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Risque, précaution : un débat citoyen.
Thibault Enjalbert
INSA Centre Val de Loire
88 Boulevard Lahitolle
18000 Bourges
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ABCD1
Risque, précaution : un débat citoyen.
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Démarche :
Aujourd’hui, étudiant ingénieur en maîtrise des risques industriels, j’ai remarqué que
ma formation ne prenait pas en compte la dimension sociétale des risques mais uniquement
leurs aspects techniques. Ce constat m’a poussé à développer une réflexion personnelle sur
l’éthique industrielle et plus précisément sur l’éthique des risques.
Cette réflexion me parait nécessaire et primordiale pour ma future intégration dans la
vie active en tant qu’ingénieur « gestionnaire » des risques. Ce concours d’éthique
professionnelle semblait donc tout indiqué pour servir de cadre à ma réflexion.
Je me suis intéressé à l’éthique des risques en prenant comme base de
documentation le principe de précaution. Ce principe est au cœur de l’actualité, en premier
lieu parce qu’il a été modifié dans la constitution en mai dernier par le Sénat et en second
lieu parce qu’il est très controversé et est notamment contesté par l’ancien président Nicolas
Sarkozy ainsi que certains députés.
Résumé :
Dans un premier temps, je montre le fonctionnement de notre société face au risque.
Une société sont trop souvent confondues l’éthique et la politique. Une société les
citoyens n’ont plus confiance dans l’Etat et dans les entreprises.
J’explique ensuite le principe de précaution et montre pourquoi ce principe relève
d’une volonté éthique. Cette explication m’amène à mettre en lumière les valeurs et principes
qui devraient diriger les scientifiques.
Enfin, dans la dernière partie, j’ai souhaité étendre ma réflexion aux décideurs afin
d’établir, pleinement, une éthique tripartie : citoyens, ingénieurs, décideurs. J’explique donc
dans cette partie ce que pourraient être les fondements d’une démocratie technique et les
valeurs que prôneraient ses décideurs.
Bibliographie :
- Le concept de risque. De l’épistémologie à l’éthique Céline Kermisch Editions
TEC & DOC, 2011
- Le Principe de précaution François Ewald, Christian Gollier, Nicolas de Sadeleer
Presses Universitaires de France, 2008
- Risques technologiques et débat démocratique Dominique Bourg, Alain Kaufmann -
La documentation Française, 2007
- Risques industriels et éthique Centre National des Risques Industriels, 2004
- L’analyse des risques. L’expert, le décideur et le citoyen B. Chevassus-au-Louis
Editions Quae, 2007
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Introduction :
Face aux risques, nous parlons de prévention, de prescription, de réglementation.
Mais ne faut-il pas avant tout parler d’éthique ? Les risques génèrent de nombreux
problèmes d’éthique qui peuvent être relatifs à : l’environnement, l’individu, la société et
même l’espèce humaine. Ces dernières années, des erreurs dans la prise en compte des
risques industriels et environnementaux (Tchernobyl, AZF) ont eu pour conséquence de
modifier la perception citoyenne des risques, créant méfiance, colère et rejet… De ce
sentiment est une confrontation entre le point de vue scientifique et le point de vue
citoyen. Dans ce face à face du « rationnel » et de « l’émotionnel », l’éthique nest elle pas
tout simplement ce petit supplément d’âme qui consiste à décliner, d’une façon plus
équitable, les notions de droits et devoirs ?
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Ainsi, dans un premier temps, il m’a semblé nécessaire de présenter le contexte de
cette société des risques : la distinction entre éthique et politique, la méfiance citoyenne et la
question de responsabilité.
Dans un second temps, j’expliquerai le principe de précaution, expression populaire,
décriée aujourd’hui, bien que reflétant une philosophie et une attitude empreinte d’éthique en
terme de maîtrise des risques. Cet exposé me permettra de mettre en évidence la nécessité
- de devenir, d’être, de former - des ingénieurs et scientifiques éthiques.
Enfin, j’aborderai la question de démocratie technique, l’impératif d’initier un débat
expert-citoyen et de poser les bases d’une gouvernance composée de décideurs éthiques.
Une société de risques,
1- Ethique et politique,
Le risque nous confronte à un certain nombre de problèmes situés à la croisée de
l’éthique et de la politique. En effet, l’Homme a trop longtemps cru que le développement de
la science, à lui seul, conduirait à la richesse, au bien être et à la sécurité de l’humanité. La
politique s’est, de ce fait, très longtemps désintéressée des flexions éthiques au profit
d’une innovation certes foisonnante mais parfois dangereuse. La prise de conscience
politique s’effectue petit à petit, au rythme des catastrophes marquantes : AZF, ESB
(maladie de la vache folle), Mediator. Les mesures de prévention sont trop souvent
envisagées à postériori, dès lors que la vérité scientifique est mise en défaut.
