Accélération thermodynamique du mouvement de rotation de la terre W. Thomson To cite this version: W. Thomson. Accélération thermodynamique du mouvement de rotation de la terre. J. Phys. Theor. Appl., 1882, 1 (1), pp.61-70. <10.1051/jphystap:01882001006100>. <jpa-00238037> HAL Id: jpa-00238037 https://hal.archives-ouvertes.fr/jpa-00238037 Submitted on 1 Jan 1882 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. 61 ACCÉLÉRATION THERMODYNAMIQUE DE LA PAR SIR W. DU MOUVEMENT DE ROTATION TERRE; THOMSON, F. R. S. C’est un fait aujourd’hui bien connu, et il a été signalé, je crois, pour la première fois par Kan t et porté depuis par Delaunay presque au rang d’une vérité pratique, que, par suite de !’impairfaite fluidité des eaux de l’Océan, les marées ont pour effet de diminuer la vitesse de rotation de la Terre. Toutes les pertes d’énergie qui résultentdes frottements intérieurs ou, plus correctement, de la déformation continue de la masse fluide, dans les oscillations de la marée, ont pour résultat final de déplacer, pour l’ensemble des points du globe, l’heure de la haute mer; celle-ci ne correspond ni au passage ni à 6 heures) comme cela aurai L lieu si l’Océan était parfaitement fluide, mais à une époque intermédiaire entre ces deux instants (1). Ainsi, pour la marée lunaire, 1’effet général de la déformation des eaux peut être représenté par deux protubérances diamétralement opposées; seulement l’axe de ces protubérances n’est pas dirigé suivant la Lune et l’anti-Lune, mais est incliné sur la ligne qui joint ces deux points dans le sens indiqué dans la fig. I, dans laquelle AM est la droite qui joint la Lune et l’anti-Lune, et HH’ l’axe du sphéroïde idéal qui représenterait, à un instant donné, l’ensemble du niveau des eaux à la surface du globe. Sur la figure, cet angle est pris égal à 87° 30’, ce qui revient à supposer que l’heure de la haute mer est, en moyenne, 6 heures moins 1o minutes, temps lunaire, pour toute la Terre. Il est évident que, dans ces conditions, la résultante des actions exercées par la Lune sur les parties liquides et les parties solides (1) Par abréviation, j’appelle passage l’heure du passage au méridien soit de l’astre, Soleil ou Lune, qui produit la marée, soit du point du ciel qui lui est diamétralement opposé, et six heures, l’instant qui sépare en deux parties égales l’intervalle qui s’écoule entre deux passages consécutifs ainsi définis. Supposons, pour fixer les idées, qu’il s’agisse de la marée lunaire seule, abstraction faite de celle qui est due au Soleil : j’appelle six heures l’instant qui précède ou suit de six heures lunaires le passage de la Lune au méridien. J. de Phys.) 26 série, t. 1. ( Février 1882.) 3 Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:01882001006100 62 constituent le globe n’est pas une force unique dirigée suila ligne MC des centres ; mais qu’on peut la représenter, à la manière de Poinsot, par le système d’une force unique dirigée suivant cette droite et d’un couple de sens opposé à celui des flèches qui indiquent sur la figure le sens de la rotation de la Terre. Il en résulte que l’action de la Lune est équivalente à celle d’un frein qui s’opposerait au mouvement de la Terre. Il est évident qu’il en serait de même de l’action du Soleil, dans les mêmes conditions. qui vant Fi a. 1. L’effet serait inverse et tendrait, au contraire, à accélérer le de rotation, si l’axe HH’ des protubérances avait la position indiquée dans la flg. 2. Or, il résulte des observations que ce cas est précisément celui que présente le Soleil par rapport, non pas aux eaux de l’Océan, mais à l’atmosphère terrestre. La Table ci-jointe donne le résultat, pour la période diurne, de l’application de l’analyse harmonique de Fourier, faite par M. Simmonds, aux observations barométriques recueillies sur des points très variés du globe. Dans la formule qui est en tête du Tableau, E représente l’excès de la pression barométrique sur la moyenne diurne au temps 0, compté en degrés à