Vers un cadre de comptabilité et d’informations financières différentielles pour les PME tunisiennes Besma CHOUCHANE* 3éme Conférence Internationale de Finance, IFC 3 3-5 Mars 2005 Hammamet, Tunisie Objectif Le nouveau Système Comptable tunisien applicable depuis 1997, s’est substitué au Plan Comptable de 1968. Il comporte un cadre conceptuel et des normes comptables inspirées des normes comptables internationales. Ce nouveau système doit être appliqué par l’ensemble des entreprises tunisiennes (la loi n°96-112 du 30 décembre 1996). Etant donné que le contexte économique tunisien est formé par une majorité de PME, la présente communication s’interroge sur la pertinence des normes différentielles pour les PME et de l’apport des directives de l’ISAR au contexte tunisien. Introduction Le débat sur la conception des normes différentielles a commencé à se poser aux Etats-Unis depuis 1976 lorsque l’AICPA a publié « Report of the Committee on Generally Accepted Accounting Principles for Smaller and or Closely Held Buisness ». 1 Certains pensent que les normes comptables doivent être appliquées à tous les états financiers afin de présenter des états financiers représentant une image fidèle. D’autres pensent que les petites et moyennes entreprises doivent être dispensées des exigences de certaines normes qui sont indûment pesants pour elles, ou prétendent que les petites entreprises doivent avoir des normes comptables complètement différentes des autres entreprises. Aux Etats-Unis et en Angleterre, il y a eu opposition à l’idée qu’il y ait une différentiation des normes pour les petites et les grandes entreprises. En effet, ils prétendent que « les principes de mesure doivent être appliqués de manière générale à tous les états financiers de toutes les entreprises, car les règles de mesure doivent être choisies indépendamment de la nature des utilisateurs et de leurs intérêts (AICPA, 1976: 8-9)1. Cependant, dans ce même rapport on lit que la nature et l’étendu de certaines divulgations peuvent varier selon la nature des besoins des utilisateurs. Malgré qu’il y ait eu au départ une certaine résistance pour les normes différentielles en Angleterre, depuis fin 1994 le climat a changé. En effet, en 1997 un document intitulé «Financial Reporting Standard for Smaller Enterprises : FRSSE » a été publié et remis à jour en 1998. Le FRSSE a simplifié toutes les normes existantes et a proposé d’autres normes où il y a moins d’obligations de divulgations d’informations ainsi que des mesures plus simplifiées pour certains éléments des états financiers. En 1996, le FASB a aussi publié le Statement n° 126 « Exemption from Certain Required Disclosures about Financial Instrument for Certain Nonpublic Entities ». En 1999, l’Institut Canadien des Comptables Agrées (ICCA) a publié un rapport de recherche intitulé « L'information financière des PME». Ce rapport est suivi par un rapport de sondage « Differentiel Reporting » publié par le Conseil des normes comptables canadien en juillet 2001. Ce rapport de sondage propose des simplifications des règles de reconnaissance, mesures et de divulgation au sujet de six normes comptables canadiennes. Le groupe de travail intergouvernemental d'experts des normes internationales de comptabilité et de publication (ISAR), ayant pour objectif de travail d’améliorer l’information comptable des petites et moyennes entreprises a aussi discuté de l’utilité des normes différentielles aux 1 Cité par Belkaoui (1992). 2 PME. Au niveau international ce débat a pris une autre dimension. En effet, le groupe ISAR2 a attiré l’attention et a discuté du problème de la comptabilité dans les pays en voie de développement. L’ISAR a noté que les pays développés (le cas des Etats-Unis, l’Angleterre, Canada…) disposent de cadres de réglementation, des professionnels compétents et une infrastructure comptable bien développée, une situation qui est bien différente de celles des pays en voie de développement. Ainsi, les entreprises des pays émergents peuvent ne pas avoir les mêmes ressources ainsi que l’infrastructure comptable nécessaire. En particulier, les comptables ainsi que les professionnels peuvent avoir des difficultés d’appliquer les normes comptables internationales. Les résultats du groupe ISAR ont abouti à des conclusions semblables aux précédentes proposant des règles de simplifications de mesure et de publication pour les PME. Des initiatives de normalisation différentielle ont été prises par plusieurs organismes comptables. Les approches suivies sont différentes. Pour cela, nous avons tenté de se référer aux recherches antérieures qui se sont intéressées à la question des normes différentielles destinées aux PME. 1. Les recherches antérieures sur les normes comptables différentielles Pour l'élaboration d'un principe d'information financière différentielle, les organismes de réglementation peuvent s'inspirer d'une littérature abondante ainsi que des travaux faits dans les années 1980 par les comités qui ont précédé. Même si les arguments en faveur d'une harmonisation internationale des normes comptables ne sont peut-être pas convaincants lorsqu'ils sont appliqués à l'information financière publiée par les PME, on pourrait s’inspirer des solutions retenues par d'autres normalisateurs à l'égard des problèmes propres aux PME, voire adopter ces solutions. - Aux États-Unis, peu d'intérêt est accordé pour l'adoption de quelque chose qui ressemblerait au principe d'information différentielle proposé, parce que les PCGR américains s'adressent aux sociétés ouvertes et à d'autres entreprises qui sont tenues par la loi ou la réglementation, ou par contrat, d'appliquer les PCGR, et qui le font effectivement. Nombre de PME aux États2 Intergovernmental Working Group of Experts on International Standards Accounting & Reporting : Groupe de travail intergouvernemental d'experts des normes internationales de comptabilité et de publication. 