La certitude scientifique est une attitude prétentieuse voire démagogique mais avant
tout immorale. Or, la morale est le fondement de l’éthique. On pourrait tenter de définir
l’éthique par : la dimension de la pensée et du comportement humain qui est guidée par des
normes, des valeurs et des principes de bonne conduite. L’éthique est d’abord une affaire
personnelle, mais elle est aussi une pratique politique parce quelle a le souci du bien
commun.
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A la frontière de l’éthique et du politique se posent donc diverses problématiques
relatives au bien commun telles que la concertation, la responsabilité, la précaution et le
dilemme liberté/sécurité. Le bien commun impose à la politique une concertation éthique sur
l’importance relative des risques en donnant la possibilité aux citoyens et aux acteurs
concernés de définir une évaluation sociale des technologies. Cependant, cette entente
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Gérald Hayotte, ancien directeur du Centre National des Risques Industriels (2002-2007).
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Bruno Besson, journaliste spécialiste de l’industrie de la Défense.
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entre les différents acteurs semble difficile à mettre en place. D’où vient ce climat reflétant un
manque de confiance évident entre l’Etat, les entreprises et les citoyens ?
2- Le soupçon : conséquence d’un manque d’éthique,
Dans le contexte moderne, les dangers auxquels nous sommes confrontés ne
proviennent plus en premier lieu de l’univers naturel. Les menaces écologiques d’aujourd’hui
sont la conséquence d’un savoir socialement organisé, influant sur l’environnement par
l’intermédiaire de l’industrialisation.
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En effet, la science devient de plus en plus nécessaire,
mais de moins en moins suffisante à l’élaboration d’une définition socialement établie de la
vérité. L’omniprésence du risque dans les sociétés modernes s’explique par le rôle des
sciences, qui sont, dans le même mouvement, pourvoyeuses de risques et sources de
solutions à ces mêmes risques.
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Face à ce constat, l’incompréhension et la méfiance
citoyennes sont légitimes. Les entreprises apparaissent comme des organismes
déshumanisés, visant toujours plus de profits et générant sans cesse de nouveaux risques.
Quelle relation nouvelle faut-il donc établir entre entreprise et société ?
Le citoyen demande à l’Etat d’assurer sa protection contre des risques inhérents à la
vie en société. C’est une toute autre conception de l’organisation politique qu’impose
aujourd’hui le risque. Il suppose dans un premier temps un renforcement de la figure de
l’Etat et affirme dans un second temps la nécessité pour l’entreprise de retrouver la place
qui lui revient au sein de notre société : plus de transparence, de démocratie, de règles
établies, de responsabilités, de prise de conscience mais surtout, plus d’éthique. Ces
exigences du risque ne peuvent venir que d’une réflexion collective cherchant à définir un
« contrat social ». Un contrat comparable à celui de Jean-Jacques Rousseau : les citoyens
s’accordent sur un certain nombre d’avantages inhérents à la vie en société et paient en
même temps ces avantages de la vie en société. Payer, dans notre cas, les avantages et les
bénéfices qu’ils vont tirer de l’industrie en acceptant une contrepartie.
Ce « contrat social » exigerait donc des termes explicites, transparents, valables pour
tous, contestables et opposables à autrui devant les tribunaux. L’existence d’un tel contrat,
même tacite, pose cependant une question essentielle. L’acceptation tripartie (Etat,
entreprises, citoyens) annule elle toute responsabilité individuelle en ne prenant en compte
qu’une responsabilité collective ?
3- Risque et responsabilité.
Du latin responsus, de respondere, la responsabilité indique une réponse à donner.
Toute personne doit pondre de ses actes. La responsabilité met en jeu : un sujet,
détenteur de responsabilité, un destinataire, à l’égard de qui le sujet est responsable et une
tierce personne ou instance vis-à-vis de laquelle le sujet doit rendre des comptes. Dans
notre cas, l’entreprise serait le sujet, les citoyens le destinataire et l’Etat l’instance
régulatrice. C’est pour appliquer cette responsabilité au domaine des risques technologiques
que Hans Jonas
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a fondé le principe de responsabilité : « une volonté d’ancrer le
développement scientifique dans une théorie de valeurs ». Ce principe nous propose une
éthique où chacun, à son niveau, devient garant de l’avenir de l’humanité sur Terre.
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Lord Anthony Giddens, sociologue Britannique, professeur à l’université de Cambridge.
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Ulrich Beck, sociologue Allemand auteur de « La Société du risque » (1986).
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Hans Jonas, philosophe Allemand et historien du gnosticisme.
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