partir de minuit, à raisoli de 150 par heure solaire moyenne, R1 et C,, R2 et C2, R3 et C3 mouvement 63 désignent les amplitudes et les arcs qui correspondent aux maximum des trois premiers termes de la série de Fourier. Les cinq premières colonnes du Tableau donnent l’indication des lieux et des époques des observations qui ont servi à calculer les valeurs de R et de C. Fig. 2. Un fait extrêmement remarquable ressort de l’examen de ce Tableau : c’est que l’amplitude R2 des termes semi-diurnes est, pour la plupart des stations, et principalement pour celles qui sont comprises dans les quarante premiers degrés de latitude de part est d’autre de l’équateur, notablement plus grande que l’amplitude Iz, du terme diurne. La cause de l’oscillation semi-diurne de la pression barométrique ne peut pas être cherchée dans l’attraction du Soleil et considérée comme un effet de la marée solaire ; car, s’il en était ainsi, l’effet de la Lune serait beaucoup plus considérable. Or l’observation du baromètre montre que la marée lunaire atmosphérique est nulle ou peu s’en faut. La variation solaire diurne du baromètre est donc nécessairement un effet de la température. 64 65 variaD’un autre côté, en appliquant l’analyse de Fourier tions diurnes de la température, on trouve que pour la plupart des stations, sinon pour toutes, le terme diurne est beaucoup plus important que le terme semi-diurne. Il n’en est que plus remarquable que l’oscillation barométrique, qui en est la conséquence, soit aux principalement une oscillation semi-diurne. Il est probable que l’explication de ce fait doit être cherchée dans la valeur de l’oscillation propre de la masse atmosphérique et qu’on la trouvera dans les formules mêmes que Laplace a données dans la Mécanique céleste pour l’Océan, mais qu’il a montrées s’appliquer aussi à l’atmosphère. En substituant dans ces formules l’influence thermique aux actions attractives pour la production des marées et en cherchant les modes d’oscillation qui correspondent respectivement aux termes diurnes et semi-diurnes de l’influence thermique, on trouvera probablement que la période d’oscillation propre dans le premier cas s’accorde beaucoup moins bien avec une durée de vingtquatre heures que la seconde avec une durée de douze heures; il est tout naturel alors que, dans le second cas, une force comparativement moindre puisse produire un effet beaucoup plus considérable. L’examen du Tableau montre que, à une exception près, celle de Sitka, station de l’hémisphère nord, pour laquelle R2 est très petit, les valeurs de C2 sont toutes positives et correspondent à des angles aigus; on trouve 6103’ pour moyenne des 3o nombres du Tableau. Si l’on attribuait à chacune des valeurs de C2 un poids en rapport avec la valeur de R 2 correspondante, on trouverait un nombre encore plus grand pour la valeur moyenne de C,. Mais il suffit, pour notre but actuel, d’admettre que cette moyenne est d’au moins 60°. En se reportant à la formule, on en déduira cette conséquence, que le maximum du terme semi-diurne tombe un peu avant IOh du matin et un peu avant IOh du soir; pour C, = 60°, ce serait exactement 1 Oh. Les observations, et aussi la théorie, sont encore trop incomplètes pour qu’on en puisse déduire la loi de variation de R2 en fonction de la latitude. Les observations contenues dans le Tableau montrent n éanmoins, comme du reste pouvait le faire pressentir la théorie des marées de Laplace, que dans les régions polaires la di- 66 minution est plus rapide que ne le comporterait la loi du carré du cosinus de la latitude k. Il est d’ailleurs facile de reconnaître, à l’inspection du Tableau, que la formule R2 = cos2?,.op°,o32 suffit à représenter, dans une première approximation, la distribution des excès barométriques à la surface du globe, c’est-à-dire l’épaisseur en chaque point de la couche sphéroïdale elliptique qui donnerait lieu au même couple résultant que la marée atmosphérique. En laissant de côté les mesures anglaises, qui sont