3 Unis utilisent, pour l'établissement de leurs états financiers, un ensemble exhaustif de règles autres que les PCGR (les règles fiscales). Le Financial Accounting Standards Board reconnaît toutefois que quelques-unes de ses exigences ne devraient pas être appliquées à certaines entreprises et il en a donc restreint le champ d'application. - L'Accounting Standards Board du Royaume-Uni a publié en 1997 une norme intitulée Financial Reporting Standard for Smaller Enterprises, qui constitue un recueil complet de versions simplifiées des normes s'appliquant aux entités qui ne sont pas des sociétés ouvertes et qui respectent certaines exigences établies par règlement sur la base du chiffre d'affaire (2,8 M £), de l'actif total (1,4 M £) et du nombre moyen de salariés (50). Le Tableau 1 nous présente des cadres de comptabilité et d’informations financières différentielles répondant aux besoins des différentes catégories d’entreprises qui ne nécessitent pas de normes comptables assez développées. Ces cadres sont destinés aux petites et moyennes entreprises, entreprises cotées ou non cotées… tout dépend de l’organisme du pays en question et de l’approche suivie pour établir un tel cadre. 4 Tableau 1 : Exemples de cadres de comptabilité et d’informations financières différentielles Organisation Australian Accounting Resarch Foundation Institute of Chartered Accountants New Zeland FASB Etats Unis ASB Royaume-Uni Canadian Accounting Standard Board Les Etats Membres de l’Union Européenne Malysian Accounting Standard Board ICA a Sri lanka ICA Sud d’Afrique Hong kong Society of Accountants ISAR Document SAC 1 “Definition of the reporting entity” Critère de distinction ou approche suivie Besoin des utilisateurs Mesure quantitative Framework for Differential Reporting Besoin des utilisateurs Statement 126 en excluant pour certaines entreprises faisant appel public à l’épargne la publication de certaines informations Financial Reporting Standard for Smaller Entities (FRSSE) Ouvertes ou non Taille Sont considérés comme petites entreprises (Act 1985) : a- CA annuel inférieur à 2.8m£ b- Total actif ne dépassant pas 1.4m£ c- Nombre moyen des salariés ne dépasse pas 50 La section 1300 et les amendements relatifs aux autres sections du manuel du CICA déterminent les options qui qualifient les entreprises pour les normes différentielles La 4 éme et 7 éme directive Publique /non publique Une mesure quantitative n’a pas été donnée Cotées/ non cotées / A partir de 2005 les IFRS MASB SOP 1, certaines entreprises ont été exclues Cotées/non sur des marchés étrangers Besoins de certains utilisateurs Accounting Standards for Small Enterprises Ouvertes ou non et la taille DP 16 : des états financiers a objectifs limités Un papier qui a proposé un cadre pour les normes différentielles Besoin des utilisateurs Besoin des utilisateurs Directives comptables pour les petites et moyennes entreprises Cotées/ non cotées La valeur de référence : taille n’ a pas été précisée mais en se référant à la loi des entreprises en Australie : Sont considérées petites entreprises celles qui satisfont une de ces deux critères suivants : a- Chiffre d’affaires moins de 10m A$ dans l’année b- Total actif, moins de 5m A$ a la fin de chaque année c- Moins de 50 employés a la fin d’année La taille, est considérée grande celle qui dépasse un de ces critères : a- Chiffre d’affaires total : 5m$ b- Total actif : 2.5m$ c- 20 employés Un total actif inférieur à 100M$ Sont considérées grandes entreprises si elles dépassent deux des critères qui suivent : a. CA annuel 10m RM b. Total actif 5mRM c. 50 en moyenne d’employés dans une année La taille mesure : 1. CA annuel entre 50Mn Rs et 500Mn Rs 2. A la fin de l’année considérée il y a a- Les capitaux propres entre 10Mn Rs et 100Mn Rs b- Total actif entre 30Mn Rs et 450Mn Rs c- Les crédits pour les banques et les autres institutions financières 10Mn Rs et 100Mn Rs d- Un effectif entre 100 et 1000 personnes Taille non mesurée Sont considérés comme petites entreprises, celles qui ne dépassent pas un de ces critères a. CA total 50m$ b. Total Actif 50m$ c. 50 employés / 5 A partir de ce tableau, on peut conclure que plusieurs pays et organismes professionnels ont opté pour la différenciation des normes. Tout dépend de l’approche suivie pour adopter des normes différentielles, les critères de distinction peuvent aussi être différents. En effet, pour certains les normes simplifiées ou différentielles doivent être appliquées par les entreprises selon qu’elle est grande ou petite, cotée ou non cotée, publique ou non ou tout dépend aussi des besoins des utilisateurs des états financiers. Ainsi, pour différencier entre grandes ou petites entreprises des mesures quantitatives sont alors nécessaires. Certains ont essayé de donner des limites pour considérer telle ou telle entreprise comme grande ou petite. La détermination de ces critères dépend des conditions économiques et de l’environnement du pays en question. Les critères de distinction généralement considérés sont les suivants : - Chiffre d’affaires - Total actif - Nombre des employés - Total capitaux propres... Par ailleurs, en ce qui concerne le cadre des normes différentielles, on peut conclure que la majorité des organisations ci-dessus cités, ont en général gardé le même cadre que celui des autres entreprises (grandes, cotées..), en éliminant certaines obligations de divulgations, de mesures, ou de présentation qui peuvent peser lourd pour les entreprises auquel est destiné ce cadre. Ainsi, plusieurs questions se posent : ce choix de cadre est-il judicieux, doit-on alors garder le même cadre des grandes entreprises cotées ainsi que les normes tout en simplifiant les obligations de divulgation ? Existe-t-il des normes qui sont plus pertinentes que d’autres pour les petites et moyennes entreprises ? Ou bien faut-il deux cadres différents pour ces différentes catégories d’entreprises ? Dans le cadre de cette recherche nous avons tenté de répondre à ces différentes interrogations. 6 Nous proposons un cadre de comptabilité et d’information financière, où nous commençons tout d’abord de délimiter et de définir la notion de PME et de normes différentielles. Nous présenterons ensuite les normes qui semblent être plus pertinentes que d’autres à cette catégorie d’entreprise ainsi que leurs différents utilisateurs des états financiers. 