En Irlande, les catholiques veulent faire entendre leur voix

publicité
En Irlande, les catholiques veulent faire entendre leur voix
http://w w w .la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/En-Irlande-les-catholiques-veulent-faire-entendre-leur-voix-_NP_-2012-06-11-817208
June 21, 2012
Le Congrès eucharistique international s’est ouvert dimanche 10 juin à Dublin.
Alors que les scandales de pédophilie ont entaché la crédibilité de la hiérarchie catholique irlandaise,
de plus en plus de laïcs revendiquent une voix dans l’Église.
À l’évidence, la fête ne pouvait ressembler à celle du Congrès eucharistique international de 1932. À
l’époque, un million d’Irlandais avait envahi Dublin pour une gigantesque procession eucharistique.
Mais même sans vouloir comparer, beaucoup de participants affichent leur déception en ce dimanche,
en voyant les gradins de la Royal Dublin Society à moitié vides pour la cérémonie d’ouverture du 50e
congrès eucharistique. À peine 12 000 pèlerins contre les 20 000 attendus, dont une majorité
d’étrangers.
Parmi les participants, Andrew O’Connell, 35 ans, s’emploie à rassurer les Irlandais : « Il faut que nous
nous préparions à être encore beaucoup moins nombreux à l’avenir, mais une minorité créative. »
Ancien ingénieur, Andrew s’est reconverti professionnellement voici six ans en une sorte de « coach »
pour son Église en crise. Chaque semaine, ce jeune laïc, directeur de communication des Frères de
la Présentation, est appelé dans les paroisses et les écoles de la verte Erin pour des conférences sur
le renouveau de l’Église irlandaise…
De fait, si les scandales de la pédophilie et leur couverture ont sévèrement miné la crédibilité de la
hiérarchie catholique irlandaise, condamnée à faire profil bas, les laïcs, eux, n’ont jamais autant fait
entendre leur voix. Dernière initiative en date, en vue du Congrès eucharistique, un réseau de
trentenaires a monté Catholic Comments, pour former des jeunes à relayer le message de l’Église
dans les médias. « Nous sentons que l’Église, c’est aussi nous ! J’ai été choquée par les scandales
de pédophilie, mais cela m’a motivée pour participer au renouveau », affirme Catriona Curran, 33 ans,
qui passait hier matin pour la première fois sur les ondes nationales.
Le Concile n’a « jamais été vraiment appliqué en Irlande »
Cette prise de parole paraît évidente aux jeunes générations, mais elle a le goût d’une libération pour
les catholiques âgés de 60-70 ans. « J’ai grandi dans une culture oppressive, il ne fallait jamais dire un
mot sur l’Église », raconte Noel McCann, 61 ans, directeur des équipements du Trinity College. Pour
lui, les révélations sur les scandales pédophiles en 2009 ont brisé la « chape de plomb ».
« Les gens avaient besoin d’exprimer leur colère, leur tristesse. Nous avons commencé par nous
réunir dans le pub en face de l’église, à Howth, puis créé un groupe de parole qui a pris de l’ampleur. »
Aujourd’hui, Noel McCann et son équipe sont en train de monter une association « pour le renouveau
et la réforme de l’Église » destinée à fédérer des assemblées de laïcs dans tout le pays et à relayer
leur voix auprès des évêques.
Avec l’Association des prêtres catholiques, créée il y a deux ans et qui réunit un quart des clercs
irlandais dont certains, très médiatiques, ont été récemment censurés par le Vatican, ces laïcs se
réclament de Vatican II pour revendiquer « plus de dialogue, de responsabilité et d’ouverture à tous. »
À leurs yeux, le Concile n’a « jamais été vraiment appliqué en Irlande ». De fait, les conseils
paroissiaux n’ont été introduits qu’il y a six ans à Dublin, et les six premiers diacres permanents
d’Irlande ordonnés la semaine dernière.
« Comment prêcher la subsidiarité lorsqu’on ne les pratique pas au sein de
notre Église ? »
Mais pour eux, cela doit aller plus loin. Sans prétendre « remettre en cause des dogmes », ce groupe
fait valoir un récent sondage révélant qu’une majorité de catholiques diverge de l’enseignement
traditionnel de l’Église sur les questions de morale sexuelle (célibat, ordination des femmes,
homosexualité) pour demander aux évêques d’ouvrir des espaces de débat… Ils trouvent un certain
écho dans les paroisses où les catholiques s’inquiètent de ne plus voir de jeunes et de l’écart qui se
creuse avec la société irlandaise, de plus en plus distante de l’Église catholique.
Sans adhérer à ces associations, de nombreuses femmes très engagées dans l’Église les
soutiennent. « Je suis laïque, j’ai fait des études de théologie, mais j’ai encore souvent l’impression
que les prêtres et les évêques veulent qu’on travaille pour eux et non avec eux », confie Claire Carey,
55 ans, responsable du networking des missionnaires de Saint-Colomban.
« Comment prêcher la justice sociale, le bien commun, la subsidiarité dans notre société lorsqu’on ne
les pratique pas au sein de notre Église ? Quelle est la dignité des femmes si elles restent toujours à la
marge ? » s’enflamme à son tour Cathy Molloy, professeur de théologie au centre jésuite Justice and
Faith.
« Nous devons apprendre la culture du synode »
Si tous, jeunes ou plus âgés, aspirent à un renouveau, ces prises de parole polarisent les générations.
De fait, les jeunes catholiques irlandais sont peu sensibles à la réforme des structures. « L’Église a
besoin d’un renouveau spirituel, pas d’une réforme politique », remarque Ciara Davin, juriste de 35
ans.
Jimmy et Trace O’Brien, 37 ans, proches du mouvement Jeunesse 2000, parents de quatre enfants,
estiment quant à eux que leur rôle premier est « de réévangliser la société, de mener des batailles plus
importantes face à la réforme de l’éducation à venir et la dépénalisation de l’avortement que notre
gouvernement projettent de mener à terme ».
Pour répondre aux demandes de réforme, plusieurs diocèses ont lancé des listening sessions
(sessions d’écoute). À Belfast, ce processus déjà bien avancé doit déboucher sur un synode en 2013.
À Killaloe, les paroisses ont été invitées à se rassembler pour discuter de l’état de l’Église.
« Il nous a fallu accepter d’entendre la colère de personnes, pourtant très engagées dans leur
paroisse, mécontentes de la manière dont les affaires de pédophilie ont été gérées. Il nous faut, à
nous évêques, leur donner l’opportunité de s’exprimer. Nous devons apprendre des autres pays
d’Europe la culture du synode. C’est un processus, avance Mgr Kieran O’Reilly, évêque de Killaloe :
mais cela prendra du temps. »
Téléchargement