La formation
L’accompagnement par le mas-
sage auprès des personnes atteintes
de cancer nécessite une présence qui
demande du jugement et une con-
naissance de plusieurs variables.
Comme le mentionnent Chantal Tur-
geon et Martine Rancourt, toutes les
deux massothérapeutes agréées
md qui
travaillent auprès de cette clientèle
depuis quelques années, le développe-
ment d’un cancer a des conséquences
catastrophiques sur le corps humain et
il n’y a pas de place pour l’improvisa-
tion avec cette clientèle !
Martine Rancourt est massothéra-
peute agréée
md depuis huit ans. Dès le
départ, elle a été attirée par l’idée d’ac-
compagner les gens atteints de cancer.
Pour elle, la formation est primordiale.
« Ça te procure des compétences vrai-
ment distinctes reliées aux conditions
des gens vivant avec le cancer. D’une
part, on nous enseigne à adapter nos
gestes aux gens atteints de cancer,
mais ça nous procure aussi une com-
pétence pour interagir avec le person-
nel médical. D’ailleurs, la plupart des
établissements de santé où j’ai travaillé
exigeaient que les massothérapeutes
aient suivi la formation. Il y a aussi les
stages qui te préparent de manière très
concrète à intervenir auprès de cette
clientèle. Mais je pense que le plus
important, c’est toute la préparation
du point de vue de la psychologie, le
savoir-être avec des gens souffrant et
en crise. Dans ce travail, nous sommes
appelés à faire beaucoup de relation
d’aide et ça nécessite de faire un tra-
vail profond sur soi-même, c’est très
important ! Par exemple, j’ai souvent
massé des enfants, qui avaient parfois
le même âge que mes enfants, et ce
n’est pas facile. Il faut être capable de
prendre ses distances pour se protéger
soi-même ».
Chantal Turgeon est massothéra-
peute agréée
md depuis 2004, après
sa formation en suédois, elle est allée
travailler dans les spas. Deux ans plus
tard, elle s’inscrit à la formation en
oncomassothérapie. « J’avais accom-
pagné ma mère qui est décédée d’un
cancer, mais la formation m’a permis
de développer mes connaissances
médicales notamment par rapport aux
traitements de chimiothérapie et de ra-
diothérapie que doivent subir les per-
sonnes malades. Nous apprenons aussi
les effets secondaires liés à la médica-
tion, mais aussi sur les conséquences
post-chirurgicales. La formation m’a
aussi aidé beaucoup à me position-
ner face à la maladie, à me donner des
outils pour mieux répondre aux gens
que je masse. Nous travaillons beau-
coup sur le deuil. Il est essentiel d’être
formé pour être empathique envers
les gens et non pas sympathique. Il ne
faut pas se mettre dans leur peau, mais
vraiment les accueillir sinon, nous de-
venons comme des éponges et ça peut
devenir très difficile pour soi-même.
La formation permet également de
relativiser ce qui appartient à l’autre ».
Les qualités requises
« Il ne faut pas juger, c’est quelque
chose que la formation nous apprend,
même si comme humain nous sommes
portés à juger tout le temps ! Je ne suis
pas là pour avoir une opinion et per-
sonne ne sait comment il réagirait dans
la même situation. Nous devons aussi
développer la capacité de voir la per-
sonne au-delà du corps. Les gens très
malades sont souvent très maigres, ils
ont parfois de l’œdème ou ils sont très
enflés. Certains ont subi des chirurgies,
parfois ils ont été amputés. Il faut être
capable de voir la personne au-delà de
la maladie », raconte Martine Rancourt.
« Les gens vivent le cancer complète-
ment différemment d’une personne
à une autre, même avec les mêmes
traitements. Certaines personnes sont
plus résilientes et ils demeurent posi-
tifs quoiqu’il arrive tandis que d’autres
sont en colère, et parfois mêmes sui-
cidaires. Moi, quand je vais au travail,
je ne pense plus à mes affaires. De
toute manière, tu ne peux pas, il faut
être présent à l’autre complètement »
de conclure la massothérapeute.
Chantal Turgeon précise, quant
à elle, que le moment de massage est
propice à la confidence pour les per-
sonnes malades, mais il est important
de les ramener au massage : « Nous ne
sommes pas des psychologues, nous
pouvons accueillir, mais la meilleure
façon de ramener une personne à elle-
même, c’est par le toucher. Dans les
autres cas, il faut savoir référer à d’au-
tres professionnels de la santé ». Parmi
les autres qualités d’un bon masso-
thérapeute qui accompagne les gens
atteints de cancer, les deux femmes
s’entendent. « Il faut être très présent, il
faut être attentif, il faut être doté d’une
faculté d’adaptation et de création, il
faut avoir de l’empathie, il ne faut pas
avoir de jugement. Je pense aussi qu’il
est très important de se tenir à jour
dans les différents types de traitements
et de médicaments » précise Chantal.
DOSSIER
18 LE MASSAGER MAI 2013