2. Cadre de comptabilité et d’informations financières différentielles Les PME constituent des acteurs économiques importants, tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. En effet, elles contribuent à la création d’emplois et au développement social dans tous les pays du monde. Toutefois, elles ont des difficultés à accéder au financement faute de pouvoir présenter des informations financières fiables aux investisseurs et aux créanciers. Etant, donné que ces entreprises constituent une source importante de richesse et d’emplois, leurs problèmes méritent d’être examinés par les organismes de normalisation. Cette catégorie d’entreprise représente une part importante du tissu économique tunisien. En effet, la majorité des entreprises tunisiennes sont des PME. 2.1. Définition d’une PME Il n'existe pas de définition universelle d'une PME. Différentes recherches ont cependant tenté de définir ce que c’est une petite et moyenne entreprise. La première définition est présentée en 1947 par le comité du développement économique rattaché au gouvernement des Etats-Unis. Elle stipule qu’une firme peut être qualifiée de petite ou moyenne si elle remplit au moins deux des quatre conditions : - La direction de la firme est indépendante et les dirigeants détiennent normalement la propriété et le contrôle de la firme ; - Le capital est fourni par un seul individu ou un groupe restreint d’individus ; - Les opérations de la firme ont essentiellement un caractère local, les employés et les propriétaires vivant dans la même zone géographique. Il n’est pas besoin que les marchés desservis aient une dimension locale ; 7 - La firme commerciale doit être petite dans son secteur quand on la compare aux firmes les plus grandes qui opèrent dans le même domaine que le sien. Cette mesure peut être établie d’après le volume des ventes, le nombre des employés ou d’autres normes comparatives significatives. L'organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a cependant défini les PME comme des sociétés indépendantes non affiliées employant moins d'un nombre donné de personnes : jusqu'à 19 salariés, il s'agissait d'une très petite entreprise, jusqu'à 99 d'une petite entreprise et de 100 à 499 d'une entreprise moyenne. La limite supérieure est en général de 250 personnes, mais elle était de moins de 200 dans l'Union européenne et de moins de 500 aux États-Unis. Partant du principe que la taille est un aspect important de l’activité économique des entreprises et que les besoins différent selon le type d’entreprise. L’ISAR a classé les PME comme suit : - Micro entreprises entreprise employant d'une à cinq personnes (il s'agit en général d'un entrepreneur individuel). - Petites entreprises employant de 6 à 50 personnes - Entreprises de taille moyenne employant de 51 à 250 employés Ces différentes définitions sont certes pertinentes mais leurs défauts est qu’elles ne sont pas transposables dans tous les pays, par ailleurs elles ont une portée générale et ne mettent pas en exergue les besoins des acteurs au sein de l’entreprise et au niveau de ses partenaires en informations financières. De même, l'Organisation internationale du Travail, a souligné qu’aucune définition ne peut englober tous les aspects de l'activité des "petites" ou "moyennes" entreprises, ni tenir compte des disparités entre des entreprises, des secteurs ou des pays se trouvant à des stades différents de développement. Ainsi, il appartient à chaque pays de définir les différentes catégories de PME d’une manière qui réponde à ces besoins3. 3 Rapport du groupe de travail intergouvernemental d’experts des normes internationales de comptabilité et de publication. 8 L’ICCA4 a cependant retenu une définition qui nous paraît pertinente pour le contexte tunisien selon laquelle est PME toute entité autre que les sociétés ouvertes, les coopératives, les régimes de retraites et les institutions financières. 2.2. Les normes différentielles 2.2.1. Définition Le groupe d’étude sur l'information financière des PME, FCA5, au Canada a retenu le principe d’information financière différentielle dans le cadre PCGR. Selon ce principe, les normes différentielles constituent des normes applicables par les petites entreprises et qui sont en conformité avec les normes des grandes entreprises cotées. Cependant, les normes applicables aux PME devraient différer des normes comptables applicables aux autres entreprises lorsque ces normes ne permettent pas de répondre aux besoins d'information financière des PME ou que le coût engendré par leur application est supérieur aux avantages qu'elles sont censées procurer à ces entreprises. Ainsi, la publication des normes différentielles avait pour objectif de mieux répondre aux besoins d’informations des PME et de mieux respecter le principe de l'équilibre avantages coûts. Différents organismes de normalisation ont envisagé de publier des normes différentielles. Cependant, plusieurs questions se sont posées pour l’établissement de ces normes. Va-t-on alors établir un cadre propre aux PME ? Ou conserver les mêmes règles et normes comptables qui régissent les autres entreprises avec une simplification de certaines exigences ? Et quel serait alors le coût de l’uniformité ? 4 L’Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA). Ce groupe d’étude canadien est chargé par l’ICCA d’établir un rapport de recherche ayant pour objectif d'examiner en profondeur comment répondre de manière plus efficace aux besoins d'information financière des fournisseurs de capitaux des PME, et dans quelle mesure il est possible de modifier l'information financière établie selon les PCGR afin de mieux répondre à ces besoins. 5 9 2.2.2. Règles de publications différenciées Le problème était défini de la manière suivante dans une étude récente de l'Institut Canadien des Comptables Agréés6 : « Du fait de l'application d'un système unique des principes comptables communément admis à l'ensemble des entreprises, des entités qui ne sont pas présentes sur les marchés de capitaux sont tenues, dans une large mesure, de respecter les mêmes règles comptables que des sociétés cotées en bourse ». L'idée selon laquelle les règles comptables devraient être les mêmes pour toutes les entreprises explique en partie les difficultés que rencontrent les sociétés qui passent du secteur non structuré au secteur structuré. En effet, des petites entreprises qui ne tenaient pas de comptabilité doivent, respecter les mêmes règles que les sociétés transnationales (ISAR, 2000). Conscients du problème, certains pays comme l'Australie ont exempté les petites entités de toute obligation en matière de publication. D'autres pays, notamment l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni, ont au moins admis le principe suivant lequel les conditions applicables aux petites entreprises en matière de publication diffèrent de celles des grandes sociétés. Le Groupe d'étude sur l'information financière des PME (FCA) chargé par l’ICCA a évalué les avantages et les inconvénients des différentes options suivantes : - un ensemble de PCGR propre à la PME; - des états financiers établis selon des règles comptables appropriées communiquées au lecteur, autres que les PCGR, pour répondre aux besoins d'utilisateurs prévus et identifiés; - des états financiers à vocation générale établis selon des ensembles définis de règles comptables autres que les PCGR, comme des méthodes fondées sur la comptabilité de caisse ou sur les règles fiscales; 6 L'information financière des petites et moyennes entreprises, Toronto, Ontario : ICCA, 1999. 