Le Kabbalah Centre : entre tradition et New Age 
 
En  février  et  mars  derniers,  plusieurs  membres  de  la  famille  Berg,  leaders 
spirituels  du  Kabbalah  Centre,  rendaient  visite  au  jeune  Kabbalah  Centre  de 
Moscou et à sa « communauté  kabbalistique »,  qui  existe  depuis  un peu plus 
d’un  an.  L’occasion  pour  les  dirigeants  du  KC d’inaugurer  de  nouveaux 
bâtiments  en  plein  centre  de  Moscou  et  de  constater  l’expansion  du 
mouvement  en  Russie.  « Nouveau  mouvement  religieux »  pour  les  uns, 
« secte »  pour  les  autres,  le  Kabbalah  centre  jouit  d’une  importante  visibilité 
dans le paysage de la spiritualité contemporaine. Si le mouvement, fondé dans 
les  années  1960  aux  Etats-Unis  par  Philip  Berg,  trouve  son  origine  dans le 
judaïsme, il a su, par une constante réélaboration de son discours, atteindre un 
public bien plus large, au-delà de l’appartenance religieuse.  
 
Le Kabbalah Centre se présente comme une association dont le but est de rendre la 
kabbale accessible,  compréhensible  et  utilisable dans  la  vie  quotidienne. Dans  son 
chef, la kabbale est définie comme une sagesse ancienne qui fournit des instruments 
pratiques pour atteindre le bonheur et un épanouissement durables. Si l’on ne peut 
manquer  de  discerner  là  un  vocabulaire  teinté  de  New  Age,  historiquement,  les 
choses  s’avèrent  plus  complexes.  L’association  tire  son  nom  du  terme  hébreu 
kabbalah  qui,  dans  l’histoire  du  judaïsme,  désigne  l’ensemble  des  textes  et  des 
pratiques  qui  constituent  l’ésotérisme  juif.  Traditionnellement,  ces  textes  se 
présentent  sous  la  forme  de  commentaires  des  Ecritures  et  s’adressent  à  des  juifs 
religieux, rompus à l’étude du corpus traditionnel et de son commentaire, observant 
l’ensemble des commandements de la loi juive.  
 
Dans ses divers outils de communication, particulièrement bien affûtés, on lit que le 
Kabbalah Centre se réclame de Yehudah Ashlag, rabbin et kabbaliste polonais, issu 
d’une famille hassidique. Ashlag est célèbre pour avoir initié une vaste entreprise de 
diffusion de la kabbale, à travers la publication de commentaires et de traductions de 
textes classiques de la kabbale en hébreu moderne. Contrairement à ce que mettra 
plus tard en place le Kabbalah Centre, l’œuvre d’Ashlag s’adressait avant tout à des 
Juifs, idéalement à des Juifs pieux, pratiquants. Dans les années 1960, alors que le 
mouvement prend son essor sous l’égide de Philip Berg, le public visé est élargi non 
seulement  aux  Juifs  non  pratiquants,  mais  aussi  aux  non  Juifs.  C’est  là  le  versant 
plus  universaliste  du  Kabbalah  Centre,  ce  qui  en  fait  un  « Nouveau  Mouvement 
religieux » qui confine au New Age.  
 
Ainsi,  dans  la  première  introduction  à  l’édition  bilingue  du  Zohar  hébreu/anglais, 
Philip Berg réfute l’idée – « populaire » selon lui – que le peuple juif aurait été élu à 
l’exclusion des autres. La révélation s’adresse à tous. Dès lors, si la référence à ce 
qui  constitue  le  judaïsme  est  bien  présente  (son  corpus  littéraire,  ses  membres 
fondateurs,  sa  tradition),  l’ensemble  des  termes  sont  investis  de  significations 
nouvelles, plus fédératrices. Ainsi le terme « juif » en vient à désigner toute personne 
qui se comporte d’une manière généreuse, tolérante et sensible, qui agit de manière 
divine,  avec  compassion  envers  toutes  les  créatures  de  Dieu.  Les  événements  de 
l’histoire  biblique  sont  réinterprétés  en  termes  de  « Lumière »,  d’épanchement  plus 
ou  moins  important  de  celle-ci,  voire  de  son  retrait.  Le  vocabulaire  religieux 
traditionnellement  lié  à  la  kabbale  est  évacué  au  profit  d’une  théorie  au  service  du 
bien-être de l’individu et, par extension, de la société.