4Le Verbe
Parler de Dieu, n’est-ce pas d’abord le
laisser parler à travers notre chair ? Le
Christ a-t-il envoyé ses disciples deux
par deux en les exhortant : « Allez, et
fondez des magazines cathos » ? Non.
Il leur a demandé d’annoncer que le
royaume de Dieu est proche, et de
le faire avec leurs bouches en chair,
à des oreilles en cartilage. Le Verbe
incarné, c’est aussi ça. L’annonce qui
se fait par des journalistes bien réels
qui donnent la parole à des témoins
concrètement rencontrés, lesquels se
posent bien souvent des questions
tout aussi concrètes.
« Qu’est-ce que je vais manger pour
souper ce soir ? »
« Qu’est-ce que mon mari pense de ma
nouvelle coupe de cheveux ? »
L’idée, c’est de christianiser ces
questions. La proximité du royaume
de Dieu ne signifie pas un château
qui descend du ciel porté par une
myriade d’anges. C’est la félicité à la
porte, toute proche, dans ces petites
choses que nous méprisons parfois.
Une image
vautmille maux
Alors que le monde tourne à toute
allure, il y a une étrange impulsion,
un drôle de souffle qui pousse nos
artisans-reporters à écrire, à raconter,
à dessiner le monde et à publier le
tout sur du papier.
La Parole de Dieu – son Verbe – est, en
fait, une Personne. Une des trois Per-
sonnes de la Trinité. Pour les Grecs, la
persona, c’est le masque utilisé dans
les tragédies. On pourrait dire, par
extrapolation linguistique, que la per-
sonne est un visage. C’est un peu ce
qui nous a motivés à choisir l’image
d’un enfant comme couverture de
notre premier numéro.
Quoi de mieux qu’un visage pour
parler d’une Personne ? « Quand vous
l’aurez fait au plus petit d’entre les
miens, c’est à moi que vous l’aurez
fait. » Qu’a fait cet enfant pour méri-
ter ce sort ? Un garçon palestinien
qui vit, bien malgré lui, ce cantique
d’Isaïe : « Ma demeure m’est enlevée,
arrachée, comme une tente de berger.
Tel un tisserand, j’ai dévidé ma vie :
le fil est tranché. Du jour à la nuit, tu
m’achèves » (Is38,12).
Une image comme celle-là, une photo
d’un enfant vivant dans un abri de
fortune depuis que l’immeuble où il
habitait a été bombardé, ne peut pas
nous laisser indifférents. Elle ne doit
pas laisser le chrétien indifférent. Le
pape François nous invite d’ailleurs à
combattre férocement l’indifférence
qui menace les liens fraternels de
l’humanité.
Les compléments
du Verbe
Le cœur de cette revue, vous l’avez
deviné, c’est le dossier thématique
(pages 12 à 46). Chaque numéro
aborde une question, la creuse à fond
et offre sinon des réponses, au moins
des pistes de réflexion.
Cependant, sur les cent pages du Verbe
que vous tenez, plusieurs servent de
complément à ce dossier central. Ima-
giner une phrase pleine de verbes,
c’est un peu comme penser à un repas
exclusivement fait de viande. L’équi-
libre de la revue est donc maintenu
par des rubriques hors dossier qui
diversifient l’offre d’information.
Parmi les chroniques récurrentes, je
soumets à votre attention la « Désin-
tox » des pages8 et9. Par ces courts
textes, notre journaliste Sarah-
Christine assure pour nous une sorte
de veille médiatique. Dans chaque
numéro, elle portera son regard sur
les forces et les lacunes du traitement
journalistique réservé à des sujets
sensibles pour plusieurs croyants : la
défense de la vie de son début à sa
fin naturelle, la liberté religieuse, les
perceptions par rapport à l’Église, etc.
Puis, un vieux texte de Charles Péguy
trouvé dans la bibliothèque de mon
beau-père (merci, Louis !) n’aurait pu
être réédité si nous n’avions prévu
un espace à cet effet sous la rubrique
« Boules à mythes » (page 48). D’ail-
leurs, cinq fois par année, Sarah-
Christine nous présentera l’un ou
l’autre des « monstres » de la littérature
chrétienne – surtout catholique – du
19esiècle. Cette fois-ci, elle y va d’une
remarquable présentation de Gilbert K.
Chesterton, l’un des défenseurs de la foi
les plus créatifs de son temps (page 79).
C’est bien beau, l’histoire, mais notre
époque a aussi cruellement besoin
d’esprits aiguisés qui prennent la
plume pour donner à leurs contem-
porains les raisons de leur foi. Alex
Deschênes, fervent ambassadeur de
la théologie du corps de Jean-PaulII,
tient avec brio la section qui se pro-
pose d’aborder les questions de la
chair avec pudeur, mais sans pudi-
Le Christ a-t-il envoyé ses
disciples deux par deux en les
exhortant : « Allez, et fondez des
magazines cathos » ? Non.