogènes Physiographie (Baie ouverte/fermée, rias etc) X perturbation Permet d’identifier les secteurs non concernés pas une perturbation (pêche par ex) d’où sites de référence/perturbation (i) 5 - sélectionner par secteur un (des) habitat(s) représentatif(s)(i.e. témoin(s)) 6 - appliquer un(des) indicateur(s) de l’état de conservation de l’habitat témoin du secteur (éventuellement types DCE). 7 - appliquer une démarche d’aggrégation/synthèse pour une évaluation globale du site / secteur ou par habitat Quels types d’indicateurs utiliser dans le cadre de Natura? 1 : A faible variabilité saisonnière : surfaces d’habitats “visibles” : champs d’algues, herbiers, moulières, récifs d’huîtres…) Herbier Aber en 1993 Comparaison de l’enveloppe et de la fragmentation des herbiers : deux caractéristiques complémentaires de la dynamique des herbiers Herbier Aber en 2000 Alloncle et Hily, in prep 2 : indices intégrateurs (croisant différentes métriques) Exemple 1 : le stress index pour les herbiers (en cours de validation dans le REBENT) Ex 2 : Indicateurs de la pression de pêche à pied dans les champs de blocs de la frange émergeante de l’infralittoral Principe : comparaison dessus/dessous d’un échantillon de blocs (présence et taux de recouvrement de faune et flore) (Guduff et Hily, 2006) Dessous de bloc bon état de conservation mauvais état de conservation Ex 3 : Travaux en cours pour calibration indice de pertubation des champs de blocs et recherche d’indicateurs de piétinement et des effluents urbains et portuaires sur estrans rocheux (thèse Maud Bernard IUEM/Univ Rennes/Ecosub) Ex 4 : Recherche des indicateurs de perturbation liés à la pêche espèces et groupes d ’espèces de différentes sensibilité/vulnérabilité Natura 2000 en mer Sensibilité au passage du chalut de fond Impact de l’engin pêche et conséquences sur la faune Exemples d’espèces du Golfe de Gascogne Très fragile Casse, peu ou pas de survie Echinodermes : Leptometra celtica Cnidaires : Pennatula phosphorea, Virgularia mirabilis Fragile Casse, survie probable, prédation facilitée Polychètes tubicoles : Hyalinoecia tubicola, Aponuphis fauveli Echinodermes : Amphiura filiformis Bivalves à coquille fine : Pandora pinna Sensible Peu de casse, prédation facilitée Gastéropodes : Calliostoma granulatum, Turritella communis, Scaphander lignarius Echinodermes : Porania pulvillus Indifférent Echappement Amphipodes : Eusirus longipes Opportuniste Échappement ou pas de casse, effets bénéfiques Crustacés décapodes : Liocarcinus depurator, Munida rugosa, Nephrops norvegicus, Pagurus pridauxi Le Loc’h et Hily, 2003 Rectangles statistique CIEM A C E B D Zone de pêche intense (> 1000mois.navire) (A,C) Zones Pêche intense (> 1000 mois.navire) (A, C) Zones de pêche modérée (50-100mois.navire) (B,D) Zone de pêche faible (> 50 mois.navire) (E) Le Loc’h et Hily 2003 En conclusion : il y a encore du pain sur la planche! Merci de votre attention….. Estrans insulaires du Morbihan après l’Erika Site Faible = 1 Moyen = 2 Elevé = 3 Très élevé =4 Nombre d'espèces Espèces rares % espèces rares Nombre d'habitats Indice de qualité patrimonial Belle-Ile Taillefer 210 18 8,6 8 11 Ile aux Chevaux 188 9 4,8 8 10 Groix-Pen Men 190 14 7,4 8 10 Groix-Saisies 181 17 9,4 4 9 Hoedic-Croix 165 6 3,6 8 9 Belle ile Pouldon 148 10 6,8 8 9 Belle Ile-Skeul 131 2 1,5 9 8 Belle Ile-Port an dro 175 5 2,9 4 7 Groix-Heno 158 4 2,5 6 7 Belle-Ile Borderun 161 4 2,5 7 7 Belle-Ile Ster 123 5 4,1 5 6 Méaban 80 6 7,5 6 6 Houat-Beg creiz 71 3 4,2 7 6 Houat-Navallo 21 0 0,0 9 6 Valueg 76 0 0,0 6 5 Groix-Pte des Chats 72 1 1,4 7 5 Teviec 65 2 3,1 7 5 Grall et al , 2004 Les groupes écologiques caractérisent les successions écologiques L’Amoco-Cadiz Larges fluctuations de l’abondance des opportunistes et tolérantes (peu d’espèces) Retour progressif des espèces sensibles peu abondantes In Hily et Glémarec, 1990 Disposer d’un état initial ou d’un état de référence… …Pour caractériser un état de conservation/dégradation. Groupe V 350 Groupe IV Groupe III Groupe II Groupe I St Cava 300 Individus.m -2 250 200 150 100 50 marée noire 0 IB T0 1978 0 3 1979 1982 2 0-6 1983 Marée noire de l’Amoco Cadiz 1984 0 1997 0 Le Moal et Glémarec Estimer la valeur patrimoniale d’un site - Nombre d’habitats N et % (surf) d’habitats particuliers (prioritaires?) - Richesse spécifique totale - Espèces rares (à quelle échelle : site, pluri sites, région….) N et % - Espèces menacées, liste rouge, - Espèces déterminantes, structurantes, ingénieurs??