L’impossible médiation entre fini et infini (Docte Ignorance, N. de Cues), par J.P. Hiltenbrand
définir la nature de la divinité. D’emblée, Nicolas de Cuse se trouve affronté à ce problème,
n’est-ce pas, et c’est le chapitre XXVI du livre I qui va y répondre et qui s’intitule «La théologie
négative» où il nous dit:
«Parce que le culte de Dieu, qui doit être adoré en esprit et en vérité, se fonde nécessairement
sur des affirmations positives au sujet de Dieu, toute religion s’élève nécessairement dans son
culte au moyen de la théologie affirmative adorant Dieu comme un et trine, comme infiniment
sage, bon, lumière inaccessible, vie, vérité et ainsi de suite, dirigeant toujours son culte par une
foi qu’elle atteint plus véritablement par la docte ignorance, croyant que celui qu’elle adore étant
un et uniment toute chose et que celui à qui elle rend son culte comme étant la lumière
inaccessible n’est pas comme la lumière matérielle – vous voyez là, déjà, il commence à faire
des distinctions – à laquelle s’oppose les ténèbres, mais la plus simple est l’infini dans laquelle
les ténèbres sont la lumière infinie. Elle croit que la lumière infinie luira toujours dans les
ténèbres de notre ignorance. Ainsi, la théologie de la négation est si nécessaire pour parvenir à
celle de l’affirmation que, sans elle, Dieu n’est pas adoré comme Dieu infini, mais plutôt comme
créature. Or, ce culte est une idolâtrie attribuant à l’image ce qui ne convient qu’à la vérité. Il
sera sans doute utile d’ajouter, à ce qui précède, quelques mots sur la théologie négative.
L’ignorance sacrée nous a enseigné un Dieu ineffable et cela parce qu’il est infiniment plus
grand que tout ce qui peut se compter et cela parce qu’il est au plus haut degré vérité.»
Voilà donc pourquoi ce détour par la théologie négative, parce que tout ce qui peut être énoncé
sur Dieu qui ne serait pas la figure divine, tout ce qui serait donc ce Dieu ne pourrait pas être dit
et, par conséquent, ça n’est que par la négation d’abord que l’affirmation peut se faire ensuite.
C’est formidable, n’est-ce pas, parce que là vous voyez déjà la démarche même de Freud à
propos de son article sur la négation. Donc, nous rencontrons plus de vérité, nous dit-il, en
écartant et en niant. Ce Dieu n’est ni père, ni fils, ni saint esprit, il est seulement infini et puis il
dira encore plus loin:
«…il est manifeste, dès lors, comment les négations sont vraies et les affirmations insuffisantes
en théologie».
C’est là son programme qui va l’amener aux mathématiques. «La précision de la vérité luit
d’une façon incompréhensible dans les ténèbres de notre ignorance et voilà donc la docte
ignorance que nous avons cherchée.» Voilà donc le programme, n’est-ce pas, qui, il faut le
dire, s’initie du mouvement de la théologie négative. J’insiste là-dessus parce que ce chapitre
XXVI va permettre à certains contradicteurs d’accuser Nicolas de Cuse de mysticisme puisque,
évidemment, cette théologie négative fait allusion indirectement à Maître Eckhart qui est réputé
être un mystique. C’est donc un temps essentiel à la démonstration, à savoir, le principe
d’ignorance indispensable avant toute affirmation de quelque chose qui va devoir être
démontré car n’appartenant pas au registre sensible. Concernant la divinité, ce qui la
caractérise est donc défaut, manque dans le savoir, d’où recours à ce qui est dans son temps la
science. Alors, les éclaircissements préliminaires qui est le chapitre II du livre I où il va donc
nous dire comment il va organiser son propos, donc il s’agit d’étudier ce que c’est que d’être le
plus grand:
«J’appelle maximum – maximum, je le dis tout de suite, c’est ce qu va désigner la divinité –
j’appelle maximum une chose telle qu’il ne puisse pas y en avoir de plus grande. – tout
simplement – Il est absolu, il est en acte, tout l’être possible, ne subit des choses aucune
restriction et en impose à toutes. Ce maximum, que la foi indubitable de toutes les Nations
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