10 - un nouveau type de rapport financier axé davantage sur les décisions de gestion; - un seul ensemble de PCGR comportant des règles différentielles pour les PME. Et il a conclu qu'il n'est pas souhaitable d'élaborer un ensemble distinct de normes comptables pour répondre aux besoins particuliers des PME. Ainsi, une seule option est acceptable pour les parties concernées par l'information financière des PME. Cette option consiste à adopter une forme d'information financière différentielle dans le cadre des PCGR. Les parties consultées considèrent en effet qu'il est essentiel que les états financiers des PME soient établis selon l'ensemble de normes qui régit les entreprises canadiennes, les PCGR, afin de préserver la crédibilité et la comparabilité des états financiers de ces entreprises. Par ailleurs, les PCGR devraient permettre une certaine souplesse afin que les PME ne soient pas assujetties à certaines exigences qui ne répondent pas aux besoins des utilisateurs des états financiers de ces entreprises. Cette solution a été en effet adoptée par plusieurs organismes de normalisation qui se sont intéressées à la question des besoins particuliers des PME. En effet, les décisions prises récemment au Royaume-Uni (introduction d'une norme d'information financière applicable aux petites entités) ne remet pas en cause le principe d'un ensemble unique de règles comptables, mais tendent simplement à alléger les obligations des petites entreprises en matière de publication. L’ISAR a aussi adopté une solution semblable qui consiste à appliquer des normes modifiées, fondées sur les règles d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de publication plus souples. Dans les pays d'Europe continentale, en revanche, le problème est différent et le principe d'une information financière différenciée commence à être accepté. De façon générale des règles comptables de base s'appliquent aux sociétés à participation restreinte, principalement à des fins fiscales. Sous l'effet de l'harmonisation internationale de la comptabilité des grandes sociétés cotées sur plusieurs marchés boursiers, des pays comme l'Allemagne, l'Autriche, la France et l'Italie admettent que l'information financière soit différenciée. Les grandes sociétés 11 cotées sur les marchés internationaux sont désormais obligées7 d’établir des comptes consolidés conformément à des règles qui ne sont plus nationales, mais internationales. Le groupe d'étude sur l'information financière des PME (FCA) a cependant montré que certaines normes comptables sont complexes et volumineuse pour les PME. En effet, il est peu probable qu'elles concluent une opération ou se trouvent dans une situation telle que celles que prévoient les normes les plus complexes. On présentera alors les normes qui sont censées être compliquées pour les PME. 2.2.3. Complexité des normes comptables Upton et Fleming (2001) ont montré que certaines normes IAS/IFRS ne sont pas pertinentes aux besoins des entreprises et à leurs utilisateurs des états financiers. Parmi ces normes ils ont cité : - La norme relative aux Impôts sur le bénéfice (IAS 12) - La norme relative aux contrats de location (IAS 17) - La norme relative aux avantages du personnel (IAS 19) - La norme relative aux contrats de construction (IAS 11) - La norme relative aux instruments financiers (IAS 39) En effet, ceux qui sont d’avis que certaines normes IAS/IFRS ne sont pas pertinentes, ont montré que les petites entreprises s’engagent rarement dans des activités complexes qui nécessitent des normes assez développées. L’ASB a donné l’exemple de la norme relative aux instruments financiers (IAS 39). De même, l’ISAR a montré aussi que certaines normes ne sont pas pertinentes et elles sont assez lourdes pour les PME. Il a présenté pour cela dans son travail de recherche un document appelé "noyau". Ce document regroupe en effet, l’ensemble des normes qui lui semble plus pertinentes aux besoins des PME tout en gardant à l'esprit que toute règle connaît des exceptions. Ces exceptions éventuelles sont réglées par renvoi au régime complet des IAS quand ces normes ne règlent pas tel ou tel point. Ainsi, une PME qui se trouve devant une situation où il n’y a pas de normes prévue elle s’oriente au régime complet. 7 A partir de 2005. 12 Les normes IAS retenues sont alors les suivantes: IAS 1 La publicité des méthodes comptables IAS 2 Stocks IAS 7 Tableaux des flux de trésorerie IAS 8 Résultat net de l'exercice, erreurs fondamentales et changements de méthodes comptables IAS 10 Eventualités et événements survenant après la date de clôture de l'exercice IAS 12 La comptabilisation des impôts sur les bénéfices IAS 16 Immobilisations corporelles IAS 17 La comptabilisation des contrats de location IAS 18 Revenus IAS 20 La comptabilisation des subventions publiques et des informations à fournir sur l'aide publique IAS 21 Effets des variations des cours en monnaies étrangères IAS 23 Charges d'emprunts IAS 24 L'information concernant les parties liées IAS 37 Provisions, passifs éventuels et actifs éventuels IAS 38 Biens incorporels Cependant, on ne peut toujours pas affirmer que toutes ces normes sont pertinentes à l’ensemble des PME ou à l’ensemble des pays, c’est la raison pour laquelle le groupe ISAR a prévu que si une PME se trouve devant une situation où il n’y a pas de normes prévues elle s’oriente au régime complet (IAS/IFRS). L’avantage de l’application de ces normes différentielles ou le coût engendré si les PME appliquent l’ensemble des normes mérite d’être étudié. 