véritablement intolérables, nous écrirons cette formule la colonne harométrique correspond toujours au d’air qui existe au-dessus du point considéré, poids la température, et l’on peut ajouter aussi, de indépendamment on ne considère que des moyennes relatives à plusieurs staquand tions, indépendamment du vent (i). Pour chaque centimètre en plus ou en moins dans la colonne mercurielle, il y a 13gr, 596 ou, en nombre rond, 14gr d’air en plus ou en moins au-dessus de chaque centimètre carré de la surface horizontale. La fig. 2, dans laquelle la ligne SA fait un angle de 30° avec la ligne HH’ (ce qui correspond à C2 60), représente la des le distribution pressions et par conséquent poids de la masse d’air au-dessus de chaque point d’un parallèle quelconque ou tout au moins d’un parallèle distant de l’équateur de moins de 60° dans l’un ou l’autre hémisphère. Si l’on suppose qu’on ait pris en chaque point l’épaisseur égale au produit de cos2k par ocm, o8, la Maintenant, de la masse = ( t ) Par les vents très forts le baromètre peut rester sensiblement au-dessus ou au-dessous de la valeur qui correspond au poids de la masse d’air, suivant que la pièce où il est placé a ses fenêtres tournées vers le vent ou à l’opposé. L’erreur provenant de cette cause peut se manifester dans les moyennes diurnes d’un baromètre donné, par suite des variations périodiques diurnes de la direction du vent; mais elle doit être très peu de chose pour un baromètre placé dans des conditions convenables, et, dans tous les cas, elle doit disparaître quand on prend la moyenne de plusieurs instruments placés arbitrairement dans des édifices différents et en diverses parties du globe. On peut remarquer, en passant, que dans un observatoire météorologique, le choix de la pièce où est placé le baromètre ne doit pas être absolument arbitraire. Les ouvertures de la pièce sur l’extérieur doivent être disposées symétriquement par rapport aux différentes directions et aussi par rapport à l’abri contre le vent qui est produit par les autres parties du bâtiment. 67 couche ombrée représente la couche de mercure qui, répandue à la surface de la Terre, donnerait lieu, par suite de l’attraction solaire, au méme couple résultant que l’atmosphère. Pour évaluer ce couple, nous emploierons la formule connue (THomso; et TAIT, Natural Philosophy, Vol. l, Part 1, § 539) relative à l’attraction mutuelle d’ une masse M non concentrée en un point, et d’une masse m placée en un point situé à une grande distance formule dans laquelle à trois x, y,z sont les coordonnées de la masse in par rapport rectangulaires OX, OY, OZ coïncidant avec les axes principaux d’inertie de la masse M; B et C les moments d’inertie de cette masse M par rapport aux axes OY et OZ, et enfin L le moment par rapport à l’axe OX du couple qu’on obtient en transportant parallèlement à elle-même chacune des actions élémentaires, exercées sur la masse M, au centre d’inertie de cette masse. Supposons que le corps M soit un ellipsoïde homogène ayant a, b et c pour demi-axes; on a Pour dessus, un axes ellipsoïde allongée ayant T r les dimensions indiquées ci- on a T étant le rayon de la Terre en centimètres. Dans le cas de lafig’. 2, nous aurons D étant la distance du Soleil à la Terre. On a, par Dans suite, cette formule, M représente la masse d’un volume de merégal au volume de la Terre ; de sorte que, si E est la masse de la Terre, M = 2, 5 E. Maintenant "2E est l’action attractive du D cure 68 Soleil sur Si S la Terre ; si est la masse on la représente du Soleil em par grammes, F, on aura on a l’attraction de la Terre sur un gramme de matière surface est environ 980 dynes; il viendra donc enfin placé puisque à sa En représentant par 1 le entre l’accélération angulaire moment dw dt et d’inertie de la Terre, le moment du on couple L, aura, la re- lation Si l’on admet la loi de partir de la surface, on a au lieu de néité. On On a 1=25 aura r2E Laplace pour la variation approxilnatj ven1ent qu’on obtiendrait dans le cas de l’homogé- donc d’ailleurs D3 r3= 12,3.1012; s = 31,g.io4r; et, par de la densité à i-- 6,37o.ios centimètres, sui te, Il viendra donc pour l’accélération angulaire , c’est-à-dire l’accroissement de la 69 vitesse angulaire Terre étant pour chaque seconde. La vitesse angulaire de la actuellement86400 - - approximativement137001, l’accé- lération relative ou sera Il y a 31, 5.106 secondes dans une année et 3150. 