
12 | La Lettre du Rhumatologue • No 386 - novembre 2012
L’épaule du patient paraplégique
DOSSIER GREP
Épaule neurologique
ou peuvent avoir un lien avec un traumatisme de
la ceinture scapulaire ou du complexe articulaire
de l’épaule.
◆Syndrome régional douloureux complexe
C’est une entité particulière qu’il faut savoir évoquer,
complication assez fréquente à la phase aiguë des
lésions médullaires cervicales, associant des signes
locaux, souvent diffus sur l’ensemble du membre
supérieur, et des douleurs de caractère neuro-
pathique. L’atteinte est souvent bilatérale (3, 9).
Le diagnostic et le traitement restent diffi ciles (10).
Durant la phase chronique
À cette période, les douleurs sont essentiellement
nociceptives, liées à une instabilité ou aux lésions de la
coiffe, avec des stades évolutifs progressifs, en rapport
avec la surutilisation. Les diagnostics vont de la tendi-
nopathie à la rupture de coiffe (7, 11). Il est important
de rapporter la prévalence de ces douleurs du membre
supérieur, qui sont proportionnelles à l’ancienneté de la
paraplégie, avec une prévalence variant de 12 % lorsque
la lésion médullaire date de moins de 5 ans, à 20 %
lorsqu’elle date de 15 à 20 ans, et jusqu’à 100 % quand
elle date de plus de 25 ans (11). Selon la même étude,
ces douleurs intéressent l’épaule, le coude et le poignet
dans respectivement 39, 31 et 40 % des cas (11). Des
lésions de coiffe sont observées en IRM dans 63 % des
cas chez le blessé médullaire, contre seulement 15 %
dans une population témoin (6). À cette fréquence et à
cette gravité, il faut ajouter le caractère le plus souvent
bilatéral des lésions, mettant en cause l’utilisation du
fauteuil roulant. Ces résultats sont comparables à ceux
d’une étude échographique récente (12).
De nombreux facteurs favorisant ces douleurs ont
été rapportés, essentiellement en lien avec la sur-
utilisation. Il s’agit, sur le plan biomécanique, de la
compression de la coiffe sur la voûte acromiale, avec
d’importants efforts de cisaillement lors des phases
cycliques de propulsion du fauteuil roulant et, par
ailleurs, une importante sollicitation des amplitudes
et des contraintes soit en impaction de l’épaule, soit en
rotation, pouvant aboutir à une véritable instabilité (7).
Traitement
Compte tenu de l’évolution lésionnelle des épaules,
il est nécessaire, tout au long de la prise en charge
du blessé médullaire, et ceci dès la phase initiale,
d’être très attentif aux capacités de mobilité et
de stabilité de l’épaule. Les résultats d’une étude
récente montrent que la prise en charge précoce en
rééducation est importante pour assurer d’ emblée
une bonne amplitude articulaire passive (13). Ainsi,
la limitation des amplitudes d’épaule en fi n de réé-
ducation est corrélée à une diminution de la mesure
d’indépendance fonctionnelle (MIF) [score moteur] et
de la capacité de propulsion du fauteuil. Cet objectif
de maintien des amplitudes doit être poursuivi tout
le temps de la prise en charge. De ce fait, des stages
répétés de réadaptation peuvent être envisagés tout
au long de la vie du patient blessé médullaire.
Le traitement est le plus fréquemment conserva-
teur et médical. Il associe un traitement antalgique
médica menteux, un traitement local (physio thérapie,
massages), une kinésithérapie adaptée aux lésions
articulaires et musculaires (étirement, maintien de
la mobilité passive), une éducation fonctionnelle
(kinésithérapie et ergothérapie pour des techniques
de transfert, de propulsion), l’usage d’aides tech-
niques (adaptation du fauteuil roulant, du siège et du
positionnement des roues, aides à la propulsion) et la
pratique éventuelle de sports ou d’activités physiques
adaptées (8, 14, 15).
Le traitement chirurgical reste encore assez rarement
proposé, mais les recommandations actuelles vont
vers un bilan plus précoce – à la recherche de lésions
(instabilité) et de facteurs anatomiques péjoratifs –
et, le cas échéant, la proposition de traitements
chirurgicaux précoces, peu invasifs, permettant de
préserver le capital ostéoarticulaire (7).
Conclusion
L’atteinte de l’épaule est très fréquente chez le blessé
médullaire, mais peu d’études prospectives ont été
réalisées. Les facteurs favorisants connus sont essen-
tiellement de caractère mécanique, en lien avec la
surutilisation et le délai par rapport à la survenue
de la lésion médullaire.
Une prise en charge préventive précoce, dès la phase
initiale, avec le maintien des amplitudes articulaires
et de prévention des contraintes (transferts, propul-
sion en fauteuil), un suivi médical régulier et une
adaptation des conditions techniques mais aussi
de l’état ostéoarticulaire et musculaire de l’épaule,
toute la vie, ainsi que la recherche de causes anato-
miques aggravantes et la prise en charge éventuelle
de lésions encore minimes doivent permettre de
limiter le retentissement fonctionnel et l’altération
importante de la qualité de vie qu’entraînent ces
pathologies de l’épaule du blessé médullaire. ■