2.2.4. Coût de l’uniformité Certains ont montré qu’en appliquant l’ensemble des normes IAS/IFRS, le principe avantages/coût n’est plus satisfait ceci est valable pour les PME ou pour les pays émergents (Upton et Felming, 2001). En effet, l’application de ces normes nécessite des moyens 13 humains et matériels importants. Cependant, beaucoup de PME n'ont pas le personnel spécialisé ni l'infrastructure technique nécessaire pour appliquer ces normes. Ajoutons à ceci le manque de satisfaction des utilisateurs des états financiers. En effet, ces derniers ne sont pas satisfaits en cas de présentation d’états financiers ambiguës et incompréhensibles. En conclusion, on peut affirmer que les normes différentielles sont utiles aux PME du fait de la lourdeur des normes qui sont en général destinées aux grandes entreprises et du manque de moyens que rencontre les PME. Le groupe de recherche ISAR a abouti aux mêmes conclusions de recherche et a établi un cadre de comptabilité et d’informations financières pour les PME. En effet, il a adopté le cadre conceptuel ainsi que les normes internationales pour les grandes entreprises. Pour les PME, il a déterminé les normes qui peuvent intéresser les PME tout en simplifiant les obligations de divulgations d’informations et de mesures. Cette recherche est réalisée par l’ISAR dans un échantillon de pays diversifié, elle nous paraît intéressante, dans la mesure où elle pourrait servir de cadre pour les PVD. Pour cela, elle fera l’objet d’une comparaison avec le Système Comptable des entreprises afin d’évaluer son éventuel apport pour le contexte tunisien. Auparavant, on présentera les utilisateurs des PME et leurs besoins. 2.3. Utilisateurs des états financiers des PME et leurs besoins Ce sont les besoins des utilisateurs des états financiers qui déterminent le contenu des normes comptables (Chapitre 1000 du Manuel de l’ICCA). Ces besoins d’informations dépendent de facteurs tels que la mesure dans laquelle les investisseurs, les prêteurs et d’autres personnes s’appuient sur les états financiers pour prendre des décisions, et la nature des décisions d’investissement et de prêt que prennent les utilisateurs des états financiers. Ainsi, la détermination des différents utilisateurs des états financiers nous paraît utile pour l’élaboration des normes différentielles. 14 Les différents cadres conceptuels, dont le cadre conceptuel international ainsi que celui du cadre tunisien, ont identifié sept catégories d’utilisateurs des états financiers… Les concepteurs du Système Comptable des entreprises tunisien ont en effet, adopté une approche qui intègre les préoccupations des utilisateurs aussi bien internes (dirigeants, organes de gestion...) qu’externes (investisseurs, bailleurs de fonds, subventionneurs, pouvoirs publics, groupes d’intérêt, travailleurs, l’administration fiscale, les partenaires économiques...) tout en privilégiant les investisseurs à risque et les bailleurs de fonds comme destinataires privilégiés de l’information véhiculée par les états financiers8. Cette orientation est cependant, fort judicieuse dans le cas des grandes entreprises ouvertes opérant sur les places financières, mais il n’en est pas de même dans le cas des PME. Le nombre d'utilisateurs des états financiers d'une PME est en effet restreint. Il s'agit essentiellement des banques, des propriétaires exploitants, du fisc et, dans certains cas, de fournisseurs de capital risque. C'est principalement pour satisfaire aux besoins de leur banque, que les PME préparent des états financiers annuels conformes aux PCGR (Lavigne, 1999). Les besoins des banques en matière d'information financière ont évolué au cours des dernières années; les états financiers jouent toujours un rôle important dans les décisions de crédit des banques, dans la mesure où il s'agit de prêts importants pour lesquels les flux de trésorerie de l'entreprise devront pourvoir au remboursement du prêt. Cependant, les praticiens ont clairement signalé que certaines informations exigées en vertu des normes internationales sont peu pertinentes pour les PME. On peut noter par ailleurs, qu’une caractéristique essentielle des petites et moyennes entreprises est que ces entreprises ne participent habituellement pas aux marchés des capitaux. De plus, les utilisateurs des états financiers des PME ont, dans la plupart des cas, la possibilité d'obtenir des compléments d'informations s'ils le désirent. Par ailleurs, ils n'ont pas des besoins d'informations aussi importants que les investisseurs des marchés des capitaux et de leurs conseillers en ce qui a trait à la capacité de l'entreprise de produire un rendement sur le 8 « Normalement l’élaboration d’états financiers répondant aux besoins des investisseurs et bailleurs de fonds peut également répondre aux besoins des autres utilisateurs. Ce sont les utilisateurs privilégiés des états financiers ». § 14 du cadre conceptuel tunisien. 15 capital investi ou en ce qui a trait à la reddition des comptes à l'égard de la responsabilité de gérance. L’intérêt des utilisateurs peut être ainsi différent des grandes dans le cas des petites et moyennes entreprises. En effet, les actionnaires sont en général les membres de la famille. Les salariés sont en nombre faible, en outre ils n’ont pas d’intérêt dans l’entreprise ou n’ont même pas accès aux états financiers de l’entreprise. Des résultats des questionnaires9 administrés auprès des petites et moyennes entreprises tunisiennes ont aussi confirmé que les principaux utilisateurs des états financiers de ces entreprises sont les utilisateurs internes suivis par le fisc et les bailleurs de fonds (les banques). Nous pouvons schématiser les résultats obtenus dans la figure ci-dessous. 87,50% 90,00% 87,50% 80,00% 62,50% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,83% 16,66% 20,00% 12,50% administration et autres institutions bailleurs de fonds investisseurs autres partenaires de l’entreprise autres groupes d’intérêt 0,00% utilisateurs internes 10,00% A D C B E F Figure 1 : Les principaux utilisateurs des états financiers des PME tunisiennes Toutes ces particularités ne semblent pas avoir été prises en compte lors de la préparation des diverses composantes du Système Comptable. Le Système Comptable des entreprises 1997 9 Résultats de nos travaux de recherches empiriques en cours réalisés dans le contexte tunisien. 