106 secondes dans un siècle. Le rapport du gain total de vitesse pendant un siècle à la vi tesse elle-même es L donc Pour interpréter ce résultat, considérons deux chronomètres A B marchant pendant un siècle dans les conditions suivantes : Le chronomètre A garde le temps d’une manière absolue ; il est réglé au commencement du siècle de manière à marquer le temps sidéral, puis abandonné à lui-même. Le chronomètre B est réglé jour par jour et d’année en année, pendant tout le siècle, sur le temps sidéral. A la fin du siècle, la vitesse de B dépasse celle de A de 1,7. 10-9 seconde par seconde; comme cet accroissement a été acquis uniformément, on peut dire que, pendant le cours du siècle, la vitesse moyenne de B a dépassé celle de A de 0,8. 10-9 seconde par seconde. Par suite, pendant le siècle, B a pris une avance totale de 3,15.109.0,8.10-9 ou 2,7 secondes. En fait, il se produisait en même temps et en sens inverse une différence neuf fois plus grande dans la marche des deux clirono- et mètres. En reprenant les calculs de Laplace sur l’accélération du moyens de la Lune produite par l’attraction du Sôleil, Adams est arrivé à ce résultat, que notre chronomètre B, réglé chaque jour sur le temps sidéral, retarderait au bout d’un siècle de 22 secondes sur le chronomètre A (voir Thomson et Tait, Natllral Plzzlosophy, Ire édition, Vol. 1, § 830, ou 2e édition, Vol. I, Ire Partie, § 40t». Ce fait, qui peut être considéré comme démontré approximativement par la théorie et par l’observation, a reçu de Delaunay une interprétation dont il ne paraît pas possible de mettre en doute l’exactitude : il est une conséquence du frottement de la marée. Il suffit de changer convenablement les données pour que les mouvement 70 formules précédentes nous donnent ce retard dû à la marée, comme elles nous ont donné l’accélération thermodynamique. Revenons à la fig. i; supposons que la couche sphéroïdale représente non plus l’atmosphère comme dans lafig. 2, mais la masse des eaux; si nous prenons égal à lm l’excès du plus grand rayon sur le petit, la figure représentera d’une manière assez exacte, pour toute la surface de la Terre, la forme générale des eaux, telle qu’elle résulte de la marée. Si dans ces deux cas l’obliquité était la méme, et que le Soleil restât toujours la masse attirante, nous trouverions une valeur de L fois plus grande que plus haut; si, tout restant le même, on substituait la Lune au Soleil, la valeur de L deviendrait g r , 8 fois plus grande (en effet, la masse de la Lune, divisée par le cube de sa distance à la Terre, est le double de la masse du Soleil divisée par le cube de sa distance). Pour mettre d’accord le résultat d’Adams et l’explication de Delaunay, il faut que, dans le second cas, le moment du couple soit seulement dix fois ce qu’il est dans le premier. Il suffit pour cela d’incliner la ligne HH’ sur la ligne AM d’un angle H CM, tel que On trouve ainsi, pour HCM, 87-30’- C’est avec cet angle qu’a été construite la fig. 1 . Ainsi, en partant, d’un côté, des résultats fournis par l’observation sur la forme de l’atmosphère terrestre, d’un autre côté, des évaluations que nous avons faites sur la valeur moyenne de la n1arée lunaire, nous arrivons à ce résultat que, dans le cours d’un siècle, le chronomètre B prend, par rapport au chronomètre A, une avance de 2,7 secondes en vertu de l’accélération thermodynamique, et un retard de 25 secondes par suite du ralentissement dû à la marée. Le résultat final est un retard de 22, 3 secondes ou tout simplement 22 secondes, c’est-à-dire le résultat trouvé par Adams.