16 fait de l’investisseur à risque et du petit porteur se positionnant dans un marché de valeur sa cible préférée. Ainsi, l’examen des besoins des utilisateurs des états financiers des PME a montré que les besoins des PME différent largement de ceux des grandes entreprises, une telle différence justifie le raisonnement du choix de normes comptables différentielles pour les entreprises tunisiennes. Les résultats des travaux de recherches empiriques réalisées par l’ISAR ont abouti à la même conclusion. En effet, l’ISAR a signalé que les besoins des utilisateurs des états financiers des PME ne requièrent pas la diffusion d’informations complexes et leurs activités sont si simples qu'elles n'appellent pas en général d'analyse plus approfondie. Il est par conséquent inutile de demander des informations supplémentaires pour appréhender leur situation financière. D'autre part, les coûts d'une publication plus élevée seraient sans doute supérieurs à ses avantages potentiels. Les principaux utilisateurs des comptes des PME sont les banques et les autorités fiscales, qui peuvent souvent obtenir directement de l'entreprise les renseignements dont elles ont besoin. Il serait probablement inutilement onéreux d'exiger des PME du niveau inférieur qu'elles accomplissent toutes les obligations en matière de publication des résultats sans prendre en considération les besoins réels des utilisateurs (ISAR, 2000). En partant des résultats de ces différentes recherches présentées, on pourrait proposer les normes différentielles de l’ISAR destinées aux PME des PVD dont la Tunisie. Pour cela, une comparaison entre le Système Comptable tunisien avec celui des directives de l’ISAR (relatif au niveau deux proposé) et des normes comptables internationales est utile afin de déceler l’apport de ces dernières au Système Comptable tunisien. 3. Apport des directives de l’ISAR 3.1. Cadre de l’ISAR A partir des résultats de recherches empiriques réalisés dans les PVD, l’ISAR a pu conclure que « la meilleure façon de faire droit à l'extrême diversité des PME et à la variété des 17 compétences comptables auxquelles elles ont accès, serait de prévoir un dispositif à trois niveaux ». Les trois niveaux déterminés sont les suivants : Niveau 1 (Observance stricte des normes IAS): Il comprend toutes les entreprises qui émettent des titres sur le marché ou qui ont une grande présence publique, ainsi que les banques et les institutions financières. En règle générale elles seraient censées appliquer la totalité des normes IAS. Niveau 2 (IAS « abrégées ») : Il comprend les entreprises commerciales qui n'émettent pas de titres sur le marché et ne publient pas de rapports financiers. Pour ce genre d'entreprises, l'ensemble des IAS ne s'impose pas nécessairement car il est peu probable qu'elles concluent une opération ou se trouvent dans une situation telle que celles que prévoient les normes les plus complexes. Il vaut mieux que ces entreprises appliquent des normes modifiées fondées sur les règles d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de publication plus souples. Le niveau 3 (comptabilité selon le fait générateur): serait celui des petites entreprises commerciales et n'employant que quelques salariés. Elles seraient censées n'avoir qu'un accès restreint aux compétences comptables et ne seraient tenues que de présenter des comptes simplifiés, répondant de manière générale aux principes essentiels de la comptabilité d'exercice fixés par les IAS (conforme de manière générale à la norme IAS1). La nouveauté de ce travail de recherche du groupe ISAR se situe au niveau 2. En effet, le groupe a cherché à déterminer les aspects des normes internationales qui intéressaient le plus les PME d'une certaine taille, et puis déterminer les obligations de publication qui ne seraient pas applicables à ces entreprises ou pourraient être simplifiées. Au vu des éléments d’informations collectées, l’ISAR a publié une liste de normes qui intéressait plus les PME. En effet, il a éliminé les normes qui concernent les autres entreprises. Par ailleurs, il a conservé la base d'enregistrement et de mesure des IAS pour ces entreprises du niveau 2 et il a conclu qu'un certain nombre d'obligations de publication pouvaient être simplifiées dans le "noyau" (décrit précédemment). 18 En effet, il a montré que les besoins des utilisateurs des états financiers des PME ne requièrent pas la diffusion d’informations complexes et leurs activités sont si simples qu'elles n'appellent pas en général d'analyse plus approfondie. D'autre part, les coûts d'une publication plus élevée sont supérieurs à ses avantages potentiels. En effet, les principaux utilisateurs des comptes des PME sont les banques et les autorités fiscales, qui peuvent souvent obtenir directement de l'entreprise les renseignements dont elles ont besoin. Il y a lieu de noter aussi que ces entreprises du niveau II devraient toujours avoir le choix de choisir l'intégralité des IAS si elles en ont le désir. Dans ce cas, elles devraient, dans leurs notes sur les principes comptables renvoyer au régime complet des IAS. Le groupe a estimé par ailleurs, que les IAS simplifiées pour les petites entreprises seraient particulièrement utiles aux PVD et elles seraient le premier degré sur la voie de l'application intégrale des IAS. Nous comparons le Système Comptable tunisien avec les directives de l’ISAR afin d’évaluer leur éventuel apports aux PME tunisiennes. Et aussi avec les normes comptables internationales étant donné que ces différents systèmes (tunisien et celui de l’ISAR) se sont inspiré du cadre conceptuel et des normes comptables internationales. 3.2. Comparaison des directives de l’ISAR avec le système tunisien et international Une comparaison des directives ISAR avec les normes tunisiennes ainsi qu’internationales montre quelques différences. Les normes : - Placements - Contrats de constructions - Résultats et éléments extraordinaires - Charges reportées - capitaux propres Sont publiées par le SCE, et l’IASB mais n’ont pas été publiées par l’ISAR. 19 L’ISAR justifie ce choix de non publication de directives par le fait que ces normes sont destinées à des PME qui n'émettent pas de titres sur le marché et ne publient pas de rapports financiers. Pour ce genre d’entreprises, l'ensemble des IAS ne s'impose pas nécessairement car il est peu probable qu'elles concluent une opération ou se trouvent dans une situation telle que celles que prévoient les normes les plus complexes. Par conséquent, il vaut mieux que ces entreprises appliquent des normes modifiées, fondées sur les règles d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de publication plus souples. Les normes : Contrats de locations Provisions Impôts sur les bénéfices Elles sont publiées par l’ISAR mais ne elles ne sont pas publiées par le SCE. Ces normes n’ont pas été encore publiées par le Conseil National de Comptabilité tunisien, mais la norme relative aux contrats de location est en cours de publication. Elle n’a pas été encore publiée du fait qu’il y a une divergence entre les différentes sources de réglementation : loi comptable et fiscale10. Cependant, les autres normes relatives aux provisions et impôts sur les bénéfices, ne sont pas encore publiées alors qu’elles sont nécessaires…D’où l’utilité de ces normes publiées par l’ISAR. Une confrontation entre les différents systèmes comptables : tunisien, internationale (IASB) et celui de l’ISAR nous a permis de conclure que : - Il y a un alignement du Système Comptable tunisien sur le système international avec certaines divergences et prise en compte de certaines particularités du contexte tunisien. - Il y a alignement des directives de l’ISAR sur le système international. Les directives de l’ISAR du niveau 2 ont cependant essayé de conserver les mêmes bases de mesures et ont simplifié les exigences de publication. Pour ce qui concerne l’objectif des états financiers, l’IASB, tout en reconnaissant qu’elles doivent satisfaire les besoins d’informations de plusieurs utilisateurs (investisseurs, salariés, prêteurs, fournisseurs et autres créanciers, clients, l’Etat et ses administrateurs, le public), 10 Source : propos recueillis des entretiens réalisés avec des normalisateurs comptables tunisiens. 20 estime que « la publication d’états financiers qui répondent aux besoins des investisseurs satisfera également aux besoins des autres utilisateurs susceptibles d’être satisfaits par des états financiers » (§ 10). Le cadre conceptuel tunisien a retenu les mêmes utilisateurs des états financiers que celui du cadre conceptuel international. Cependant, il a privilégié les investisseurs ainsi que les bailleurs de fonds. Le cadre conceptuel de l’ISAR a aussi retenu comme utilisateurs privilégiés, les investisseurs et les créanciers malgré que ce cadre est orienté vers la catégorie des PME qui n'émettent pas de titres sur le marché et ne publient pas de rapports financiers. En ce qui concerne, les caractéristiques qualitatives de l’information financière, le cadre tunisien a prévu les mêmes caractéristiques qualitatives que celui du cadre IASB. Le cadre conceptuel de l’ISAR a cependant retenu les mêmes caractéristiques qualitatives mais avec un manque de précision et d’explication au niveau des différentes composantes des caractéristiques qualitatives. Ce manque de précision, de définitions et d’explications de certains concepts qui figurent dans le texte de la directive se reproduit dans les autres directives publiées par l’ISAR. En ce qui concerne la comptabilisation des éléments des états financiers, le cadre conceptuel tunisien ainsi que le cadre conceptuel international ont prévu les mêmes conditions de comptabilisation pour les différents éléments des états financiers. Cependant, le cadre de l’ISAR n’a pas prévu des conditions de prise en compte pour chacun des éléments des états financiers. Concernant la mesure des éléments des états financiers, le coût historique constitue le type de mesure le plus utilisé pour préparer les états financiers. Le cadre conceptuel tunisien a prévu les mêmes règles de mesures que celui de l’IASB. Cependant, le cadre de l’ISAR a prévu que la mesure communément adoptée par les entreprises pour établir leurs états financiers qui est le coût historique, d’autres mesures ont été utilisées dans les directives mais n’ont pas été définies. Une comparaison de la première norme générale relative à la présentation des états financiers, nous permet de conclure que ces trois normes sont comparables, cependant certaines divergences sont à signaler. 21 En effet, la norme générale NG 01 a prévu le solde intermédiaire de gestion, un état qui n’a pas été prévu par les autres normes (l’IAS 01 et la directive 01 de l’ISAR). Ces soldes sont publiés pour les besoins d'agrégation à l'échelle sectorielle ou nationale, ceci constitue une des particularités du Système Comptable des entreprises tunisien. Il y a lieu de signaler aussi que la norme générale tunisienne a aussi d’autres particularités. En effet, cette norme a consacré une partie pour les dispositions relative à l’organisation comptable. Ainsi qu’une autre pour la nomenclature ainsi que le fonctionnement des comptes. Un tel choix d’intégrer une partie « nomenclature des comptes » dans la norme générale, est dû au fait que les comptables des entreprises tunisiennes se sont habitués à avoir une nomenclature comptable pendant trente ans, par conséquent, il sera difficile d’effacer une telle culture surtout pour les petites entreprises. Une comparaison des normes comptables tunisiennes avec les directives de l’ISAR et des normes comptables internationales, nous a permis d’affirmer qu’il y a alignement des premières sur les normes internationales. On peut noter aussi, que les directives de l’ISAR constituent une simplification des normes internationales avec les mêmes règles d'enregistrement et de mesure des IAS mais avec des obligations de publication plus souples. Ces directives manquent cependant parfois de précisions et de définitions. En effet, elles emploient des concepts non définis et qui nécessitent une connaissance et des compétences assez développées. L’application de telles directives pourrait être limitée et pourraient engendrer des difficultés d’application du fait qu’elles sont orientées aux petites et moyennes entreprises et par suite à des comptables ou techniciens comptables qui n’ont pas parfois11 des connaissances comptables assez développées. D’où les limites des directives de l’ISAR. Conclusion En conclusion, nous pouvons affirmer que l’apport des directives de l’ISAR au Système Comptable tunisien pourrait se situer au niveau de l’idée de différencier les normes comptables entre les différentes catégories et de simplifier certaines exigences de publication. Les directives de l’ISAR relatives au niveau 2 comportent cependant certaines limites. En effet, la simplification des normes IAS pour les PME pourrait entraîner certaines difficultés de 11 Tout dépend de la structure comptable d’entreprise. 22 compréhension et d’application, en raison du manque de commentaires et de définitions explicites de certains concepts. Ce travail de simplification pourrait par ailleurs, engendrer des coûts aux organismes de normalisations. En effet, si une norme est révisée par l’ISAB celle-ci doit être revue pour une éventuelle simplification. L’existence de trois cadres comptables au sein d’un même pays pourrait aussi engendrer d’autres coûts supplémentaires dont : - le coût de contrôle pour l’administration fiscale, celle-ci doit disposer de vérificateurs capables de contrôler les états financiers relatives à ces trois niveaux ; - De même pour les analystes de crédits (les banques). Une PME pourrait aussi se situer dans un cas qui n’est pas prévu par une directive publiée par l’ISAR, par conséquent elle sera appelée à s’orienter vers les normes complexes. De telles normes sont jugées non pertinentes pour une PME si elle respecte les mêmes règles que les grandes entreprises. L’idée de différenciation des normes est sans doute avantageuse pour les PME et nous proposons de la retenir, cependant l’idée de simplification des normes internationales et de proposer trois cadres différents dans un même contexte comporte plusieurs limites. Nous proposons ainsi proposer de se limiter dans le cadre d’un pays à deux niveaux dont le niveau trois et le niveau un proposés par l’ISAR. Par conséquent, les petites et moyennes entreprises appliqueront la norme IAS1 et les grandes structurées le cadre conceptuel et les normes comptables internationales. La première norme générale pourrait être alors appliqué par l’ensemble des petites et moyennes entreprises. Ainsi, ces entreprises seraient tenues de présenter des comptes simplifiés, répondant de manière générale aux principes essentiels de la comptabilité d'exercice fixés par les IFRS (conforme de manière générale à la norme IAS1). Comme pour le niveau 1 proposé par l’ISAR. Les PME tunisiennes pourraient donc se limiter à la norme générale étant donné qu’il y a alignement de la norme générale tunisienne sur la norme internationale avec une certaine prise en compte de la culture des comptables tunisiens. Pour les grandes entreprises tunisiennes ouvertes, cotées et structurées celles-ci se référeront donc à l’ensemble des normes comptables internationales publiées par l’IASB. Ce qui 23 limiterait le coût de publication de nouvelles normes comptables tunisiennes (qui s’alignent normalement sur les normes internationales) et limiterait par ailleurs le coût des mises à jour des normes déjà publiées et à ce jour dépassées. Ce cadre de comptabilité et d’informations différentielles comportera donc deux niveaux différents : - un niveau pour les grandes entreprises cotées structurées : celles-ci seraient tenues d’appliquer les normes comptables internationales ; - et un niveau pour les petites et moyennes entreprises qui appliqueront un plan comptable « modernisé ». Hoarau (1999) s’est interrogé sur la possibilité de maintenir les normes comptables internationales avec le Plan Comptable Général en France. Il a expliqué que « le PCG et les normes comptables internationales sont différents et ne sont pas exclusifs l’un de l’autre. Ils répondent à des finalités spécifiques et ne concernent pas les mêmes populations d’entreprises et d’utilisateurs de l’information comptable. Ainsi, ces deux systèmes peuvent être maintenu dans le cadre d’un même contexte ». Il a aussi ajouté que « rien ne s’oppose qu’un pays dispose de deux systèmes de normes différents sans être mutuellement exclusif, dès lorsqu’ils n’ont pas les mêmes objectifs, ne concernent pas les mêmes entreprises et ne prennent pas en compte les intérêts des mêmes catégories d’utilisateurs » (Hoarau, 2003). Nous pouvons ainsi par référence aux affirmations de Hoarau (1999) confirmer une telle proposition pour le contexte tunisien : le cadre de comptabilité et d’informations financières différentielles pour les PME. Ainsi, une telle stratégie qui prend en considération la culture et les besoins des utilisateurs et préparateurs des états financiers semble pertinente au contexte tunisien. Celle-ci permettra de réduire les coûts de production et de mise en place des normes comptables, suivre l’harmonisation internationale et faciliter la croissance des investissements étrangers et enfin éliminer certaines obligations qui peuvent peser lourd pour les PME tunisiennes. 24 Bibliographie BELKAOUI A.R. (1992), Accounting Theory, Third Edition, Academic Press. LAVIGNE A. (1999), « Des normes distinctes pour les PME? », CA magazine.com. UPTON W. ET FLEMING C. (2001), “Making IFRS Accessible to Small Entities and Entities Operating in Emerging Economies Some Issues and Questions”, Agenda Paper 4, SAC Meeting. HOARAU C. (1999), "Un Bilan pour un Vingtième Anniversaire", in numéro spécial, Les vingt ans de l’AFC, Comptabilité, Contrôle, Audit, pp. 5-12. HOARAU C. (2003), « Le passage aux normes IAS-IFRS : une révolution comptable ? », in dossier « IAS /IFRS », La Revue du Financier, n°144, pp. 4-6. HOARAU C. (2003), « Les normes IAS/IFRS : enjeux et défis de l’harmonisation comptable internationale », in dossier « IAS /IFRS », La Revue du Financier, n°144, pp. 7-17. Les rapports de recherches de l’ISAR Agreed Conclusions on Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, septembre 2001, 4 pages. Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, juillet 2001, 21 pages. Report of the Intergovernmental Working Group of Experts on International Standards of Accounting and Reporting on its 17th Session, août 2000, 24 pages. Agreed Conclusions on Promoting Transparency and Financial Disclosure: Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, juillet 2000, 3 pages. Accounting by Small and Medium-sized Enterprises, avril 2000, 33 pages. L’auteur Besma CHOUCHANE, membre du GREGOR à l’IAE de Paris - Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Elle prépare une thèse sur « les normes comptables et culture des acteurs de la comptabilité : Cas de la Tunisie » sous la direction du Professeur Christian HOARAU. [email protected] 21 Rue Broca 75240 Paris cedex 05. 25